CHANSON AUTISTE POUR LE PRINTEMPS... ET LE «MOIS DE L'AUTISME»
Article publié en avril 2015
1. La couleur des difficultés
2. Une chanson sur l'autisme, sur un air de rigaudon
3. Le Bleu, couleur de la peur
4. Pour nos propres symboles
2. Une chanson sur l'autisme, sur un air de rigaudon
3. Le Bleu, couleur de la peur
4. Pour nos propres symboles
Le docteur, de Samuel Lukes Fildes (Wikipédia) |
Avril est le mois de l’autisme au Québec. Pourquoi Avril?
Qui a décidé cela? Je ne le sais pas, et mon petit doigt me dit que ce n’est
certainement pas une personne autiste car on ne leur demande rarement leur avis,
y compris lorsqu’il est question d’elles. Mais peu importe! Alors pour fêter
Avril et l’autisme, je pars d’un constat pour vous mener vers une chanson. J’ai observé que quand il s’agit de
nous, personnes autistes, les autres interprètent tout ce que nous vivons en le
rapportant à l’autisme. Surtout nos difficultés. Ah, nos difficultés! Toutes nos difficultés proviennent du fait que nous
sommes autistes. Et à les écouter, nous vivons beaucoup plus de difficultés,
pauvres de nous. Notre vie est un calvaire quotidien, un chemin de croix de
tous les instants. Non, ce n’est pas drôle d’être autiste!
La couleur des difficultés
Mais c’est curieux. Comme un
chat, j’observe la vie, les gens, la société. Et savez-vous quoi? Je ne connais
pas beaucoup de gens qui n’ont connu ou ne connaissent aucune difficulté, aucun
échec, aucun deuil, aucune maladie, aucun revers financier ou professionnel… Pour
combien de personnes la vie se résume-t-elle à un long fleuve tranquille, sans
incident, sans erreur, sans anicroche, tout lisse, tout beau, tout rose, tout
en bonheur, sérénité, prospérité, santé, succès? Ah, je pourrais dire :
«Mon Dieu que la vie, c’est pénible pour les Neurotypiques!» (Neurotypique =
personne non autiste). Mais je ne le dis pas. La vie est étrange : il y a
de bons et de moins bons moments; il y en a même des éprouvants, cela pour tout
le monde. Donc, lorsqu’il est question des «difficultés» des personnes
autistes, il importe de mettre en perspective. Il ne faut évidemment pas tout
mettre ce qui est difficile sur le dos de l’autisme : ce serait commettre
ce que la psychologie nomme une distorsion
cognitive ou une pensée erronée.
Bien sûr que les personnes autistes connaissent des difficultés dans la vie,
mais lesquelles sont vraiment liées à leur condition et lesquelles ne sont que
les aléas normaux et habituels du simple fait d’être vivant? Il n’est pas si
facile de répondre à cette question, bien que la tendance soit de mettre toute
difficulté à la charge de l’autisme. Par contre, on est beaucoup moins empressé
de mettre les réussites et les bons coups de la personne autiste au crédit de
son esprit autistique! Pourquoi donc? Probablement parce qu’encore aujourd’hui,
l’autisme est considéré comme essentiellement négatif, ce qui est une croyance
fausse mais tenace.
Je ne sais pas si les Autistes
vivent davantage de difficultés au quotidien que les Neurotypiques. Mais je dirais que la couleur
de nos difficultés est souvent particulière. Je fais une exception pour le
merveilleux monde du travail qui est censé être si épanouissant, favoriser la
réalisation de soi, forger l’identité de la personne… Le «monde du travail»,
chose que certains vont même jusqu’à nommer «la vraie vie», est résolument une
conception neurotypique qui se révèle être un champ miné pour la personne
autiste, ces rivalités, cette petite politique, ces intrigues entre collègues,
ces combats de coqs, cette pression pour être «performant» quitte à bâcler avec
l’art que cela ne paraisse pas trop, ces clients devenus numéros plutôt
qu’êtres humains… Heureux soient les Autistes qui arrivent à s’en tirer avec
grâce! Mais plusieurs ont pour salaire incompréhension, isolement,
discrimination, exclusion… même si, bien évidemment, «De la discrimination ici?
Jamais! Tout a été fait dans les règles!».
Alors oui, nos difficultés. Je vais vous en parler à la
manière d’une chanson, une chanson pour le printemps, une chanson à répondre. J’y ai mis beaucoup de
choses que j’ai vraiment entendues, mais la forme est de moi. Le tout se
déclame à la manière d’un rigaudon ou d’une gigue. Sortez cuillères, violons et
accordéons, et allons-y! Tam di delam, di deli deli delam!
Une chanson sur l’autisme, sur un
air de rigaudon
Un enfant neurotypique, ça
s’éduque.
Un enfant autiste, ça se soigne.
Un enfant neurotypique parle? «B’en
quoi? Rien de plus normal et naturel!».
Un enfant autiste parle? «Ça ne se peut
pas! Il ne doit pas être très atteint!
Est-il vraiment autiste?»
Un adulte neurotypique, c’est
quelqu’un qui se prend en main.
Un adulte autiste, c’est quelqu’un qui doit
être pris en charge.
Un jeune neurotypique éprouve une
petite difficulté? «Bah! C’est la vie, l’expérience qui entre…»
Un jeune
Autiste éprouve la même petite difficulté? «C’est don’ terrible d’être autiste!»
Une jeune neurotypique réussit
très bien à l’école? «Elle est tellement talentueuse ma fille!»
Une jeune Autiste
réussit aussi bien? «Ouf! Une chance qu’elle a eu des bonnes éducatrices
spécialisées parce que sans cela elle ne serait arrivée à rien!»
Un homme neurotypique qui
monologue sur sa passion durant d’interminables minutes au désespoir de son
auditoire captive? «Bon, c’est un passionné!»
Un homme autiste qui fait la même
chose? (Gêne générale) «Ces pauvres malades ont des intérêts limités, que
voulez-vous…»
Un ado neurotypique écoute en
boucle sa chanson préférée sur son IPod? «Les jeunes aiment tellement la
technologie! C’est le progrès!».
Un ado autiste fait de même? «Il fait bien
pitié, mais c’est comme ça : les Autistes ont des activités répétitives et
stéréotypées…»
Une jeune femme neurotypique
n’arrive pas à trouver un emploi et à le conserver longtemps? «Le marché de
l’emploi est tellement difficile, surtout pour les jeunes».
Une jeune femme
autiste n’y arrive pas non plus? «Pauvre elle, c’est certain qu’elle a des
problèmes interpersonnels!»
Un jeune homme neurotypique
excelle en astrophysique? «Il est surdoué!».
Un jeune homme autiste excelle en
physique des particules? «Le cerveau des Autistes est vraiment anormal…»
Un jeune homme neurotypique
conduit complètement saoul et perd son permis? «Une erreur de jeunesse. Tout le
monde l’a fait. Y’a rien là»
Un jeune homme autiste ne fait pas «suffisamment
d’excès de vitesse» sur une route? Il se fait klaxonner, dire des bêtises et
faire des doigts d’honneur.
Une femme neurotypique a des
dédains alimentaires : elle ne veut pas manger des olives parce qu’elle
trouve que les olives ressemblent à des yeux? «C’est une question de goût».
Une
femme autiste trouve que les litchis ressemblent à des yeux et refuse d’en
manger? «C’est un trouble comorbide!»
D’innombrables Neurotypiques
posent au quotidien des petits et grands gestes de violence? «C’est de la
délinquance, il faut comprendre, c’est quand même une bonne personne» Ou :
«C’est l’Histoire».
Une personne autiste élève un petit peu la voix devant une
injustice flagrante? «Attention! Les Autistes sont potentiellement dangereux et
peuvent être agressifs!»
Des Neurotypiques recherchent les
sensations fortes en s’adonnant aux sports extrêmes? «C’est l’adrénaline, man! Le dépassement de soi, yes!»
Des Autistes le font aussi? «C’est
à cause de leur trouble d’hyposensibilité. Chérie, éloignes le petit du four!»
‘scusez la!
Avant de tout mettre sur le dos de l’autisme, pensons-y bien et
sachons faire preuve de discernement.
Source des illustrations: Wikipédia (Domaine public PD-US) et site commercial pour la pochette de disque.