L’Amour de Joseph et Marie
La partition de chef et le matériel d’exécution sont disponibles au Centre de musique canadienne :
Première partie :
L’histoire de l’Oratorio
Effectifs et instrumentation :
Rôles chantés :
Un enfant : rôle parlé qui n’intervient qu’à la toute fin.
Chœurs mixtes [3 choristes jouent des carillons liturgiques]
Orchestre :
2 Flûtes (la première joue aussi Piccolo), 2 Hautbois,
2 Clarinettes, 2 Bassons, 4 Cors, 2 Trompettes, 3 Trombones, Tuba
Percussions pour 3 (cloches-tubes, carillons éoliens
métalliques, 2 cymbales suspendues, 2 cymbales frappées, 2 tams-tams, triangle,
grosse caisse, tabla, tambourine de basque avec cymbalettes, maracas, claves)
Cordes (1ers Violons, 2e Violons, Altos,
Violoncelles, Contrebasses)
Forme en 11 parties :
2. La rencontre
3. Fiançailles
4. Chant d’Amour I (orchestre)
5. L’Ange
6. Mariage
7. Nativité
8. Méditation (orchestre)
9. Fuite en Égypte
10. Chant d’Amour II (tutti)
11. La mort de Joseph
L'Amour de Joseph et Marie en répétition, Baie-Comeau, avril 2000 |
Pages du manuscrit de L'Amour de Joseph et Marie. Il s'agit d'une copie: le manuscrit original est en quatre couleurs (Noir, bleu, vert et rouge). |
Environ 30% de mes compositions sont des œuvres religieuses. C'est dire qu'environ 70% sont autres. Ma musique orchestrale est souvent de type «chamanique», et mon catalogue contient plusieurs pièces aux formes «biologiques» et botaniques. D'autres encore appartiennent au domaine de la musique pure. Mais ce sont mes œuvres religieuses qui trouvent plus facilement preneurs. Je ne sais pas pourquoi! Peut-être est-ce parce qu'elles partagent une réflexion sur des thèmes existentiels comme la vie et la mort, le sens de la vie, la vie dans la transcendance, dans l'au-delà de soi... et que, quelle que ce soient nos options personnelles, ces thèmes se posent tôt ou tard à tout le monde. Je ne sais pas. Cela reste un mystère que j'accueille sans chercher à le comprendre.
Reste que l'Oratorio est une œuvre inspirée par la foi chrétienne. Hum! Je laisse les gens parfaitement libre d'y croire ou non. Je me situe sur le plan du partage et de la réflexion au sujet d'une foi qui a marqué le Québec et qui est paradoxalement mal connue: elle a été récupérée ou déformée par certains avec des intentions douteuses et quelques fois malveillantes. L’Oratorio est une affirmation… qui se termine par une question. Les toutes dernières paroles sont littéralement une question. Cette question posée, la musique s’éteint : fin ouverte, espace laissé à la réflexion de chaque auditeur et auditrice.
Cela posé, l'Oratorio est une œuvre d'art: j'y reviendrai plus bas.
Avec Mgr Bertrand Blanchet en avril 2000 |
Avec Annie Lévesque et Pierre Montgrain de l'Orchestre symphonique de l'Estuaire (OSE). |
Outre l’OSE, les interprètes furent : Isabelle
Charron (Marie), Alexandre Malenfant (Joseph et le Psalmiste), Guillaume
Saint-Cyr (l’Ange); l’Ensemble vocal Rossini (de Baie-Comeau), Les Voix du
large (de Gaspé) et la Chorale du Conservatoire de musique de Rimouski.
Je l’ai raconté dans Musique autiste, mais je mentionne que ce fut une tournée épique, faite à travers d’immenses tempêtes hivernales, avec des vagues de cinq mètres lorsque nous avons fait la traversée du Saint-Laurent entre Matane et Baie-Comeau – tout le monde a été malade et les traversées suivantes ont été annulées pour des raisons de sécurité… Malgré ces péripéties, ce fut un événement magnifique. Les musiciens ont fait du très beau travail, et Pierre Montgrain a dirigé de main de maître.
Je signale que Pierre Montgrain est un artiste-peintre de grand talent: https://www.artpierremontgrain.com/
Toutes ces personnes sont des héros et des héroïnes à mes yeux. Des vrais, des vraies. Des gens qui n'ont pas peur, qui osent. Dois-je dire que, de ce que mon expérience m'a enseigné, ce sont des perles rares.
La Sainte famille, par Murillo, c. 1650 |
Donc : l’Incarnation de Dieu. Mais quel angle choisir? Pourquoi pas le plus dérangeant? Un homme et une femme qui s’aiment et qui voient leur projet bouleversé par la venue incroyable de Dieu parmi nous. L’histoire de Joseph et de Marie, les parents terrestres de Jésus, de leur rencontre, de leur destin unique jusqu’à sa fin terrestre : le décès de Joseph. Une histoire singulière mais, sous plusieurs aspects, très humaine aussi. La vie et l’enseignement de Jésus, qui ont déjà inspirés tant d’œuvres musicales, seront traités indirectement dans le Cantique d’Isaïe (Nativité), tout en demeurant une lumière qui éclaire le sujet comme de l’intérieur. Car l’amour de Joseph et Marie est aussi leur amour pour ce Dieu audacieux.
https://www.femina.fr/article/l-asexualite-chez-les-jeunes-ils-sont-de-plus-en-plus-a-le-revendiquer
Voir aussi l'article éloquent de Camille Cottais:
À ma connaissance, ce sujet
n’a jamais été traité en musique, bien qu’Hector Berlioz l’ait effleuré dans
L’enfance du Christ (1854 - juste pour dire, Berlioz était athée…).
L’Oratorio raconte une histoire : celle de la vie de Joseph et Marie. Des moments de joie : Rencontre, Fiançailles, Nativité... ; des moments difficiles aussi comme dans bien des vies : exil, mégalomanie sanguinaire du Pouvoir, mort...
La fuite en Égypte. Par Alexandre Gabriel Decamps, 1855. |
L’Oratorio est un pèlerinage : il s’ouvre sur le
roulement d’une grosse caisse et évolue pour se clore sur les résonances
diaphanes des carillons éoliens. Le roulement initial de la grosse caisse
détrompe dès le départ un auditeur qui s’attendrait à une œuvre de bondieuserie
mièvre!
J’ai écrit moi-même le livret en m’inspirant librement de livres bibliques (Genèse, Psaumes, Cantique des cantiques, Isaïe, Évangiles), de sources liturgiques de l’Occident comme de l’Orient chrétiens, d’ouvrages spirituels contemporains et de ma propre méditation. Concernant Joseph et Marie, j’ai conservé à la lettre ce que les Évangiles rapportent, sans faire de «réinterprétation». Je laisse cela à d’autres; plusieurs ne s’en sont d’ailleurs pas privé. Mais j’ai toujours trouvé les «réinterprétations» pâles et «raisonnantes». Je préfère la force inouïe de l’original, comme lorsque Marie dit à l’Ange lui annonçant qu’elle aura un enfant : «Comment cela va-t-il se faire, puisque je ne connais pas d’homme?» Magnifique!
Puisque l’Ange fait appel à une voix aigüe (soprano), je me voyais mal confier le rôle de Marie à une autre soprano : il m’importait de bien distinguer ces deux voix. Alors, j’ai confié le rôle de Marie à une mezzo-soprano. Ce choix pourrait surprendre : comme Marie était jeune au moment de porter Jésus et comme elle est une image de pureté, il aurait été plus conventionnel de confier son rôle à une soprano. Mais en même temps, Marie donna un oui ferme au plan du Seigneur : une voix plus grave représente sa fermeté et son esprit décidé.
Les cloches sont important dans les traditions chrétiennes: les percussions métalliques le seront dans L'Amour de Joseph et Marie |
Tout cela illuminé par les résonances de cloches et de percussions métalliques tellement importantes dans les musiques liturgiques chrétiennes. La conception sonore de l’Oratorio s’inspire de l’art des icônes byzantines : les iconographes emploient diverses techniques pour créer une «lumière picturale» (préparation et polissage du bois avant de peindre, collage de métal, poudre d’or, etc.). J’utilise les percussions métalliques à la même fin, soit de créer un halo harmonique résonnant autour de la musique. Certaines de ces percussions sont inhabituelles, tels les carillons éoliens métalliques (qui sont joués en coulisse) et les trois carillons liturgiques joués par des choristes dans le Gloria.
Début des Fiançailles, avec volées de cloches et tourbillons de résonances aux bois et aux cordes. Page du manuscrit. Cliquez pour agrandir (C) 1998-2024 Antoine Ouellette SOCAN |
L'Oratorio sera comme une icône sonore. L'Archange Gabriel, école russe, 14e siècle. |
Je signale aussi la présence d’un autre instrument
inhabituel, le tabla, tambour double qui est un instrument de musique
classique… en Inde. Par contre, je n’utilise pas les timbales, la percussion la
plus typique de l’orchestre symphonique et de la musique classique occidentale.
En 2000, les musiciens de la section des bois ont été surpris par l’importance
de leurs partitions, notamment le nombre de pages qui leur a semblé inhabituel!
Mais dans le Chant d’Amour 1, il n’y a que deux vents avec les cordes et le
piano électrique : une clarinette et un basson; dans la Méditation aussi,
cette fois deux flûtes.
Une œuvre de lumière, oui. J’avoue être perplexe devant la popularité des Requiem (Messe des défunts) : c’est fou combien il s’en est composé et combien il s’en compose encore! On a pourtant tellement critiqué l’Église d’avoir diffusé des messages sombres, d’avoir été «face de carême», d’avoir insisté lourdement sur le péché, le diable et la pénitence… Il y a évidemment de magnifiques Requiem dans le répertoire, mais on oublie un petit quelque chose: «Le Christ est ressuscité, alléluia!».
Icône grecque de la Résurrection XVIIe siècle. |
Et non, je n’ai pas le projet de composer un Requiem à mon tour! Remarquez que la dernière section de l’Oratorio est La mort de Joseph : on y entend son chant d’adieu puis un chœur intense comme de pleureuses en certains pays de la Méditerranée. C’est un peu un Requiem…, mais cela ne se termine pas ainsi.
Comme je le disais, l’Oratorio
Le décès de Joseph. Vitrail de l'église Saint-Martin de Florac. |
À SUIVRE EN MARS