MUSIQUE (Composition et histoire), AUTISME, NATURE VS CULTURE: Bienvenue dans mon monde et mon porte-folio numérique!



mercredi 2 mai 2018

ARS NOVA. LES HORLOGERS FOUS DU XIVe SIÈCLE

Ars Nova.
Les horlogers fous du XIVe siècle
1. Le XIVe siècle: Torrieu qu'ça va mal!
2. Aucune censure!
3. Les horlogers fous
4. L'équilibre: Guillaume de Machaut
5. Impasse et renouveau



Dans le chapitre Compter, danser! De Pulsations, je parle un peu de la folle musique du XIVe siècle, un siècle qui a apporté des solutions durables pour la notation du rythme musical. Dans cet article, j’explore davantage avec vous cette musique très particulière.

Il y a de ces jours où tout va tout croche! On s’accroche partout, on se cogne sur tout, on échappe de la vaisselle, alouette! C’est comme dans Monsieur Guindon, cette superbe chanson interprétée par le folkloriste québécois Jacques Labrecque :

Monsieur Guindon s'est levé ce matin, 
met ses culottes pis s'en va faire le train
Il a glissé sur une bouse dans son chemin, 
avec sa fourche il s'est piqué les reins
Maudit tonnerre de torrieu que ça va mal!
Sacré, sacré dindon j'en arrache aujourd'hui, chienne de vie!




Le XIVe siècle : Torrieu qu’ça va mal!

Les Templiers
Il y a des époques comme ça aussi. En Europe, le XIVe siècle compte parmi celles-là. J’en donne un aperçu dans Pulsations et, à la demande générale, voici un complément. C’est l’époque des Rois maudits, racontée sous forme de roman par Maurice Druon. En lever de rideau à ce siècle fou, Philippe le Bel, roi de France, cherche à s’emparer des trésors des Templiers, ordre religieux militaire, car les finances de son royaume tendent à la faillite. Tout est bon pour parvenir à ses fins : persécutions, diffamations en tous genres, procès bidon, exécutions publiques (notamment par le feu), etc. Selon une légende, le grand maître de l’Ordre, Jacques de Molay, aurait maudit les rois de France pour des générations pendant qu’on le brûlait sur un bûcher. Par la suite, le Roi mais aussi l’Église seront blâmés. Or parmi des documents essentiels du procès qui ont été retrouvés au Vatican en 2002 par l'historienne Barbara Frale, l’un d’eux démontre «que le pape Clément V a finalement absous secrètement les dirigeants de l'ordre. Leur condamnation et mise à mort sur le bûcher est donc bel et bien la responsabilité du roi Philippe le Bel et non celle du pape ni de l'Église contrairement à une fausse idée largement répandue» (https://fr.wikipedia.org/wiki/Ordre_du_Temple). 

Malédiction ou non, les rois multiplieront les décisions erratiques sinon catastrophiques tout au long de ce siècle. Les rivalités, assorties de meurtres, entre la dynastie des Plantagenets et celle des Valois sera la trame de la Guerre de Cent ans, qui opposera les royaumes de France et d’Angleterre de 1337 à 1453 (avec quelques trêves, ouf!).

Enterrement de morts de la peste à Tournai
Les impôts et taxes de plus en plus lourds causent de nombreuses révoltes, notamment chez les paysans qui, de plus, doivent affronter des situations de pénurie et de famine. Les maladies infectieuses profitent des guerres et des famines pour danser la tarentelle. L’épidémie la plus terrifiante fut celle de la Peste noire qui, de 1347 à 1352, tua 25 millions de personnes, soit entre 30 et 50% de la population européenne. Vous imaginez?! Une personne sur deux dans votre ville meurt en quelques jours d’une fièvre foudroyante alors que la médecine est complètement inefficace! Quelle atmosphère il devait y avoir! La peur panique, le désarroi total, la recherche effrénée et délirante de «coupables»…

Bataille de Castillon, Guerre de Cent ans.
Alors, vivement les consolations de la foi. Pensez-vous! Le bon roi Philippe le Bel tient à tout prix à contrôler l’Église et à faire nommer non seulement des papes français, mais des papes français favorables au royaume et à ses entreprises. Évidemment, l’Église n’étant pas que française résiste. Conflits à nouveau. Le royaume gagne : la papauté s’installe en France à Avignon en 1309. Dans le fameux Palais des papes, elle y mènera une vie de luxe faisant peu de cas des vertus évangéliques. Mais certains résistent toujours à ce sacrilège. Le conflit culmine en 1378 alors qu’un pape siège à Rome et un autre à Avignon, l’un accusant l’autre d’usurpation du titre et le qualifiant d’antipape. 
Sainte Catherine de Sienne
Cette situation pitoyable durera jusqu’en 1417. À plus long terme, les blessures de cette crise seront l’une des causes de fond de la Réforme protestante. Je me mets dans la peau d’un pauvre homme de ce temps qui voit deux papes s’invectiver, et il y aurait eu de quoi être très perplexe. 
Cela dit, une Catherine de Sienne, sainte et docteure de l'Église, s'est dévouée, entre autres, comme médiatrice de paix: elle rencontre le Pape à Avignon et l'exhorte à rentrer à Rome; elle écrit de nombreuses lettres aux responsables politiques et spirituels. L'Église n'est pas que le Pape! 
https://fr.wikipedia.org/wiki/Catherine_de_Sienne

Bref, c’est toute une société qui, au XIVe siècle, a glissé sur une bouse comme Monsieur Guindon, s’est piquée les reins avec sa fourche et s’est écriée : «Maudit tonnerre de torrieu que ça va mal! Sacré dindon qu’j'en arrache aujourd'hui, chienne de vie!» Cela dit, il faut vivre quand même…

INTERLUDE MUSICAL
Jacob Senleches : La harpe de mélodie : https://www.youtube.com/watch?v=q_uRVDBPCdk

Aucune censure!
 
Page du Roman de Fauvel
En musique, le premier symptôme de cet état de crise ne fut pas un dindon mais un âne. Un âne nommé Fauvel, et (anti)héros du Roman portant son nom. Ce nom colle ensemble deux adjectifs qui reflètent déjà le personnage : faux et vil. Mais chacune des lettres signalent ses «qualités» : F pour flatterie, A pour avarice, U (écrit comme un V) pour vilénie, V pour vanité, E pour envie, et L pour lâcheté. Sympathique! Le Roman raconte ses aventures. L’âne Fauvel aspire à mieux que son étable et il réussit à s’approprier la maison de son maître pour en faire son Palais royal. De là, son pouvoir s’accroit sans cesse. Devenu roi, «même les gens de religion ne s’épargnent aucune distance pour venir torcher ce noble animal». Dame Fortune rejette ses avance, et Fauvel épousera finalement Dame Vaine Gloire. De leur union naîtront plusieurs petits Fauvel qui s’établiront en monarque de par le monde. C’est cynique, scatologique, obscène - une chanson incluse dans le Roman s’intitule «Votre belle bouche baisera mon cul!» La société en entier passe au tordeur : la noblesse, le clergé et le peuple – pas question d’épargner ce dernier! On y trouve un grand tournoi entre les Vices et les Vertus et, contrairement à toute attente, le match est nul : pas de happy end à la Hollywood où le «Bien» renverse le «Mal». C’est drôle, mais d’un rire jaune, et l’œuvre se termine par une chanson à boire. Il faut bien oublier… Cela peut sembler étonnant, mais ce livre satirique qui dénonce la corruption de la société ne fut pas censuré. Au contraire, les manuscrits d’origine sont luxueux, avec plusieurs dessins, et de nombreuses copies circuleront.

Avignon. Miniature du XVe s.
La première version du Roman date de 1310 et est de Gervais du Bus, collègue d’Enguerrand de Marigny, le ministre de la chancellerie du roi Philippe le Bel. Monsieur du Bus n’a pas poussé l’audace à signer explicitement son œuvre. Cette version contient, outre le texte, 167 pièces musicales, monodiques et polyphoniques, incluant des parodies de chants religieux et des chansons paillardes, dites «sottes chansons»! La plupart de ces pièces existaient déjà. En 1314, Monsieur du Bus livre un deuxième tome. Puis en 1316, nous avons droit à la «version augmentée», signée par Raoul Chaillou du Pesstain, magistrat et membre de la cour. C’est lui qui demande à son ami Philippe de Vitry de composer des pièces spécialement pour le Roman.

Né en 1291, Philippe de Vitry est visiblement un homme d’une intelligence prodigieuse. Ordonné prêtre, il aura une belle carrière tant dans l’Église qu’en politique, carrière dont le couronnement est sa nomination comme évêque de Meaux en 1351, poste qu’il occupera jusqu’à son décès à 69 ans, en 1361. Vous avez bien lu : ce Philippe qui n’a pas craint de collaborer au Roman de Fauvel était prêtre! Et il sera évêque : Fauvel ne sera pas du tout une tache dans son cv… Voilà donc des gens qui ne manquaient pas cran! Ils n’avaient pas peur de fustiger le pouvoir malgré les risques.

INTERLUDE MUSICAL
Baude Cordier : Tout par compas suys composée : https://www.youtube.com/watch?v=T6aX_W-J5CM

Les horlogers fous

Philippe de Vitry
Vers 1320, Philippe de Vitry a écrit un traité sur la musique, un traité marquant à plusieurs titres. Je précise que nous ne possédons malheureusement pas l’intégralité de ce traité, et que la partie qui nous est parvenue n’est pas signée, bien que la paternité de Philippe ne fasse guère de doute. Tout d’abord, le titre du traité va devenir l’emblème de la musique du XIVe siècle : Ars nova musicae, Le nouvel art musical. La musique de ce siècle sera donc connue sous le nom Ars nova, par opposition au nom d’Ars antiqua que l’on donna péjorativement à la musique de l’époque précédente qui semblait vieillotte et ennuyante – voyez comme on n’invente rien! Dans ce traité, Philippe invente un système de notation extraordinaire, génial même. Ses efforts portent essentiellement sur le rythme. Il propose un signe rythmique par durée, ce qui n’existait pas avant (la notation rythmique du XIIIe siècle est extrêmement compliquée, sinon quasi incompréhensible et impraticable). Un signe par durée : c’est le principe qui sera en vigueur jusqu’à nous, rien de moins. Les noms diffèrent mais, pour l’essentiel, la Noire qui vaut un temps, la Blanche qui vaut deux temps donc deux Noires, la Croche qui vaut un demi-temps donc une demi-noire, etc., tout cela est un héritage de Philippe de Vitry.

Cordier. Une partition circulaire!
Philippe savait qu’il urgeait d’inventer un système simple et rationnel pour noter les rythmes. Dès le début du XIVe siècle, les compositeurs s’ingéniaient à créer des rythmes nouveaux qui allaient se complexifier rapidement. Or, ces rythmes, il fallait parvenir à les écrire, et le système de Philippe remplissait parfaitement ce rôle. Les rythmes d’Ars nova sont non seulement nouveaux, ils peuvent d’une complexité inouïe, voire carrément extravagants. Sur le plan rythmique, il n’y aura aucune musique aussi complexe avant le XXe siècle, et encore, pas le XXe siècle du Jazz ou de la Pop, mais celui de Bartók, de Stravinsky, de Messiaen… La musique d’Ars nova souvent passe d’une «mesure» à une autre, elle superpose des rythmes ternaires avec des rythmes binaires, elle multiplie les syncopes (des siècles avant le Jazz!), elle fait se voisiner des valeurs très longues et des valeurs très rapides dans un discours constamment haché et sur le qui-vive. Une chanson, La Greygnour bien, superpose trois mélodies complètement indépendantes qui vont chacune dans leur propre tempo. À ces rythmes vraiment bizarres (et des fois voulus tels), Ars nova ajoute de nombreuses dissonances. Philippe est ses confrères pratiquaient un art que l’on dirait aujourd’hui d’«avant-garde» : rythmiquement, harmoniquement, mélodiquement, et même au niveau des textes comme dans le Roman de Fauvel. Certains drôles donnent des partitions où les portées sont circulaires (Tout par compas suys composée de Borlet: illustration ci-haut) ou en forme de cœur – idée reprise par des compositeurs d’après 1950 comme John Cage entre autres. Des pièces se présentent sous forme d’énigmes, comme Ma fin est mon commencement de Guillaume de Machaut : une voix chante la mélodie du début à la fin pendant qu’une autre chante la même mélodie mais de fin vers le début, donc à reculons! Tout de même, une pratique est empruntée au XIIe siècle : dans une même chanson, chaque voix peut avoir son propre texte, y compris un en latin et l’autre en français, y compris un sacré et l’autre profane; des textes donc enchevêtrés dans une polyphonie et une polyrythmie complexes – peut-on encore les distinguer et les comprendre? Dans quelques chansons particulièrement ésotériques, des mots sont écrits de manière codée sous forme de chiffres…


Cordier: partition en cœur pour une chanson d'amour!
Il ne faut pas s’en étonner : avec sa cour papale et ses extravagances, la ville d’Avignon est un des hauts-lieux de cet art nouveau que ses adeptes nommaient aussi Ars subtilior, l’art le plus subtil. Ou gelé? Pulsations : «On trouve une chanson psychédélique intitulée Fumeux fume, composée par un dénommé Solage, et dont le texte témoigne d’une certaine idée fixe : «Fumeux fume par fumée. J’enfume mes pensées, car fumer est très agréable, jusqu’à en perdre la raison. Fumeuses spéculations!». Pour peut-être sauver l’honneur de la «grande musique», certains croient que Monsieur Solage faisait partie du groupe de Jean Fumeux, «des bohémiens habillés de façon extravagante» (Wikipédia). Mais l’un n’exclut pas l’autre. D’une part, «dans les cercles avant-gardistes, notamment autour de la cour d’Avignon, le cannabis est déjà bien connu» (Pulsations) et, d’autre part, la musique de cette chanson parle d’elle-même : trois voix graves (exemple unique), très syncopées, avec des chromatismes à nouveau exceptionnels; une musique franchement bizarre!

INTERLUDE MUSICAL
Solage : Fumeux fume : https://www.youtube.com/watch?v=iGLi84edjho


Johannes de Alte Curie: Se doit il plus. Dans le 3e système, 9 croches contre 8: essayez voir!
 
L’équilibre : Guillaume de Machaut

Le grand maître français de cette période est Guillaume de Machaut (1300-1377). Lui aussi prêtre! Décidément… Son œuvre poétique et musicale (exclusivement vocale sauf une pièce instrumentale) est abondante. Il participe pleinement à la folie d’Ars nova, mais avec un certain sens de l’équilibre et du classicisme. Il disait d’ailleurs vouloir concilier l’«ancienne et la nouvelle forges», donc allier la nouveauté avec l’héritage du passé, sans rejeter ni l’un ni l’autre. Guillaume n’a pas craint d’écrire des chansons toutes simples (comme Douce dame jolie) jusqu’à des pièces très compliquées.

INTERLUDE MUSICAL
Guillaume de Machaut : Douce dame jolie : https://www.youtube.com/watch?v=tJS-HZWB3wE

Guillaume au travail. Miniature du XIVe siècle.
Il écrit lui-même les textes de ses chansons. Le sommet de son œuvre est peut-être sa Messe de Notre Dame, probablement la première messe polyphonique (à quatre voix) entièrement mise en musique par le même compositeur. Si vous allez l’écouter sur YouTube, quelques précautions. Cette Messe comprend les mouvements suivants : Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus, Agnus Dei, Ite missa est. Or beaucoup d’interprètes adjoignent d’autres pièces à ces mouvements qui ne font pas partie de l’œuvre. C’est le cas des versions qui durent une heure : on étire avec autre chose une œuvre qui dure en fait une demi-heure! Certains interprètes doublent et, des fois, remplacent des voix avec des instruments : or, la partition est purement vocale, bien qu’il ne soit pas impossible que des instruments y aient été ajoutés à l’époque même de Guillaume (mais cela demeure spéculatif). Cette Messe a beau être polyphonique, ses quatre voix ne sont pas sopranos – altos – ténors – basses. La polyphonie médiévale ne fonctionnait pas ainsi. Les deux vois de dessus se croisent souvent, et de même pour les deux voix inférieures. Donc, c’est à chanter uniquement par des hommes (ou uniquement par des femmes, ce qui ne fut peut-être pas le cas au Moyen âge).

INTERLUDE MUSICAL
Guillaume de Machaut. Messe de Notre Dame



Senleches: La harpe de mélodie. Partition en forme de harpe!
Ce qui m’amène à devoir régler un point de «discipline». Dans ma petite collection de disques, j’ai un album double intitulé Âme, corps et désir de Karen Young. Cette excellente chanteuse de jazz y interprète des compositions de ce XIVe siècle en un métissage où le Moyen âge occupe la part du Lion, avec peu de jazz. C’est très joli. Mais il y a cette phrase dans les notes d’accompagnement : «cet art nouveau banni par l’Église». Holà! Deux des plus éminents représentants d’Ars nova étaient prêtres, l’un fut évêque, l’autre chanoine. Curieux bannissement, ma foi! Mais il est vrai qu’en 1322 le Pape Jean XXII a écrit que cette musique ne pouvait être incluse dans la liturgie. Sur le plan technique, le Pape démontre sa bonne connaissance de cette musique : il ne parle pas à travers son chapeau. Sa position est par ailleurs justifiée sur le plan liturgique, qui est précisément celui où il se situe. La liturgie est la célébration de l’Eucharistie et de la Parole de Dieu. La liturgie est donc au service de la parole. Toujours. La façon de lire les textes lors d’une messe, tout comme la manière de les chanter et de les mettre en musique, doit viser l’intelligibilité parfaite des paroles, de la Parole. Les techniques utilisées par Ars nova ne favorisent pas cela. De même, une liturgie n’est pas un concert ni une occasion de briller devant public pour les musiciens. Le haut degré de difficulté de cette musique ne convient pas non plus. Par conséquent, le Pape était juste dans son jugement. Mais son jugement ne concerne que la liturgie. Jamais il n’a suggéré de bannir cette musique ailleurs. Peut-être aurait-il assoupli sa position s’il avait entendu la Messe de Notre Dame, une œuvre où le texte passe très bien dans la polyphonie, notamment dans le Gloria et le Credo, ces deux parties où le texte est le plus long. Mais cette œuvre est postérieure de quelques décennies, car on la date des années 1360. Pour le reste, l’Église n’a nullement condamné la musique de ce temps.

Une impasse et le renouveau

Pour lire ce XIVe siècle
Bref, une musique à l’image du trouble général de l’époque, sans grande surprise. Et un héritage majeur pour nous encore : l’invention d’un système rationnel pour noter le rythme musical. Mais pouvait-on pousser davantage la complexité, devenue complication? Les gens ont fini par se lasser. Comme ils se sont lassés de la Guerre de Cent ans et on finit par signer la paix. Comme ils se sont lassés de ces deux papes rivaux, et ont mis terme à ce schisme d’Avignon. La musique du XVe siècle offrira une image pacifiée. Les structures se seront épurées et simplifiées. Grandement. Finis les superpositions de textes et les polyrythmes à s’arracher les cheveux pour parvenir à les chanter! Mais, mais, mais… La musique du XVe siècle apportera un nouvel élément qui transformera son visage, ses sonorités. Cet élément semble provenir d’Angleterre, dont la musique pénètre sur le continent en ce siècle nouveau. Jusque-là, la polyphonie misait sur les intervalles de quintes et de quartes; l’Angleterre apporte une sonorité toute autre en misant sur les tierces et les sixtes. 
Un album culte signé David Munrow pour la musique de cette époque
À nos oreilles très peu habituées aux quartes (Do-Fa) et aux quintes (Do-Sol), la musique des XIIIe et XIVe siècles sonne dure, rugueuse, alors que celle du XVe siècle nous sonne beaucoup plus harmonieuse et confortable. C’est que les tierces (et les sixtes par extension) seront le fondement de l’harmonie tonale qui naîtra comme telle à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle, harmonie tonale omniprésente depuis. Les accords de nos guitares en sont; toutes nos chansons sont en ces harmonies, la musique que nous entendons et écoutons, partout, va ainsi… depuis tout ce temps! Ne croyez pas que la musique Pop a inventé quoi que ce soit : pour l’essentiel, ses harmonies datent du XVIIe siècle et, côté complexité, elle ferait bien rigoler les horlogers fous d’Ars nova!

CONCLUSION MUSICALE
John Dunstable (XVe siècle). Quam pulchra es : https://www.youtube.com/watch?v=qQjdEbZH2wI

Sources des illustrations: Wikipédia (Domaine public, PD-US) 
et sites commerciaux pour les disques et livres.