MUSIQUE (Composition et histoire), AUTISME, NATURE VS CULTURE: Bienvenue dans mon monde et mon porte-folio numérique!



jeudi 1 juin 2023

STRESS POST-TRAUMATIQUE ET AUTISME. OU LE MAL N'A PAS DE VISAGE

Syndrome de stress post-traumatisme : intimidation et autisme
Ou Le mal n’a pas de visage


1. L’intimidation scolaire : ce n’est pas fini!
2. La solution: l'approche générale du civisme
3. Point de bascule
4. Le mal n’a pas de visage
5. Le Renard de Sibérie

Nous nous trompons lorsque nous tentons de mettre un visage sur le mal. Le mal est sans visage. Enlevons-lui son masque et il nous apparaitra avec un nouveau masque… Notre histoire aurait-elle favorisé les lignées plus agressives depuis des millénaires? Pourrons-nous changer

L’intimidation scolaire : ce n’est pas fini!

Aux bulletins de nouvelles télévisées, des reportages récents ont montré des scènes où des élèves se groupent pour battre un camarade sous les cris d’encouragement des témoins. Des garçons battent un garçon; des filles battent une fille – non, les filles n’échappent pas à cette tendance : elles excellent visiblement dans ce comportement, vive l’égalité. Les témoins encouragent et filment avant de publier leurs choses sur les réseaux sociaux. Certaines vidéos provenaient même de ma petite ville! Dans le journal régional, Les 2 Rives, des parents témoignent régulièrement du calvaire que subissent leurs enfants. Dans l’édition du 14 mars, on y lit que des adolescentes doivent prendre des antidépresseurs pour surmonter leur anxiété sociale aigue suite à de l’intimidation. La mère d’une de ces enfants a dit ceci qui résume le problème : «Quand j’étais plus jeune, j’ai été vilaine et je ne pensais pas que ça pouvait atteindre les autres». Ce qui m'a rappelé ce père qui encourageait son garçon à intimider les autres: «S'il ne le fait pas, les autres vont lui faire». Une attitude contagieuse et transgénérationnelle. Mais n'y a-t-il justement pas un proverbe qui affirme que «Si tu veux la paix, prépare la guerre». On est équipé pour veiller tard... 

La cyberintimidation est aussi fréquente qu’hallucinante dans sa méchanceté illimitée. Aujourd'hui, au moment même où vous lisez ceci, il y aurait 160 000 enfants victimes d’intimidation dans les écoles du Québec – non, il n’y a pas un zéro de trop, c’est bien 160 000. D’autres reportages ont montré l’intimidation que subissent des profs de la part de ces gentils petits monstres.

Pourtant, on affirme faire de la sensibilisation dans les écoles pour empêcher l’intimidation. Ce doit être du genre un petite période en début d’année, puis on s’imagine que l’affaire est réglée… La réalité perdure, parce que notre nature ne change pas. Et puis, voir ces reportages me fait un pincement au cœur…

Le calvaire quotidien de l'autobus scolaire...

Je n’ai pas souffert de l’autisme. Je le dis honnêtement. Je n’ai pas de souvenirs de souffrance liés à l’autisme. Mes parents avaient bien accepté l’étrange petit garçon que j’étais, et ils m’ont bien guidé.

Par contre, j’ai souffert du syndrome de stress post-traumatique. Intensément. Ça, je le sais, j’en suis conscient. J’en souffre toujours, mais à une moindre échelle grâce au travail que j’ai fait sur moi et grâce à l’aide que j’ai demandé et reçue. Le trauma est facile à identifier : intimidation physique et psychologique quotidienne à l’école.

Pour le Secondaire, je suis allé dans un collège privé où le sport était valorisé – mais que faisais-je donc là moi qui ne suis pas du tout sportif?! On dit souvent que la pratique du sport permet aux jeunes d’évacuer correctement leur agressivité. Mon expérience ne corrobore toutefois pas du tout cette prétention!

Je me souviens de quelques scènes…

J’étais assis à mon pupitre lorsqu’un camarade m’a agressé de dos en m’étampant la tête sur le bureau et en m’assénant des dizaines de coups de poing sur la tête, au grand rire des autres. J’étais sorti du local étourdi et en pleurs sous les risées et les huées, et je me suis réfugié dans la cage d’un escalier de secours.
À l’aréna où je fus forcé de jouer au hockey (même si je n’arrivais pas à me tenir sur des patins), un camarade a pris un grand élan de vitesse et m’a frappé de toute sa force. Je suis retourné au banc en douleurs et en pleur, et le professeur qui était l’entraîneur de mon équipe riait.
J’ai été forcé à aller à une classe-neige d’une semaine, moi qui n’avais jamais skié. La torture que je subissais me faisait me réfugier à l’extérieur, au grand froid, presque toutes les soirées.

Les salles de cours m'étaient plus sécuritaires,
mais m'aventurer jusqu'à mon casier était
périlleux... 

Aller à ma case était un péril que j’affrontais quotidiennement. J’étais devenu terrorisé chaque fois que je m’aventurais en ce territoire. Prendre l’autobus du collège pour m’y rendre me terrorisait tout autant, chaque matin, chaque soir. Si je ne trouvais pas de siège pour moi dans les deux premières rangées, je me ramassais dans la zone dangereuse et je me ramassais des coups sur la tête, des crachats et des insultes. L’hiver, on me volait ma tuque pour la salir dans la sloche de l’allée de l’autobus. Arrivé au collège, un groupe m’attendait à la porte pour me donner un accueil spécial…

Je vivais en état d'hypervigilance chronique. J’avalais ma peur et mon anxiété. Si j’exprimais de la colère ou tentait vainement de riposter, les coups redoublaient. Lorsque j’allais en parler à la direction, on me disait «Bats-toi!» - ah oui, contre une gang de 5 ou 6 méchants voyous?! Comme la quasi-totalité des victimes d’intimidation, je n’en parlais pas à mes parents. J’encaissais en silence sans la moindre aide des adultes témoins, des adultes pourtant en position d’autorité et exerçant profession d’éducation. Alors, des intimidés devenaient intimidateurs à leur tour : il faut se défendre ou se défouler.

Cela, ce fut tout mon Secondaire 2. J’avais 12 ans. Mais cela avait déjà commencé en Secondaire 1 et cela s’est poursuivi en Secondaire 3; en Secondaires 4 et 5, les coups ont cessé, mais pas les insultes. Je connais des personnes qui sont nostalgiques de leur adolescence, mais je vous jure que ce n’est pas du tout mon cas! Ce ne fut pas non plus le cas de Pierre R., un camarade d’infortune qui, lui, s’est pendu à la fin d’une année scolaire. Être intimidé quotidiennement a de quoi rendre fou.

Heureusement, cette haine ne m'a pas fait décrocher: mon goût d'apprendre a été plus fort. Mais ce n'est pas le cas pour tous les enfants qui subissent l'intimidation. 


La solution: l'approche générale du civisme

Indirectement, l’autisme, le fait que je suis Asperger, a joué un rôle. Les jeunes autistes se comportent différemment; ils sont plutôt solitaires et maladroits socialement; ils n’ont pas l’«esprit de groupe». Du coup, ils se font vite repérer par leurs camarades, particulièrement par les plus vicieux d’entre eux et qui entraînent les autres à faire du mal. C’est ce qui s’est passé pour moi. Les enfants autistes représentent un des groupes subissant le plus d’intimidation scolaire, et c’est encore plus fréquent pour les autistes de type Asperger. En conséquence, un nombre important de personnes autistes portent un bien lourd bagage lorsqu'elles parviennent à l'âge adulte. 

Mais l’intimidation vise tout jeune qui se montre différent, surtout ceux et celles qui ne revendiquent pas leur différence. L’intimidation vise tout jeune dont le physique déroge un tant soit peu à la norme. Dans un documentaire, une jeune fille se faisait battre et insulter parce qu’elle était belle! Comme quoi le mal n’a pas de cause ni de visage. 

Alors, il faut prendre pour acquis que les risque sont réels qu'il y ait de l'intimidation à l'école, dans toute école. Or, trop souvent, on prend plutôt pour acquis que «cela n'arrive qu'ailleurs».

Il faut aussi prendre pour acquis que, contrairement à une idée à la mode, ce n'est pas en sensibilisant aux réalités des «minorités» que l'on fera cesser l'intimidation. Car quelqu'un peut très bien être à la fois membre d'une minorité ET intimidateur, tout comme quelqu'un peut très bien être à la fois membre de la «majorité» ET subir de l'intimidation. Ce type de «sensibilisation» sera assurément instrumentalisé par certain groupes (il l'est de fait) et à leur seul avantage - la «sensibilisation» devient alors une forme de propagande, sans effet réel sur l'intimidation. Car l'intimidation elle-même se trouve instrumentalisée: on n'a alors aucun véritable intérêt à ce qu'elle disparaisse. De plus, les enfants dont le profil ne peut se caser dans celui d'aucune «communauté stigmatisée» se trouveront sans défense et sans défenseur: les enfants qui ont le nez comme ceci, les oreilles comme ça, qui sont «petits», «maigres», «trop belle», etc. 

Aborder l'intimidation à partir de l'idéologie de la défense de groupes ne fonctionne visiblement pas. Récemment, une école affichait être un «safe space» pour les jeunes de la communauté LGBT+. C'est stupide! L'école doit être un endroit sécuritaire et épanouissant pour TOUS les jeunes qui lui sont confiés. Résultat: non seulement l'intimidation n'a pas diminué dans les écoles depuis ma jeunesse, mais il s'est ajouté la cyberintimidation.

Pour diminuer l'intimidation, il est tout d'abord ESSENTIEL que les adultes en position d'autorité, les professeurs et les membres de la direction, fassent leur travail d'éducateurs. Éduquer ne se limite pas à faire apprendre les tables de multiplication: éduquer, c'est inculquer le civisme. Le civisme devrait donc être enseigné: le civisme est une attitude générale envers tout le monde et c'est ce à quoi devrait former l'éducation. Pourquoi le civisme n'est pas enseigné? Parce qu'il vaut également pour toute personne; or, ce que veulent et obtiennent d'influents groupes de pression est tout le contraire: que les enfants soient «sensibilisés» à des causes particulières. Alors donc, l'école devient la tribune de toutes sortes d'idéologies (même si l'on en a sorti les religions), et l'intimidation ne diminue pas. 

Peut-être que des temps de méditation dans la journée scolaire seraient aussi bénéfiques... mais à nouveau, sans que cette pratique n'ait de visées inavouées, par exemple du prosélytisme. 


Point de bascule

Gustave Courbet: Le désespéré. 1843. 

J’entends souvent des gens dirent qu’ils souffrent de syndrome post-traumatique. Pour certains, c’est vrai, mais pour d’autres ce ne l’est peut-être pas. Il en va des traumatismes comme de l’anxiété. On peut connaître des périodes où notre anxiété est élevée pour diverses raisons, mais une anxiété momentanément élevée n’implique pas que la personne développera nécessairement un trouble anxieux. De même, une personne peut avoir vécu un traumatisme et en conserver de la crainte sans que nécessairement ne se développe un trouble de stress post-traumatique. Le trouble anxieux vient du fait que l’anxiété bascule en quelque chose qui est envahissant et qui interfère avec la vie quotidienne; le trouble de stress post-traumatique représente une bascule semblable vers un état envahissant qui empoisonne la vie. Dans les deux cas, cette bascule se fait vers un état pathologique qui nécessite des soins psychologiques, voire une aide par médication.

Une personne qui développe un trouble de stress post-traumatique (sspt) présente trois grandes classes de symptômes. 1) Elle revit continuellement la scène traumatique en pensée ou en cauchemar (symptômes de reviviscence). 2) Elle cherche à éviter — volontairement ou non — tout ce qui pourrait lui rappeler de près ou de loin le trauma (symptômes d'évitement et d'engourdissement émotionnel). 3) Elle est fréquemment aux aguets (symptômes d'hypervigilance) malgré l'absence de danger imminent.

Aquarelle de William Blake:
Le grand démon rouge (1804) 


Pour ma part, ma condition remplissait les trois familles de critères. Le symptôme le plus pénible fut assurément les cauchemars. Ces cauchemars étaient très réalistes : je m’y voyais agressé par des groupes. Je me réveillais en sursaut en croyant avoir crié de toutes mes forces. Toute la journée suivante, je restais en état de choc. Autrement, je parvenais à camoufler la volonté d’éviter et l’hypervigilance, mais à un prix énorme en énergie : du coup, je me sentais souvent épuisé. J’ai donc développé des troubles anxieux. À 20 ans, j’ai eu une crise, longue et intense, de syndrome du côlon irritable. Les causes du syndrome du côlon irritable (sci) sont multiples et incertaines, mais on a noté une forte corrélation avec un traumatisme : environ 9 personnes sur 10 présentant le sci ont vécu un traumatisme.
Syndrome du Côlon Irritable (SCI) - Canadian Digestive Health Foundation (cdhf.ca)

Vers mes 40 ans, l’anxiété était devenue trop lourde : je devais faire quelque chose. Après une psychothérapie qui ne m’a guère apporté de soulagement, j’ai participé aux ateliers de La Clé des champs, réseau d’entraide pour personnes avec trouble anxieux. Cela a été salutaire. Vers la même époque, un psy rencontré par hasard (dans un corridor!) m’a posé le diagnostic de sspt. Je lui avais décrit mes cauchemars et il m’avait dit que c’était «dangereux». Il m’a alors donné un petit protocole pour tenter d’éliminer les cauchemars. En gros, lorsqu’on se réveille d’un cauchemar, il s’agit sur le coup de visualiser une fin positive à ce cauchemar. J’ai appliqué ce protocole et cela a fonctionné à merveille. 
Depuis une vingtaine d’années, je ne fais plus de ces cauchemars terribles. Tant sur le plan de la gestion de l’anxiété que sur celui du traumatisme, j’ai grandement amélioré ma condition. Il m’en reste toutefois quelques séquelles et une certaine fragilité. Le diagnostic de sspt a été trop tardif, il est survenu trop longtemps après les événements, pour espérer une guérison totale. Mais je peux assurer qu'il n'est jamais trop tard pour parvenir à éliminer les symptômes les plus pénibles. 
Il y a aussi toujours du bon à tirer de nos expériences de vie, y compris celles qui sont pénibles. Dans mon cas, j'ai fini par devenir pair-aidant pour des personnes souffrant de troubles anxieux, et je suis heureux de pouvoir le faire. 


Le mal n’a pas de visage

Le mal est sans visage.
Enlevez-lui son masque
et il vous apparaîtra aussitôt sous
un autre masque.
Il en a une infinité en réserve...

De cette expérience, une leçon que j’ai tirée est la suivante : le mal n’a pas de visage. C’est même l’une de ses principales caractéristiques. Le mal n’est pas le colonialisme, pas l’esclavagisme, pas le patriarcat, pas l’Occident, pas la guerre, pas le sexisme, pas la grossophobie, pas l’homophobie, pas Vladimir Poutine ni les États-Unis, etc. On se raconte des histoires en croyant pointer le visage du mal. Ces maux que l’on nomme ne sont que des masques, les masques innombrables que prend ce sans-visage. Bloquer tel canal que le mal peut emprunter, et voici le mal se trouver aussitôt un autre canal. Il a d’ailleurs une infinité de canaux à sa disposition. Des fois, il frappe sans aucune raison à travers des gens qui posent des gestes violents complètement arbitraires et gratuits. Notre manière de réprimer le mal est elle-même malicieuse! Les discours dénonçant telle forme que le mal emprunte sont plus souvent qu’autrement eux-mêmes violents. Ces discours très répandus de dénonciation n’hésitent pas à donner dans l’intimidation, le harcèlement, le lynchage. Le discours woke est violent; le discours complotiste est violent, le discours féministe est violent, etc. 

L’intimidation par les pairs qui se fait à l’école se transpose ensuite chez les adultes, sous des formes diverses à commencer par la banale «Il faut jouer du coude pour faire sa place». J’entendais une militante progressiste bien connue déclarer à la télé : «Il faut demeurer en colère, car sinon rien ne changera». B’en oui, cultivons la colère les uns envers les autres et ce sera assurément le paradis sur Terre! «Vous n’êtes pas écœurés de mourir, bande de caves!» écrivait le poète Claude Péloquin. Il semble que non.

Personne n’est à l’abri de cette tentation. Dans les écoles, les filles peuvent être aussi méchantes entre elles que les garçons entre eux : c’est ce qui est poétiquement nommé le bitchage ou bitching. Comme celle chez les garçons, cette intimidation au féminin tend à se poursuivre à l’âge adulte, notamment dans les lieux de travail. Ces dernières années, il y a eu plusieurs cas de femmes harceleuses, notamment des politiciennes. J'avoue avoir été témoin d'un joli nombre d'incidents impliquant des femmes agressives, comme cette dame qui s'en était prise à une autre dans le métro en lui arrachant ses lunettes et en les piétinant avec rage. Édifiant, non? 
 

Le Renard de Sibérie

Renard au Parc de la Visitation (Montréal)
Le biologiste russo-soviétique Dmitri Konstantinovitch Beliaïev (1917-1985) a réalisé des recherches exceptionnelles sur la domestication des animaux. En sélectionnant les individus au caractère doux et amical avec les humains, il a créé une race de Renard domestique, le Renard de Sibérie. C’est le Renard commun, mais en une lignée aussi douce qu’un Chien ou un Chat. En fait, nos Chats et Chiens proviennent aussi de lignées que nous avons sélectionnées pour leur caractère docile et amical.


Ce n’est pas un crime de lèse-majesté de déduire que sur ce point il en va pour les humains comme pour les animaux. Il y a des lignées plus impulsives qui optent facilement pour la violence (de quel que type que ce soit), et il y a des lignées plus paisibles et calmes. Or, à considérer notre histoire, il semble bien que les lignées plus violentes ont été favorisées. Pendant des millénaires, ce fut pour des questions de pure survivance. Mais lorsque est arrivé le temps des civilisations, une certaine sélection avait déjà été opérée. Les innombrables guerres et crimes qui jonchent notre histoire en sont le symptôme. Les lignées douces ont été mises en marge, et il est probable que bon nombre d’entre elles sont éteintes à jamais depuis longtemps. L’agressivité de l’être humain face à la nature est inouïe, notre cruauté face aux animaux aussi. Pourtant, nous nous donnons facilement bonne conscience… et nous continuons.

Victor Orsel: Le Bien, le Mal (1832)

Peut-être qu’au fond de nous, nous désirons vivre dans la paix, la concorde, la fraternité, vivre en harmonie avec la nature aussi. Mais c’est loin au fond de nous. Ainsi, malgré de bonnes intentions, il nous arrive de poser plein de gestes contraires. Certains d’entre nous en ont de la peine, des regrets, de la honte même, mais d’autres non. «Au plus fort la poche!». Le prix de consolation est une paix qui repose avant tout sur des rapports de force, paix bancale, sans cesse contestée, instable et fragile, qui est en fait terrain de luttes incessantes. Quand une force gagne, elle se remet immédiatement en tenue de combat et part guerroyer pour obtenir davantage. Avec des victimes, comme en toute lutte. Quoi qu’on dise, il y a une prime sociale à l’intimidation.

Comment assumer cela? Comment corriger lorsque nos premiers choix vont spontanément et instinctivement vers l’établissement de rapports de force et d’une justice favorable aux plus forts, aux puissants, aux gens qui crient le plus fort? Au lieu de nous obstiner à dénoncer les autres comme coupables, il faudrait que chaque personne se regarde dans le miroir et prenne conscience de son propre penchant vers la violence et la méchanceté. Mais ce n’est pas demain la veille, car c’est bien connu, le coupable est le «blantriarcat»!  

Ce défi, seul l’amour le peut le relever; l’amour et ce qui vient avec : la patience, la prévenance, la bonté, le partage, le respect mutuel… Les petits gestes tout simples d’amour, de bonté et de gentillesse du quotidien sont les fleurs de la vie. Mais n’est-ce pas, quelle vie plate ce serait!

Sources des illustrations: Collection personnelle, sites commerciaux pour les livres suggérés, Wikipédia (Domaine public, PD-US) 

lundi 1 mai 2023

UNE MESSE POUR LE VENT QUI SOUFFLE (OPUS 18). POUR ORGUE

Une Messe pour le Vent qui souffle.   
Pour orgue (opus 18)

MAI 2023: La partition éditée est maintenant disponible au Centre de musique canadienne! Elle compte 56 pages. Le travail d'édition a été réalisé par Odile Gruet, une copiste d'exception. 

Pour infos et achat: atelier@cmccanada.org


Rose des vents,
dans un atlas catalan du XIVe siècle

Cinq parties :

1-     Entrée : «Un souffle de vie» (c.10’)

2-     Alléluia : «Les Vents pour messagers» (c.4’30)

3-     Offertoire : «Le bruit d’une brise légère» (c.13’30)

4-     Communion : «Ils ne seront plus deux mais un seul être qui a chair et souffle de vie» (c.10’)

5-     Sortie : «L’Esprit aux quatre Vents» (c.7’30)

Durée totale approximative : 45-50 minutes

Pour écouter l’Offertoire, le troisième mouvement :


Pour écouter la Sortie, le cinquième mouvement : https://youtu.be/mJYB1c4hLSc

En cet article:

1. Présentation générale d'Une Messe pour le Vent qui souffle

2. Présentation plus détaillée de chaque mouvement de l'œuvre, avec exemples musicaux

3. Le Vent biblique: les citations en exergue des cinq mouvements.


Présentation générale 

d'Une Messe pour le Vent qui souffle

e point de départ de la composition d’Une Messe pour le Vent qui souffle fut un événement personnel que je désirais souligner d’une manière particulière. C’est donc pour cette occasion que j’avais composé une pièce d’orgue en 1991. J’habitais alors dans le quartier Rosemont de Montréal. N’étant pas moi-même organiste, le titulaire des orgues de l’église Saint-Marc-de-Rosemont, Raynald Arseneault, m’avait gentiment permis l’accès à son instrument. Cela m’a donné de me familiariser avec l’orgue, ainsi que de tester des idées musicales. J’ai alors composé Communion. Mais plusieurs autres idées avaient germé et, peu à peu, elles se sont organisées en une vaste fresque en cinq mouvements, dont Communion serait la quatrième partie. Ce travail était à peine commencé que Jacques Boucher, organiste et réalisation à la radio de Radio-Canada, me commandait l’œuvre : ce fut ma première commande officielle. J’ai terminé la composition en 1993 et lui ai donné le titre Une Messe pour le Vent qui souffle. Avec les trois lettres majuscules. 
L’œuvre fut pour la première fois donnée dans son intégralité le 6 mars 1994, lors d’un concert de la série SpirituArt en l’église Saint-Jean-Baptiste (Montréal), sous les doigts de Patrick Wedd. Peu après, elle fut enregistrée pour la radio et diffusée à l’émission Tribune de l’orgue, sur les orgues de Saint-Marc-de-Rosemont. 
Soufflet d'orgue

D'autres organistes l'ont reprise depuis, dont Gisèle Guibord qui en a donné une version mémorable à l'Oratoire Saint-Joseph (Montréal). Cette dernière interprétation s'est méritée d'excellentes critiques.
Voir: https://antoine-ouellette.blogspot.com/2019/01/gingras-est-mort.html

Dans un pays normal, une telle réception aurait ouvert les portes toutes grandes vers de nombreuses exécutions de l'œuvre, mais le Québec n'est pas un pays normal: ces louanges m'ont plutôt confronté à la jalousie et à la méchanceté de quelques personnes qui ont fait le maximum d'obstruction contre l'œuvre. Je ris (jaune) parce que l'une de ces personnes se fait en public une image toute dans le Bon Dieu. Que le Seigneur leur pardonne! 

Orgue de Saint-Chinian (France)

Le Vent qui souffle est d’abord celui donnant naissance aux sons musicaux dans les tuyaux de l’orgue. L’œuvre débute alors que l’instrument est éteint. Le premier geste musical, écrit dans la partition, demande à l’organiste de mettre en action la soufflerie de son orgue : on entend alors l’air entrer dans l’instrument. Puis, une note se fait entendre, doucement; les jeux (timbres) s’ajoutent peu à peu sur cette note (Do) et d’autres notes s’ajoutent en un immense crescendo menant au plein son de l’instrument : c’est la «convocation des Vents».

Cette Messe est le pendant sacré de Bourrasque, pour flûte seule (opus 16), composée peu avant : ces deux œuvres se répondent l’une l’autre. Dans Bourrasque, le vent est l’élément naturel. Cette fois, le Vent qui souffle est celui qui manifeste la présence divine. Dans la partition, un titre et une citation biblique précèdent chaque mouvement en présentant un attribut sacré du vent - cette citation peut être lue en concert avant le mouvement auquel elle est rattachée (voir plus loin).

Une Messe a été composée sur l’orgue de l’église Saint-Marc-de-Rosemont (Montréal), d’où les suggestions de registrations que j’ai mises dans la partition. Mais l’interprète adaptera selon les caractéristiques particulières de son instrument. Par exemple, l’orgue de Saint-Marc ne possède pas de grands tuyaux de 32 pieds, mais il faudra les utiliser s’ils sont disponibles. Par contre, l’orgue de Saint-Marc est riche en mixtures, des jeux donnant des sons harmoniques. Une Messe exige cette richesse en harmoniques. J’ai traité l’orgue presque comme un synthétiseur, et j’ai exploité les possibilités de «chimie sonore» de l’instrument. 

La Messe nécessite trois claviers manuels : récit, positif et grand orgue. Les claviers de l’orgue de Saint-Marc vont jusqu’au Do c’’’’. Quatre des cinq mouvements d’Une Messe vont jusque-là. Tous les orgues ne possèdent cependant pas des claviers allant jusqu’à cette note, mais il est possible d’adapter à nouveau. Une Messe a ainsi été donnée sur des orgues dont les claviers s’arrêtent au Sol précédent, tel celui de l’Oratoire Saint-Joseph (Montréal). L’orgue n’est pas un instrument «standard», chaque orgue possède ses particularités, mais la plupart des organistes savent se débrouiller, comme Gisèle Guibord l’avait brillamment fait à l’Oratoire Saint-Joseph.

Jusqu’à maintenant, l’orgue que j’ai le mieux aimé pour l’exécution d’Une Messe fut celui de l’église du Gesù à Montréal. Cet instrument est presque trop puissant pour le lieu et la Messe y a fait vibrer murs et plancher! 


*          *          *


Présentation détaillée avec exemples musicaux.


1- Entrée : «Un souffle de vie» (c.10’)

Inspirée de la Genèse, l’Entrée évoque le Vent de Dieu tournoyant au commencement de l'univers, en une danse de la Création.

Première page de la partition éditée
d'Une Messe pour le Vent qui souffle
réalisée par la copiste Odile Gruet.
Cliquez sur l'image pour l'agrandir.
(C) 1993-2023 Antoine Ouellette SOCAN

L'œuvre débute dans le silence alors que l'interprète met en marche la soufflerie de l'instrument: c'est la Convocation des Vents. Les notes s'ajoutent une à une: un vaste accord se forme progressivement, allant de l'extrême grave à l'extrême aigu, porté par un crescendo qui fait appel à la pleine puissance de l'instrument. Le Vent tournoie au-dessus des eaux en une toccata tourbillonnante. Le Souffle œuvre à la Création en un vif «scherzo» au rythme dansant très irrégulier. 

Extrait de l'Entrée, Une Messe pour le Vent qui souffle.
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(C) 1993-2023 Antoine Ouellette SOCAN

À deux reprises, quelques accords planants interrompe le mouvement virevoltant. Cette section culmine en des accords vibrants et très sonores. 


Extrait de l'
Entrée, Une Messe pour le Vent qui souffle.
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(C) 1993-2023 Antoine Ouellette SOCAN

Silence. Sur la pédale longuement tenue du Si bémol, une mélodie infinie s'élève, sereine et majestueuse: «Fait d'eau et de terre, l'Homme prend souffle de vie». Cette mélodie éperdue monte jusqu'au plus aigu de l'instrument, avant de dialoguer avec elle-même. 


Extrait de l'
Entrée, Une Messe pour le Vent qui souffle.
Au besoin, cliquez sur l'image pour l'agrandir.
(C) 1993-2023 Antoine Ouellette SOCAN

Elle retombe paisiblement alors que la pédale passe sur le Mi bémol grave. L'accord conclusif n'est toutefois pas un accord de Mi bémol majeur, mais un accord de Do mineur renversé sur sa tierce: un accord magique (Si bémol s'entend par résonance sans être là!) que je préférais nettement à un plus conventionnel accord majeur. 

2- Alléluia : «Les Vents pour messagers» (c.4’30)

Méditant sur les vents comme messagers de la Parole (d’après les Psaumes 104 et 148), l’Alléluia reprend une pratique des chants liturgiques chrétiens en faisant alterner une antienne avec des versets dont les sonorités et le bourdon (note profonde soutenue) rappellent le chant byzantin.

Extrait de l'Alléluia, Une Messe pour le Vent qui souffle.
Au besoin, cliquez sur l'image pour l'agrandir.
(C) 1993-2023 Antoine Ouellette SOCAN

C'est le mouvement ayant la forme la plus simple dans la Messe, le plus court aussi. Un cycle est constitué par une Antienne, un Verset psalmodique et un Envoi allègre. 

Extrait de l'Alléluia, Une Messe pour le Vent qui souffle.
Au besoin, cliquez sur l'image pour l'agrandir.
(C) 1993-2023 Antoine Ouellette SOCAN

Ce cycle est repris trois fois: l'Antienne reste identique; le Verset diffère chaque fois (il utilise des timbres «orientaux» obtenus par des mixtures combinées) mais il est toujours soutenu par une note bourdon grave; l'Envoi reste identique mais, la troisième fois, il est prolongé en une conclusion sonore sur Mi bémol majeur (bien franc cette fois!). 

3- Offertoire : «Le bruit d’une brise légère» (c.13’30)

Concerts de flûtes, chants d’oiseaux, accords contemplatifs : l’Offertoire s’inspire de ce bruit de brise légère dans lequel le Seigneur se révéla au prophète Élie (voir plus loin). Sont utilisées ici deux mélodies grégoriennes de la Pentecôte, cette fête célébrant le souffle de l’Esprit. Comme une prière montant au Ciel, une lente ascension porte la musique vers le silence, l’Infini. La dernière note est suraiguë, tant que certains auditeurs pourraient ne pas la percevoir.

À l'opposé du mouvement précédent, l'Offertoire est le mouvement le plus long et le plus complexe de la Messe! Dois-je avouer que c'est aussi mon préféré? 

Il débute par une version ornementée et monodique de l’Alléluia grégorien Veni Sancte Spiritus. En ce début, l’Alléluia est joué avec les trois claviers manuels accouplés. Chaque clavier est registré avec un jeu de flûte lui étant propre. Donc, ces trois flûtes sont fondues en un seul timbre. 
Puis, la même mélodie est reprise mais plus ornementée et divisée en trois phrases. À ce moment, les trois claviers sont découplés : chacune des trois phrases fait alors entendre individuellement chacune des trois flûtes. 
Une fois que les trois phrases et les trois flûtes ont terminé la mélodie, un autre jeu fait entendre une descente d’accords planants et sereins. 

Extrait de l'Offertoire, Une Messe pour le Vent qui souffle.
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(C) 1993-2023 Antoine Ouellette SOCAN


Les trois flûtes individuelles reviennent avec la mélodie très ornementée. Mais cette fois, cette mélodie est «éclatée», «atomisée», découpées en petits fragments qui peuvent évoquer des chants d’oiseaux. Vous pouvez suivre en écoutant l’Offertoire https://www.youtube.com/watch?v=cLrELAcuLIw&t=22s


Représentation graphique du début de l'Offertoire d'Une Messe pour le Vent qui souffle / (c) 1993 Antoine Ouellette Socan

Ces fragments passent sans cesse d’un clavier à l’autre, d’une flûte à l’autre, en se chevauchant. L’organiste doit jouer sans établir la moindre pulsation : tout cela se déroule en rythme libre, sans barres de mesures (il n’y en a d’ailleurs aucune dans toute la Messe). L’organiste ajoute des notes graves au pédalier, toujours sur un jeu de flûte. Cela demande une certaine gymnastique! 

Extrait de l'Offertoire, Une Messe pour le Vent qui souffle.
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(C) 1993-2023 Antoine Ouellette SOCAN


Peu à peu, dans cette musique en apesanteur se glissent des fragments d’une autre mélodie grégorienne (elle aussi très ornementée), celle de l’introït Spiritus Domini pour la Pentecôte. Pour agencer tous ces petits motifs hors tempo, j’ai eu recours à une technique inspirée de la musique aléatoire par tirage au sort du compositeur John Cage. J’ai donc utilisé le hasard ici, mais cette musique n’est pas aléatoire : pour moi, il s’agissait d’un outil pour sculpter le temps hors de la pulsation et pour créer une sorte de concert de chants d’oiseaux. 


Extrait de l'Offertoire, Une Messe pour le Vent qui souffle.
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(C) 1993-2023 Antoine Ouellette SOCAN


Vers les deux-tiers de l’Offertoire, ce qui était atomisé se reconstruit, et la mélodie du début monte en un immense crescendo jusqu’au plein son de l’instrument. Puis, l’autre mélodie, celle qui n’avait été entendue jusqu’alors que sous forme atomisée et subliminale, est reconstruite et donnée en monodie aux flûtes à nouveaux fondues en un seul timbre. 

Extrait de l'Offertoire
, Une Messe pour le Vent qui souffle.
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La conclusion se base sur la suite d’accords planants entendues brièvement à quelques reprises mais, cette fois, cette suite devient ascendantes : elle part du registre médium de l’instrument et elle monte, monte, monte… jusqu’à se poser sur une unique note suraiguë, tellement haute que certains auditeurs pourraient ne pas la percevoir. La musique est ainsi passée en un autre monde, un monde spiritualisé et sans corporalité.

Conclusion de l'Offertoire, Une Messe pour le Vent qui souffle.
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4-  Communion : «Ils ne seront plus deux mais un seul être qui a chair et souffle de vie» (c.10’)

Entrecoupées d’échos d’une marche nuptiale, les mélodies en duo de la Communion se fondent en accords résonnants, comme en un mariage sonore - ces mélodies en duos sont souvent en mouvement contraire: une voix monte alors que l'autre descend. Des couples d’oiseaux fantastiques se répondent en descendant des nuées. Selon la parole du prophète Malachie : «Ils ne seront plus deux mais un seul être qui a chair et souffle de vie» (chapitre 2 du Livre de Malachie).

Début de la Communion, Une Messe pour le Vent qui souffle.
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Comme pour l'Alléluia, la forme de ce mouvement est très claire: A-B-A'-B'-A'' Malgré ce qu'une première écoute pourrait laisser penser, il n'y a aucune répétition textuelle dans la Communion, contrairement à celles de l'antienne de l'Alléluia. Les deux sections B sont identiques pour les notes des claviers, mais les timbres «oiseaux» sont bien différents; de plus, alors que la note bourdon profonde de la première section B est tenue sans interruption, cette oscille sur deux octaves dans la section B'. 

Duo d'oiseaux dans Communion, Une Messe pour le Vent qui souffle.
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(C) 1993-2023 Antoine Ouellette SOCAN

Ai-je été téméraire de faire s'enchaîner deux mouvements lents (Offertoire et Communion)? En tout cas, ces deux mouvements amènent l'auditeur loin ailleurs... 

5- Sortie : «L’Esprit aux quatre Vents» (c.7’30)

La Sortie annonce la résurrection d’après un passage du livre d’Ézéchiel où le prophète, appelant les Quatre Vents, redonne vie à une foule d’ossements (voir plus loin). Souffle renouvelé qui amène le retour de motifs musicaux, transfigurés en apothéose sonore.

Ce mouvement final est très sonore, d'un bout à l'autre! Il fait entendre de grandes vagues, un fugato (il en faut un dans une pièce pour orgue!), un des passages les plus hymniques et euphoriques que j'ai écrit. 


Extrait de la Sortie, Une Messe pour le Vent qui souffle.
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La conclusion reprend les descentes harmoniques de l'Offertoire, mais jouées cette fois avec puissance: tout d'abord avec un ostinato rythmique sur la note Sol, puis en mouvement contraire - les accords montent à la main droite et descendant à la main gauche.

Extrait de la Sortie, Une Messe pour le Vent qui souffle.
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Comme pour l'Alléluia, la Sortie se termine en un vibrant accord de Mi bémol majeur. J'avoue avoir déjà eu l'idée de modifier ces deux conclusions qui font très tonales. Mais basta! Deux accords de Mi bémol majeur en 45 minutes n'est pas abuser!  

Reste qu'Une Messe pour le Vent qui souffle n’est pas conçue d’une manière tonale, même s’il s’agit d’une musique «polarisée». Pourtant, cette musique est diatonique, avec ici et là quelques chromatismes qui sont des «nuances modales» occasionnelles. La Communion est parfaitement diatonique et en une sorte de La bémol majeur. L’Offertoire est en un mode de Ré, avec le Si mobile : tantôt bémol, tantôt bécarre. Pour les trois autres mouvements, la note Mi bémol est celle vers laquelle la musique tend. L’Entrée se termine tout doucement sur une «harmonie magique» avec Mi bémol à la basse, mais l’accord aux claviers est formé des notes Do, Mi bémol et Sol – le Si bémol peut s’entendre par résonance. Le premier accord franc de Mi bémol majeur n’est conquis qu’à la toute fin de l’Alléluia, et il se fait alors très sonore. Comme l’Entrée, la Sortie cherche à se poser sur Mi bémol majeur mais, alors que l’Entrée laissait les choses en suspens, la Sortie se termine par un passage à plein son qui mène enfin au Mi bémol majeur conclusif. La musique combine mon principe de «tonalité aérienne» (où les tensions tonales ont peu ou pas de poids) avec une direction vers Mi bémol majeur. 

Conclusion de l'Entrée, avec un «accord magique» mineur qui sonne majeur,
Une Messe pour le Vent qui souffle.

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Icône du prophète Élie
Les passages bibliques relatifs au Vent qui ont inspiré l'Offertoire et la Sortie d'Une Messe pour le Vent qui souffle:

Offertoire. Premier Livre des rois. Chapitre 19, versets 9, 11 à 13.



Là, Élie [se réfugia] dans une caverne et y passa la nuit. Et voici que la parole du Seigneur lui fut adressée : « Sors et tiens-toi sur la montagne devant le Seigneur, car il va passer. » À l’approche du Seigneur, il y eut un ouragan, si fort et si violent qu’il fendait les montagnes et brisait les rochers, mais le Seigneur n’était pas dans l’ouragan ; et après l’ouragan, il y eut un tremblement de terre, mais le Seigneur n’était pas dans le tremblement de terre ; et après ce tremblement de terre, un feu, mais le Seigneur n’était pas dans ce feu ; et après ce feu, le murmure d’une brise légère. Aussitôt qu’il l’entendit, Élie se couvrit le visage avec son manteau, il sortit et se tint à l’entrée de la caverne.

Sortie. Livre du prophète Ézéchiel. Chapitre 37, versets 1 à 10.

Vision d'Ézéchiel,
par Gustave Doré (XIXe s.)

La main du Seigneur se posa sur moi, par son esprit il m’emporta et me déposa au milieu d’une vallée ; elle était pleine d’ossements. Il me fit circuler parmi eux ; le sol de la vallée en était couvert, et ils étaient tout à fait desséchés. Alors le Seigneur me dit : « Fils d’homme, ces ossements peuvent-ils revivre ? » Je lui répondis : « Seigneur Dieu, c’est toi qui le sais ! » Il me dit alors : « Prophétise sur ces ossements. Tu leur diras : Ossements desséchés, écoutez la parole du Seigneur : Ainsi parle le Seigneur Dieu à ces ossements : Je vais faire entrer en vous l’esprit, et vous vivrez. Je vais mettre sur vous des nerfs, vous couvrir de chair, et vous revêtir de peau ; je vous donnerai l’esprit, et vous vivrez. Alors vous saurez que Je suis le Seigneur. »

Je prophétisai, comme j’en avais reçu l’ordre. Pendant que je prophétisais, il y eut un bruit, puis une violente secousse, et les ossements se rapprochèrent les uns des autres. Je vis qu’ils se couvraient de nerfs, la chair repoussait, la peau les recouvrait, mais il n’y avait pas d’esprit en eux. Le Seigneur me dit alors : « Adresse une prophétie à l’esprit, prophétise, fils d’homme. Dis à l’esprit : Ainsi parle le Seigneur Dieu : Viens des quatre vents, esprit ! Souffle sur ces morts, et qu’ils vivent ! »

Je prophétisai, comme il m’en avait donné l’ordre, et l’esprit entra en eux ; ils revinrent à la vie, et ils se dressèrent sur leurs pieds : c’était une armée immense !

Sources des illustrations: Collection personnelle et Wikipédia pour les deux dernières (Domaine public, PD-US).