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vendredi 1 mai 2015

LE PROJET HAYDN. PÉRIODE MAUVE(4)

LE PROJET HAYDN (4)

LA PÉRIODE MAUVE c.1766/67-1773

Cet article est le quatrième d’une série dans laquelle je vous initie à l’art de Joseph Haydn. Pourquoi Haydn? Tout simplement et subjectivement parce qu’il est mon compositeur préféré tout styles et époques confondus! Mais attention : il y a mon goût, il y a aussi la matière et celle que nous offre Haydn est d’une richesse rare.
Le premier article situait le génie du compositeur :
Le second article situait les «massifs» des genres musicaux qu’il a pratiqué sa carrière durant :
Le troisième article portait sur sa première période créatrice que j'ai nommée la période bleue:


L’incendie

Une excellente version du Stabat Mater, tirée du coffret
remarquable consacré aux Messes du compositeur.
Que s’est-il donc passé dans la vie de Haydn?! Voici qu’après sa Période bleue toute de joie arrivent cinq ou six années où les œuvres en mode mineur prennent un poids inhabituel, ce mode associé à la tristesse, à la tragédie, à l’intériorité… Durant la période bleue, les œuvres en mineur se comptaient sur les doigts d’une seule main, dont les deux beaux Trios pour piano, violon et violoncelle en sol mineur (#5) et en fa mineur (#14). À l’époque baroque, les œuvres en mineur furent nombreuses sans qu’il soit possible de voir chez leurs auteurs des signes de crise personnelle. Mais le style classique rend l’usage de ce mode beaucoup plus rare et, de ce fait, les musicologues ont tendance à y attribuer toutes sortes de significations sombres… Chez Haydn, la première symphonie en mode mineur date de 1765-66 : la #34, en ré mineur. Mais en vérité, seul son premier mouvement, un mouvement lent (autre rareté) est en mineur; les trois mouvements suivants sont en ré majeur. C’est plutôt son grand Stabat Mater, pour solistes, chœurs et orchestre, de 1767 et en sol mineur, qui marque véritablement un tournant. Durant cette nouvelle période, Haydn composera dix-sept symphonies (#26, 35, 38, 39, 41 à 50, 58 et 59 / on pourrait ajouter la #51 mais c’est un cas limite que je préfère transférer dans la période suivante), dont pas moins de six sont en mineur : #26 (ré mineur, Les lamentations), 39 (sol mineur), 44 (mi mineur, Funèbre), 45 (fa dièse mineur, Les adieux), 49 (fa mineur, La Passion) et 52 (do mineur)*. Ajoutons à cela, les Sonates pour piano #32, en sol mineur, et plus encore la #33 en do mineur; quelques Quatuors à cordes, dont deux sur les six de l’Opus 20 (le seul recueil de Haydn à compter deux quatuors en mineur : #3 en sol mineur, et #5 en fa mineur), etc. Je nommerai donc «Période mauve» cette seconde période créative de Haydn, du nom d’une couleur que certaines cultures associent au deuil.

*Je rappelle que Haydn ne numérotait pas ses œuvres ni qu’il les datait de manière systématique. Ceci explique pourquoi les numéros de ses symphonies, donnés bien après son décès, ne correspondent que grossièrement à leur ordre chronologique de composition, surtout pour les symphonies avant la #82.


Les musicologues se pâment pour cette période et sa musique plus sombre que, dans leur aveuglement naïvement romantique, ils jugent plus «profonde» que celle de la période précédente (et que celle de la période qui suivra aussi). Car il ne faut pas surévaluer le côté sombre de cette Période mauve : malgré tout, les pièces en mode majeur prédominent encore. Ces commentateurs, qui ont trop tendance à parler de Haydn sans même l’avoir écouté, y trouveraient, entre autres, une pièce aussi placide que la Symphonie #58 en fa majeur. Difficile d’imaginer une musique plus relaxe que celle-là, sauf en son Finale énergique et ludique (mais la Symphonie possède tout de même sa personnalité bien à elle!). Autre exemple à ne pas manquer: la Grande Messe avec orgue (1768-69), comme un avant-goût sonore du Paradis, avec son orchestration unique: outre les cordes, deux cors anglais (hautbois altos), deux cors français (cuivres) et, bien sûr, un orgue qui tient des solos aériens comme des chants d'oiseaux.

Mais bon, que ce serait-il donc passé dans la vie de Haydn?! Difficile à cerner. Son mariage malheureux? Une surcharge de travail associée à un sentiment de solitude affective? Un besoin tout intérieur de se renouveler et de se remettre en question sur le plan artistique? Cette phrase qu’il écrit : «Séparé du reste du monde, force m’était donc d’être original»? La terreur de l’incendie qui dévasta Eisenstadt en août 1768 (dix morts, 141 maisons brûlées sur les 160 que comptait la petite ville, dont celle de Haydn lui-même qui vit réduits en cendres certains de ses manuscrits)?

Tempêtes et passions

Robbins Landon a fait beaucoup en faveur de la musique de Haydn : un travail de recherche colossal. Il semble avoir été le premier à nommer cette période celle du Sturm und Drang. Depuis, tout le monde le répète, en prenant un moyen pédagogique utile pour une vérité absolue. Or, il n’y a rien d’absolu ici concernant Haydn. Qu’est-ce que le Sturm und Drang? En fait, il s’agit du titre d’une pièce de théâtre créée en 1776 par Friedrich Maximilian Klinger, titre que l’on pourrait traduire par Tempête et désir, ou Tempête et pulsion. Par extension, le Sturm und Drang est un mouvement littéraire germanique qui contestait le bon ton et les idéaux classiques. Ses auteurs, des jeunes plein de flamme, rejetaient les conventions formelles, le rationalisme, la pudeur, l’équilibre pour leur substituer la violence, la marginalité, l’angoisse, la laideur, le cauchemar… 
Le dramaturge Friedrich Maximilian Klinger,
auteur de la pièce Sturm und Drang
Dans cette littérature, la nature est hostile et peuplée de forces maléfiques. La critique sociale est radicale et les héros sont le plus souvent des anti-héros : des personnages inadaptés, délinquants, errants, psychopathes, en proie à l’angoisse et tentés à tous moments par le suicide. Klinger (1752-1831) écrit : «Je suis déchiré par les passions. Tout autre homme en serait détruit. À tout moment, je voudrais voir l’humanité et tout ce qui existe dévorés par le chaos, et alors je m’y jetterais moi-même!». Johann Wolfgang Von Goethe (1749-1832) : «Nous avons depuis huit jours le temps le plus affreux et cela me faisait du bien», «J’étais là, les bras grands ouverts devant l’abîme et, attiré par les profondeurs du ravin, je me laissais aller à la pensée délicieuse d’y précipiter mes tourments et mes peines». Le même Goethe, qui s’assagira plus tard (contrairement à certains de ses collègues qui sombreront dans la maladie mentale), publie en 1774 son roman Les souffrances du jeune Werther qui se termine avec le suicide du héros : enthousiasmés et enfiévrés, un nombre inquiétant d’admirateurs passeront aux actes dans la vraie vie, annonçant deux siècles à l’avance la vague de suicides qui a suivi celui de Kurt Cobain, le chanteur du groupe Nirvana (quel Nirvana, en effet!).


Page couverture de la deuxième
édition des Souffrances du jeune
Werther
, roman de Goethe 
Certains compositeurs de l’époque semblent gagnés par cette atmosphère et donneront plus de poids à leurs œuvres en mode mineur, les parant d’accents théâtraux et tragiques. L’un d’eux, Joseph Martin Kraus (1756-1792), contemporain de Mozart et décédé comme lui tout jeune (un excellent compositeur du reste, que Haydn admirait), rédigera un petit traité sur les liens entre le Sturm und Drang littéraire et la musique. Alors, serait-ce ce mouvement qui a influencé le Haydn de la Période mauve? Ce n’est pas du tout évident. Vous aurez remarqué que cette période est antérieure à la pièce de Klinger et au Werther de Goethe – et ces musicologues qui affirment sans rire que la musique est «en retard» sur les autres arts! Mais surtout, Haydn n’a rien d’un littéraire : la littérature l’intéresse finalement assez peu et, dans sa bibliothèque, il n’y avait pas de livres Sturm und Drang. De plus, malgré le recours plus fréquents aux couleurs du mode mineur, la musique de la période mauve demeure de style classique (style qui n’en est d’ailleurs presqu’à ses débuts) : elle n’a absolument rien de Romantique, pas même de préromantique. Les gens qui y viennent avec l’idée d’entendre du Haydn Romantique seront déçus. De plus, lorsque le Sturm und Drang littéraire se déchaîne, Haydn opère un nouveau tournant dans son œuvre. Donc, tant qu’à moi, je ne suis pas tenté de relier Haydn à ce mouvement. Mais je sais que d’autres forcent les choses pour le faire parce qu’ils croient, sottement, que pour un musicien, il est plus «classe», plus «profond» de copiner avec la littérature. Haydn est trop musicien pour cela, et son esprit est imperméable à une telle pathologie. Finalement, embrouillée par cette histoire de Sturm und Drang, la musique de Haydn de la période mauve n’est guère mieux comprise que celle de la période bleue; pas mieux comprise (pas toujours plus écoutée non plus) mais tenue en très haute estime pour de mauvaises raisons! La période mauve, assez brève du reste, pourrait donc avoir été une sorte de «crise de la quarantaine» chez notre ami, une remise en question, la recherche d’un élargissement artistique.

INTERLUDE MUSICAL 1. La  Symphonie #44, en mi mineur, dite «Funèbre». Les trois premiers mouvements sont dans des tempos de plus en plus lents, comme une descente ou une intériorisation progressive. Le Menuet est en deuxième place (ce qui ne sera donc pas une «révolution» faite par Beethoven comme on le prétend souvent. Mais ce Menuet austère, écrit en canon, n'a plus grand chose à voir avec la danse d'origine. Tous les mouvements de la Symphonie sont en mi, mais le troisième est le seul en majeur, un mouvement lent d'une grande beauté que Haydn voulait qu'il soit joué lors de ses funérailles (un souhait qui ne sera pas exaucé...). Le Finale termine l'oeuvre avec emportement. Dans cette vidéo, le Filarmonica della Scala (Milan) est dirigé par Myung-Whun Chung. Le chef prend le Menuet très lentement, ce qui se justifie et renforce son austérité. Adam Fischer, lui, le prend environ deux fois plus vite ! 

Conquêtes et défis

Donc, Haydn explore et ajoute des couleurs plus sombres à sa palette. Il compose une symphonie en fa dièse mineur (#45), une tonalité dont Camille Saint-Saëns dira à la fin du 19e siècle qu’il était impossible de l’utiliser à l’orchestre à cause des défis qu’elle pose pour la justesse collective! Les mouvements lents de cette période prennent des dimensions nouvelles. Comme il l’avait fait dans sa période bleue, il ouvre telle symphonie avec un ample mouvement lent (#49) et, chose inusitée, il termine telle autre symphonie avec un mouvement lent (#45, dont le Finale énergique se brise soudainement en faveur d’un Adagio durant lequel les instruments disparaissent un à un). À l’époque, les concerts de soirée étaient donnés à la lueur de chandelles. Je trouve que certains mouvements lents de cette période évoquent les formes transitoires et graciles de la flamme de bougies, les volutes de leur fumée (comme le second mouvement de la Symphonie #45 en est un exemple).

Une autre conquête de la période mauve est l’extension de la durée. En poursuivant les genres qu’il avait déjà employés sinon carrément inventés, Haydn repense l’écriture fine : le travail de décomposition des mélodies en fragments (motifs) devient plus complexe, plus soutenu. Avec quatre mouvements au lieu de cinq comme leurs prédécesseurs, les Quatuors mauves (opus 9, 17 et 20) durent plus longtemps que ces derniers. Mais notez bien que la concision demeure : nous sommes encore loin des épanchements formels du Romantique 19e siècle. Haydn continue de manier les formes avec liberté et fantaisie : le mouvement de danse (Menuet) figure en deuxième ou troisième place dans les œuvres en quatre mouvements (très souvent en deuxième dans les Quatuors : ce n’est donc pas Beethoven qui a inventé cette disposition…), trois des six Quatuors opus 20 se terminent par une fugue (une fugue en style classique, et non baroque, basée sur des motifs morcelés plutôt que sur des thèmes soutenus), etc.

Outre les œuvres mentionnées précédemment, on retrouve dans cette période mauve deux belles messes (Grande Messe avec orgue – aux sonorités rares avec deux cors anglais dans l’orchestre, et la Messe de saint Nicolas), la cantate Applausus, les Sonates pour piano #20 à 33 – les #21 à 27 sont malheureusement perdues (détruites dans l’incendie?) et la #28 est incomplète.

Quelques œuvres de la période mauve semblent demeurer problématiques encore aujourd’hui, comme autant de défis à l’intelligence – même auprès des musicologues enthousiastes! Par exemple, les Quatuors à cordes (trois groupes de six). L’Opus 9 est si déroutant, semble-t-il, qu’il se vaut encore de mauvais commentaires. Difficile à cerner, son mariage de nonchalance, d’humour (presque insolent dans le «mini Finale» du Sixième), de rhétorique héritée de l’opéra? Ainsi, le mouvement lent de l’Opus 9 #2 (en mi bémol majeur) est un Récitatif et air, forme directement puisée dans le domaine de l’opéra – le Récitatif est extraordinaire : chaque instrument ajoute une après l’autre les notes qui, tenues, forment progressivement les accords par leur addition. Haydn reprendra cette construction «pyramidale» d’accords dans le premier mouvement du Quatuor en ré majeur, opus 71 #2, cette fois dans un tempo vif et avec de puissants sauts d’octave. Juste pour dire, de tels gestes, il faudra attendre Varèse et la musique de Big Band au XXe siècle pour en retrouver. De même, Dimitri Chostakovitch reprendra la forme Récitatif et air dans son Deuxième Quatuor à cordes : aurait-il emprunté l’idée à Haydn? Cela dit, seul semble échapper aux critiques le Quatrième Quatuor de ce recueil, soit le seul en mode mineur (ceci expliquant probablement cela, connaissant le culte Romantique de bien des interprètes et musicologues). Pourtant, dans leurs intégrales respectives, tant le Quatuor Angeles que le Kodaly les réussissent parfaitement - dans le cas du Kodaly peut-être même ses meilleurs disques Haydn. Alors, un petit effort de matière grise! L’Opus 17 ne pose pas ce problème : c’est un recueil fantôme dont presque personne ne parle! Et pourtant, tout ici, même dans celui des six qui est en mineur, est idyllique, printanier, avec des tons pastels magiques. Les mouvements lents sont particulièrement réussis et plus directement poétiques que ceux de l’Opus 9. Écoutez l’Adagio du premier quatuor du recueil : quelle tendresse, quelle beauté harmonique! Mais l’humour  et l’esprit pétillent autant : écoutez ces dissonances râpeuses du Menuet de l’Opus 17 #5, wow, qu’un éditeur de l’époque a cru devoir «rectifier»! Quant à l’Opus 20, je ne vois vraiment pas ce qu’on pourrait lui reprocher : c’est la perfection même, peut-être le plus grand recueil de Quatuors de tous les temps, et qui fourmille de trouvailles toujours heureuses (par exemple : c’est le violoncelle qui expose la mélodie au début de l’Opus 20 #2 – des drôles affirment que c’est Beethoven qui a ouvert un quatuor au violoncelle. Le même violoncelle se fait hyperexpressif dans le mouvement lent de la même œuvre). Pourquoi alors ces Quatuors opus 20 ne sont-ils pas plus jouées? Je rêve qu’un ensemble les présente en deux soirées (avec toutes les reprises, évidemment). Il est répété à satiété que, dans ces Quatuors (les Opus 9 et 17 surtout), le premier violon prédomine, trop à ce qu'il parait. Qu'il prédomine est vrai mais bien relatif. Ainsi, dans le Presto initial de l'Opus 9 #6, les quatre instruments participent autant à la discussion et au contrepoint. Même dans les mouvements lents, souvent considérés légèrement comme des «solos de violon accompagnés»: les ondulations du magnifique Largo de l'Opus 9 #5 circulent fluidement d'un instrument à l'autre. Alors...

Le baryton bleu

Durant ces années, il est un domaine où se prolonge la période bleue : celui des œuvres pour baryton, instrument à archet de la famille des violes de gambe et muni de cordes sympathiques à l’arrière de son manche. On peut pincer ces cordes de la main gauche, tout en jouant d’autres notes avec l’archet à la main droite, ce qui nécessite une certaine gymnastique. Le baryton est l’un de ces instruments nouveaux et étranges pour lesquels Haydn a composé. Dans ce cas, c’est que son patron et ami Nicolas Ier s’y était mis et avait demandé à Haydn de nourrir sa passion en lui écrivant des pièces. Cet ensemble est dominé en nombre par les 126 (!) Trios pour baryton, alto et violoncelle – Trois réunis en cinq livres (Volume 1 vers 1765-66, Trios 1 à 24; Volume 2, 1767, Trios 25 à 48; Volume 3, 1768, Trios 49 à 72; Volume 4 vers 1771-72, Trios 73 à 96; Volume 5, jusque vers 1778, Trios 97 à 126). La sonorité résultante de ces trois instruments est unique, car ce sont trois instruments de registre médium-graves.
INTERLUDE MUSICAL 2. Vous êtes impatientEs de voir le baryton en action! Voici un court documentaire (en anglais) qui vous le présente en démonstration. L'autre vidéo propose le deuxième mouvement du Trio #97 par l'Esterhazy Ensemble.


Le baryton
Ces Trios ont donc été composés sur un nombre restreint d’années, le temps qu’a duré la passion du Prince, contrairement aux Quatuors à cordes qui jalonnent toute la carrière de Haydn : il ne faut donc pas s’attendre à la même diversité. Les Trios sont tous en 3 mouvements, dont un Menuet (mais autrement, il règne une grande variété formelle), sauf le #1 (4 mouvements) et le #97 (7 mouvements). Ils sont tous en mode majeur, sauf le #87 (la mineur) et 96 (si mineur) et, à cause des particularités du baryton, ils sont presque tous dans trois tonalités : sol, ré et la majeur. Ils participent à la concision extrême de la période bleue : bien peu dépassent les 10 ou 12 minutes. Je ne recommanderais pas à qui n’a pas encore pénétré le génie et l’univers de Haydn de commencer par là. Par contre, pour les fans, ce sont des miniatures finement ciselées qui recèlent plein de trouvailles. Je mentionne simplement le Menuet hachuré du #27; la cadence pour alto du #59; la vivacité de certains Finales comme celui, presque murmuré et d’un chic inouï, du #16, celui vif-argent du #48; l’utilisation des sons pincés avec un violoncelle qui gambade dans le premier mouvement du #70 (Scherzando presto)… La modestie de ces œuvres n’empêche nullement le recours à l’écriture savante, comme en font foi les Finales fugués (entre autres ceux des #33, 53, 71, 75, 81, 97, 101, 114). Même le Menuet du #94 est écrit en canon. Si cette musique est à écouter à petite dose, elle mérite aussi d’y prêter vraiment l’oreille, à défaut de quoi ses beautés risquent de passer inaperçues. Haydn a composé d’autres œuvres pour le baryton dont deux concertos et un concerto pour deux baryton (perdus tous les trois). Il lui a aussi dédié 7 Octuors qui, eux, sont d’authentiques chefs-d’œuvre. Mais ils datent de la période suivante.

Toutes ces œuvres ont été enregistrées en 2007-08 par le Esterhazy Ensemble, dans un coffret de 21 disques (!) publié par Brilliant Classics – cette maison de disque vient (fin 2014) de lancer une édition en 5 coffrets séparés : évidemment une première mondiale. L’entente entre les musiciens est parfaite. Par exemple l’allegro du Trio #46 : dans sa section centrale en mineur et très dandy (musique géniale!), les drôles de glissades chromatiques sont jouées de manière caustique, et plus encore lors de la reprise où les musiciens les jouent en glissandos en accentuant encore plus férocement les appuis! Les musiciens du Piccolo Concerto de Vienne qui se joignent à eux pour les Octuors sont des virtuoses remarquables, notamment les deux cornistes qui semblent se moqueur des effroyables difficultés techniques de leurs parties! Le groupe a poussé l’exhaustivité à enregistrer sur le CD 21 les œuvres qui nous sont parvenues sous forme fragmentaire – certains de ces fragments ne durant que 14 secondes!

Sources des illustrations:
Wikipédia: Domaine public PD-US
Sites commerciaux pour les pochettes de disques.