Une épidémie d’amnésie
et de fabulations
1. Les pathogènes se fichent de la race
2. Fosses communes: pas d'exclusivité
3. Festival de la fraude intellectuelle
4. Des Blancs comme cobayes
Avertissement: des passages de cet article, de même que quelques photos, pourraient choquer certaines personnes. Je préfère vous en avertir dès le départ.
Coco le coronavirus * |
Bach, par Johann Ernst Rentsch l'aîné. Bach ne craignait pas les épidémies, bien au contraire! |
Nous semblons avoir oublié que jusqu’à une époque toute récente, les épidémies frappaient régulièrement. Alors, il serait bon de se rafraîchir la mémoire, histoire de remettre les choses en perspective. À la fin de l’article, je corrigerai aussi une fabulation qui circule concernant la médecine et les Autochtones du Canada qui auraient été traités comme des «cobayes».
Les pathogènes se fichent de la «race»
Enfant atteint de rougeole * Center for Disease Control and Prevention: United States Department of Healt and Human Services (Domaine public) |
C’est curieux : il est souvent affirmé que ce sont les Blancs qui ont donné des maladies aux Autochtones. Mais entre nous, un microbe se fiche complètement de la couleur de la peau, eh oui.
[Source de la photo de domaine public ci-contre:
https://fr.wikipedia.org/wiki/Rougeole
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:RougeoleDP.jpg
Auteure: CDC/NIP/Barbara Rice; PD-USGov ]
(En passant, un Français travaillant en Thaïlande raillait les pays occidentaux lors de la deuxième vague de Covid : «Vos gouvernants briment la liberté et les droits! Et vous acceptez ça comme des moutons! Pathétique». Il plastronne moins depuis que le variant Delta a frappé la Thaïlande de plein fouet et que ce pays a imposé les mêmes restrictions qu’ailleurs. Les pathogènes se fichent de la race. En 2020, alors que l’Europe comptait déjà des milliers de morts, un Africain écrivait : «Je n’aurais jamais pensé voir l’effondrement de l’Occident de mon vivant!». Mais les variants ont frappé l’Afrique elle aussi depuis : ils se fichent de la couleur de la peau ou de savoir si telle personne est ou non «racisée» - pas si fous, les virus...)
En 1867, la première cause de mortalité au Canada est la tuberculose. Entre 1896 et 1906, la tuberculose a été la maladie infectieuse la plus meurtrière au Québec, tuant plus de 33 000 personnes. Encore en 1953, près de 19 000 Canadiens contractent cette maladie chaque année. Je rappelle qu’à ces dates, la population du Québec et du Canada était bien moindre qu’aujourd’hui : du coup, la proportion de la population touchée était nettement plus importante que ce qui est avec la covid-19.
Enfant atteinte de variole * Center for Disease Control and Prevention: United States Department of Healt and Human Services (Domaine public) |
https://www.journaldequebec.com/2020/04/26/photos-lepidemie-de-variole-de-1702-1703-une-tragedie
https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/epidemie
Émeute monstre devant l’hôtel de ville de Montréal en 1885 pour s'opposer à la vaccination contre la variole. Très brillant. |
Au cours de la seule année 1898, à Montréal, 1349 enfants meurent de gastroentérite, dont 1238 avant l’âge d’un an. En 1900 à Montréal, un enfant sur quatre meurt avant d'avoir un an. En 1899, c’était un enfant sur deux à Québec, taux hallucinant causé par de mauvaises conditions d’hygiène. Environ 3% des garçons nés au Québec au début du XXe siècle décédaient entre 9 et 15 ans.
Entre 1918 et 1920, la grippe espagnole a tué environ 55 000 personnes au Canada, «en majorité de jeunes adultes âgés entre 20 et 40 ans».
https://www.pc.gc.ca/fr/culture/clmhc-hsmbc/res/information-backgrounder/espagnole-spanish
Il y eut aussi le typhus, le choléra, la fièvre jaune et autres saloperies encore. Nous avions eu une pause jusqu’à l’arrivée de la covid-19 qui a fait plus de 27 000 morts au Canada.
Fosses communes : pas d’exclusivité
Hôpital de fortune au Massachusetts pour isoler et tenter de traiter les malades de la grippe espagnole * |
Avec les guerres et la pauvreté qui empêche la famille d’acheter un lot dans un cimetière (chose qui fut le cas pour Wolfgang Amadeus Mozart), les épidémies constituent la première explication de l’existence de fosses communes. D’une part, on craint la contagion et on enterre donc rapidement; d’autre part, on est débordé par le nombre de personnes décédées. De ces fosses communes ont été retrouvées sur le terrain de certains pensionnats autochtones, mais cela ne leur fut pas exclusif et il n'est pas du tout surprenant que les maladies infectieuses aient fait des victimes là comme ailleurs. À Québec lors de l’épidémie de grippe espagnole, «à la mi-octobre [1918], les funérailles sont si nombreuses que l’archevêque ordonne de ne plus faire sonner les cloches des églises chaque fois. Il craint que le son continuel du glas «démoralise» les vivants. À plusieurs endroits, on manque de cercueils. La panique s’installe. Les enterrements se font à la hâte. Au risque d’ensevelir des malades dont les signes vitaux sont devenus très faibles».
«Le père de [l’historien] Marcel Tessier a connu une famille dont tous les membres sont morts de la grippe espagnole et ont été enterrés dans des fosses communes».
https://histoire-du-quebec.ca/grippe-espagnole
Croix celtique du Mémorial des Irlandais, Grosse-Île |
Au Québec, ce qui est probablement la plus grande fosse commune ne concerne pas les Autochtones : «Station de quarantaine humaine pendant près d’un siècle, de 1832 à 1937, Grosse-Île [dans le Saint-Laurent face à Berthier-sur-Mer] a surtout vu passer 76 000 immigrants irlandais fuyant la famine et le choléra. Pour beaucoup, terrassés par le typhus, le voyage effectué dans de terribles conditions, prit fin là, sur cette île verdoyante. Plus de 7500 personnes y sont enterrées, sur terre ou dans un cimetière marin, fosse commune creusée à marée basse dans la "baie du Choléra"».
https://voir.ca/voir-la-vie/sur-la-route/evasion/2009/07/09/grosse-ile-memoires-irlandaises/
Des pays débordés par l’épidémie de covid-19 ont aussi dû procéder de cette manière, comme l’Inde et le Brésil.
Plusieurs Patriotes tués ou pendus lors des rébellions des années 1830 ont été enterrés dans des fosses communes, dont le Chevalier de Lorimier:
http://www.1837.qc.ca/1837.pl?out=article&pno=10003
Il y a des fosses communes dans les deux grands cimetières au Mont-Royal:
Festival de la fraude intellectuelle
En 1885, Montréal. |
Mais voilà, nous vivons une époque défectueuse où manipulation et intimidation prennent le pas sur information et rigueur. Pour la covid-19, complotistes, antivaccins et wokes se sont alliés en un festival de fabulations et de fraudes intellectuelles. Je donne un exemple où ces «grands esprits» ont pris pour cible les Autochtones afin de les attirer dans leur fange.
J’ai lu des articles où l’on laissait croire que des maladies auraient été inoculées aux enfants des pensionnats autochtones ou que des vaccins auraient été expérimentés sur des Autochtones, ce qui est du pur délire sans le moindre fondement. Un journaliste (auquel je refuse de faire de publicité) agite cette fable pour expliquer les réticences d’Autochtones à se faire vacciner contre la covid-19! C’est là un double mensonge, car un autre article nous apprend qu'«en date du 29 juin [2021], dans quelque 680 communautés des Premières Nations et inuites des provinces et des territoires, environ 79 % des personnes de 12 ans et plus avaient reçu une première dose. De ce groupe, 52 % avaient reçu les deux». Ces chiffres ont progressé depuis: en août, c'était 62% complètement vaccinés et plus de 85% pour une dose.
C'est sur des Blancs, des bébés Blancs, que le vaccin contre la tuberculose a d'abord été utilisé. |
Évidemment, si on est antivaccin, tout vaccin est nécessairement dangereux et qui le reçoit est nécessairement cobaye. Mais chercher à faire peur pour manipuler des gens est ignoble.
Des Blancs comme cobayes
Le sinistre docteur Cameron. Ses cobayes furent des Blancs. |
https://fr.wikipedia.org/wiki/Donald_Ewen_Cameron
Cela ne lui suffisait pas : le docteur Cameron a donc participé au projet MK-Ultra de la CIA. Ce n’est pas du roman d’espionnage : à Montréal, le docteur Cameron a testé divers traitements de choc sur plusieurs dizaines de ses patients venus le consulter pour des troubles mentaux comme la dépression. À leur insu, évidemment. Il leur a administré de puissantes drogues, dont le LSD; à coup de fortes doses de barbituriques et de neuroleptiques, il les a plongés dans le sommeil durant des semaines en leur faisant entendre en boucle un message enregistré; il leur a administré d’intenses électrochocs, etc., le tout afin de voir comment il était possible de «déprogrammer» une personne et la contrôler mentalement. Charmant. «La vie de centaines de patients a été littéralement détruite. Certains sont devenus très agressifs, d’autres, comme des enfants. Beaucoup ne reconnaissaient personne (…). Initialement, neuf patients avec de graves séquelles avaient été indemnisés par la CIA. Ensuite dans les années 90, le gouvernement canadien a indemnisé 77 patients dans le cadre d’un programme qui a pris fin depuis longtemps et qui n’admettait aucune responsabilité». Quelques demandes de réparation seraient toujours en cours, mais les familles attendent toujours des excuses du gouvernement canadien et de l’Université McGill.
«Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s'embrassent», dit le Psaume 84. Nous en
sommes loin, très loin. Et il y a des gens qui font tout pour que nous n’y
arrivions pas en semant bisbille et mensonge, manipulation et rancœur. Répugnant.
Source des illustrations: Wikipédia. Toutes les illustrations sont du Domaine public et PD-US; celles portant un astérisque sont, elle aussi, du Domaine public et proviennent du Center for Disease Control and Prevention du United States Department of Healt and Human Services, via Wikipédia.