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vendredi 1 octobre 2021

UNE ÉPIDÉMIE D'AMNÉSIE ET DE FABULATIONS

Une épidémie d’amnésie 

 

et de fabulations

 

1. Les pathogènes se fichent de la race

2. Fosses communes: pas d'exclusivité

3. Festival de la fraude intellectuelle

4. Des Blancs comme cobayes

 

Avertissement: des passages de cet article, de même que quelques photos, pourraient choquer certaines personnes. Je préfère vous en avertir dès le départ.

Coco le coronavirus *

La pandémie de covid-19 est la première grande épidémie que connaissent les pays riches depuis… depuis plusieurs décennies… Peut-être nous étions-nous cru à l’abri d’un tel fléau. J’ai lu que des gens ont été ébranlés dans leur foi avec la pandémie de covid-19 : «Où donc était Dieu?!». Euh… Il était avec nous, comme il est tout autant avec nous dans nos joies. Il faut voir au-delà de notre nombril. Juste avant cette pandémie, de vastes régions du globe étaient aux prises avec des épidémies et des maladies infectieuses endémiques. Or, la foi est souvent plus vive dans ces régions que dans les nôtres. 

Bach, par Johann Ernst Rentsch l'aîné.
Bach ne craignait pas les épidémies,
bien au contraire!


Les époques passées étaient familières non seulement des épidémies mais aussi d’une forte mortalité infantile; pourtant, la foi était vive. Jean Sébastien Bach (1685-1750), musicien théologien luthérien qui travaillait à Leipzig en Allemagne, s’était mis dans une grande colère parce que, cette année-là, les épidémies avaient fait peu de victimes : il était fâché parce qu’il avait eu moins d’occasions de toucher un cachet supplémentaire pour jouer de l’orgue à des funérailles! Pour lui et pour les gens de l’époque, la mort faisait partie de la vie. Qu’avons-nous donc perdu depuis? Du courage? La foi? Ou peut-être avons-nous plutôt gagné de l’arrogance?

Nous semblons avoir oublié que jusqu’à une époque toute récente, les épidémies frappaient régulièrement. Alors, il serait bon de se rafraîchir la mémoire, histoire de remettre les choses en perspective. À la fin de l’article, je corrigerai aussi une fabulation qui circule concernant la médecine et les Autochtones du Canada qui auraient été traités comme des «cobayes».


 

Les pathogènes se fichent de la «race»

Enfant atteint de rougeole *
Center for Disease Control 
and Prevention: United States Department 
of Healt and Human Services
(Domaine public)

Considérée comme la «plus grande tueuse d’enfant» avant l’invention du vaccin, la rougeole tue 159 personnes dès 1714 dans la seule paroisse Notre-Dame-de-Québec. «[Cette] épidémie de 1714-1715 se propage par l’entremise d’Autochtones qui transitent généralement entre les colonies américaines et la vallée du Saint-Laurent par le fleuve Hudson, le lac Champlain et la rivière Richelieu»
https://www.latribune.ca/opinions/les-consequences-de-lepidemie-de-rougeole-de-1714-1715-en-nouvelle-france-150b1c8909e1ba0a54c9421d3574b894

C’est curieux : il est souvent affirmé que ce sont les Blancs qui ont donné des maladies aux Autochtones. Mais entre nous, un microbe se fiche complètement de la couleur de la peau, eh oui. 


[Source de la photo de domaine public ci-contre:

https://fr.wikipedia.org/wiki/Rougeole

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:RougeoleDP.jpg 

Auteure: CDC/NIP/Barbara Rice; PD-USGov ]


(En passant, un Français travaillant en Thaïlande raillait les pays occidentaux lors de la deuxième vague de Covid : «Vos gouvernants briment la liberté et les droits! Et vous acceptez ça comme des moutons! Pathétique». Il plastronne moins depuis que le variant Delta a frappé la Thaïlande de plein fouet et que ce pays a imposé les mêmes restrictions qu’ailleurs. Les pathogènes se fichent de la race. En 2020, alors que l’Europe comptait déjà des milliers de morts, un Africain écrivait : «Je n’aurais jamais pensé voir l’effondrement de l’Occident de mon vivant!». Mais les variants ont frappé l’Afrique elle aussi depuis : ils se fichent de la couleur de la peau ou de savoir si telle personne est ou non «racisée» - pas si fous, les virus...)

 

En 1867, la première cause de mortalité au Canada est la tuberculose. Entre 1896 et 1906, la tuberculose a été la maladie infectieuse la plus meurtrière au Québec, tuant plus de 33 000 personnes. Encore en 1953, près de 19 000 Canadiens contractent cette maladie chaque année. Je rappelle qu’à ces dates, la population du Québec et du Canada était bien moindre qu’aujourd’hui : du coup, la proportion de la population touchée était nettement plus importante que ce qui est avec la covid-19.

https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/aujourd-hui-l-histoire/segments/entrevue/193560/tuberculose-lutte-andre-bilodeau

 
Enfant atteinte de variole *
Center for Disease Control 
and Prevention: United States Department 
of Healt and Human Services
(Domaine public)

En 1702-03, la moitié de la population de Nouvelle-France attrape la variole et 10% en meurt. Lorsqu'on y survivait, cette maladie laissait souvent des séquelles physiques; dans certains cas, les gens restaient défigurés. 

[Source de la photo de domaine public ci-contre: 
Auteur: CDC/James Hicks ; PD-USGov-HHS-CDC. Cette photo a été primée: «This is a featured picture' on Wikimedia Commons (Featured pictures) and is considered one of the finest images.]

En 1885, Montréal est fortement touchée par une autre épidémie de variole. «Son étendue persuade les autorités municipales de rendre le vaccin obligatoire (…). La population, terrifiée, refuse de se faire vacciner. Le 18 septembre, une émeute éclate dans la ville. Les gens arrachent les affiches qui incitent à se faire vacciner et saccagent l’hôtel de ville, les pharmacies, le domicile du responsable officiel des vaccins et ceux des magistrats municipaux». Les anti-vaccins peuvent se féliciter : grâce à eux, l’épidémie tua 3164 personnes dont 2117 enfants; au Québec, 6000 personnes moururent lors de cette épidémie. Plusieurs personnes acceptèrent finalement de se faire vacciner, suite aux pressions des autorités… et du méchant clergé! - le clergé catholique n'était donc pas si obscurantiste qu'on le prétend et, lors de la pandémie de covid-19, le Pape François a exhorté à plusieurs reprises les Catholiques du monde entier à se faire vacciner. 
On ne peut pas tout avoir: si l'on refuse les vaccins, la mortalité infantile sera beaucoup plus élevée, et l'espérance de vie sera abaissée. Il est possible de refuser les vaccins - c'est un choix qui se défend, mais serions-nous prêts à en assumer les conséquences inévitables?

https://www.journaldequebec.com/2020/04/26/photos-lepidemie-de-variole-de-1702-1703-une-tragedie

https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/epidemie

 

Émeute monstre devant l’hôtel de ville de Montréal en 1885 pour s'opposer
à la vaccination contre la variole. Très brillant.


Au cours de la seule année 1898, à Montréal, 1349 enfants meurent de gastroentérite, dont 1238 avant l’âge d’un an. En 1900 à Montréal, un enfant sur quatre meurt avant d'avoir un an. En 1899, c’était un enfant sur deux à Québec, taux hallucinant causé par de mauvaises conditions d’hygiène. Environ 3% des garçons nés au Québec au début du XXe siècle décédaient entre 9 et 15 ans.
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2912632/

 

Entre 1918 et 1920, la grippe espagnole a tué environ 55 000 personnes au Canada, «en majorité de jeunes adultes âgés entre 20 et 40 ans».

https://www.pc.gc.ca/fr/culture/clmhc-hsmbc/res/information-backgrounder/espagnole-spanish

Il y eut aussi le typhus, le choléra, la fièvre jaune et autres saloperies encore. Nous avions eu une pause jusqu’à l’arrivée de la covid-19 qui a fait plus de 27 000 morts au Canada.


 

Fosses communes : pas d’exclusivité

 

Hôpital de fortune au Massachusetts pour isoler
et tenter de traiter les malades de la grippe espagnole *


Avec les guerres et la pauvreté qui empêche la famille d’acheter un lot dans un cimetière (chose qui fut le cas pour Wolfgang Amadeus Mozart), les épidémies constituent la première explication de l’existence de fosses communes. D’une part, on craint la contagion et on enterre donc rapidement; d’autre part, on est débordé par le nombre de personnes décédées.  De ces fosses communes ont été retrouvées sur le terrain de certains pensionnats autochtones, mais cela ne leur fut pas exclusif et il n'est pas du tout surprenant que les maladies infectieuses aient fait des victimes là comme ailleurs. À Québec lors de l’épidémie de grippe espagnole, «à la mi-octobre [1918], les funérailles sont si nombreuses que l’archevêque ordonne de ne plus faire sonner les cloches des églises chaque fois. Il craint que le son continuel du glas «démoralise» les vivants. À plusieurs endroits, on manque de cercueils. La panique s’installe. Les enterrements se font à la hâte. Au risque d’ensevelir des malades dont les signes vitaux sont devenus très faibles».

«Le père de [l’historien] Marcel Tessier a connu une famille dont tous les membres sont morts de la grippe espagnole et ont été enterrés dans des fosses communes».

https://histoire-du-quebec.ca/grippe-espagnole

Croix celtique du Mémorial
des Irlandais, Grosse-Île

Le nombre de décès simultanés et les craintes de la contagion expliquent le pourquoi des fosses communes. Il existe une telle fosse commune à New York, sur Hart Island : depuis le XIXe siècle, elle a accueilli plus d’un million de citoyens et de nombreux cercueils y ont encore été ensevelis lors du pic de la covid-19 en avril 2020.
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1776028/covid-hart-island-fosse-commune-new-york-sida

Au Québec, ce qui est probablement la plus grande fosse commune ne concerne pas les Autochtones : «Station de quarantaine humaine pendant près d’un siècle, de 1832 à 1937, Grosse-Île [dans le Saint-Laurent face à Berthier-sur-Mer] a surtout vu passer 76 000 immigrants irlandais fuyant la famine et le choléra. Pour beaucoup, terrassés par le typhus, le voyage effectué dans de terribles conditions, prit fin là, sur cette île verdoyante. Plus de 7500 personnes y sont enterrées, sur terre ou dans un cimetière marin, fosse commune creusée à marée basse dans la "baie du Choléra"».

https://voir.ca/voir-la-vie/sur-la-route/evasion/2009/07/09/grosse-ile-memoires-irlandaises/

Des pays débordés par l’épidémie de covid-19 ont aussi dû procéder de cette manière, comme l’Inde et le Brésil. 

Plusieurs Patriotes tués ou pendus lors des rébellions des années 1830 ont été enterrés dans des fosses communes, dont le Chevalier de Lorimier:

 http://www.1837.qc.ca/1837.pl?out=article&pno=10003

Il y a des fosses communes dans les deux grands cimetières au Mont-Royal:

http://thenhier.ca/fr/content/deux-solitudes-jusque-dans-la-mort-les-cimeti%C3%A8res-du-mont-royal-et-de-notre-dame-des-neige-0.html

 

 

Festival de la fraude intellectuelle

 

En 1885, Montréal.

Pour minimiser l’impact des maladies infectieuses, il y a deux moyens : 1) Améliorer les conditions d’hygiène, 2) Vacciner la population. Pour en venir à bout, on peut aussi prier, mais prier non pas pour l’intervention d’une baguette magique divine : prier plutôt pour que l’Esprit inspire des solutions.

Mais voilà, nous vivons une époque défectueuse où manipulation et intimidation prennent le pas sur information et rigueur. Pour la covid-19, complotistes, antivaccins et wokes se sont alliés en un festival de fabulations et de fraudes intellectuelles. Je donne un exemple où ces «grands esprits» ont pris pour cible les Autochtones afin de les attirer dans leur fange.


J’ai lu des articles où l’on laissait croire que des maladies auraient été inoculées aux enfants des pensionnats autochtones ou que des vaccins auraient été expérimentés sur des Autochtones, ce qui est du pur délire sans le moindre fondement. Un journaliste (auquel je refuse de faire de publicité) agite cette fable pour expliquer les réticences d’Autochtones à se faire vacciner contre la covid-19! C’est là un double mensonge, car un autre article nous apprend qu'«en date du 29 juin [2021], dans quelque 680 communautés des Premières Nations et inuites des provinces et des territoires, environ 79 % des personnes de 12 ans et plus avaient reçu une première dose. De ce groupe, 52 % avaient reçu les deux». Ces chiffres ont progressé depuis: en août, c'était 62% complètement vaccinés et plus de 85% pour une dose.

https://www.lapresse.ca/covid-19/2021-07-04/vaccination/les-autochtones-ont-confondu-les-sceptiques.php

 https://ici.radio-canada.ca/espaces-autochtones/1814271/autochtones-covid-19-vaccins-nombre-quatrieme-vague


C'est sur des Blancs, des bébés Blancs,
que le vaccin contre la tuberculose
a d'abord été utilisé.

Mais ce dernier article tombe à son tour dans la fabulation en affirmant que «dans les années 1930, l’État a utilisé des Autochtones comme cobayes pour tester des vaccins contre la tuberculose». Faux : dans les années 1930, il ne s’agit plus d’essais mais bien de vaccination avec un produit déjà testé, efficace et sécuritaire. Dès la fin des années 1910, de tels vaccins étaient testés en France. Pour sa part, le vaccin contre la tuberculose mis au point par l’Institut Pasteur de Paris (le vaccin BCG) avait été testé dès 1921 sur des nouveau-nés en l’Hôpital de la Charité… à Paris! Bref, testé sur des bébés Blancs. 
En France, la vaccination va bon train dès 1924 après que l’Institut Pasteur ait décidé de distribuer gratuitement son vaccin. Il fut rapidement offert auprès des populations à risque jusqu’en Asie et en Afrique où la tuberculose était un fléau terrible. 
Au Canada, c’est non pas sur des Autochtones que ce vaccin fut d’abord utilisé, mais sur des Montréalais! Faut-il priver les Autochtones, ou d'autres groupes, de la médecine moderne sous prétexte que cette médecine n'appartient pas à leurs traditions? Jusqu'où donc va cette logique tordue? À priver des gens de l'électricité, de la radio, de la télé, d'Internet et d'autres choses encore qui ne sont pas de «leur culture»?

Évidemment, si on est antivaccin, tout vaccin est nécessairement dangereux et qui le reçoit est nécessairement cobaye. Mais chercher à faire peur pour manipuler des gens est ignoble. 


 

Des Blancs comme cobayes


Le sinistre docteur Cameron.
Ses cobayes furent des Blancs. 

Ces «expériences» n’avaient rien à voir avec celles menées par le fameux docteur Donald Ewen Cameron à l’Institut Allan Memorial de Montréal, de la fin des années 40 jusqu’en 1963. Cette fois, on est dans les «ligues majeures». Cet éminent psychiatre fut président des prestigieuses American Psychiatric Association (éditrice du guide DSM), Canadian Psychiatric Association et World Psychiatric Association. 
https://fr.wikipedia.org/wiki/Donald_Ewen_Cameron

Cela ne lui suffisait pas : le docteur Cameron a donc participé au projet MK-Ultra de la CIA. Ce n’est pas du roman d’espionnage : à Montréal, le docteur Cameron a testé divers traitements de choc sur plusieurs dizaines de ses patients venus le consulter pour des troubles mentaux comme la dépression. À leur insu, évidemment. Il leur a administré de puissantes drogues, dont le LSD; à coup de fortes doses de barbituriques et de neuroleptiques, il les a plongés dans le sommeil durant des semaines en leur faisant entendre en boucle un message enregistré; il leur a administré d’intenses électrochocs, etc., le tout afin de voir comment il était possible de «déprogrammer» une personne et la contrôler mentalement. Charmant. «La vie de centaines de patients a été littéralement détruite. Certains sont devenus très agressifs, d’autres, comme des enfants. Beaucoup ne reconnaissaient personne (…). Initialement, neuf patients avec de graves séquelles avaient été indemnisés par la CIA. Ensuite dans les années 90, le gouvernement canadien a indemnisé 77 patients dans le cadre d’un programme qui a pris fin depuis longtemps et qui n’admettait aucune responsabilité». Quelques demandes de réparation seraient toujours en cours, mais les familles attendent toujours des excuses du gouvernement canadien et de l’Université McGill.

Les victimes étaient presque toutes, sinon toutes de «race blanche». J'imagine que c'est ça le «privilège blanc». Être Blanc ne met pas du tout à l’abri des gens sans scrupules…

«Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s'embrassent», dit le Psaume 84. Nous en sommes loin, très loin. Et il y a des gens qui font tout pour que nous n’y arrivions pas en semant bisbille et mensonge, manipulation et rancœur. Répugnant.

Source des illustrations: Wikipédia. Toutes les illustrations sont du Domaine public et PD-US; celles portant un astérisque sont, elle aussi, du Domaine public et proviennent du Center for Disease Control and Prevention du United States Department of Healt and Human Services, via Wikipédia.