Perce-neige,
Instrumentation:
Durée : c. 18 minutes
La partition et le matériel pour exécution en concert sont disponibles au Centre de musique canadienne :
Le printemps ou encore l’hiver?
Perce-neige |
Chaman en Russie. Par Sergei Borisov, c. 1911 |
Perce-neige demande un orchestre symphonique standard avec l’ajout d’un piano et des percussions pour quatre musiciens. À ce jour, c’est la seule pièce où j’utilise des timbales. Les quatre timbales sont réparties en deux paires situées à chaque extrémité de la scène : dans un passage de la pièce, les deux timbaliers se livrent à un dialogue. Parmi les percussions, je demande aussi trois waterphones de tailles différentes. Cet instrument est plutôt rare (mais les grands orchestres en ont). Le waterphone produit des sonorités glacées très évocatrices et appropriées pour Perce-neige : «Le waterphone est un instrument de musique de la famille des instruments à friction. Inventé à la fin des années 1960 par Richard Waters, il se présente comme un réservoir arrondi en acier inoxydable, souvent plat (mais pouvant revêtir différentes formes), auquel est relié un tube. Sur le pourtour du réservoir sont fixées des tiges en bronze de différentes tailles. On peut introduire une petite quantité d'eau dans le tube, ce qui provoque des échos et des variations de hauteur, produisant un son parfois comparé au chant des baleines et autres cétacés».
Le Bruant des neiges
Un Bruant des neiges en plumage hivernal US Fish and Wildlife Service |
Ce chant, je ne l’ai pas utilisé de manière
«naturaliste» dans Perce-neige : j’ai plutôt stylisé ses sonorités aigues
et ses vocalises incisives.
Dodécaphonisme?!
Perce-neige est basée sur trois «ingrédients» thématiques. Le premier est le chant d’oiseau mentionné précédemment : c’est lui qui pose la pièce en un La mineur modal.
Début de Perce-neige / (C) 2000 Antoine Ouellette SOCAN Cliquez sur l'image pour une meilleure définition. |
Le second ingrédient est une mélodie confiée aux bois, mélodie sur peu de sons et gravitant autour du Mi.
Perce-neige: début de la mélodie aux bois. (C) 2000 Antoine Ouellette SOCAN Cliquez sur l'image pour une meilleure définition |
Cette mélodie très intérieure est accompagnée par un ostinato du piano. Ses
variations forment le pôle printanier de Perce-neige, les moments où l’œuvre devient
plus active, chaleureuse, ensoleillée: le dégel.
Perce-neige: ostinato du piano sous la mélodie précédente. (C) 2000 Antoine Ouellette SOCAN |
Le troisième élément est une série dodécaphonique! Pour
faire simple, une série dodécaphonique est une séquence comprenant les douze
sons de la gamme chromatique sans qu’un seul de ces sons ne soit répété.
Voici une page pédagogique toute simple avec exemples sonores : https://www.apprendrelesolfege.com/dodecaphonisme
La série de Perce-neige commence par la note La (la
«tonique» imposée par le chant d’oiseau dès la première mesure) et se termine
par la note Mi (la dominante de La mineur, mais surtout la note centrale de la
mélodie mentionnée précédemment).
Série de Perce-neige. (C) 2000 Antoine Ouellette SOCAN Cliquez sur l'image pour une meilleure définition. |
C’est l’unique fois où j’ai utilisé une série dodécaphonique à proprement parler. Mais je l’utilise d’une manière diatonique : je ne la transpose pas, je ne lui fais subir aucun renversement ni rétrogradation, mais je fais toujours entendre ses douze sons dans l’ordre initial, sans modification. Ce n’est donc pas du dodécaphonisme à la manière d’Arnold Schoenberg et de ses émules. https://fr.wikipedia.org/wiki/Arnold_Sch%C3%B6nberg
En fait, cette série incarne le pôle hivernal de
Perce-neige: les dernières neiges. Je l’utilise ainsi pour créer des passages immobiles de notes
harmoniques longuement tenues (qui évoquent un paysage figé dans la glace), ou
pour créer d’imposants «icebergs» sonores. Je l’utilise aussi dans le duo des
timbaliers, ou encore en prenant chacune de ses notes comme arrière-plan d’une
variante du chant d’oiseau.
Des «icebergs sonores» imposants dans Perce-neige! (C) 2000 Antoine Ouellette SOCAN Cliquez sur l'image pour une meilleure définition. |
Bruants des neiges en plumage estival. Par Naumann, 1905; Histoire naturelle des oiseaux d'Europe centrale. |
Mais c’est l’oiseau qui a le mot final pour dire que,
oui, le printemps s’en vient!
PS. Bon, là, des gens vont se dire : «De la
musique atonale! Ça doit être difficile d’accès!». Alors non, Perce-neige n’est
pas atonale, et oui les gens ont les oreilles plus ouvertes que vous aimez le
penser et le dire! Encore faut-il oser. Or, Perce-neige est une pièce
essentiellement poétique. Comme disait Mozart : «De la musique pour toutes
les oreilles, sauf les longues» - mes excuses auprès des ânes animaux!
Perce-neige en répétition (2009, Charlottetown, Île-du-Prince-Édouard) Direction: James Mark. |
Sources des illustrations: Collection personnelle et Wikipédia (Domaine public, PD-US)