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jeudi 3 avril 2014

Y A-T-IL UNE SPIRITUALITÉ AUTISTE?

Y AURAIT-IL UNE SPIRITUALITÉ AUTISTE?

À QUOI JE CROIS
En 2014, j’ai été reçu par un groupe d’universitaires qui m’avaient envoyé des questions à l’avance, dont celle-ci : «Sachant que les capacités d’abstraction des personnes ayant un TSA [Trouble du spectre autistique] sont plus limitées, comment en êtes-vous venu à adhérer et à croire en la religion?». Chers amis, chères amies, vos questions sont souvent surprenantes! Mais cela fait tout le plaisir de leur répondre, je vous assure!

L'Échelle de Jacob, selon William Blake.
Jacob (lire plus loin) a vu en songe une échelle
reliant le Ciel et la Terre, le monde visible et
le monde invisible.
Ma réponse est en trois temps. Tout d’abord, je récuse toujours l’appellation de «personne ayant un TSA». Je sais qu’elle est convenue, si l’on adhère au DSM-V (ce qui n’est pas mon cas), mais je la rejette franchement. Je n’ai pas un TSA : je suis autiste. C’est être, pas avoir. Aussi, je constate que je ne suis pas une personne plus troublée que quiconque. La deuxième partie de ma réponse corrige cette idée : «Sachant que les capacités d’abstraction des [personnes autistes!] sont plus limitées…». Vraiment?! Qui donc sait cela??? Je signale que des entreprises informatiques n’engagent désormais uniquement que des personnes autistes, précisément à cause de notre bonne capacité pour l’analyse de systèmes. Nous avons, au contraire, souvent beaucoup d’aisance avec les codes (donc l’abstraction) : lettres, chiffres, programmes informatiques, notes de musique, etc. Finalement, je rappelle qu’il n’y a pas bien des années encore, les «spécialistes» juraient que les personnes autistes sont incapables d’activités imaginaires et symboliques. J’ai appris que le DSM-V a éliminé toute trace de cette idée, peut-être parce que beaucoup d’artistes ont fait un coming out à titre de personnes autistes et que quelqu’un a compris, enfin.

Vous voyez, des questions aussi riches ne peuvent trouver réponse en une phrase, en un «clip». Alors j’arrive au nœud de la question : «Comment en êtes-vous venu à adhérer et à croire en la religion?». Pour être franc, je n’ai pas souvenir d’avoir vraiment adhéré à la religion : j’ai plutôt l’impression, forte et proche de la certitude, d’être né croyant. Cela, cela aussi, fait partie de ma personne. Ensuite, je ne crois pas en la religion. Je crois en l’Évangile, au Christ Jésus, le Fils du Père qui forment un Dieu trinitaire (c’est-à-dire relationnel) avec le Saint-Esprit. J'aime beaucoup ces mots du Pape Saint Léon le Grand : «Personne n’approche autant de la connaissance de la vérité que celui qui comprend que, dans les choses divines, même s’il avance beaucoup, il reste toujours quelque chose à chercher». Chercher, être en marche, se tromper, se relever, méditer les belles choses que l’on trouve…

Lors de la rencontre, l’étudiante a précisé sa question : «Dieu, c’est une abstraction. On ne le voit pas, il n’est pas démontrable». C’est curieux mais, pour moi et depuis ma petite enfance, le monde est de Dieu et ne serait sans lui. Donc, il n’y a rien d’abstrait là. Je ne crois pas au «Dieu des philosophes» - si ces derniers coquins en ont toujours un… «Oui, mais où est-il donc?!». Je crois en Dieu, mais pas en n’importe quel dieu : je crois en celui de l’Évangile. Les autres, je ne les déteste pas, mais je ne crois pas en eux, pas même au gentil Ganesha avec sa belle trompe d’éléphant… En mode Chrétien, Dieu s’est fait homme : c’est «Dieu parmi nous» (un blasphème pour d’autres religions). «Où donc était Dieu lors de l’Holocauste perpétré par les Nazis?!». Il était dans une chambre à gaz. Il s’est fait méprisé, torturé, assassiné. C’est là qu’il était. C’est cela, la Croix du Christ. Pas un Dieu calé tout confort au Nirvana : un Dieu qui est avec nous, dans nos joies et nos peines, même dans les pires expériences. Qui nous devance dans sa Résurrection, selon sa très ancienne Promesse.

Mais attention! Je crois en mode autiste; je suis catholique en mode Asperger. Le bon Pape François a déclaré, maladroitement pour une rare fois, que l'Église ne doit pas être autiste. Pourtant, je ne peux que croire à partir de qui je suis, chose qui a des implications.

LA SPIRITUALITÉ DE JACOB

Delacroix: Le combat de Jacob avec l'Ange
(lire plus loin).
Curieusement, il n'y a pas d'Ange dans le récit,
mais un homme qui est en fait Dieu
Je reçois beaucoup de correspondance et de témoignages de personnes autistes d’ici et d’ailleurs. Je suis des plus heureux de pouvoir échanger avec vous! Je ne dis pas d’où ni rien pour l’identifier : un médecin m’a contacté. Appelons-le Camille. C’est un expert mondialement renommé dans le traitement d’une grave maladie organique souvent mortelle. Et oui, ce médecin est autiste de type Asperger comme moi. Vous voyez : nous pouvons tout faire… si on nous en donne la chance, si on ne nous discrimine pas (là, j’en demande beaucoup à certaines personnes, je le sais). Camille trouve toute sa joie à accompagner ses malades, à les aider, à les soigner, avec immense compassion. Les Autistes sont personnalistes : nous voyons des personnes, avant de voir des représentants de tel ou tel groupes communautaires. Nous vivons dans le «Je» et le «Tu», mais peu dans le «Nous» (vous comprenez mon ennui face aux débats identitaire autour de la charte des valeurs québécoise!). Tout à ses patients, Camille souffre de voir quotidiennement des malades traités en numéros, des médecins à l’ego surdimensionné qui ne ratent aucune occasion de bullshiter leurs collègues, des cadres et des fonctionnaires atteints de réunionite, de colloquite, de réglementite aigües et chroniques, etc. Camille en est écoeuré. Certains jours il désire tout lâcher, d’autres jours il rêve à s’exiler pour pratiquer la médecine ailleurs. Mais aux dernières nouvelles, il tient bon. À cause de ses patients. Uniquement.

J’entends dire que «le sens de la vie, c’est d’être heureux». Je veux bien. Mais, je l’ai écrit dans Musique autiste et mes nombreuses rencontres me le confirment, ce n’est pas là une vision autiste du monde. Tant mieux si du bonheur nous est donné, mais ce n’est pas si important. Ce qui nous importe beaucoup plus est de croire à notre mission sur Terre, petite ou grande, de recommencer tant qu’il faut dans l’espoir de s’approcher d’un certain idéal qui nous dépasse, d’un idéal pas nécessairement accessible ou réaliste. Nous sommes trop conscients des travers des autres, des institutions, de l’humanité, et beaucoup trop conscients de nos propres travers humains pour pouvoir trouver un repos durable en ce monde. Et donc être parfaitement heureux.

Le combat de Jacob avec Dieu.
Gravure de Gustave Doré.
Certaines personnes cherchent à nous normaliser (à leurs conditions), à nous «intégrer» (à leur manière de penser), sans nous demander notre avis, sans écouter nos rêves, sans même nous voir comme de véritables personnes humaines et, surtout, sans nous laisser un peu de place. Cette place, nous devons la prendre presque de force et, trop souvent, nous n’y arrivons pas : «Penses-y même pas, le débile!». Nous intégrer : je ne crois pas que la mission des personnes autistes en ce monde soit de s’y intégrer (il nous faut tout de même le faire un peu), mais plutôt de le critiquer, voire le contester, ne serait-ce que par notre manière naturelle (et quelquefois dérangeante) d’être différents. Il n’y a pas là de méchanceté. Pas plus qu’à passer du temps à se trémousser sur des musiques insignifiantes pendant que des millions de gens sont déplacés par des guerres et vivent misérablement dans l’indifférence mondiale.

La spiritualité autistique ressemblerait donc à celle de Jacob, ce personnage grand et fort étrange de la Genèse, petit-fils d’Abraham et père de douze garçons qui fonderont les douze tribus d’Israël.
Dans la nuit, Jacob reste seul. Quelqu’un s’approche [c’est Dieu lui-même sous forme humaine] et entreprend de lutter avec lui jusqu’à l’aurore. Comme il ne parvient pas à maîtriser Jacob, il le frappe à la hanche et le blesse.
- Lâche-moi donc à présent, car le jour se lève.
Mais Jacob lui répond :
- Je ne te lâcherai pas avant que tu m’aies béni.
- Quel est ton nom?» demande l’Homme.
- Jacob.
- Eh bien, à l’avenir, lui répondit-il, ton nom ne sera plus Jacob, mais Israël, Que Dieu se montre fort, car tu t’es montré fort contre Dieu et tu l’as emporté.
Jacob demande à son tour :
- Révèle-moi ton nom.
- Pourquoi me le demandes-tu? Il est mystérieux.
Et là-même, il le bénit, tout en le laissant meurtri. Jacob donna à ce lieu le nom de Pénouel, la Face de Dieu, «car j’ai vu Dieu face à face, dit-il, et j’ai eu la vie sauve».
(Genèse, chapitre 32, versets 23 à 31)

Cela me rappelle cette histoire d'un moine russe. Cet été-là, il y avait une terrible sécheresse: tout brûlait, jamais de pluie, prières vaines. Un bon moine s'est fâché: il s'est emparé de l'icône du Christ, l'a apporté dehors, l'a mise en plein soleil et a dit: «Si tu ne fais pas tomber de la pluie, tu vas rôtir là!» Et il paraît que la pluie n'a pas tardé.
Telle est la spiritualité autistique. Dieu aime-t-il les personnes autistes? Même avec Lui, il nous faut se battre, «jusqu’à l’aurore» : Il nous bénit mais nous laisse meurtris. La blessure de Jacob sera permanente. Même parmi ceux qui ont le plus accompli en ce monde, je vois beaucoup de gens meurtris chez les Autistes. Combat, blessure, bénédiction : voilà notre vie!

PRIER EST BON POUR LA SANTÉ! 
Mais prier aussi? Chères amies, chers amis, vous avez tout intérêt à prier si vous ne le faites pas déjà, et même si vous ne croyez pas. Je parle de prier, prier un Dieu dans un cadre religieux traditionnel. En termes de bienfaits sur la santé, prier est plus puissant que méditer : c’est ce que démontrent de nombreuses études scientifiques récentes. Je résumé ces bienfaits :  
Une fonction immunitaire améliorée 
Une réduction du risque de mourir d’un infarctus ou d’un AVC
Un risque 50% moins élevé d’être atteint de la maladie d’Alzheimer
Moins de stress dû à une augmentation de la paix intérieure
Une réduction ou l’élimination des attaques de paniques, d’anxiété et de dépression
Une réduction de l’impact de la douleur chronique
Une perspective d’avenir plus heureuse et plus positive
Une augmentation de la capacité à ressentir l’amour et la compassion…
Une amélioration de la mémoire et des capacités mentales
La prévention du rétrécissement du lobe frontal, qui est la cause de la perte de mémoire, de la dégénérescence mentale, et même de l’Alzheimer
Une réduction du stress et des émotions négatives.
Et finalement, une vie plus épanouie, plus longue et plus en santé

Quand même pas vilain, non? Cela me rappelle ce conseil qu’un sage de la nation Sioux donnait à un visiteur désireux de cesser de fumer (le tabac étant une herbe sacrée dans la culture amérindienne)» : «À chaque fois que tu fumes une cigarette, fais une prière. Ou tu cesseras de fumer, ou bien tu prieras beaucoup. D’une manière ou de l’autre, tu seras gagnant!»

Source des illustrations: Wikipédia / Domaine public PD-US