SERAIS-JE PARISIEN?!
Cet article fut écrit à la suite d'un séjour en France et en Suisse en 2014, durant lequel j'ai participé à des salons du livre.
Le Musée Marmottan. à ne pas manquer! |
Quant à Paris… C’était la quatrième fois que j’y allais. Les fois précédentes,
malgré de belles découvertes, la ville me donnait le tournis. Des autos, trop d’autos,
du monde, plein de monde, partout, une densité qui m’est inhabituelle, et,
malheureusement, du smog. Je dois par contre avouer ne pas être très «grande
ville», même si je suis né et ai vécu jusqu’à maintenant dans une grande ville
(Montréal). Et cette fois-ci? Eh bien, j’ai adoré Paris! Pour la première fois,
sa magie a opéré. Je logeais dans un petit hôtel sur une toute petite rue
tranquille, à quelques coins de rues du Salon, dans le XVe arrondissement. Je
ne connaissais pas cet arrondissement qui n’est pas touristique parce qu’essentiellement
résidentiel et familial. Il est donc plus calme, avec plusieurs parcs, et une
ancienne voie ferrée que l’on a transformée en parc linéaire de 1,8 km , où l’on laisse la
nature reprendre ses droits. Il paraît que des espèces végétales rares y ont
repris racine. C’était l’Hôtel Lutèce, à ne pas confondre avec l’Hôtel de
Lutèce sur l’Île Saint-Louis ; un hôtel deux étoiles, pas luxueux mais
très bien tenu, où j’ai dormi comme un loir. Le personnel y est d’une gentillesse
extrême, dévoué et souriant.
Petite rue verte du XVe arrondissement de Paris |
Souriant, oui. Il semble que les Parisiens n’ont pas très bonne réputation.
On en dit tant de choses que, la première fois où je suis allé à Paris, je
m’attendais au pire… Ma foi, je dois toujours bien tomber et être très chanceux
(pourtant je ne suis pas particulièrement chanceux), je n’ai eu que de bons contacts
avec les gens de Paris! Cette fois encore, partout où je m’adressais pour
demander un renseignement, à l’hôtel, au Salon, dans les transports : zéro
problème. Dans deux restaurants, les patrons des lieux sont même venus me faire
un brin de causette, comme ça. J’étais assis dans le métro. Le train a
brusquement freiné dans un tunnel et deux dames qui se dirigeaient vers les
sièges en face de moi me sont tombées dessus. «Mille excuses Monsieur!
Avez-vous mal ?...» Nous avons jasé ensemble. Une vieille dame à côté de
moi, Parisienne d’origine algérienne, s’est jointe à la conversation, puis un
jeune couple aussi, avec plein de bonne humeur! C’était peut-être un peu à
cause de mon accent québécois : un atout pour converser à Paris. Bref, ni
cette fois ni les précédentes, je n’ai rencontré ces Parisiens ronchonneurs que
l’on dit typiques. Peut-être sont-ils d’ailleurs imaginaires…
Mon ancêtre parisien, et sa signature |
Peut-être aussi est-ce parce que j’ai des gènes parisiens. En fait, je suis
parisien! Pas personnellement, mais mon ancêtre, René Hoûallet – c’est ainsi
que s’écrivait notre nom à l’époque, peut-être devrais-je reprendre cette
orthographe? René Hoûallet est né à Paris, après le 1er juin 1639 (en ce temps,
on était moins strict dans les registres…). Il a été baptisé dans l'église de
Saint-Jacques du Haut-Pas (252 rue Saint-Jacques, voisine des Jardins de Luxembourg,
et qui existe toujours). Le quartier était alors habité par quelques
célébrités, dont saint Vincent de Paul, le duc de Roannez, ami de Pascal, l’astronome
Jean Dominique Cassini, la marquise de Sévigné, Bossuet et Jean de La Fontaine. Pas
vilain, non? Mais les parents de René ont surtout vécu sur la rue des Ursins, à
deux pas de la cathédrale Notre-Dame. Pas vilain non plus. Son père, François,
était commis aux cinq grosses fermes de France, c'est-à-dire contrôleur général
des finances du Royaume de France. Un des frères de René a été sculpteur
professionnel. Voulez-vous bien me dire quelle mouche a piqué René pour qu’il
décide, au début de la vingtaine, de quitter Paris pour s’établir en
Nouvelle-France ??!!! Ça, personne ne le sait.
Armoiries des familles Ouellet-te |
En passant, le nom Hoûallet, devenu Ouellette et pouvant prendre
différentes formes orthographiques, aurait pour origine la houe, un instrument
qui sert à travailler la terre, d’où la devise de nos familles : «Houe ton
cœur pour renaître». Houer : travailler
la terre. C’est intéressant : je suis biologiste, et plusieurs de mes
pièces portent un nom de plante comme titre. C’est là un hommage aux beautés de
la nature, mais cela correspond aussi au processus de composition qui est le
mien. Je développe mes idées musicales à partir d’une petite semence ; ce
peut être un bref motif mélodique, quelques notes seulement. Cette semence
germe dans mon esprit. Une tige se développe, puis des feuilles naissent, des
fleurs s’épanouissent : l’idée initiale croit, se déploie dans une forme
qui sera la pièce elle-même, l’œuvre achevée.
Pour en savoir plus :
Bibliographie: OUELLET, JEANNINE, Une
famille du Bas-du-Fleuve se raconte... Des Ouellet et des Lavoie... Plus de
trois cents ans d'histoire, 1988, 1108 pages.
Je suis très satisfait de mon passage au Salon du
livre : Musique autiste s’est
d’ailleurs classé dans le palmarès des meilleures ventes au stand Québec
Édition. J’y ai fait plusieurs belles rencontres, de merveilleuses personnes
autistes, mais aussi celle de Claude Abromont, un musicologue dont les livres
sont particulièrement intéressants (entre autres ses Guides publiés chez Henry
Lemoine et Fayard).
À Paris, j’ai été reçu chez des Autochtones : Claire et
Philippe, avec leurs trois enfants dont deux garçons Asperger. Ils m’ont servi
un souper royal, avec des fromages extraordinaires (j’adore les fromages,
surtout ceux au goût puissant), dont l’un aux truffes, exquis! Avec depuis chez
eux une vue imprenable sur le Sacré-Cœur de Montmartre. Claire m’avait contacté
à l’automne 2013 parce qu’elle avait remarqué que l’un de ses garçons semblait
s’intéresser avec insistance aux grandes orgues. À ce moment, Victor parlait
très peu et était très introverti. Des médecins lui avaient asséné un pronostic
négatif… Ses parents lui cherchaient un professeur d’orgue. Tous ceux contactés
avaient refusé à cause de l’«autisme». Donc, Claire m’avait écrit pour me
demander si par hasard je connaissais à Paris un organiste qui pourrait
enseigner à Victor. J’ai fait quelques recherches et lui ai envoyé les
résultats.
Voir Paris autrement. Un livre fascinant, aux Éditions Parigramme |
Oui, un turbo. Les personnes autistes, enfants et adultes,
montrent souvent des pics d’habileté spécifiques (souvent aussi alliés à des
pics d’inhabileté, notamment en communication sociale). Ce qui est drôle, c’est
que même ces pics d’habileté inquiètent certaines personnes. Au Salon, un homme
m’a parlé de son petit neveu : «À deux ans, il savait lire et écrire. Ce
n’est pas normal du tout!». Je lui ai demandé ce qui s’est passé. «Des médecins
l’ont évalué et l’ont diagnostiqué Asperger. Ce n’était vraiment pas normal, il
est autiste!». Eh oui, ce n’est pas dans les normes du mode neurotypique mais,
dans le monde autiste, ce sont des choses assez usuelles. Ne faites surtout pas
de cet enfant un malade! Savoir lire et écrire si précocement est un pic
exclusivement positif. Il faudra nourrir cet enfant à son niveau, sinon le risque
est qu’il trouvera l’école bien ennuyante si on l’oblige à repartir de la base.
Voir l'autisme autrement. Voir Paris autrement: j'ai pris cette photo non pas dans la forêt boréale québécoise, mais bien à Paris, et intra muros [«dans les murs»] de surcroît! |
Dans mes conversations parisiennes, j’ai entendu un point
que j’entendrai à nouveau à Lyon plus tard durant mon séjour : «En France,
nous sommes très en retard sur le Québec en matière d’autisme». Honnêtement, je
ne sais pas, et l’herbe semble toujours plus verte chez le voisin… Oui, il y a
beaucoup en autisme au Québec, mais bien peu qui soit réellement validé. La
quantité prime sur les bienfaits véritables, et la tendance, lourde, est
d’attribuer tout progrès d’un enfant autiste aux «traitements» qu’il reçoit.
C’est là une pure vue de l’esprit qui se base sur un sous-texte selon lequel un
enfant autiste est incapable d’évolution. Or c’est faux : les enfants
autistes évoluent, apprennent, développent des intérêts et des talents, comme
tout enfant, traitements ou non. Pour
moi, c’est un effet d’éducation, car c’est en terme d’éducation, non de traitement, que l’on devrait concevoir
les choses. Mais nous nous développons, à notre manière, plus imprévisible, en
dehors des normes usuelles, et quelquefois même dans un silence radio qui
inquiète nos parents. Je ne les juge pas du tout. Mais voyez Victor.
Auparavant, il semblait totalement impassible, sans réaction, sans contact apparent
avec le «vrai monde». Pourtant, maintenant qu’il parle, il remémore à ses
parents des événements, des lieux et jusqu’à des paroles qu’il a entendu lors
de cette phase. Bref, malgré les apparences, il était bel et bien là : il
écoutait, il voyait, il entendait, il pensait et sentait. Parents d’enfants
autistes, faites attention à ceci : même si nous donnons l’impression
d’être emmuré, nous sommes là, tout là.
Toujours à Paris: un arbre avec des boules de gui. Pour en savoir davantage sur cette plante étrange: http://fr.wikipedia.org/wiki/Gui_(plante) |
Je reviens à cette idée du «retard» français en autisme.
Lors de mon séjour, je n’ai pas noté de retard. Peut-être parce que mon séjour
a été trop court? Néanmoins, j’ai vu le travail, le dévouement, l’humanisme
(qui manque souvent ici) de très nombreuses personnes et organismes. AmiEs de
France : il y a de très belles choses en autisme chez vous, n’en doutez
pas. Tout n’est pas parfait? Ici non plus : il s’agit d’un work in progress, d’un travail toujours
en chantier. Que manquerait-il alors? Mettre davantage à contribution les personnes autistes elles-mêmes :
selon moi, nous impliquer est la meilleure voie d’avenir.
Je vais peut-être vous surprendre mais j’ai très bien mangé
pour pas cher à Paris, et sans perdre du temps à chercher des restos modestes. Lors
de ma dernière journée à Paris, je suis allé dîner (déjeuner dit-on là-bas) dans un petit restaurant, et le patron est
venu discuter avec moi. Il me confirmait que Paris vit un important problème de
pollution. Selon lui, la faute principale en revient aux trop nombreux autobus
qui sillonnent la ville en tout sens : «Ils viennent même de commander 200
nouveaux autobus! C’est plutôt le tramway qu’il faudrait développer : cela
ne pollue pas et c’est très sympa comme mode de transport». C’est un
fait : le transport collectif, particulièrement le transport électrifié
(métro, tramway, trolleybus) est génial à Paris: aucun endroit de Paris n’est à plus de 500 mètres d’une bouche
de métro! Vous manquez votre métro? Un autre passe quelques toutes
petites minutes après. Vivre à Paris, je ne m’y déplacerais qu’en transport
collectif. Pourquoi faire une auto?! Comme toutes les grandes villes (y compris
la mienne), des mesures de réduction de la place de l’automobile devront
assurément être prises, car Paris se classe en tête des villes les plus
embouteillées d’Europe.
(Source : Antoine Pascal : Paris en chiffres. Éditions
Ouest-France).
Bâtiment du XVe arrondissement de Paris. Ce ne sont pas des plantes grimpantes: ce sont des plantes fixées dans un substrat. Un mûr vert. |
J’ai vu des édifices parisiens avec des toits verts, et même
un avec des murs verts! Là encore, la
France ne retarde pas. Je m’amuse. Être maire de Paris,
j’amorcerais un virage pour faire de la ville une Ville lumière pour le 21e siècle, en associant la
tradition du lieu (Paris est dite la
Ville lumière) avec les exigences environnementales et les
technologies contemporaines. Je prendrais des mesures pour que, peu à peu (cela
ne se ferait pas d’un coup), la pollution lumineuse soit réduite et qu’à terme
l’on puisse y voir beaucoup plus d’étoiles dans le ciel la nuit. C’est
techniquement faisable, sans sacrifier la sécurité des citoyens. Comme pour la
réduction du smog avec la limitation de l’auto, ce type d’éclairage aurait des
retombées positives sur la santé des gens : moins de stress, moins
d’insomnie, etc.
En juin, je vous parlerai de mon passage en Suisse et, en
juillet, de mon passage à Lyon.
SOURCE DES IMAGES: COLLECTION PERSONNELLE ET ASSOCIATION DES OUELLET-TE D'AMÉRIQUE