MUSIQUE (Composition et histoire), AUTISME, NATURE VS CULTURE: Bienvenue dans mon monde et mon porte-folio numérique!



jeudi 1 mai 2014

SERAIS-JE PARISIEN?!

SERAIS-JE PARISIEN?!
 
Cet article fut écrit à la suite d'un séjour en France et en Suisse en 2014, durant lequel j'ai participé à des salons du livre.

Le Musée Marmottan. à ne pas manquer!
Des gens m’avaient gentiment prévenu peu avant mon départ :
«Oh, Paris, ce n’est plus comme avant…». Ou encore pire : «La France se meurt! On veut détruire la France!». Que diable! Ce n’est pas drôle, ça… Mais je suis parti sans m’arrêter à ces propos. J’ai donc participé au Salon du livre de Paris (21-24 mars) où mon éditeur m’a envoyé en pénitence (mais non, je blague). Mes activités au Salon m’ont laissé du temps pour flâner dans Paris, et pour visiter le Musée Marmottan Monet, visite que je recommande aux amoureux de la peinture impressionniste. C’est un musée magnifique et, wow!, j’ai vu LA toile, Impression, Soleil levant (1872), celle qui a donné le mot Impressionnisme. Vous savez que cela vient d’un critique qui, avec l’élévation spirituelle caractéristique de sa haute caste, avait levé le nez sur l’œuvre : «Hum… Du barbouillage… Ils ne savent même pas dessiner, ces nuls! Que du flou, juste des impressions…». On connaît la suite de l’histoire. La collection du musée est fabuleuse et méritait amplement l’heure que j’ai dû attendre en queue à l’extérieur.
Quant à Paris… C’était la quatrième fois que j’y allais. Les fois précédentes, malgré de belles découvertes, la ville me donnait le tournis. Des autos, trop d’autos, du monde, plein de monde, partout, une densité qui m’est inhabituelle, et, malheureusement, du smog. Je dois par contre avouer ne pas être très «grande ville», même si je suis né et ai vécu jusqu’à maintenant dans une grande ville (Montréal). Et cette fois-ci? Eh bien, j’ai adoré Paris! Pour la première fois, sa magie a opéré. Je logeais dans un petit hôtel sur une toute petite rue tranquille, à quelques coins de rues du Salon, dans le XVe arrondissement. Je ne connaissais pas cet arrondissement qui n’est pas touristique parce qu’essentiellement résidentiel et familial. Il est donc plus calme, avec plusieurs parcs, et une ancienne voie ferrée que l’on a transformée en parc linéaire de 1,8 km, où l’on laisse la nature reprendre ses droits. Il paraît que des espèces végétales rares y ont repris racine. C’était l’Hôtel Lutèce, à ne pas confondre avec l’Hôtel de Lutèce sur l’Île Saint-Louis ; un hôtel deux étoiles, pas luxueux mais très bien tenu, où j’ai dormi comme un loir. Le personnel y est d’une gentillesse extrême, dévoué et souriant.
 
Petite rue verte du XVe arrondissement de Paris
 
Souriant, oui. Il semble que les Parisiens n’ont pas très bonne réputation. On en dit tant de choses que, la première fois où je suis allé à Paris, je m’attendais au pire… Ma foi, je dois toujours bien tomber et être très chanceux (pourtant je ne suis pas particulièrement chanceux), je n’ai eu que de bons contacts avec les gens de Paris! Cette fois encore, partout où je m’adressais pour demander un renseignement, à l’hôtel, au Salon, dans les transports : zéro problème. Dans deux restaurants, les patrons des lieux sont même venus me faire un brin de causette, comme ça. J’étais assis dans le métro. Le train a brusquement freiné dans un tunnel et deux dames qui se dirigeaient vers les sièges en face de moi me sont tombées dessus. «Mille excuses Monsieur! Avez-vous mal ?...» Nous avons jasé ensemble. Une vieille dame à côté de moi, Parisienne d’origine algérienne, s’est jointe à la conversation, puis un jeune couple aussi, avec plein de bonne humeur! C’était peut-être un peu à cause de mon accent québécois : un atout pour converser à Paris. Bref, ni cette fois ni les précédentes, je n’ai rencontré ces Parisiens ronchonneurs que l’on dit typiques. Peut-être sont-ils d’ailleurs imaginaires…

Mon ancêtre parisien, et sa signature
Peut-être aussi est-ce parce que j’ai des gènes parisiens. En fait, je suis parisien! Pas personnellement, mais mon ancêtre, René Hoûallet – c’est ainsi que s’écrivait notre nom à l’époque, peut-être devrais-je reprendre cette orthographe? René Hoûallet est né à Paris, après le 1er juin 1639 (en ce temps, on était moins strict dans les registres…). Il a été baptisé dans l'église de Saint-Jacques du Haut-Pas (252 rue Saint-Jacques, voisine des Jardins de Luxembourg, et qui existe toujours). Le quartier était alors habité par quelques célébrités, dont saint Vincent de Paul, le duc de Roannez, ami de Pascal, l’astronome Jean Dominique Cassini, la marquise de Sévigné, Bossuet et Jean de La Fontaine. Pas vilain, non? Mais les parents de René ont surtout vécu sur la rue des Ursins, à deux pas de la cathédrale Notre-Dame. Pas vilain non plus. Son père, François, était commis aux cinq grosses fermes de France, c'est-à-dire contrôleur général des finances du Royaume de France. Un des frères de René a été sculpteur professionnel. Voulez-vous bien me dire quelle mouche a piqué René pour qu’il décide, au début de la vingtaine, de quitter Paris pour s’établir en Nouvelle-France ??!!! Ça, personne ne le sait.

Armoiries des familles Ouellet-te
En passant, le nom Hoûallet, devenu Ouellette et pouvant prendre différentes formes orthographiques, aurait pour origine la houe, un instrument qui sert à travailler la terre, d’où la devise de nos familles : «Houe ton cœur pour renaître». Houer : travailler la terre. C’est intéressant : je suis biologiste, et plusieurs de mes pièces portent un nom de plante comme titre. C’est là un hommage aux beautés de la nature, mais cela correspond aussi au processus de composition qui est le mien. Je développe mes idées musicales à partir d’une petite semence ; ce peut être un bref motif mélodique, quelques notes seulement. Cette semence germe dans mon esprit. Une tige se développe, puis des feuilles naissent, des fleurs s’épanouissent : l’idée initiale croit, se déploie dans une forme qui sera la pièce elle-même, l’œuvre achevée.
Pour en savoir plus :
Bibliographie: OUELLET, JEANNINE, Une famille du Bas-du-Fleuve se raconte... Des Ouellet et des Lavoie... Plus de trois cents ans d'histoire, 1988, 1108 pages.

Avec Claude Abromont
au Salon du livre de Paris
Je suis très satisfait de mon passage au Salon du livre : Musique autiste s’est d’ailleurs classé dans le palmarès des meilleures ventes au stand Québec Édition. J’y ai fait plusieurs belles rencontres, de merveilleuses personnes autistes, mais aussi celle de Claude Abromont, un musicologue dont les livres sont particulièrement intéressants (entre autres ses Guides publiés chez Henry Lemoine et Fayard).
À Paris, j’ai été reçu chez des Autochtones : Claire et Philippe, avec leurs trois enfants dont deux garçons Asperger. Ils m’ont servi un souper royal, avec des fromages extraordinaires (j’adore les fromages, surtout ceux au goût puissant), dont l’un aux truffes, exquis! Avec depuis chez eux une vue imprenable sur le Sacré-Cœur de Montmartre. Claire m’avait contacté à l’automne 2013 parce qu’elle avait remarqué que l’un de ses garçons semblait s’intéresser avec insistance aux grandes orgues. À ce moment, Victor parlait très peu et était très introverti. Des médecins lui avaient asséné un pronostic négatif… Ses parents lui cherchaient un professeur d’orgue. Tous ceux contactés avaient refusé à cause de l’«autisme». Donc, Claire m’avait écrit pour me demander si par hasard je connaissais à Paris un organiste qui pourrait enseigner à Victor. J’ai fait quelques recherches et lui ai envoyé les résultats. 
Voir Paris autrement. Un livre
fascinant, aux Éditions Parigramme


Ainsi, Victor a pu commencer à apprendre la musique, sur un grand orgue, en novembre. Peu avant mon passage à Paris, Claire m’écrivait que «Victor est complètement transformé». Le garçon que j’ai rencontré joue déjà très bien (je l’ai entendu sur le clavecin de son père – qui, lui, prend plaisir à jouer du Louis Couperin, compositeur merveilleux du 17e siècle); Victor parle d’abondance, se tiraille joyeusement avec frère et sœur… Parents d’enfants autistes : ne vous découragez jamais, soyez patients, confiants et très attentifs. Il y a une clé. Cette clé peut être étrange, surprenante, imprévisible. Repérez-la néanmoins. Ce n’est pas la clé d’une porte qui permettrait à l’enfant de «sortir de son autisme»; c’est plutôt la clé d’un moteur, le moteur de l’intelligence autistique, et ce moteur pourrait fort bien être un turbo aux performances décoiffantes et réjouissantes. Le défi est de trouver cette clé; et d’accepter sa forme toute inattendue qu’elle puisse être.
Oui, un turbo. Les personnes autistes, enfants et adultes, montrent souvent des pics d’habileté spécifiques (souvent aussi alliés à des pics d’inhabileté, notamment en communication sociale). Ce qui est drôle, c’est que même ces pics d’habileté inquiètent certaines personnes. Au Salon, un homme m’a parlé de son petit neveu : «À deux ans, il savait lire et écrire. Ce n’est pas normal du tout!». Je lui ai demandé ce qui s’est passé. «Des médecins l’ont évalué et l’ont diagnostiqué Asperger. Ce n’était vraiment pas normal, il est autiste!». Eh oui, ce n’est pas dans les normes du mode neurotypique mais, dans le monde autiste, ce sont des choses assez usuelles. Ne faites surtout pas de cet enfant un malade! Savoir lire et écrire si précocement est un pic exclusivement positif. Il faudra nourrir cet enfant à son niveau, sinon le risque est qu’il trouvera l’école bien ennuyante si on l’oblige à repartir de la base.

Voir l'autisme autrement. Voir Paris autrement: j'ai pris cette
photo non pas dans la forêt boréale québécoise, mais bien à Paris,
et intra muros [«dans les murs»] de surcroît! 
 
Dans mes conversations parisiennes, j’ai entendu un point que j’entendrai à nouveau à Lyon plus tard durant mon séjour : «En France, nous sommes très en retard sur le Québec en matière d’autisme». Honnêtement, je ne sais pas, et l’herbe semble toujours plus verte chez le voisin… Oui, il y a beaucoup en autisme au Québec, mais bien peu qui soit réellement validé. La quantité prime sur les bienfaits véritables, et la tendance, lourde, est d’attribuer tout progrès d’un enfant autiste aux «traitements» qu’il reçoit. C’est là une pure vue de l’esprit qui se base sur un sous-texte selon lequel un enfant autiste est incapable d’évolution. Or c’est faux : les enfants autistes évoluent, apprennent, développent des intérêts et des talents, comme tout enfant, traitements ou non. Pour moi, c’est un effet d’éducation, car c’est en terme d’éducation, non de traitement, que l’on devrait concevoir les choses. Mais nous nous développons, à notre manière, plus imprévisible, en dehors des normes usuelles, et quelquefois même dans un silence radio qui inquiète nos parents. Je ne les juge pas du tout. Mais voyez Victor. Auparavant, il semblait totalement impassible, sans réaction, sans contact apparent avec le «vrai monde». Pourtant, maintenant qu’il parle, il remémore à ses parents des événements, des lieux et jusqu’à des paroles qu’il a entendu lors de cette phase. Bref, malgré les apparences, il était bel et bien là : il écoutait, il voyait, il entendait, il pensait et sentait. Parents d’enfants autistes, faites attention à ceci : même si nous donnons l’impression d’être emmuré, nous sommes là, tout là.

Toujours à Paris: un arbre avec des boules de gui.
Pour en savoir davantage sur cette plante étrange:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Gui_(plante)
Je reviens à cette idée du «retard» français en autisme. Lors de mon séjour, je n’ai pas noté de retard. Peut-être parce que mon séjour a été trop court? Néanmoins, j’ai vu le travail, le dévouement, l’humanisme (qui manque souvent ici) de très nombreuses personnes et organismes. AmiEs de France : il y a de très belles choses en autisme chez vous, n’en doutez pas. Tout n’est pas parfait? Ici non plus : il s’agit d’un work in progress, d’un travail toujours en chantier. Que manquerait-il alors? Mettre davantage à contribution les personnes autistes elles-mêmes : selon moi, nous impliquer est la meilleure voie d’avenir. 

Je vais peut-être vous surprendre mais j’ai très bien mangé pour pas cher à Paris, et sans perdre du temps à chercher des restos modestes. Lors de ma dernière journée à Paris, je suis allé dîner (déjeuner dit-on là-bas) dans un petit restaurant, et le patron est venu discuter avec moi. Il me confirmait que Paris vit un important problème de pollution. Selon lui, la faute principale en revient aux trop nombreux autobus qui sillonnent la ville en tout sens : «Ils viennent même de commander 200 nouveaux autobus! C’est plutôt le tramway qu’il faudrait développer : cela ne pollue pas et c’est très sympa comme mode de transport». C’est un fait : le transport collectif, particulièrement le transport électrifié (métro, tramway, trolleybus) est génial à Paris: aucun endroit de Paris n’est à plus de 500 mètres d’une bouche de métro! Vous manquez votre métro? Un autre passe quelques toutes petites minutes après. Vivre à Paris, je ne m’y déplacerais qu’en transport collectif. Pourquoi faire une auto?! Comme toutes les grandes villes (y compris la mienne), des mesures de réduction de la place de l’automobile devront assurément être prises, car Paris se classe en tête des villes les plus embouteillées d’Europe.
(Source : Antoine Pascal : Paris en chiffres. Éditions Ouest-France).

Bâtiment du XVe arrondissement de Paris.
Ce ne sont pas des plantes grimpantes:
ce sont des plantes fixées  dans un substrat.
Un mûr vert. 
J’ai vu des édifices parisiens avec des toits verts, et même un avec des murs verts! Là encore, la France ne retarde pas. Je m’amuse. Être maire de Paris, j’amorcerais un virage pour faire de la ville une Ville lumière pour le 21e siècle, en associant la tradition du lieu (Paris est dite la Ville lumière) avec les exigences environnementales et les technologies contemporaines. Je prendrais des mesures pour que, peu à peu (cela ne se ferait pas d’un coup), la pollution lumineuse soit réduite et qu’à terme l’on puisse y voir beaucoup plus d’étoiles dans le ciel la nuit. C’est techniquement faisable, sans sacrifier la sécurité des citoyens. Comme pour la réduction du smog avec la limitation de l’auto, ce type d’éclairage aurait des retombées positives sur la santé des gens : moins de stress, moins d’insomnie, etc.

En juin, je vous parlerai de mon passage en Suisse et, en juillet, de mon passage à Lyon. 


SOURCE DES IMAGES: COLLECTION PERSONNELLE  ET ASSOCIATION DES OUELLET-TE D'AMÉRIQUE