SOREL. CIEL D'OCTOBRE DEPUIS CHEZ MOI |
Le 5
décembre 2015, j’ai célébré ma première année de vie à Sorel-Tracy! Pour qui n’a pas suivi mes péripéties, disons que 2014 m’a
apporté plusieurs chamboulements. Un concours de circonstances m’a alors offert
de réaliser une vieille idée, à savoir quitter Montréal pour une petite ville,
moi qui suis né et ai toujours vécu à Montréal. Mon choix s’est arrêté sur
Sorel et une jolie maison de 1863 au centre-ville, à distance de marche de tout
ce qu’il me faut. À ce «tout ce qu’il me faut», j’ai ajouté plus récemment une
dentiste et un opticien.
Concert et kiosques au Carré royal lors du Festival de la gibelote |
La rue George dans les années 1950, avec ses beaux grands arbres. Ces arbres ont été abattus «pour faciliter le déneigement». Une vraie honte et, tant qu'à moi, un crime contre l'environnement. |
L'Hôtel Saurel, rasé pour faire place à un édifice commercial sans style, comme plusieurs autres beaux bâtiments de la ville. Le Québec n'est pas toujours fort en matière patrimoniale... |
L'ENNUI, CET INCONNU
Totem abénaki |
Plusieurs villages aux alentours offrent eux aussi
diverses activités, comme le Festival Chants de vielles de Saint-Antoine-sur-Richelieu
ou encore Saint-Ours. À 30 kilomètres se trouve Odanak, réserve de la Première
nation Abénakie dont j’ai visité le beau musée – avec des fresques dessinées
par Frédéric Back, cinéaste d’animation deux fois oscarisé.
Quelqu’un
que j’ai rencontré ici m’a fait part de son extrême surprise que je me sois
installé à Sorel : «Il ne se passe rien ici!». À Montréal aussi j’avais
connu des gens qui s’ennuyaient, c’est pour dire. Des fois c’est d’ailleurs
mieux qu’il se passe rien, parce qu’en Syrie il se passe plein de choses et je
ne vois pas que les gens en soient très heureux… En fait, je m’étonne que l’on
puisse s’ennuyer, même à Sorel, mis à part pour les gens très malades. Il me
semble qu’il y a tant à découvrir en cette vie malgré ses imperfections. Je
n’arrive pas à m’ennuyer! Peut-être devrais-je faire des efforts pour
expérimenter ce sentiment inconnu? Mais cela ne m’apparait pas trop tentant…
Pourtant, je ne mène pas une vie sociale intense : je ne suis pas un
«sorteux» même si le maire de ma petite ville m’a vanté le night life sorelois – oui, il paraît qu’il y a un night life à Sorel!
De toute façon, je n’ai pas eu le temps de m’ennuyer. Là encore, ne croyez pas que je mène une vie agitée, rocambolesque, avec rendez-vous sur rendez-vous. Non, je n’aime pas ce genre-là. Lorsque je me presse, je me presse toujours lentement. Et je suis pourtant d’une ponctualité digne d’une horloge suisse en tout ce que je fais comme dans les échéances que j’ai à respecter. Cela dit, en cette première année à Sorel, j’ai tout de même eu à m’installer chez moi, à aménager ma maison. Napoléon, lui, s’est installé comme chez lui ici en moins de deux jours! Malheureusement, il reste timide avec mes visiteurs qu’il ne vient presque jamais saluer. Dire qu’avec les autres chats, c’était un malin matou prompt à imposer sa loi et à jouer aux «gros bras»! J’ai aussi aménagé ma toute petite cour, fait plusieurs plantations – mes voisins m’ont dit que je suis le premier propriétaire de cette maison à avoir aménagé le terrain. Mes deux plants de rhubarbe m’ont donné trois récoltes, bien que je n’aie pas voulu abuser d’eux pour plutôt les laisser bien s’implanter en cette première année en terre. Mon petit arbre, ma bourdaine, a connu un début plus difficile : la rouille l’a attaqué dès sa feuillaison, à cause d’un printemps frais et humide favorable aux petits champignons de ce type. Je l’ai donc traité (un produit naturel) et il s’est bien rétabli. J’ai fait refaire la couverture de la maison et arrangé la cheminée dont les briques du haut montraient des signes d’usure : elle n’est que décorative, mais je l’ai arrangé pour qu’elle puisse éventuellement abriter un couple de Martinets ramoneurs (j’aimerais beaucoup en héberger chez moi).
Oui, c'est à Sorel! Sur la piste cyclable La Sauvagine. |
UN ACCIDENT
Il faut
quand même faire attention à soi : l’année 2014 a été intense, l’anxiété y
a été élevée; en cette année et encore en 2015 j’ai beaucoup sollicité mes
capacités adaptatives – que je découvre bien meilleures que j’aurais pensé,
mais pas illimitées non plus, car je ne suis pas plus une machine que vous. À
la fin de l’été, j’éprouvais une grande fatigue visuelle et j’ai pensé qu’il
s’agissait de surménage (du sur-méninges
surtout). Malgré quelques jours de vacances, mes yeux demeuraient fatigués. Mes amis psychanalystes m'auraient dit: «Ah voilà, ce sont tes conflits inconscients qui te rattrapent en profitant des changements dans ta vie. Tu es mûr pour une cure thérapeutique». Hum... Mais je
savais que mes lunettes n’étaient plus à ma vue. Je suis donc plutôt passé chez
l’optométriste (tout près de chez moi, comme tous les services) et, lors de
l’examen, on m’a découvert une importante déchirure de la rétine qui a dû être
traitée d’urgence au laser. L’opération a heureusement été un succès, mais je
devrai être suivi de proche… et ne plus négliger mon examen annuel de la vue.
Le premier facteur de risque pour la déchirure de la rétine est la forte myopie
– mon œil droit est très myope et c’est justement lui qui est concerné. Pas
l’âge : j’aurais pu avoir ça à 20 ans. Alors mes amiEs, si vous êtes très
myopes, prenez grand soin!
DE CHOSES ET D'AUTRES À SOREL
Voici quelques-unes de mes petites découvertes soreloises à ajouter à celles que je vous ai déjà partagées. Dans des parcs de la ville, on a installé des mini-bibliothèques comme celle de la photo. Elles sont toutes jolies, peintes avec fantaisie. Le principe est «prenez un livre, donnez un livre». Je trouve ça génial. Alors, j’ai donné plusieurs livres, surtout à celle du Carré royal du centre-ville parce que je sais qu’il y vit plusieurs personnes moins favorisées. Oui, à ce sujet, un voisin m’a dit que le centre-ville, où j’habite, est «assez rock’n roll, avec de la pauvreté et bien des gens ayant des troubles mentaux». Il m’a averti, gentiment, que pas loin de chez moi «habite un schizophrène» - je n’ai pas osé ajouter à ses craintes que je suis moi-même autiste! C’est vrai, mais il n’y a rien là pour se sentir insécure. Il fut un temps où ma ville était la capitale des motards criminalisés des Hells Angels. On raconte que le quai au bout de ma rue leur servait à balancer dans le fleuve les cadavres aux pieds coulés dans du ciment des amis qui n’avaient pas été corrects avec eux. Mais c’est faux : c’est juste l’autre côté de l’eau, à Saint-Ignace-de-Loyola, que se sont produits ces événements…
Depuis, leur bunker a été rasé. Mais ces derniers temps, les Hells ont tenu quelques rassemblements dans la région et ont repris possession d'un terrain en ville. Un règlement municipal empêche toutefois la construction de bâtiments style bunker, et notre maire, Serge Péloquin, ne voit aucun motif d'inquiétude. Je vois beaucoup de gens à vélo – je fais moi-même une bonne partie de mes emplettes à vélo (et à pied). Par contre, les premières fois, quand je sortais le soir juste pour aller faire une petite promenade, j’étais étonné de croiser si peu de gens même par beau temps.
J’ai pris quelques fois le traversier qui va à
Saint-Ignace-de-Loyola, un petit village sur la grande Île Saint-Ignace en face
de Sorel. La traversée ne dure que 15 minutes, mais cela permet d’admirer le
paysage… et les immenses installations industrielles de Rio Tinto Fer et Titane
à Saint-Joseph-de-Sorel. Cette usine est vraiment
imposante, et ses boucanes ont longtemps valu à Saint-Joseph le titre de ville
la plus polluée au Québec. C’était au point que la compagnie elle-même allait
nettoyer l’extérieur des maisons de la municipalité aux deux ou trois ans.
Récemment, on a installé de nouveaux équipements qui ont permis de réduire
considérablement ces émissions. Saint-Joseph est quand même une très joile
petite ville, avec des maisons coquettes, beaucoup de parcs et de jardinières
installées par la Ville dans les rues. Dommage qu’on ait détruit son église…
Il y a quelques mois, un refuge animalier a ouvert ses
portes. On demandait aux citoyens d’y faire enregistrer nos animaux de
compagnie. Même s’il ne sort pas (cela ne le tente pas du tout), j’ai quand
même fait enregistrer Napoléon, surtout pour appuyer cet organisme. Ils ont mis
en place une politique de capture des chats errants, pour les stériliser avant
de les remettre en liberté, cela afin qu’ils ne se multiplient pas et fassent
plein de petits chats malheureux. Dans leurs locaux, ils ont en vente des chats
et des chiens rescapés. Si je n’avais pas eu Napoléon, je serais revenu avec
une petite chatte toute jolie mais âgée de 7 ans. Bien des gens hésitent à
adopter un chat de cet âge, mais les personnes âgées pourraient le faire plutôt
que de prendre un chaton.
Un monstre industriel terrassé |
Un monstre industriel a été démantelé en 2015 à Sorel :
sa centrale thermique au mazout. Je regarde avec contentement la photo que j’ai
prise lors de ces travaux! Mais j’habite au Québec et avec les gouvernements
que nous nous donnons (abus de pot ou
je ne sais trop quoi), une autre centrale thermique vient de démarrer ses
activité à Bécancour (quelques dizaines de kilomètres à l’Est de Sorel). Ses
promoteurs et notre gouvernement se pètent les bretelles parce que celle-là
«polluera moins que l’autre, puisqu’elle fonctionne au gaz naturel». Belle
logique. C’est la même qui fait que la trop puissante Union des producteurs
agricoles du Québec (UPA) cherche à détruire le grand marais de la Baie
Lavallière sur laquelle veille un organisme citoyen dont je suis membre. Des
milieux humides naturels est quelque chose d’intolérable, d’inconcevable pour
ces gens qui cherchent à manipuler l’opinion publique en faisant croire que ce
marais serait responsable de l’inondation périodique des terres de quelques
cultivateurs – cultivateurs qui ont eu la brillante idée de s’installer
précisément dans une zone inondable! Une zone dite 0-2, c’est-à-dire qui est
inondée au moins une fois tous les deux ans. La même UPA a ravagé la
Montérégie, ma région, avec son agriculture industrielle à monocultures
intensives : la Rivière Yamaska qui la traverse mérite le titre de rivière
la plus polluée du Québec. La Richelieu se porte à peine mieux. Les industriels
de la terre ne veulent même pas entendre parler de maintenir une petite bande
riveraine autour des cours d’eau pour minimiser l’écoulement de pesticides,
fertilisants et compagnie dans ces cours d’eau. Alors, j’attends que cette si
écologique UPA annonce enfin un plan de rétablissement des rivières de la
région.Et je ne comprends pas que l'on blâme les eaux usées de Montréal comme cause première de la dégradation du Lac Saint-Pierre.
Le légendaire Normand L'Amour |
En novembre dernier,
Normand L’Amour est décédé à l'âge de 85 ans. C’était une légende de Sorel! «Il chantait d’une voix
chevrotante [des] mots qui étaient ceux du quotidien (…). Ses textes étaient répétitifs,
sans air, difficiles à interpréter, souvent psalmodiés, mais presque zen à la
longue. Il les enregistrait lui-même, à l’aide d’un clavier, micro et
magnétocassette, les moyens du bord, dans son petit appartement» (Les deux rives, journal régional de Sorel-Tracy,
vendredi 6 novembre 2015). Normand L’Amour vendait de porte en porte les cassettes contenant
quelques-unes des 2400 chansons qu’il aurait composées. Artiste excentrique de
vocation tardive qui se disait branché sur l’Amour divin, il a été repéré dans
les années 1990 par des producteurs professionnels. Le musicien a alors pu
jouir d’une notoriété certaine. Mais elle reposait sur des malentendus :
on en a tant fait une sorte d’amuseur que son album C’est pas possible (1999) s’est mérité une nomination au Gala de
l’ADISQ dans la catégorie… Album Humour
de l’année! Si vous ne connaissez pas sa musique, voici deux suggestions
sur You Tube, dont sa célèbre Y’a lâchait
pas, aussi connue sous le titre La
poignée de porte. Mais je vous préviens, c’est assez… spécial.
Y’a lâchait pas : https://www.youtube.com/watch?v=3kocnM1UEww
Un mini-documentaire : https://www.youtube.com/watch?v=NvlrcIwkkLg
SOURCE DES IMAGES: COLLECTION PERSONNELLE, SOCIÉTÉ D'HISTOIRE PIERRE-DE-SAUREL (https://shps.qc.ca/) ET NORMANDLAMOUR.COM