MUSIQUE (Composition et histoire), AUTISME, NATURE VS CULTURE: Bienvenue dans mon monde et mon porte-folio numérique!



mercredi 1 octobre 2014

SUITE CELTIQUE, POUR HARPE / PARTITION PDF

SUITE CELTIQUE
Pour harpe, opus 6 (1983; révision : 1988 / 2014)

1. Prélude 
2. Barde 
3. Courante 
4. Légende  
5. Gigue lointaine 

Pour obtenir la partition: 

https://www.dropbox.com/s/1qfvt2zi75ikz1f/Suite%20celtique.pdf?dl=0

Pour écouter la Suite celtique:

Cette partition est offerte pour usage privé. Pour toute performance en concert, seule la partition éditée est autorisée, et seul le Centre de musique canadienne est autorisé à la copier, la louer et la vendre.

This sheet music is offered for private use. For any concert performance, only the edited sheet music is authorized, and only the Canadian Music Centre is authorized to copy, rent and sell it.

Contact: atelier@cmccanada.org  ou / or  quebec@cmccanada.org

Cette musique est / This music is: © Antoine Ouellette SOCAN

 

Début de Barde, deuxième mouvement de la Suite celtique / (c) 1983 Antoine Ouellette Socan

Les origines familiales de la Suite celtique

Les apparences de la musique peuvent être trompeuses! Certaines gens croient ainsi que, parce que telle musique «sonne simple», elle est simple, dans sa facture ou dans la réflexion qu’elle a demandée. Quel mirage! C’est là bien peu connaître les mystères et les arcanes de la création artistique. La réalité est qu’une musique apparemment simple peut avoir nécessité beaucoup de méditation, de travail, de renoncements, de discipline, etc. Et justement, ma Suite celtique, peut-être mon œuvre la plus «simple» en apparence, est le fruit d’un travail des profondeurs. Je vous fais donc pénétrer un peu dans mon atelier intérieur, afin de vous conscientiser à ce que l’on n’entend pas nécessairement lorsqu’on écoute une pièce, bien confortablement installé…
Ernest Hébert !1817-1908): La musicienne.
Il est une personne qui, elle, ne l’a pas trouvée si simple, la Suite celtique : ma sœur Geneviève. Geneviève s’était acheté une belle harpe celtique, et j’ai eu l’idée de lui écrire quelques pièces «faciles». Hum… Peut-être qu’elle osera s’y attaquer un jour – il est vrai que sa carrière ne lui laisse pas tellement de temps libre pour jouer sa harpe. 
Je ne suis pas «un pur-sang canadien-français». Comme bien d’autres gens, je suis un métis en quelque sorte, car mon arrière-arrière-grand-père paternel, lui, est venu d’Irlande. Sa raison est limpide : sa famille a fui la grande famine qui s’est abattue sur l’île verte au 19e siècle. C’était un Morrin – prononcez : Mowrînne. Issu d’une famille farouchement catholique, il s’est fait un délicieux plaisir de faire un pied-de-nez aux Britanniques d’ici en apprenant le français et en s’intégrant à la communauté canadienne-française! Son fils a conservé cette fierté. Un jour, lors d’un repas en famille, sa petite fille, la sœur de mon père, âgée de quelques années à peine, s’est choquée contre son père et a brandi un couteau à steak en menaçant de le poignarder. Tout fier, l’Ancêtre Morrin s’était alors exclamé : «Wow! Une vraie Irlandaise, la petite!». Je ne suis pas violent; je suis gentil, patient, doux, à l’écoute, mais cet héritage rebelle vit en moi. Encore une fois, il ne faut pas nécessairement se fier aux apparences. D’une certaine manière, la Suite celtique est une œuvre rebelle, mais pas dans le sens conventionnel. Par contre, on y trouvera sans peine un écho de la sensibilité celte : fascination pour le mystère, les paysages brumeux, les légendes teintées de surnaturel.

Début de la Gigue lointaine, cinquième mouvement de la Suite celtique / (c) 1983 Antoine Ouellette Socan
 
Les origines médiévales de la Suite celtique

J’ai rapporté cet événement marquant dans Musique autiste. Lorsque j’ai commencé à étudier la musique à l’université en 1982, j’ignorais presque tout de la musique médiévale. Mais voilà, la vie étant ce qu’elle est, la première rencontre du cours d’histoire de la musique du Moyen âge allait me réservait une surprise de taille. Pour nous accueillir au local, la prof a fait jouer un disque de l’Ensemble Venance-Fortunat intitulé Le mystère de la Résurrection. Dès les premières notes, j’ai été saisi, illuminé. Le choc dépassait largement celui de la nouveauté. La première pièce du disque était un bref organum à deux voix, une composition anonyme du XIIe siècle sur la mélodie grégorienne Benedicamus Domine. Cette pièce ne ressemblait pas du tout aux musiques qui me passionnaient alors, et voilà que cette minute et demi de musique provoqua en moi un bouleversement comme je n’en avais jamais connu! Les musiques que j’aimais tant jusque-là ont pâli, comme en un cataclysme instantané, irréversible et totalement imprévisible.
Dessin de Richard Doyle (1824-1883)
Dès lors, j’ai voulu non seulement tout savoir mais pratiquer cette musique. Je me suis donc joins au Chœur grégorien de Montréal que dirigeais Jean-Pierre Pinson. Quelques années plus tard, j’allais moi-même diriger cette musique merveilleuse. Mais le petit organum de même que le grégorien ont aussi été une révélation pour la composition : ces musiques m’ont aidé à mieux discerner ce que je cherchais. Certains éléments du grégorien trouvaient en moi un écho profond : le diatonisme (j’y reviens plus loin), le caractère monodique (mélodie pure, sans accompagnement), la pensée modale, le rythme non pulsé et non mesuré, la résonance du son. Le chant grégorien date d’une époque où les églises étaient construites en pierres, ce qui leur conférait une acoustique réverbérante où le son vit pleinement. Le grégorien ne nécessite pas d’accompagnement car la résonance du lieu fait que la mélodie s’accompagne elle-même. C’est dans cet esprit que j’utilisais déjà la résonance. Par exemple, au piano, je demande que l’on tienne longuement la pédale forte. Dans L’Esprit envoûteur, j’emploie des percussions comme le vibraphone, les cymbales suspendues et les tam-tams («gongs») pour prolonger les notes des autres instruments et créer des halos de résonance les entourant.

Au moment même où je tâtonnais en direction de la musique atonale (j’avais toujours 100% en solfège et en dictée atonales!), la musique médiévale allait providentiellement m’empêcher de suivre cette voie devenue académique. J’ai donc aussitôt délaissé la Fantaisie atonale pour piano sur laquelle je travaillais. Le choc de la musique médiévale ne fut pas une influence mais une révélation, une «épiphanie» musicale qui a précipité la cristallisation de mes tendances profondes.

Nils Blommér: Elfes dans la prairie (1850)
Rompant avec le dogme du chromatisme, j’ai adopté le diatonisme. Qu’est-ce que le diatonisme? Il en existe différentes définitions dont celle-ci que j’adopte : une pièce diatonique utilise exclusivement les notes d’un mode, à l’exclusion de toutes autres notes. Une pièce diatonique est donc construite sur un nombre limité de sons. Le chant grégorien procède ainsi, comme la musique classique de l’Inde et aussi plusieurs musiques du monde. Le fait de composer une pièce à partir de peu de sons rejoignait aussi la focalisation de l’esprit Asperger : explorer un fragment, un intérêt précis, découvrir un univers immense dans ce qui pour d’autres n’apparait être qu’un détail. C’est un peu comme peindre en camaïeu, avec différents tons d’une seule et unique couleur. En musique, on obtient ces différents tons d’une même couleur en en jouant avec le rythme, la respiration, le silence, la résonance : il est alors toujours possible de créer une infinité de formes avec un nombre limité de sons. Face aux innombrables possibilités qui s’offrent désormais aux compositeurs, cette «contrainte volontaire» représente un défi considérable mais très stimulant pour moi, et très satisfaisant. Au lieu de cocktails multicolores, de l’eau de source, froide, limpide, minérale, désaltérante! 
 
Ma première pièce diatonique fut le Cantique des créatures en 1982. Cette pièce chorale sur le texte célèbre de saint François d’Assise sera par la suite intégrée aux Symphonies sacrées (quatre motets pour chœur a cappella), opus 24. J’ai composé la Suite celtique l’année suivante, en 1983, et j’ai apporté des petites retouches en plusieurs occasions dans la partition, cela jusqu’en 2014 alors que j’en achevais l’édition. La Suite celtique se caractérise donc par un «diatonisme intégral» : elle n’utilise que l’échelle donnée par les notes ré, mi bémol, fa, sol, la, si bémol et do.

Échelle modale de la Suite celtique
 
La Suite celtique a été un point de départ. Si son aspect harmonique n’est pas conventionnel, sa rythmique l’est davantage. La Suite fait alterner des pièces rapides et des pièces lentes, mais le rythme y demeure souple et les tempos soumis à plusieurs fluctuations. Tout de même, il s’agit essentiellement d’un rythme mesuré. Or, un autre aspect des musiques modales diatoniques est leur grande liberté rythmique : on y trouve, oui, des rythmes mesurés francs mais aussi des rythmes échappant à toute mesure voire même à toute pulsation clairement établie. Dans certaines de mes premières pièces, j’avais déjà utilisé de tels rythmes, mais ils se retrouvent peu dans la Suite, peut-être parce que inconsciemment j’y cherchais d’abord à maîtriser le diatonisme. 

C’est en composant Paysage, pour quatre pianos, en 1987, que je réussirai finalement le mariage du diatonisme radical et de la diversité rythmique. 
 

Source des images autres qu'extraits de partition: Wikipédia: Domaine public PD-US



mardi 1 juillet 2014

LYON: PREMIÈRES ET BOUCHONS

  LYON: PREMIÈRES ET BOUCHONS
MON EUROPE 2014 (3)

Voici la dernière tranche de mon carnet de voyage autistique en Europe (mars-avril 2014). La première partie était consacrée à Paris:
http://www.antoine-ouellette.blogspot.ca/2014_05_01_archive.html
... la deuxième à la Suisse:
http://www.antoine-ouellette.blogspot.ca/2014_06_01_archive.html


30 AUTISTES, ÇA JASE ÉNORMÉMENT!

Un bouchon lyonnais (voir plus loin)
Depuis le Salon du livre de Paris, je transportais une valise contenant une caisse d’exemplaires de Musique autiste (36 livres). C’était malcommode mais nécessaire pour que je puisse apporter des livres en Suisse puis à Lyon. Mais à peine arrivé en Suisse, la poignée rétractable de ma valise a cédé. Puis une autre poignée! Heureusement, Cédric a pu me bricoler quelque chose pour que ma valise soit fonctionnelle jusqu’à la fin de mon périple. Mes livres se sont rapidement envolés, allégeant ma pauvre valise, dont le fond commençait aussi à se défoncer... Il ne me restera que deux livres pour ma dernière conférence à Lyon, dont celui que je me servais pour lire des extraits. Je les vendrai aussi. Il aurait fallu que j’en transporte davantage, une cinquantaine peut-être, mais ce n’était évidemment pas possible.
En fin d’avant-midi le 29 mars, je descends du TGV à Lyon. Je suis accueilli là par mes deux guides : Éric Bénéteau, de Volontaires pour l’autisme, qui m’a très bien accompagné dans la préparation de mon séjour lyonnais, et Corinne Gambonnet qui m’a généreusement hébergé chez elle pour les deux premières nuits. Grand merci!

Vue sur Lyon
Aussitôt installé : direction vers le CRA Rhône-Alpes où je rencontre un groupe de jeunes adultes autistes. La rencontre est prévue de 14 à 16h, mais elle se prolongera jusqu’à 18 heures! Elle aurait pu se prolonger davantage, mais une sortie culturelle était prévue en soirée – celle de la fin de l’après-midi a sauté de l’horaire. Ce n’est pas grave : je venais d’abord pour la cause de l’autisme et, je vous le confie, un de mes plus grands plaisirs est justement de rencontrer d’autres personnes autistes. Je me sens moins seul, et je suis toujours ébloui de voir tant de talents chez elles, de débrouillardise, de résilience – des trésors dont elles ne sont pas toujours elles-mêmes conscientes, alors je leur dis. Dans le local, les tables étaient installées en cercle et, dès le début, j’ai demandé à ce que les personnes autistes soient aux premières loges. De la discrimination positive! Mais oui, j’aime aussi les parents et les intervenants qui me font l’honneur de leur présence, ne craignez pas. Il y avait là près de 30 Autistes, hommes et femmes; les Neurotypiques étaient en minorité. Pour les gens qui pensent encore que les Autistes ne parlent pas, quatre heures de conversation entre nous! De nouveau, quelqu’un a parlé du retard qu’aurait la France en matière d’autisme. J’ai redit que mon séjour m’a donné de voir qu’il se faisait en fait beaucoup de belles choses en France : s’il y a toujours place à l’amélioration, tout cela reste un chantier toujours à parfaire, en France ou au Canada. Un participant d’origine italienne a précisé que l’Italie est bien davantage à la traîne.

La Basilique aperçue depuis ses jardins


Vous auriez aussi remarqué la diversité des personnes autistes : oui, nous sommes aussi différents entre nous que vous, Neurotypiques, l’êtes entre vous. C’est une des raisons (pas la seule) pour laquelle je rage de ce discours qui ravale l’autisme à une maladie, comme une grippe, avec des protocoles bien prédéterminés sur ce qu’il faut faire et ne pas faire en présence de nous. Dites-vous bien que quoi qu’on en dise, il n’y a pas de règles absolues qui tiennent : ce n’est pas le domaine d’une maladie, mais celui d’une humanité, véritable, diversifiée. Des personnes humaines à part entière. Un peu différentes, je veux bien, mais en rien des malades ou des extraterrestres. Pour interagir avec nous, il «suffit» de se mettre sur le bon canal – ce qui ne semble pas facile pour tout le monde: c’est tellement rassurant de considérer des gens comme «atteints» d’une maladie, tellement rassurant de suivre les modes d’emploi. Mais tout cela n’est que foutaises réductrices qui n’ont aucun rapport avec la vie! Voilà.

LA VILLE AUX COLLINES ET AUX BOUCHONS
Intérieur de la Basilique de Lyon
Le lendemain matin, je suis allé à la messe à la Basilique de Fourvière. «Antoine! Parle pas de religion!». Quand même. Lyon est un haut-lieu du Catholicisme en France. Évangélisée tôt, la ville a connu de terrifiantes persécutions antichrétiennes, notamment dans les années 170, sous les attaques du paganisme romain. On y tuait publiquement hommes, femmes et enfants, même des vieillards comme l'évêque Pothin, âgé de plus de 90 ans. Sainte Blandine sera une des figures emblématiques de cette résistance courageuse qui finira par avoir gain de cause. [C'est incroyable combien depuis ses débuts le Christianisme a été persécuté. Ayant refusé d'être défendu par les armes, le Christ lui-même a été torturé et assassiné. Au XXe siècle, la charge fut mené par le Communisme et, au 21e siècle, par les Islamistes, en Irak, en Syrie, en Égypte, au Nigeria, etc.]
De style romanobyzantin, la Basilique est perchée sur les hauteurs d’une des deux grandes collines de Lyon – c’est une ville qui monte, descend, monte et descend encore, traversée de plus par un fleuve, le Rhône et une rivière, la Saône, une ville à la topographie très particulière. La basilique appartient au périmètre du Vieux Lyon inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO en 1998. Elle a été construite au XIXe siècle : elle est éclatante, enluminée par de magnifiques mosaïques. On y grimpe à pied – certains courageux le font en jogging – ou, plus pittoresque, en funiculaire (intégré dans le réseau du métro et des transports collectifs lyonnais). Lyon possède d’ailleurs une riche histoire religieuse et spirituelle, une histoire toujours vivace : la Basilique était archipleine de gens ce dimanche-là.

Il y a à Lyon, dit-on, deux collines : la colline qui prie et la colline qui travaille. Celle qui prie est bien sur la colline de la Basilique; celle qui travaille est celle où oeuvraient les canuts, les ouvriers tisserands de la soie sur les machines à tisser. Au milieu du 19e siècle, ils étaient environ 120 000, et leurs révoltes vont marquer l’histoire sociale non seulement de la ville mais de l’Europe, puisqu’elles inspireront des gens comme Karl Marx, Fourier ou Proudhon. Les canuts ont aussi laissé leur marque sur la gastronomie. Comme ces gens travaillaient très fort physiquement et comme plusieurs étaient pauvres, ils utilisaient dans leur alimentation, costaude, des parties d’animaux que les gens plus en moyen dédaignaient. Cette cuisine des pauvres s’est élaborée dans de petits restaurants dits «bouchons». Et on trouve toujours des bouchons à Lyon. 

Tablée au Laurencin
Mes amis m’ont donc amené prendre un repas du midi dans un bouchon, Le Laurencin, qui mise sur son authenticité. À la carte, des mets inusités comme les pigeons ficelés (ou paquets de couenne), le museau de bœuf, les pieds de mouton, le sabodet («un genre de saucisson à base de tête de porc entière hachée, entre autres, les oreilles et le museau»), etc. Cela vous met en appétit?! Des poissons aussi, et des écrevisses… L’origine du mot bouchon reste discutée, mais je vous jure qu’un repas vous bouche l’estomac solide! Et délicieusement je me dois d’ajouter. 

Le repas que j’ai pris commençait par une entrée : une immense salade mélangée avec deux feuilletés au fromage de chèvre – c’est ce qui était annoncé mais, pour une raison inconnue, j’ai eu droit à trois (délicieux) feuilletés! Juste ça, mon repas été fait. Mais venait ensuite le plat principal : pour moi, une quenelle au brochet, avec du riz (du riz, beaucoup de riz). 
Ma petite entrée...
Succulent. Arrivé au dessert, ouf, le ventre bien distendu, j’ai choisi quelque chose de léger : un assortiment de glaces. J’aurais dû m’en douter : trois immenses et exquises boules de crème glacée. Quelle expérience gustative! Je ne sais pas trop pourquoi, mais notre repas du soir a été très léger… En passant, les personnes autistes ont la réputation d’être plutôt difficiles côté alimentation, et j’en connais qui s’astreignent à d’étranges diètes. Je ne sais pas si cette réputation est justifiée ou non mais, en ce qui me concerne, j’aime essayer de nouveaux plats et il y a bien peu d’aliments que je dédaigne. Imaginez : je suis déjà allé à la dégustation Croque Insectes du Jardin botanique de Montréal – oui, c’est ça, des mets faits à partir d’insectes! 

Pour faire descendre tout cela, on m’a amené visiter un musée d’art contemporain l’après-midi, visite suivie d’une bonne marche au grand parc de la Tête d’Or à laquelle participaient quelques personnes autistes rencontrées la veille.

DEUX PREMIÈRES EN SOL FRANÇAIS
Olivier Hue parfume l'air de Lyon avec les sons de son hautbois
Grosse journée lundi 31 mars. Le matin, je rencontre Olivier Hue au Conservatoire régional, à quelques pas de la Basilique. Je prends le funiculaire qui, oups, tombe en panne au beau milieu de la côte. Nous restons bloqués là quelques instants. J’avoue craindre une rupture du câble, comme cela s’est déjà passé à Québec. L’opérateur sort de sa cabine, va à l’arrière de l’engin, bricole un peu, donne quelques bons coups, et revient à son poste. Le funiculaire démarre enfin. J’arrive presque en retard à mon rendez-vous. Olivier m’accueille dans une salle un peu décrépie mais avec une vue exceptionnelle sur Lyon, et nous regardons Dent-de-lion au peigne fin. Olivier me pose des questions et me fait des suggestions que je retiendrai pour l’édition définitive de la pièce – des retouches concernant les tempos des deux dernières pages de la partition. Cela dit, la pièce demeure un peu exigeante au niveau du souffle et de quelques petits détails techniques. Rien d’injouable, loin de là, seulement de quoi donner un défi à l’interprète. Mais enfin quoi, chers amis musiciens, il faut bien s’amuser un peu, non?!

Avec Amandine et Olivier
À l’heure convenue, Magali vient nous rejoindre avec un lunch, et nous allons pique-niquer dans les jardins de la Basilique. Je dois remercier Magali. C’est elle qui m’avait contacté, pour son fils et pour Dent-de-lion, ma pièce pour hautbois solo dont j’avais parlé quelques mois auparavant sur mon site. Magali joue du hautbois depuis quatre ans et fait partie du grand ensemble d’anches doubles que dirige Olivier (hautbois, cors anglais, bassons…). C’est elle qui m’a mis en relation avec Olivier et qui, donc, a favorisé l’exécution de ma pièce à Lyon dont la première aura lieu ce lundi soir. Volontaires pour l’autisme avait accepté que l’œuvre soit jouée lors de ma conférence, et on m’avait suggéré de traiter de la créativité artistique en mode autistique. Quelles bonnes idées! Ce sera une occasion de présenter l’autisme bien autrement qu’une tare et de souligner les (nombreuses) contributions des personnes autistes dans toutes les sphères d’activités. Peu avant mon départ, Volontaires pour l’autisme m’annonçait qu’une flûtiste s’était offerte pour jouer aussi Auberivière lors de la conférence qui est alors devenue une conférence-concert : que demander de mieux?! Amandine Dumas, la flûtiste, est venue nous rejoindre au pique-nique, un moment vraiment agréable. Plus tard, elle me jouera Auberivière, divinement je dois dire. J’ai composé la pièce pour le docteur Laurent Mottron, expert en autisme et flûtiste (bon flûtiste d’ailleurs) à ses heures. Il m’avait dit de lui écrire quelque chose de «pas trop difficile» qu’il serait en mesure de jouer. Auberivière est donc ainsi, toute en fluidité comme l’annonce son titre. 

Le soir, je donnais la conférence, avec le concours d’Amandine et d’Olivier. Encore une fois, tout avait été super bien organisé : bravo aux responsables! Vous savez, jouer en concert exige de la concentration : les interprètes s’attendent à juste titre que le public coopère. Ce soir là, Olivier ne l’a pas eu tout à fait facile. Les gens étaient très attentifs, mais un petit garçon a décidé de se donner lui aussi en spectacle, sous le regard attendri et ravi de sa maman. Il est monté jusque sur scène, prendre mon micro et se mettre à gazouiller dedans… pendant qu’Olivier négociait les pages de Dent-de-lion! Un peu dérangeant, non? Discrètement, je suis allé voir sa mère pour lui demander de calmer son garçon et le faire asseoir auprès d’elle. Ah là là, pas toujours prévisible la vie de musicien… Mais bon, les deux pièces ont été bien jouées et appréciées : c’est l’essentiel.

UNE DERNIÈRE NOTE EN MODE AUTISTIQUE
On monte en funiculaire!
Je ne me souviens pas où cela est arrivé, mais un monsieur est venu me voir pour me parler de son petit neveu, diagnostiqué Asperger vers 3 ans. Je ne crois pas que ces diagnostics si précoces soient vraiment utiles. Tout de même, l’homme m’a dit que ce qui avait inquiété les parents fut que le petit garçon savait lire et écrire à moins de 2 ans. Il avait appris seul, comme ça. «Ce n’est pas normal du tout!». «Bien peut-être pas, lui ai-je dit, mais c’est extraordinaire, c’est un don, un atout!» Mais lui insistait pour soutenir que ce n’est pas normal, et que les parents avait fait examiné et évalué leur enfant de ce pas. Le verdict est tombé. Et alors? «Nous sommes très tristes parce qu’il est malade et handicapé parce qu’atteint d’autisme». J’étais éberlué (et il m'arrive de me demander si les gens qui me disent de telles choses sont conscients de les dire à une personne elle-même autiste!) : «Mais quel handicap? Ce garçon a déjà fait des apprentissages important : il a un potentiel inouï avec les lettres, l’écriture. Peut-être sera-t-il écrivain, journaliste… Il faut l’aider à faire fructifier ce don». Mais non : il est malade, pauvre petit, il fait pitié. Je n’en revenais pas d’être aussi négatif devant ce qui est, en réalité, une merveille! Mais vous voyez, même nos dons sont vus comme inquiétants lorsque notre entourage cultive l’idée que l’autisme est nécessairement une pathologie. Il faut dire que bien des gens propagent tant de négativisme à notre sujet que je comprends les familles d’avoir peur. Mais il faut changer ce regard erroné.

Après une nuit à l’hôtel, je pliais bagage et me dirigeais à la gare, prendre le train pour Paris. Je m’étais prévu une journée libre avant de prendre l’avion, histoire de décanter. Je suis allé me promener du côté de la Basilique Notre-Dame, où il y avait une foule dense. Mais je connaissais d’un voyage précédent une petite place tranquille (oui oui!) où je suis allé lire sous les arbres. Le lendemain : avion vers Montréal. Les mains un peu moites, mais pas trop : je m’améliore, dirait-on. Ce voyage m’a comblé! Je remercie encore une fois toutes les personnes qui l'ont rendu possible. À la prochaine, chère Europe, et salutations à mes amiEs de là-bas. Un rêve: une petite série de conférences en Île-de-France...

SOURCE DES PHOTOS: COLLECTION PERSONNELLE