MUSIQUE (Composition et histoire), AUTISME, NATURE VS CULTURE: Bienvenue dans mon monde et mon porte-folio numérique!



lundi 2 janvier 2023

LES MAGES ET L'ÉTOILE

Les Mages et l'étoile

1. L’étoile mystérieuse
2. Aux nations
3. Marcher

Si je devais choisir un personnage de l’Évangile auquel m’identifier, je pense que je serais un mage, un de ces mages qui, venu d’Orient et guidé par une étoile, est allé rencontrer Jésus enfant auprès de Marie et Joseph. À ma manière, je suis un mage puisque je suis scientifique de formation et musicien : art, science, spiritualité. Chaque dimanche, je fais route avec l’étoile en allant à la messe pour adorer le Seigneur. Ne possédant pas d’or, j’apporte plutôt ma vie en offrande, incluant ce qui en elle n’est vraiment pas de l’or. La différence est que je suis resté en présence du Christ, tandis que les mages ont dû rebrousser chemin après coup pour échapper à la colère du roi Hérode. Mais peut-être que leur cœur est resté.


Les Mages. Par James Tissot, c. 1890

Des mages, il n’est pas dit dans l'Évangile qu’ils étaient rois. Ni leurs noms ni leur nombre ne sont précisés : la tradition des «trois rois mages» est bien postérieure dont la première trace écrite date du Ve ou VIe siècle.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Rois_mages
Je suis donc étonné que certains puissent affirmer, par exemple, que «Gaspard est originaire de l'Inde. C'est le plus jeune des rois mages. Il est décrit comme étant imberbe et possédant une peau hâlée»!
 
Cela illustre un problème : que ce soit pour inventer des détails ou, au contraire, pour en éliminer, plusieurs ont brodé sur l’Évangile au gré de leurs croyances, de leurs idées ou de leur fantaisie. Plus gravement, des gens ont présenté leurs broderies comme des faits avérés sur le mode affirmatif. J’espère éviter cela ici! En s’accumulant au fil du temps, ces broderies ont fait croire que certaines choses se trouvent dans l’Évangile qui ne s’y trouvent pas, et que d’autres choses qui s’y trouvent ne s’y trouvent pas. Au bout du compte, la foi chrétienne est peu et mal connue pour ce qu'elle est en vérité.

L’étoile mystérieuse


NASA, ESA et G. Bacon (STScI)
Domaine public, PD-US


Je note que l’année précise de la naissance de Jésus étant inconnue, l’an 1 après Jésus-Christ est une simple convention. Jésus a pu naître peu avant ou peu après cette date conventionnelle. Plusieurs «explications» ont été données au sujet de l’étoile qui a guidé les mages. Pour les uns, il s’agit en fait de la conjonction des planètes Jupiter et Saturne qui provoque comme une grande étoile : ce phénomène a lieu tous les 714 ans, dont sept ans avant J.-C. Pour d’autres, il s’agit d’une nova, une étoile très brillante, qui s’est manifestée durant cinq mois, cinq ans avant J.-C. D’autres encore affirment que l’étoile fut la conjonction survenue deux ans avant J.-C. de deux planètes, Vénus et Jupiter, avec Régulus, une étoile réelle et très brillante : or en astrologie, Jupiter est la «planète des rois» et Régulus l’«étoile des rois». Du coup, nos mages étant réputés être des astrologues ont interprété cette conjonction comme un présage.
https://fr.aleteia.org/2017/01/05/quelle-etait-letoile-qui-a-guide-les-rois-mages/

Les Mages. Illustration médiévale. 

… et donc…? Aucune de ces «explications» ne fonctionne! Elles sont même assez ridicules. Si l’étoile avait été un tel phénomène astronomique «spectaculaire» et évident, c’est une grande foule de mages et d’astrologues qui aurait dû se mettre en marche. Cette étoile a un comportement totalement atypique : elle bouge à une vitesse si tranquille qu’il fut possible aux mages de la suivre! Elle apparait, disparait, réapparait, en peu de temps, et surtout elle s’arrête une fois parvenue à destination : «Et voici que l’étoile [que les mages] avaient vue à l’orient les précédait, jusqu’à ce qu’elle vienne s’arrêter au-dessus de l’endroit où se trouvait l’enfant. Quand ils virent l’étoile, ils se réjouirent d’une très grande joie» (Évangile selon saint Matthieu. Chapitre 2, versets 9 et 10).
Avez-vous déjà vu une étoile qui se promène dans le ciel pour s’arrêter au-dessus d’une maison?! Pas moi. Aucune étoile ne fait ainsi!

Le rédacteur de Wikipédia a la drôlerie d’écrire : «La recherche contemporaine s'accorde sur la dimension légendaire et fictionnelle de l'épisode auquel l'astronomie ne peut apporter de réponse». Légendaire?! Quel légendaire y aurait-il là?! S’il était question de l’apparition de fées, oui, il y aurait légende; s’il était question d’un dragon, oui à nouveau, et encore s’il était écrit que ces mages possédaient de superpouvoirs! Mais il n’y a rien d’improbable à ce que des mages soient venus : les mages existaient bel et bien à l’époque au Moyen orient. Le «merveilleux» des Évangiles n’a rien à voir avec du fantastique : c’est un «merveilleux réaliste», le même «merveilleux réaliste» que l’on peut voir dans notre vie si l’on a les yeux ouverts, que l’on peut sentir si l’on a deux sous de sensibilité et si l’on n’est pas revenu de tout, complètement blasés et désenchantés.

Inutile donc de chercher un quelconque phénomène astronomique : cette étoile était une «étoile intérieure». Qui sait, peut-être même un Ange? L’étoile s’est adressée à quelques mages d’Orient pour les faire aller vers Jésus dont la Parole, en retour, ira aux Nations. C’est là la signification spirituelle de l’étoile et de la visite, réelle, des mages : «Je n’avais ni guide, ni lumière, excepté celle qui brillait en mon cœur. Cette lumière me guidait, plus sûrement que celle du Midi, au lieu où m’attendait Celui qui me connait parfaitement», écrira saint Jean de la Croix dans le poème ouvrant son livre La nuit obscure. Pour ce grand mystique espagnol du XVIe siècle, la foi est une nuit. Et en cette nuit, brille une étoile unique.

Aux nations


Dessin du VIIe siècle représentant le Dimanche
des Rameaux dans une église chinoise.
Incroyable: il y avait des Chrétiens en
Chine au VIIe siècle!!!


Donc, ce mois-ci, le 6 Janvier en certains pays mais le dimanche 8 Janvier au calendrier liturgique, ce sera la «fête des rois». Hum, la «fête des rois», en fait l'Épiphanie, soit la manifestation de Dieu aux nations - les nations étant représentées par les mages venus rencontrer l'enfant Jésus.
Le Christianisme est généralement associé à l'Occident. Mais le Christianisme dépasse largement ces frontières: il est né au Moyen Orient; il y a eu des chrétiens en Palestine, Grèce, en Syrie, en Inde avant qu'il n'y en ait en Occident, sauf à Rome. Le premier État à s'être déclaré chrétien ne fut ni l'Italie ni la France mais l'Arménie!
Connaissez-vous Rabban Çauma? Je ne vous en veux pas parce qu’il a vécu au XIIIe siècle. Aussi étonnant que cela puisse paraître, Rabban Çauma, Ouïghour né à Pékin en Chine, est un moine chrétien! Un roi mongol lui avait confié une mission diplomatique qui lui fera accomplir «le premier voyage officiel connu, dans le sens est-ouest, de Pékin jusqu'à Rome et Paris, à l'époque où Marco Polo prenait le chemin inverse». Incroyable : un natif de Pékin a rencontré le Pape au XIIIe siècle! Je me demande vraiment comment cet homme a pu connaître le Christ à Pékin au XIIIe siècle!!! Les Chrétiens ont l’esprit d’aventure!

L'Adoration des Mages.
Par Fra Angelico et Fra Filippo Lippi


L'Épiphanie souligne une particularité chrétienne que l'on a oubliée: le Christianisme n'est pas une spiritualité ethnique plus ou moins liée à tel groupe culturel. Le Christianisme est universaliste dans son essence: tout le Nouveau Testament va clairement en cette direction. Saint Paul écrit: «Ce mystère n’avait pas été porté à la connaissance des hommes des générations passées (...): ce mystère, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile». Il y a plus de 2000 ans, le Christianisme parlait déjà de la Terre comme d'un village global! Il en parlait mais, surtout, il lui contribuait en lui donnant l’élan nécessaire : «Allez! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit» (Évangile selon saint Matthieu; chapitre 28, verset 19). Le Christianisme a été un puissant moteur de rencontre entre les nations à l’échelle planétaire. Ce ne fut pas toujours simple ni vertueux, ce ne l’est toujours pas, mais c’était un mouvement irrépressible de l’Histoire, un mouvement sous le souffle de l'Esprit. Rien ne pouvait s’opposer à cet élan.

Marcher

Marcher, comme les Mages. Cheminer… L’Évangile propose un cheminement. Il invite à se mettre en marche, au sens propre et / ou figuré. Le Christianisme pourrait donc aussi être considéré comme une «philosophie»: une philosophie de pèlerin, de la marche, du chemin.  

De quelle manière?

Vitrail des Mages, c. 1896.
Église du Bon Berger,
Rosemont, Pennsylvanie.
 

L’Évangile est le point de départ et la matrice première de…

... de l’égalité hommes-femmes : il y a deux mille ans et dans un contexte n’y disposant pas, Jésus n’a jamais montré la moindre misogynie. Il a constamment considéré les femmes comme aussi dignes que les hommes – les rangs de ses disciples comptaient d’ailleurs plusieurs femmes. En passant, pour qui juge que la Trinité Père, Fils et Esprit Saint est bien masculine, pour ne pas dire machiste ou «patriarcale», je souligne que dans la langue de Jésus, l’araméen, l’Esprit est féminin.
 
… de la séparation de l’État et de la religion : «Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu» (Évangile selon saint Matthieu. Chapitre 22, versets 17 à 22).
 
… des droits de la personne : Jésus se présente comme une personne, et il parle de personne à personne avec autrui, sans aucune distinction.
 
… de l’aide soutenue aux malades et aux pauvres : Jésus a opéré quantité de guérisons, y compris de lépreux alors victimes d’un ostracisme complet. Le nombre d’œuvres caritatives que le Christianisme a suscité au fil de deux millénaires est incalculable et sans aucun équivalent ailleurs.
 
S'il n'a pas été le premier à l'avoir pratiqué, Jésus prônait fermement la non-violence. Il n’a jamais guerroyé, bien au contraire!
De plus, le Christianisme a mis un terme aux sacrifices rituels d’animaux et d’humains : bienvenue les véganes! Il n’y a qu’un seul sacrifice, celui de Jésus, et un seul Agneau pascal : le Christ lui-même.

Il y a un danger de prendre tout cela pour acquis, l’histoire le démontre amplement. En délaissant le Christianisme, le grand risque est de voir ces conquêtes s’effriter peu à peu. 

L'Adoration des Mages. Par Rubens.

Certains me répliqueront néanmoins que ce ne fut pas toujours évident dans l’histoire du Christianisme. Mais justement, c’est que l’Évangile se situe bien au-devant de nous, comme un appel. Comme une étoile. «Personne n’approche autant de la connaissance de la vérité que celui qui comprend que, dans les choses divines, même s’il avance beaucoup, il reste toujours quelque chose à chercher», écrivait le Pape Léon 1er, qui a régné de 440 à 461. 

C'est une particularité du Christianisme: alors que la quasi totalité des religions et sagesses du monde tendent vers des sociétés fixes, le Christianisme est mû par un dynamisme irrépressible vers l'avant. Les sociétés qui l'ont adopté et compris marchent vers un «terre nouvelle», comme l'annonçait saint Jean. Les traditions, oui, mais bousculer les traditions lorsqu'elles plombent l'élan aussi, comme Jésus a bousculé les traditions juives dont il était héritier. Bousculer ma tradition, nos traditions mais encore d'autres traditions au besoin: la vie n'est pas un musée et la personne humaine n'est pas un conservateur de musée! Pas de karma ni de destin dans le Christianisme: rien n'est écrit d'avance, personne non plus! 

Saint Jean: «Et j'ai vu une Terre nouvelle»
Digne héritier d'une «Histoire sainte» (comme on surnommait jadis la Bible avec raison) - une histoire, c'est-à-dire une propulsion dans le temps, le Christianisme a généré les sociétés les plus évolutives jamais connues, cela dans tous les domaines, à commencer par les arts, les sciences, les techniques, mais aussi les relations entre personnes: aide soutenue aux pauvres, aux handicapés, aux malades, etc. Il a donné les idées de progrès et de modernité, quoi qu'on puisse penser d'elles (qui sont peut-être des déviations). Il est arrivé que ces sociétés pilent sur les pieds des autres, mais que d'apports positifs aussi si nous faisons un bilan honnête! 

La grande question est de savoir comment poursuivre la marche maintenant. On ne semble pas le savoir, comme si nous avions perdu boussole et radar. Malgré les tentations actuelles, peut-on ou veux-t-on vraiment revenir vers du tribalisme? 

Le Christianisme possède cependant une autre carte majeure dans son jeu: clairement et explicitement, la voie de l'Évangile en est une de sobriété. Nos sociétés qui se disent désormais «post-chrétiennes» sont en fait des sociétés chrétiennes qui «sont passées tout droit» en se complaisant dans l'abondance et la surconsommation. Le pèlerinage chrétien n'est pas une accumulation de biens matériels, de luxes et de plaisirs épicuriens! Cultiver la sobriété, le silence, la contemplation et, oui, la prière est une autre forme du pèlerinage chrétien, peut-être la plus pertinente aujourd'hui. 

Chercher, être en marche, se tromper, se relever, méditer les belles choses que l’on trouve, en lien avec l’Esprit Saint : «Nous gardons toujours confiance, tout en sachant que nous demeurons loin du Seigneur, tant que nous demeurons dans ce corps. Nous cheminons dans la foi, non dans la claire vision» (Saint Paul. Deuxième Lettre aux Corinthiens. Chapitre 5, verset 6). Accepter l’inévitable imperfection. «Le passé à la miséricorde, l'avenir à la Providence et le présent à l'amour» (Saint Jean XXIII).

Et marcher. Comme les Mages.

Sources des illustration: 

Collection personnelle et Wikipédia (Domaine public, PD-US).