Dvořák
autrement
Première partie (de six)
Après le cycle d’articles
que j’ai consacré à Joseph Haydn, je vous propose maintenant un cycle sur Antonín Dvořák (1841-1904), le compositeur de la mythique Symphonie du
Nouveau Monde – mais qui a écrit beaucoup plus que cette seule œuvre!
Si vous ne connaissez pas cette Symphonie, la Neuvième du compositeur, voici une belle interprétation en concert, par l'Orchestre de la Radio de Francfort, sous la direction d'Andres Orozco-Estrada:
Introduction
J’avoue ne pas avoir une
prédilection pour la musique romantique, soit la musique du XIXe siècle après
Beethoven. Compositeur parmi les plus représentatifs du Romantisme, Franz
Liszt me semble avoir bien dit les choses : «Notre musique est malade
parce que notre époque est malade». Remarquez qu’il y a toujours eu des gens
pour affirmer que leur époque est «malade»! Mais il est beaucoup plus rare
qu’un artiste aussi éminent reconnaisse que la musique de son époque, incluant
la sienne, est elle-même malade. Évidemment, le Romantisme a beaucoup apporté à
l’art musical. Jamais la musique n’avait déversé un tel torrent émotionnel et
sonore sur les auditeurs! En héritière de
Beethoven, la musique romantique cherche à saisir, à terrasser même, voire à
violer qui l’écoute : des instruments de plus en plus sonores, des
orchestres de plus en plus gros, une technique vocale faite pour «projeter» le
son plus fort et plus loin; une subjectivité exacerbée qui s’exprime dans une
musique bipolaire où alternent les moments d’exaltation euphorique avec des
moments de grande mélancolie et de profond désespoir…
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Franz Liszt: «Notre musique est malade parce que notre époque est malade». Portrait par Henri Lehmann, 1839.
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Je comprends tout cela,
mais j’arrive mal à l’aimer. Les compositeurs romantiques qui me touchent le
plus sont donc atypiques. Lorsque je repasse la musique de ce XIXe siècle et
que je prends le temps de bien y penser, un compositeur émerge qui me
comble vraiment et dont je peux dire aimer presque tout ce qu’il a écrit. Je
peux aussi dire pouvoir écouter sa musique pendant des heures sans ressentir de
lassitude, contrairement à celle des autres Romantiques qui m’induit assez
rapidement un sentiment de déprime. Sans surprise, ce compositeur ne correspond
pas au profil habituel de l’artiste romantique – il était d’ailleurs peu attiré
par la littérature tourmentée et utopique de son temps. Sans surprise encore,
ce compositeur est «regardé de haut» par les enfiévrés du Romantisme qui ne
distinguent pas en lui la «grandeur». Il a beau figurer parmi les compositeurs
les plus enregistrés et joués de toute la musique classique occidentale, une
réputation de «facilité» lui colle à la peau – son succès public est un indice
suspect : «Un grand petit maître ou un petit grand maître», comme me le
disait mon «ami» le critique Claude Gingras. Tant et si bien que certains l’ont
réduit au statut d’un «gentil musicien» sans grande importance.
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La meilleure biographie de Dvořák en français, avec quelques bémols. |
Mais écoutons!
Écoutons-le, écoutons sa musique, dans la vérité, sans cette couche de crasse,
de préjugés et de clichés, et voilà que les choses apparaissent sous un
jour bien différent : celui d’un des compositeurs les plus accomplis de ce
XIXe siècle. Il s’agit d’un Tchèque, et il se nomme
Antonín Dvořák
(1841-1904). La maison de disques tchèque Supraphon ne pêche pas par
chauvinisme en le présentant comme un compositeur «fascinant» : sa musique
est réellement fascinante. Encore faut-il la connaître. Pour la connaître
vraiment, il faut écouter Dvořák autrement. Sans négliger ses
«premières œuvres» qui sont déjà «fascinantes». Il est vrai que son œuvre est
plus inégale que celle de son ami Johannes Brahms – mais elle n’est pas si
inégale en fait : seule sa musique pour piano, faite d’œuvres secondaires
pour l’essentiel, ne peut se comparer à celle de Brahms. Autrement, Dvořák
s’est montré plus aventureux en abordant des genres que Brahms n’a pas abordés,
notamment l’opéra. Mais dans les domaines de la musique de chambre et de la
musique orchestrale, Dvořák fut un maître accompli.
Note. Dvořák a
donné des numéros d’opus à ses œuvres, mais pas à toutes. En bon commerçant,
son éditeur Simrock bousillera un peu ce catalogue en publiant des œuvres
«anciennes» sous des numéros d’opus élevés, afin de les faire passer pour des
œuvres nouvelles. L’œuvre de Dvořák contient 115 numéros d’opus. Pour remettre
les œuvres en bonne chronologie et pour inclure des pièces sans numéro d’opus,
Jarmil Burghauser publiera son catalogue raisonné des œuvres de Dvořák dans les
années 1960. Ce catalogue compte 206 œuvres achevées et classées
chronologiquement. La mention B 56 signifie la 56e œuvre au
catalogue Burghauser et, donc, la 56e œuvre complète composée par
Dvořák et qui nous soit parvenue.
Dvořák autrement.
Partie 1.
Rat des champs,
rat des villes
Dans la biographie
qu’il lui a consacrée, Guy Erismann prend plaisir à souvent qualifier Dvořák de
«gentil paysan», en ajoutant «naïf» à l’occasion. Pourtant, cet auteur sait
parfaitement que Dvořák n’était pas un paysan! M. Erismann n’est d’ailleurs pas
seul à réduire ce compositeur à ce statut : ce cliché se retrouve presque
partout où l’on parle de Dvořák. Déjà le regard est faussé, et ce cliché à la
vie dure distord tout.
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«Le conseil tenu par les rats». Gravure de Gustave Doré (XIXe s), pour une édition des Fables de La Fontaine.
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Oui, Dvořák est né
dans le village de Nelahozeves, mais ce village n’est situé qu’à une trentaine
de kilomètres de la capitale, Prague. Ses parents œuvraient dans la
restauration : à part peut-être le jardinet familial, Dvořák n’a jamais
travaillé la terre. Il l’aurait fait que cela ne serait d’ailleurs pas un
déshonneur! Je sens une sorte de «racisme de classe sociale» à caricaturer
Dvořák comme un «paysan». La Grande Culture ne peut se développer que dans les
Grandes Villes, n’est-ce pas?! Les musicologues et bien des artistes sont des
Rats des villes qui toisent de haut les Rats des champs, quelques fois en ayant
oublié qu’ils sont eux-mêmes nés Rats des champs. Quand ils commentent des
œuvres de Dvořák, il y a un sous-texte condescendant : «Il se prend pour
qui, ce petit paysan, pour oser composer des symphonies?!»; du coup, ils vont
s’amuser à déceler des «faiblesses», du «manque de rigueur», un attachement
«passéiste» à la Nature, etc., en déceler et surtout en inventer de toutes
pièces.
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Chemin de fer passant à Nelahozeves, le village natal de Dvořák. Le musicien restera fasciné par les trains toute sa vie. |
Dvořák a des
origines villageoises et modestes. Vrai, mais en quoi est-ce surprenant? Au
XIXe siècle, la grande majorité de la population, en Europe tout comme dans mon
Québec natal, vit en milieu rural ou semi-rural, dans de petites villes et des
villages. L’exode rural et l’inversion de la proportion au profit des villes ne
surviendront qu’après la Deuxième guerre mondiale au XXe siècle. Ne serait-ce
que statistiquement parlant, il n’y a aucune surprise à ce qu’un musicien
majeur du XIXe siècle soit né dans un tel milieu! D’ailleurs ne fut pas le
seul, pas même parmi les Romantiques : Anton Bruckner ou Giuseppe Verdi
sont eux aussi nés dans en ce milieu. En Bohême, le pays de Dvořák (la Bohême,
la Moravie et une partie de la Silésie forment aujourd’hui la République
Tchèque), les villages étaient des pépinières exceptionnelles de musiciens. À
l’époque de Dvořák, il y avait déjà très longtemps que la Bohême avait cette
réputation, que ses musiciens avaient essaimés et étaient engagés dans toute
l’Europe grâce à leur immense talent musical naturel. Dvořák préférera
toujours vivre dans de petites villes, pas très loin d’une grande ville :
il refusera poliment toutes les invitations pour s’établir à Vienne, tout comme
il refusera (moins poliment) les pressions pour faire de l’allemand sa langue
d’usage. Une proximité avec la nature lui est importante, chose que
redécouvrent bien des gens en nos temps de pandémie.
Être bien là où je
suis
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Prague en 1834. Par Adam August Müller, |
Mais en fait,
Dvořák avait le don d’être bien là où il était. En 1857, à l’âge de 17 ans, il
se rend à Prague pour étudier la musique à l’École d’orgue. Il y étudiera
essentiellement les matières théoriques et les instruments, alors qu’il est un
autodidacte volontaire pour la composition. Après sa graduation, il sera
altiste dans des orchestres : dans un orchestre «populaire», puis dans
l’orchestre du Théâtre provisoire où il jouera sous la baguette de chefs et de
compositeurs réputés, dont Smetana et Wagner. Cette expérience pratique de
l’orchestre est la source première de son expertise dans l’écriture
symphonique. Dvořák vivra chichement à Prague, surtout après avoir décidé de
quitter l’orchestre en 1871 pour se consacrer exclusivement à la composition, mais
sans se plaindre le moindrement du monde. C’est ce qui frappe chez
lui : ce don d’être bien là où il est. Il fera plusieurs séjours prolongés
à Londres où il se sentira bien, plusieurs visites à Vienne où il s’adapte
bien, il sera heureux en Russie et encore aux États-Unis dans la Grande Ville
de New York où il vivra de 1892 à 1895 pour être professeur au Conservatoire
national. Ce Rat des champs trouve du bonheur partout! Cet amoureux de la
Nature (et des Pigeons qu’il adore!) voit les beaux côtés de la
modernité : Dvořák était passionné par les trains, les chemins de fer, et
il visitait les gares pour son plaisir d’observer ces engins de métal crachant
de la vapeur qui représentaient alors la technologie de pointe en matière de
transport.
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Avec Anna, son épouse, à Londres en 1886.
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Sa musique est à
cette image, celle d’un homme autant enraciné qu’ouvert, celle d’un homme qui
sait être heureux – comme l’amour, le bonheur se fait. Sa musique est solaire
et pulpeuse qui contient «beaucoup de notes», elle mord dans la vie, elle
s’émerveille, jamais blasée ni revenue de tout. Du coup, elle fait figure
presque d’ovni en ce XIXe siècle «malade» et sujet à la dépression! Mais la
joie de Dvořák est profonde. L’homme avait une caractéristique qui déroute
encore bien des gens : bien que cela semble contradictoire, il était un
introverti heureux. En regardant les photos de lui, vous trouverez peut-être
qu’il ne sourit pas et vous vous demanderez s’il était vraiment heureux; mais
regardez bien les photos de cette époque et vous constaterez que les gens ne
souriaient pas souvent à la caméra! «Il a eu la vie trop facile pour être un
grand artiste» : ce leitmotiv du Romantisme n’est pas pertinent, car
Dvořák a bel et bien connu la pauvreté matérielle à Prague (il devait vivre
avec un colocataire afin de pouvoir avoir un toit). Dvořák n’a pas moins vécu
d’épreuves que quiconque. Comme artiste, il a vécu le fait d’essuyer des refus
– beaucoup de refus pendant plusieurs années, et certaines de ses œuvres ont
été mal reçues : il a connu l’échec autant que la gloire. Comme homme
aussi, la vie a été rude par moments. Le pire fut assurément ces années
terribles de 1875-77 où, en plus de perdre sa mère, il a perdu coup sur coup
ses trois enfants. Peu de couples survivent au décès d’un enfant, mais combien
survivent au décès de trois enfants en deux ans?! Celui qu’il formait avec son
épouse, la cantatrice Anna Čermáková (1854-1931) en sortit plus uni que jamais,
et ils auront six autres enfants par la suite.Hum! En passant,
Dvořák était un fervent catholique – là encore, une foi axée sur la joie et sur
la vie, non sur la crainte du péché et la peur de l’enfer : les Dvořák ont
eu leur premier enfant cinq mois après leur mariage, ce qui signifie que…
Une musique
pulpeuse qui mord dans la vie. Déjà ses premières œuvres l’étaient et presque
trop. Mais les commentateurs ont exagéré ce «trop», et ces premières
œuvres sont bien plus mûres qu’immatures. Le Quintette #1 pour piano et cordes,
opus 5 de 1872 n’a pas grand-chose à envier au célèbre Quintette #2 pour la
même formation et dans la même tonalité de La majeur venu quinze ans ans plus
tard. Alors que les musicologues répètent sans cesse que les premières œuvres
de Dvořák ont tendance à être «prolixes», le Quintette #1, avec ses trois
mouvements, est au contraire plus dense et concentré que le Quintette #2, plus
détendu de caractère! En fait, Dvořák invente dès ses premières œuvres un matériau
personnel qu’il sait très bien développer, à sa manière : celle d’une
sensibilité et d’une intelligence arborescentes. Dvořák a beau être un des plus
grands mélodistes de tous les temps, il sait vraiment quoi faire avec ses
mélodies et il n’est vraiment pas qu’un «compositeur de thèmes». J’y reviendrai
plus loin dans ces articles.
Folklore
imaginaire
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Le Père František Sušil, un pionnier de l'ethnomusicologie. |
À l’appui du
cliché «Dvořák paysan» est le fait que ses premières œuvres publiées furent des
chansons et des danses. Mais il faut voir les choses autrement, car elles sont
autres en effet. Encore au début des années 1870 alors qu’il a 30 ans, Dvořák
vit pauvrement. Aucune de ses œuvres n’a encore été publiée, sa musique est
très peu jouée, et il doit donner des leçons pour subvenir à ses besoins – heureusement,
il a obtenu une bourse destinée aux «musiciens pauvres mais de talent», bourse
qui lui sera renouvelée pendant quelques années. Parmi ses élèves se trouvaient
les enfants de la famille Neff. Ian Neff est un homme d’affaire mélomane. Se
prenant d’affection pour le musicien, il lui présente le livre Chants
populaires moraves de František
Sušil (1804-1868). Ce prêtre
catholique fut un pionnier de l’ethnomusicologie et il a recueilli plus de 2000
chansons populaires de Moravie, paroles et musique, et plus de 2000 autres
encore pour les seules paroles. Son livre offre une sélection de ce répertoire.
Monsieur Neff a proposé à Dvořák d’arranger quelques-unes de ces chansons avec
accompagnement de piano.
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Première édition du Premier livre de Danses slaves, chez Simrock. À noter que l'éditeur a germanisé prénom du compositeur mais a conservé les accents de son nom de famille!
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Dvořák s’est pris
au jeu. Je reviendrai plus loin sur l’ethnomusicologie mais, pour le moment, je
signale que Dvořák allait faire quelque chose de nouveau. Depuis quelques
décennies, des éditeurs avaient publiés des recueils de chansons populaires.
Certains éditeurs avaient fait appel à des compositeurs renommés pour qu’ils
dotent ces mélodies d’un accompagnement. C’est ainsi que, par exemple, Joseph
Haydn avait arrangé plus de 500 chansons écossaises et gaéliques en ajoutant
violon, violoncelle et piano aux mélodies. Dvořák aurait donc pu se contenter de
faire ainsi à son tour. Mais ce n’est pas ce qu’il fit. Dvořák conserva les
paroles des chansons, mais il leur composa des mélodies de son propre
cru : il créait ce que Béla Bartók allait nommer bien plus tard du
folklore imaginaire! Je souligne ceci parce qu’avant Dvořák, très peu de
compositeurs avaient créé un tel folklore imaginaire, et aucun n’avait autant
exploré cette voie aussi intensivement. Il harmonise, souvent à deux voix, ces
mélodies et leur donne un accompagnement pour piano : harmonisations et
accompagnement simples et raffinés et qui respectent l’atmosphère populaire de
ce folklore imaginaire. En fait, Dvořák avait déjà commencé à faire avant la
suggestion de Neff. Son premier essai dans le genre semble dater de 1872 :
Quatre chansons sur des poèmes populaires serbes (opus 6 / B 29). Avec grâce à
Neff, les choses s’accélèrent en 1875 avec, entre autres, Quatre Duos moraves
sur des poèmes populaires (opus 20 / B 50) suivis d’autres Duos moraves en
1876 : opus 29 / B 60 et opus 32 / B 62, et encore en 1877 avec trois
nouveaux recueils, dont l’un avec des paroles de chansons tchèques. En 1878,
Dvořák élargit son rayon en utilisant des textes de chansons populaires de
Grèce et de Lituanie. La même année 1878, il élargit autrement son folklore
imaginaire, cette fois dans le domaine instrumental : pour piano à quatre
mains (deux pianistes sur le même piano!), il compose une série de Danses
slaves (opus 46 / B 78) dont il fait aussitôt une version pour orchestre.
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Dirigées par Karel Sejna: l'une des meilleures versions sur disque des Danses. Cela danse vraiment et décoiffe par moments!
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Une de ces
années-là, Dvořák a la brillante idée de joindre quelques-uns de ses Duos
moraves à sa demande de renouvellement de bourse pour «musicien pauvre». Les
membres du jury, d’éminents musiciens allemands et viennois, seront complètement
subjugués! L’un d’eux, Johannes Brahms recommande illico à son éditeur
berlinois Simrock de publier ces pièces de Dvořák. Simrock accepta et contacta
Dvořák pour lui demander d’autres pièces. Ces toutes premières œuvres que
Dvořák voyait être publiées lui apportèrent la célébrité, les Duos moraves et
les Danses slaves. Simrock insista longtemps pour que Dvořák lui offre un
deuxième cahier de Danses slaves, mais il devra patienter jusqu’en 1886 pour
recevoir ces huit autres Danses slaves, opus 72, à nouveau pour piano quatre
mains et à nouveau aussitôt offertes aussi en version pour orchestre. Ces
Danses ont obtenu un succès international instantané : à partir de ce
moment, Dvořák put enfin vivre de sa plume.
MUSIQUE: Les Danses slaves (deux recueils de 6 danses), dans leur version pour orchestre (l'original est pour piano quatre mains), par l'Orchestre Philharmonique tchèque, dirigé par Karel Sejna. Allez hop: dansons!
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Je signale la belle édition par thèmes (musique chorale, musique orchestrale, etc.) en sept coffrets cartonnés de différentes couleurs, publiée par la maison Supraphon.
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Pour lui, c’était
une revanche sur un autre plan. Dvořák était bon pianiste (il assurera la
partie de piano lors de la création de son Trio #3), mais il n’était pas un
virtuose et la virtuosité ne l’a jamais intéressé; il n’est pas non plus un de
ces pianistes-compositeurs comme Chopin, Schumann, Liszt et autres. Son œuvre
pour piano est d’importance secondaire, mais en ajoutant deux mains et en écrivant
pour piano quatre mains, une magie s’installe. L’écriture des Danses slaves est
extraordinaire, et le critique allemand Ludwig Ehlert, blasé par les œuvres
éditées qu’il lit de plus en plus distraitement, revient à la vie : «Une
musique habitée par un naturel céleste (…), aucune trace d’écriture maniérée.
Nous avons ici à faire avec des œuvres parfaites et non à du pastiche. L’humour
se taille une part de lion. Les basses sont si originales et si joyeuses que le
cœur ne peut que sauter de joie!». Oui, ce sont des danses (sur du folklore
imaginaire), mais de la musique de génie. Outre les deux cahiers de Danses
slaves, Dvořák composera aussi pour piano quatre mains deux autres recueils
tout aussi réussis mais d’un autre caractère : Dans la forêt de Bohême
(opus 68 / B 133; 1884) et les quasi impressionnistes Légendes, qu’il
orchestrera en des textures subtiles et délicates (opus 59 / B 117; 1881).
La partition
éditée des Duos et des Danses est un énorme succès de vente. Un don et une
malédiction tout à la fois : car dès lors, le nom de Dvořák sera associé à
des œuvres courtes d’inspiration populaire, et le compositeur devra forcer la
main à Simrock pour qu’il publie aussi ses Symphonies, ses Quatuors à cordes et
autres musiques de chambre. Là, Dvořák s’est montré être un négociateur habile
et dur, non un homme gentil et naïf!
S’il n’avait pas tenu tête, la postérité l’aurait cantonné à la musique légère;
mais même en ayant tenu tête, le cliché du paysan lui collera à la peau!
À SUIVRE
Sources des illustrations: Wikipédia (Domaine public, PD-US) et sites commerciaux pour les disques et livres suggérés.