Mon père, Robert, en 2010 |
Cela se fête! Pensez-y : 95 ans! Sans problèmes importants de santé. À 90 ans, Robert, mon père, disait se trouver «un petit peu vieux» el, cinq ans plus tard, il est autonome, vit chez lui (dans un petit immeuble que mes parents ont fait construire en 1995), il va au cinéma, au concert, visite des expositions, et il possède toujours son permis de conduire – il ne fait que de courtes distances, mais tout de même! Je lui souhaite un joyeux anniversaire!
Un père d’exception
Papa et les quatre enfants, juillet 1965. Je suis à droite! |
Dans ma vie
quotidienne, il me semble que je suis Monsieur Malchance. Mais par contre, j’ai
reçu quelque chose d’infiniment précieux : des parents exceptionnels. Je
ne le dis pas par convention : je le dis du fond du cœur parce que c’est
tout simplement vrai. Des gens qui avaient vocation d’être parents et dont la première
carrière fut d’être parents.
Maman et Papa mariés. |
Je suis leur enfant aîné, né le 29 octobre 1960. Et imaginez : mes parents ont éduqué, guidé et accompagné un petit garçon autiste (type Asperger) sans l’avoir su et sans aucun service – il n’en existait d’ailleurs pas à l’époque. J’ose dire qu’ils se sont fort bien débrouillés.
Je ne suis pas
certain que recevoir un diagnostic d’autisme Asperger en bas âge est toujours
une bonne chose, ni pour les parents ni pour l’enfant. En tout cas, mes parents
m’ont accepté comme j’étais – si on me dit souvent que «ça ne parait pas», ça
paraissait beaucoup plus quand j’étais enfant : tout le monde dans la
famille et à l’école savait qu’Antoine était «très différent»! Mes parents me
laissaient jouer souvent seul, écouter seul des disques en vinyle looooongtemps, mais ils
savaient aussi quand me dire d’aller jouer avec ma sœur Geneviève (née en
1962), mon frère Philippe et ma sœur Catherine (nés en 1964). De toute façon,
la petite Geneviève forçait Antoine à jouer avec elle : elle avait
beaucoup d’initiative! Et je ne regimbais pas.
Le père de mon père: Philias - non, il n'aimait pas son prénom! |
Robert à 14 ans. |
Mon père a commencé le programme d’Études françaises à l’Université de Montréal. Il a même écrit quelques poèmes dont celui-ci a été lu en ondes le 7 mars 1951 par le chansonnier bien connu Raymond Lévesque (l’auteur de la chanson au texte toujours actuel : Quand les hommes vivront d’amour) :
Petit pont
Robert à la pipe. Vers 1950. Mon père cessera de fumer d'un coup. Ce plaisir qu'il avait bien apprécié avait fait son temps. |
Peint
avec la lumière du jour,
C’est un merveilleux petit pont,
Lorsque je regarde le passé,
Tu étais un si joli petit pont
C’est un merveilleux petit pont
Robert en 1947, finissant du cours commercial au Clement College. |
Narcisse, mon arrière-grand-père. Quelle moustache!!! |
Lorsque
son fils Philias s’est joint à l’entreprise, il a aussitôt découvert des anomalies
dans les comptes de l’entreprise. Si Narcisse faisait de si longues heures de
travail en n’arrivant à se donner qu’un maigre salaire, c’est que son associé
le fraudait! Grâce à Philias, cet homme fut démasqué et congédié.
Devanture de l'entreprise de mon arrière-grand-père Narcisse, rue Coloniale, Montréal. |
Ils ont alors loué la maison d’une dame Lavoie au 716 rue Wiseman, dans le même quartier. Comme cette dame âgée voulait casser logement, elle a vendu plusieurs meubles à la famille, entre autres la magnifique horloge grand-père dont j’ai hérité par la suite. Mon père n’avait que 18 ans lorsque Laura, sa mère, est décédée à l’âge de 55 ans le 13 février 1946. Était-ce pour changer de décor, Philias acheta un terrain sur l’avenue McDougall et y fit bâtir une maison, celle de mon enfance.
Philias, Laura et Robert. Je trouve que Laura avait des mains de musicienne. Aurais-je hérité de ses longs doigts? |
Robert suivit un cours commercial au Clement Business College (la Loi 101 n’existait pas encore…). Puis, il devint courtier d’assurance à son compte, avec un associé. C’était l’époque héroïque où les courtiers d’assurance devaient faire du porte-à-porte pour se trouver des clients. En la dernière partie de sa carrière, Robert sera administrateur.
En couvreur pour l'entreprise de son grand-père Narcisse. |
La vie de la famille a été heureuse. Mais il arrive du mauvais temps dans la vie. J’étais jeune adolescent à l’époque et je sentais une tension vive. Mon père n’était pas comme avant, et il travaillait de très et trop longues heures. Quelque chose s’était passé. Par après, je saurai. C’est un notaire qui voyait à placer une partie des économies de mon père. Le monsieur avait très bonne réputation et il était apprécié de tout le monde. Un jour, mon père a reçu un téléphone lui annonçant la mort soudaine du notaire***. Suicide. Le notaire avait fait des placements spéculatifs avec l’argent que ses clients lui avaient confié, et il avait perdu de grosses sommes qu’il lui était impossible de récupérer. Plutôt que d’affronter ses responsabilités et de subir la honte, il décida de s’enlever la vie. C’est dans la stupeur totale que ses clients, dont mon père, ont appris que leur argent s’était évaporé. Personne n’est à l’abri…
Après que la famille ait déménagé dans le quartier de Bordeaux dans le Nord de l’île de Montréal, mon père a porté la barbe – il la porte toujours. Quand nous allions en vacances dans le Nord-Est des États-Unis, il arrivait que des gens l’abordent sur la rue en croyant qu’il était Alexandre Soljenitsyne, l’écrivain russe dissident qui s’était établi à Cavendish au Vermont dans les années 1970 (et qui demeurera là jusqu’à son retour en Russie en 1994). Robert s’est aussi fait quelquefois abordé avec un «Bonjour mon Père!».
La famille de mon grand-père était Québécoise «pure laine». Mais son épouse, ma grand-mère, était Irlandaise. Mon père a d'ailleurs des yeux vert typiques, et j’avoue m’être toujours senti une âme celte. Cette branche familiale irlandaise vient de mon arrière-arrière-grand-père, John Morrin (prononcez Mowrînne).
Laura Morrin, ma grand-mère que je n'ai pas connue. |
Donc, John parlera
français et s’établira à Berthierville où il épousera Catherine Giroux le 30
avril 1849. Je m’étonne : Berthierville est la petite ville juste de
l’autre côté du fleuve Saint-Laurent (ou ici Lac Saint-Pierre), en face de
celle où je me suis établi en 2014, Sorel-Tracy.
John aura un fils, James, qui épousera Maria Massé de Grand’Pré en 1886, à Saint-Cuthbert, non loin de Berthierville. À cette époque, le nom de famille a failli devenir Morin, avec un seul «r», mais cela aurait constitué un outrage et la famille a obtenu un ordre de cour pour maintenir Morrin – c’est qu’en Irlande, les Morrin sont Catholiques et les Morin Protestants, ouille! Le couple aura cinq enfants : quatre filles (Bella, Laura, Bertha et Stella) et un garçon, James. Laura épousera Philias le 26 juin 1926 et sera la mère de mon père.
Laura et Philias avec leurs deux enfants: Robert et Françoise. |
Stella Morrin, dont le nom d'artiste était Jacqueline de Grand'Pré. |
Sources des illustrations: Collection personnelle, archives familiales et Wikipédia (Domaine public et PD-US)