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lundi 2 février 2015

LES GRANDS DÉPARTS (2). NOUVELLE ADRESSE À SOREL-TRACY

LES GRANDS DÉPARTS (2)

NOUVELLE ADRESSE À SOREL-TRACY

Cet article de 2015 fait suite à celui-ci: https://antoine-ouellette.blogspot.com/2015/01/les-grands-departs-1-francoise.html

 Année de «grands départs» avec notamment le décès de ma mère, 2014 marqua aussi mon départ de Montréal vers Sorel-Tracy. Ce fut la suite d'événements personnels et d'un besoin de changer d'air.
«Mais, dit-on, les personnes autistes ne veulent pas de changements! Elles ne tolèrent pas le changement!» Que vous nous connaissez mal! Je connais des Autistes qui sont heureux avec un mode de vie nomade. Mais disons que nous ne courrons pas nécessairement après les changements, que «le changement pour le seul changement», que «Changeons!» comme slogan creux de politiciens n’est pas notre tasse de thé, mais que nous pourrions beaucoup vous surprendre. Je ne parle pas des enfants (pour eux, oui, une certaine stabilité est importante), mais des adultes. Peur du changement? Or, j’ai décidé de changer de ville et de région du Québec! Comme j'ai toujours vécu à Montréal, je peux vous dire que mon entourage a été très, très surpris de ma décision.

Comment en suis-je arrivé à cette décision? Acheter une maison à Montréal m’est hors de prix : option écartée. J'avais déjà eu une très mauvaise expérience en appartement (le bruit!!!) qui ne m'incitait pas à vouloir louer : option écartée. Je suis allé visiter des condos à Montréal: très dispendieux pour des espaces plutôt exigus et sans terrain. Comme je travaille beaucoup à la maison, je me suis dit que je risquais de me sentir confiné, étouffé. Donc : option écartée. Puis j'ai eu un flash: pourquoi ne pas voir hors de Montréal? Après tout, rien ne m'oblige à vivre à Montréal que j'ai souvent eu l'idée de quitter. Je ne voudrais pas non plus aller trop loin: donc trouver quelque chose dans une petite ville à distance raisonnable qui me permettrait de conserver mes activités et de visiter ma famille sans être constamment sur la route. J'avais en tête deux petites villes: Joliette (au nord de Montréal, dans la région de Lanaudière) et Sorel-Tracy, en Montérégie (plus précisément dans le Bas Richelieu). Il y avait d’autres candidates, mais trop loin dans l’Est du Québec. 
Au Parc régional des Grèves, Sorel
Dans les revues de maisons en vente (comme J’vends mon toit), j'ai constaté que le prix des petites maisons était abordable à Sorel et qu'il y en avait de très jolies en vente. Je suis donc allé en visiter en septembre. Sorel est une petite ville industrielle (35000 habitants) mais toute proche d'un milieu très agricole et d'un village amérindien (Odanak). Elle borde un renflement du fleuve Saint-Laurent nommé Lac Saint-Pierre: c'est de toute beauté, naturel à 90%, plein de petites îles et, mieux encore, un milieu protégé côté environnement puisque c'est une réserve de la biosphère de l'UNESCO. L'amoureux de la nature et le biologiste en moi souriaient à cela! C'est à une heure de Montréal, avec de bonnes routes. Je pourrais donc fort bien aller y vivre. Je n'aurais jamais pensé cela il y a quelques mois...
Les choses sont allées rondement: j’ai eu un coup de cœur pour une maison, j’ai mis une agente immobilière sur le coup (merci Janie!), il y a eu toutes sortes de pépins, etc., etc., mais le 3 novembre, je passais chez le notaire pour devenir officiellement propriétaire. J’ai acheté plusieurs choses à l’ancienne propriétaire (électroménagers, lits, toiles et rideaux, luminaires…), ce qui me dégageait de nombreux achats. Durant novembre, j’ai fait des allers-retours entre Montréal et Sorel pour porter mes choses, petit à petit, dans ma nouvelle demeure. Je l’ai aussi étrenné en y dormant quelques nuits. Notez que pendant tout ce temps, je coanimais des groupes de gestion de l’anxiété à La Clé des champs. Inutile de dire que les ateliers m’ont été utiles à moi aussi! Le déménagement final, avec mes gros objets (piano, horloge grand-père, meubles…) a eu lieu le 5 décembre; le 12 décembre, ma mère décédait… Vous voyez, tout un automne… 

Le temps d’explorer
La chapelle domestique de ma demeure, mon «monastère Asperger».
L'icône de la Vierge à l'enfant est authentique, oeuvre de Rosette
Mociornitza, une iconographe roumaine vivant au Québec.


Je vis donc chez moi depuis, avec mon compagnon Napoléon et je me sens bien. Je dors bien, Napoléon à mes côtés. Je me fais de bons repas. Avant le Jour de l’an, tout ou presque était installé. Après une journée de travail, je suis toujours heureux d'entrer chez moi, dans mon havre, dans mon monastère Asperger. M’enfin, qu’allez-vous imaginer là?! Napoléon est un chat! Située au centre-ville de Sorel, la maison est à distance de marche de tous les services, et il ne manque d'ailleurs de rien à Sorel – au cinéma local, j’ai pu voir Interstellaire (de Christopher Nolan, génial, un très grand film), Le Hobbit 3 (moyen, comme toute cette seconde trilogie inspirée de Tolkien – la première, Le seigneur des anneaux était pourtant magnifique) et L'exode (de Ridley Scott, très bon en dépit de certaines libertés avec le récit biblique). Depuis mon installation, je reçois régulièrement chez moi, et j'ai une chambre d'ami pour des séjours plus longs.
Le Roi Napoléon. Que dis-je?!: l'Empereur.
C'est une maison datant de 1864 qui a été bien entretenue et rénovée avec goût en 2013: les planchers ont été refaits, la plomberie et l'électricité aussi, de même que la peinture, la cuisine, la salle de bain..., tout cela à neuf, bref, elle est prête à être occupée et je n'aurai pas le trouble d'y faire des rénovations sauf pour quelques points mineurs. C’est comme si cette maison avait été rénovée pour moi. Malgré ces travaux, elle conserve de son charme et de son style: les portes en bois d'origine, le plafond du salon en lattes de bois, son pignon orné d'une sorte de dentelle... C'est un cottage: au rez-de-chaussée, un salon double qui deviendra pour une moitié mon studio de musique avec mon petit piano, et pour l'autre moitié le salon comme tel. Une belle arche mène à la salle à manger / cuisine; à l'étage, il y a une mezzanine où j’ai installé mon bureau d'ordinateur et où je pourrais même recevoir des gens pour le mentorat. Il y a aussi deux chambres: la mienne et une chambre d'ami. Contrairement à beaucoup d'anciennes maisons de Sorel, le sous-sol est haut, mesurant plus de 6 pieds (2 mètres), ce qui est parfait pour ma grandeur. Ses murs sont en blocs de ciment, ce qui signifie qu'il ne pourrait pas vraiment être habitable. Par contre, j'y ai laveuse et sécheuse, et j'y entrepose certaines de mes petites collections, ma bicyclette, etc. La maison est située sur une petite rue tranquille. Elle possède un espace de stationnement extérieur et une toute petite cour: ce sera peu d'entretien mais je l'aménagerai à mon goût. Mes voisins devraient aussi être tranquilles puisque ce sont des personnes âgées. Mon voisin d'en arrière est un musicien de folklore: j'imagine que nous causerons musique à l'occasion. Mon amie psychologue C… m’a dit que la maison, qu’elle adore, me ressemble et je crois que c'est vrai: il y a en elle comme en moi un mélange d'ancien et de moderne, de masculin et de féminin... J’ai fait installer le câble optique et, lorsque j'aurai à refaire la couverture du toit dans 4 ou 5 ans, je verrai la possibilité d'y poser des panneaux solaires. 
Pour le moment, je me donne du temps, tout le temps qu’il me faudra, pour m'approprier cette nouvelle vie, en me disant ces mots de Paul Claudel: «Dans l'acte de foi, il y a toujours un moment où il faut fermer les yeux et se jeter à l'eau avec intrépidité et sans garantie apparente». En mai dernier, vous m’auriez dit que j’allais terminer l’année à Sorel, je ne vous aurais jamais cru! La vie est étrange…

Je commence à rencontrer mes voisins et des gens de Sorel. Mais fidèle à mon habitude (toute spontanée et sans aucune préméditation je vous jure!), la première personne avec qui j’ai longuement échangé est atypique, vraiment atypique. En effet, Odon est Congolais (il n’y a pas beaucoup de Noirs ici), mieux : il est moine, moine bénédictin! Il a demandé et obtenu de sa communauté d’œuvrer en paroisse, chose qu’il fait à Sorel depuis deux ans, précisément à la paroisse qui est mienne. 

Pierre de Saurel et ses compagnons
Sorel au XVIIIe siècle
Le centre-ville de Sorel possède tous les commerces qu’il faut, notamment autour du Carré royal, mais il est surtout résidentiel. Un poème pour qui aime les anciennes maisons de style québécois. Sorel est d’ailleurs l’une des trois ou quatre plus anciennes villes du Québec. «La ville de Sorel fut bâtie à l'emplacement du Fort Richelieu. Ce dernier fut construit à l'embouchure de la rivière Richelieu (dite autrefois rivière des Iroquois) au XVIIIe siècle. Son nom lui a été donné en mémoire du cardinal de Richelieu (1585-1642), ministre de Louis XIII. Le 20 août 1642, en la fête de Saint Bernard, le Père Anne de Noue bénit le fort et y célèbre la messe. La tradition veut que cette date soit considérée comme celle de la naissance de la ville de Sorel» (Wikipédia). Mais le Fort Richelieu fut abandonné quelques années plus tard.
La Société historique Pierre-de-Saurel raconte que l'année 1665 est décisive. «Le roi Louis XIV reprend en main la Nouvelle-France et procède à un nouveau départ par une série de mesures économiques, politiques, sociales et militaires, dont l'envoi du Régiment de Carignan-Salières, dirigé par Alexandre de Prouville, marquis de Tracy, afin de contrecarrer la menace des Iroquois. Tracy mena deux campagnes de pacification contre les Iroquois et fit construire sur le Richelieu deux forts: Chambly et Sainte-Thérèse. De plus, il chargera le capitaine Pierre de Saurel de reconstruire le fort Richelieu, le plus stratégique de tous, qui prit rapidement le nom de son bâtisseur. Après trois ans de campagne, en 1668, le régiment se rembarqua pour la France laissant ici 400 officiers et soldats qui avaient choisi de s'établir en Nouvelle-France. C'est ainsi que Pierre de Saurel, et plusieurs officiers et lieutenants du régiment comme messieurs Antoine Pécaudy de Contrecoeur, Pierre de Saint-Ours, Jacques de Chambly, Alexandre Berthier [Berthierville], René Gaultier de Varennes, et François Jarret de Verchères, quittèrent la vie militaire et acceptèrent de recevoir chacun une seigneurie quelques années plus tard, avec les privilèges mais surtout les devoirs et les responsabilités que cette nouvelle charge comportait. Ils répondaient ainsi au projet du roi de France de peupler et développer la colonie». Les noms que j'ai mis en italiques ont par la suite été donnés à des villes et villages de la région. http://www.shps.qc.ca/
Pourquoi Sorel et non Saurel ? Apparemment à cause d’une banale faute d’orthographe commise par un fonctionnaire il y a longtemps. En fait, le nom complet de ma ville est Sorel-Tracy, née le 15 mars 2000 du regroupement des villes de Sorel et de Tracy. Tracy est de l’autre côté de la rivière Richelieu. À part ses sections anciennes, elle s’est développée en se donnant les airs d’une ville de banlieue… [] 
Constantine John Phipps, explorateur et
naturaliste britannique
Les Britanniques et monsieur Phipps
Après la Conquête, une garnison britannique s’est installée à Sorel. Si vous venez visiter, vous constaterez d’ailleurs que certains noms de rues se réfèrent à la monarchie britannique : Albert, Augusta, Charlotte, George, Victoria, etc. Ma rue porte un nom anglais : Phipps. Quelques gens m’ont dit que ce Phipps avait tenté de prendre la ville de Québec en 1690 et avait été facilement repoussé. Or, celui-là, c’est William Phips. Ma rue est Phipps, avec deux P avant le S final. Ce n’est donc pas lui. Je me suis demandé d’où vient ce nom. La Commission de toponymie ne m’a pas éclairé, pas plus que la Ville de Sorel. Alors après quelques recherches, j’ai trouvé : mon Phipps est  Constantine John Phipps (1744-1792), 2e baron Mulgrave, un explorateur et, joie pour mon coeur, un naturaliste! 
Illustration tirée du récit de voyage de Phipps
Officier de marine, il a commandé une expédition d’exploration de la Côte-Nord et du pôle Nord en 1773, avec deux navires le Racehorse et le Carcass. Parmi son équipage se trouvent Olaudah Equiano, un esclave affranchi célèbre pour sa lutte pour l'abolition de l'esclavage, et le jeune Horatio Nelson qui deviendra célèbre pour ses faits d’armes contre Napoléon et à qui Haydn dédiera une de ses Messes. C'est durant ce voyage que Phipps observe l'ours blanc et le morse qu'il décrira en 1774 dans son récit de voyage A voyage towards the North Pole undertaken by His Majesty’s Command. Vous pouvez feuilleter et lire ce récit via le lien suivant :
Pour en savoir davantage sur notre homme : http://fr.wikipedia.org/wiki/Constantine_John_Phipps
Quelques années plus tard, je ferai des démarches auprès de la Ville pour que la rue soit officiellement attribuée à cet explorateur, chose qui sera faite. 

Gibelotte chinoise
Que dire d’autre sur ma nouvelle ville pour le moment? Qu’elle est la ville québécoise avec le plus de superficie protégée, mais aussi l’une de celles ayant la moins bonne qualité de l’air , ce qui n’empêche pas ses responsables de permettre l’abattage de boisés pour des condos, comme ailleurs. Que le met régional par excellence est la gibelotte, soupe-repas aux légumes avec de la perchaude. Ce poisson était naguère abondant dans le Lac Saint-Pierre mais, là comme ailleurs (chers Neurotypiques…), il a eu surpêche, tellement que l’immense lac a été quasiment vidé. Depuis quelques années, un moratoire interdit toute pêche commerciale… et la perchaude est importée – quelqu’un m’a dit qu’on la fait venir de Chine!

Que les îles de Sorel créent un paysage fascinant et unique ressemblant un peu aux bayous de Louisiane. On y trouve la plus grande héronnière du Québec et on peut s’y promener tranquillement en canot. Des croisières sont aussi offertes.
Que ce coin de pays a inspiré un des plus célèbres romans québécois : Le survenant de Germaine Guèvremont (1893-1968). Fait significatif à noter : «publié en 1945 à compte d'auteur, son premier roman Le Survenant reçoit d'abord un accueil réservé. Avec la parution du livre en France, Germaine Guèvremont reçoit l'appui du public québécois et se mérite dès 1946 le prix David et le prix Sully-Olivier de Serres de l'Académie française» - refrain connu.
Si vous voulez explorer davantage, je vous suggère le site officiel de la ville :