LES GRANDS
DÉPARTS (2)
NOUVELLE ADRESSE À SOREL-TRACY
Cet article de 2015 fait suite à celui-ci: https://antoine-ouellette.blogspot.com/2015/01/les-grands-departs-1-francoise.html
Année de «grands départs» avec notamment le décès de ma mère, 2014 marqua aussi mon départ de Montréal vers Sorel-Tracy. Ce fut la suite d'événements personnels et d'un besoin de changer d'air.
«Mais, dit-on, les personnes autistes ne veulent pas de
changements! Elles ne tolèrent pas le changement!» Que vous nous connaissez
mal! Je connais des Autistes qui sont heureux avec un mode de vie nomade. Mais disons que nous ne courrons pas nécessairement après les changements, que
«le changement pour le seul changement», que «Changeons!» comme slogan creux de politiciens n’est pas notre tasse de thé, mais que
nous pourrions beaucoup vous surprendre. Je ne parle pas des enfants (pour eux,
oui, une certaine stabilité est importante), mais des adultes. Peur du
changement? Or, j’ai décidé de changer de ville et de région
du Québec! Comme j'ai toujours vécu à Montréal, je peux vous dire que mon
entourage a été très, très surpris de ma décision.
Comment en suis-je arrivé à cette décision?
Acheter une maison à Montréal m’est hors de prix : option écartée. J'avais
déjà eu une très mauvaise expérience en appartement (le bruit!!!) qui ne
m'incitait pas à vouloir louer : option écartée. Je suis allé visiter des
condos à Montréal: très dispendieux pour des espaces plutôt exigus et sans
terrain. Comme je travaille beaucoup à la maison, je me suis dit que je
risquais de me sentir confiné, étouffé. Donc : option écartée. Puis j'ai
eu un flash: pourquoi ne pas voir hors de Montréal? Après tout, rien ne
m'oblige à vivre à Montréal que j'ai souvent eu l'idée de quitter. Je ne
voudrais pas non plus aller trop loin: donc trouver quelque chose dans une
petite ville à distance raisonnable qui me permettrait de conserver mes
activités et de visiter ma famille sans être constamment sur la route. J'avais
en tête deux petites villes: Joliette (au nord de Montréal, dans la région de
Lanaudière) et Sorel-Tracy, en Montérégie (plus précisément dans le Bas Richelieu).
Il y avait d’autres candidates, mais trop loin dans l’Est du Québec.
Au Parc régional des Grèves, Sorel |
Les choses sont allées rondement: j’ai eu un coup de cœur pour une maison, j’ai mis une agente immobilière sur le coup (merci Janie!), il y a eu toutes sortes de pépins, etc., etc., mais le 3 novembre, je passais chez le notaire pour devenir officiellement propriétaire. J’ai acheté plusieurs choses à l’ancienne propriétaire (électroménagers, lits, toiles et rideaux, luminaires…), ce qui me dégageait de nombreux achats. Durant novembre, j’ai fait des allers-retours entre Montréal et Sorel pour porter mes choses, petit à petit, dans ma nouvelle demeure. Je l’ai aussi étrenné en y dormant quelques nuits. Notez que pendant tout ce temps, je coanimais des groupes de gestion de l’anxiété à La Clé des champs. Inutile de dire que les ateliers m’ont été utiles à moi aussi! Le déménagement final, avec mes gros objets (piano, horloge grand-père, meubles…) a eu lieu le 5 décembre; le 12 décembre, ma mère décédait… Vous voyez, tout un automne…
Le temps d’explorer
La chapelle domestique de ma demeure, mon «monastère Asperger». L'icône de la Vierge à l'enfant est authentique, oeuvre de Rosette Mociornitza, une iconographe roumaine vivant au Québec. |
Le Roi Napoléon. Que dis-je?!: l'Empereur. |
Pour le moment, je me donne du temps, tout le temps qu’il me faudra, pour m'approprier cette nouvelle vie, en me disant ces mots de Paul Claudel: «Dans l'acte de foi, il y a toujours un moment où il faut fermer les yeux et se jeter à l'eau avec intrépidité et sans garantie apparente». En mai dernier, vous m’auriez dit que j’allais terminer l’année à Sorel, je ne vous aurais jamais cru! La vie est étrange…
Je commence à rencontrer mes voisins et des gens de Sorel.
Mais fidèle à mon habitude (toute spontanée et sans aucune préméditation je
vous jure!), la première personne avec qui j’ai longuement échangé est
atypique, vraiment atypique. En effet, Odon est Congolais (il n’y a pas
beaucoup de Noirs ici), mieux : il est moine, moine bénédictin! Il a
demandé et obtenu de sa communauté d’œuvrer en paroisse, chose qu’il fait à
Sorel depuis deux ans, précisément à la paroisse qui est mienne.
Pierre de Saurel et ses compagnons
Sorel au XVIIIe siècle |
Le centre-ville de Sorel possède tous les commerces qu’il
faut, notamment autour du Carré royal, mais il est surtout résidentiel. Un
poème pour qui aime les anciennes maisons de style québécois. Sorel est d’ailleurs l’une des trois ou quatre
plus anciennes villes du Québec. «La ville de Sorel fut bâtie à l'emplacement
du Fort Richelieu. Ce dernier fut construit à
l'embouchure de la rivière Richelieu (dite autrefois rivière des Iroquois) au XVIIIe siècle. Son nom lui
a été donné en mémoire du cardinal de Richelieu (1585-1642), ministre de Louis XIII. Le 20 août 1642, en la fête de
Saint Bernard, le Père Anne de Noue bénit le fort et y célèbre la messe. La tradition veut que
cette date soit considérée comme celle de la naissance de la ville de Sorel»
(Wikipédia). Mais le Fort Richelieu fut abandonné quelques années plus tard.
La Société
historique Pierre-de-Saurel raconte que l'année 1665 est décisive. «Le roi Louis
XIV reprend en main la Nouvelle-France et procède à un nouveau départ par une
série de mesures économiques, politiques, sociales et militaires, dont l'envoi
du Régiment de Carignan-Salières, dirigé par Alexandre de Prouville, marquis de
Tracy, afin de contrecarrer la menace des Iroquois. Tracy mena deux campagnes
de pacification contre les Iroquois et fit construire sur le Richelieu deux
forts: Chambly et Sainte-Thérèse. De plus, il chargera le capitaine Pierre de
Saurel de reconstruire le fort Richelieu, le plus stratégique de tous, qui prit
rapidement le nom de son bâtisseur. Après trois ans de campagne, en 1668, le
régiment se rembarqua pour la France laissant ici 400 officiers et soldats qui
avaient choisi de s'établir en Nouvelle-France. C'est ainsi que Pierre de Saurel, et plusieurs officiers et
lieutenants du régiment comme messieurs Antoine Pécaudy de Contrecoeur, Pierre de Saint-Ours,
Jacques de Chambly, Alexandre Berthier [Berthierville], René Gaultier
de Varennes, et François Jarret de Verchères, quittèrent la vie militaire
et acceptèrent de recevoir chacun une seigneurie quelques années plus tard,
avec les privilèges mais surtout les devoirs et les responsabilités que cette
nouvelle charge comportait. Ils répondaient ainsi au projet du roi de France de
peupler et développer la colonie». Les noms que j'ai mis en italiques ont par la suite été
donnés à des villes et villages de la région. http://www.shps.qc.ca/
Pourquoi Sorel et non Saurel ? Apparemment à cause d’une banale faute d’orthographe
commise par un fonctionnaire il y a longtemps. En fait, le nom complet de ma
ville est Sorel-Tracy, née le
15 mars 2000 du regroupement des villes de Sorel et de Tracy. Tracy est de
l’autre côté de la rivière Richelieu. À part ses sections anciennes, elle s’est
développée en se donnant les airs d’une ville de banlieue…
Constantine John Phipps, explorateur et naturaliste britannique |
Les Britanniques et monsieur Phipps
Après la Conquête, une garnison britannique s’est installée
à Sorel. Si vous venez visiter, vous constaterez d’ailleurs que certains noms
de rues se réfèrent à la monarchie britannique : Albert, Augusta,
Charlotte, George, Victoria, etc. Ma rue porte un nom anglais : Phipps.
Quelques gens m’ont dit que ce Phipps avait tenté de prendre la ville de Québec
en 1690 et avait été facilement repoussé. Or, celui-là, c’est William Phips. Ma
rue est Phipps, avec deux P avant le S final. Ce n’est donc pas lui. Je me suis
demandé d’où vient ce nom. La Commission de toponymie ne m’a pas éclairé, pas
plus que la Ville de Sorel. Alors après quelques recherches, j’ai trouvé :
mon Phipps est Constantine
John Phipps (1744-1792), 2e baron Mulgrave, un explorateur
et, joie pour mon coeur, un naturaliste!
Illustration tirée du récit de voyage de Phipps |
Pour en savoir davantage sur notre homme : http://fr.wikipedia.org/wiki/Constantine_John_Phipps
Quelques années plus tard, je ferai des démarches auprès de la Ville pour que la rue soit officiellement attribuée à cet explorateur, chose qui sera faite.
Gibelotte chinoise
Que dire d’autre sur ma nouvelle ville pour le moment? Qu’elle est la ville
québécoise avec le plus de superficie protégée, mais aussi l’une de celles
ayant la moins bonne qualité de l’air , ce qui n’empêche pas ses
responsables de permettre l’abattage de boisés pour des condos, comme ailleurs. Que le met
régional par excellence est la gibelotte, soupe-repas aux légumes avec de la
perchaude. Ce poisson était naguère abondant dans le Lac Saint-Pierre mais, là
comme ailleurs (chers Neurotypiques…), il a eu surpêche, tellement que
l’immense lac a été quasiment vidé. Depuis quelques années, un moratoire
interdit toute pêche commerciale… et la perchaude est importée – quelqu’un m’a
dit qu’on la fait venir de Chine!
Que les îles de Sorel créent un paysage fascinant et unique
ressemblant un peu aux bayous de Louisiane. On y trouve la plus grande
héronnière du Québec et on peut s’y promener tranquillement en canot. Des
croisières sont aussi offertes.
Que ce coin de pays a inspiré un des plus célèbres romans québécois :
Le survenant de Germaine Guèvremont (1893-1968). Fait
significatif à noter : «publié en 1945 à compte d'auteur, son premier
roman Le Survenant reçoit d'abord un accueil réservé. Avec
la parution du livre en France, Germaine
Guèvremont reçoit l'appui du public québécois et se mérite dès 1946 le prix David et le prix Sully-Olivier de Serres de l'Académie française» - refrain connu.
Si vous voulez explorer davantage, je vous suggère le site
officiel de la ville :