Avant de plonger dans mon sujet du mois et pour vous mettre en appétit, je vous suggère une lecture. Une correspondante français, Augusta Habas a récemment traduit un petit livre gratuit sur l'autisme: Paolo selon moi, de Simone Knowing Simon S. Le sous-titre parle de lui-même: Douze petits conseils pour (bien) vivre l'école primaire avec des enfants du spectre de l'autisme. Et je peux dire que ces conseils sont pertinents autant que sages. Oui, vous pouvez télécharger GRATUITEMENT ce petit livre via ce lien:
http://www.spazioasperger.it/index.php?q=valutazione-e-intervento&f=384-livre-gratuit-paolo-selon-moi
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AUTISME ET LA GALAXIE D'ANDROMÈDE
2) Ces autres facteurs que l'on préfère oublier
3) Les réalités andromèdes: gaucherie, homosexualité, autisme
4) Les réalités andromèdes dérangent
5) Le choix de l'Esprit et l'éthique autistique
Au commencement,
le souffle de Dieu planait sur les eaux
(début du livre de la Genèse)
1) Les facteurs possibles de l'autisme: hérédité et environnement2) Ces autres facteurs que l'on préfère oublier
3) Les réalités andromèdes: gaucherie, homosexualité, autisme
4) Les réalités andromèdes dérangent
5) Le choix de l'Esprit et l'éthique autistique
Pour être intéressante, la recherche sur les «causes» de
l’autisme m’importe peu en vérité. Je ne crois pas que ce soit important. Je
constate simplement que la communauté humaine manifeste une bonne dose de
neurodiversité, et je crois que les personnes autistes participent à cette
diversité, que ces personnes doivent être acceptées telles qu’elles sont.
J’observe aussi que la recherche en autisme explore plusieurs pistes, mais sans
dégager de consensus à ce jour, n’en déplaise à certains de mes amiEs.
Actuellement, l’hypothèse la plus prudente est que l’autisme serait d’origine
multifactorielle, ce qui en laisse plusieurs insatisfaits.
Les facteurs possibles : hérédité et environnement
Symbole de la neurodiversité |
1) Les facteurs
internes. Il y a tout d’abord la génétique. Mais à date, cette piste ne semble
avoir donné que des résultats mitigés. Il y aurait entre 200 et 400 gènes
impliqués dans l’autisme. Dieu merci, il n’y en a pas qu’un seul! Parce qu’il
est facile de deviner ce qui se passerait par la suite : test prénatal,
avortement, eugénisme - comme dans le cas de la trisomie : un seul
chromosome impliqué, test de dépistage simple, avortement dans plus de 90% des
cas, eugénisme. Cela dit, je vais vous surprendre, vous qui parlez d’«épidémie
d’autisme» et vous aussi qui croyez que l’autisme est récent : les gènes
qui seraient impliqués dans l’autisme ne sont pas nouveaux et il ne s’agit pas
de nouvelles mutations; ces gènes sont au contraire très anciens! De mon côté,
cela ne me surprend pas du tout. Je l’ai souvent dit et je le répète : il
y a toujours eu des personnes autistes dans la communauté humaine, et l’autisme
est dans le patrimoine humain parce qu’essentiellement positif. Il s’agit d’un
puissant facteur évolutif; les personnes autistes apportent des idées différentes
et forcent à voir les choses autrement que par la voie «normale». Ce qui est
récent, et très malheureux, est de considérer l’autisme comme une maladie et de
«capoter» à son sujet. Mais pour les facteurs internes, je vois dans ma boule
de cristal qu’une autre idée va connaître un certain succès : la flore
intestinale. Je vous parie un bisou ou un câlin que des compagnies vont bientôt
commercialiser des probiotiques spécialement formulés pour les autistes.
2) Les
facteurs externes : virus, bactéries, substances naturelles ou synthétiques,
etc. La vedette actuelle est «les toxines». En science, il faut examiner non
pas «les toxines» mais telle substance, naturelle ou non, et établir un lien de
cause à effet entre elle et l’autisme. Jusqu’à maintenant, ce n’est guère
concluant, surtout que le mot toxine
est utilisé comme un fourre-tout pour désigner des substances de natures aussi
diverses que le sucre, les pesticides, le gluten, les métaux lourds, entre
autres! Il est peu probable que les métaux lourds soient en cause. Les
empoisonnements au plomb ou au mercure sont bien documentés et peuvent être
détectés par des tests. L’empoisonnement au plomb cause non pas l’autisme mais
le saturnisme (https://fr.wikipedia.org/wiki/Saturnisme);
au Canada, le plomb est moins présent aujourd’hui que dans les années 1950
puisqu’il a été retiré de l’essence et des peintures. Le fameux thimérosal, qui
contient une dose infime de mercure, n’est plus dans les vaccins au Canada
depuis 1994 : il n’y a jamais eu tant de diagnostics d’autisme que depuis
que le thimérosal n’est plus utilisé!
Il est donc surprenant de lire encore ceci sur le site d’Autisme
Montréal : «De plus en plus de preuves s’accumulent contre le Thimérosal,
un agent de conservation qui est utilisé dans les vaccins. Ce produit est fait
en grande partie de mercure, etc.» (page consultée le 18 janvier 2016 : http://autisme-montreal.com/quest-ce-que-le-trouble-du-spectre-de-lautisme/les-causes/
La création. Baptistère de Padoue |
Une dame s'est récemment fait un joli capital en prétendant que l'autisme se «guérit» rien que par l'alimentation. De naïves personnes sont tombées dans le panneau. Tout cela est farfelu. Selon l'Agence française pour la sécurité sanitaire,«Il n’existe aucun élément indiquant que l’autisme soit associé aux maladies inflammatoires chroniques du tube digestif et sa coexistence avec la maladie cœliaque n’est que fortuite. Il est également très difficile de défendre la réalité d’une pathologie inflammatoire qui serait spécifiquement associée à l’autisme ou même à un de ses sous-groupes. De plus, la prévalence de l’allergie aux antigènes alimentaires semble comparable à celle de la population générale et les résultats les plus récents ne montrent pas d’altération manifeste de la perméabilité intestinale (…). En conclusion, les données scientifiques actuelles ne permettent pas de conclure à un effet bénéfique du régime sans gluten et sans caséine sur l’évolution de l’autisme. Il est impossible d’affirmer que ce régime soit dépourvu de conséquence néfaste à court, moyen ou long terme (…). Il n’existe donc aucune raison d’encourager le recours à ce type de régime. » http://www.afssa.fr/Documents/NUT-Ra-Autisme.pdf:
Ces autres facteurs auxquels on préfère ne pas penser
Habituellement, on s’arrête là. Génétique ou environnement.
Mais non, il y a un troisième groupe de facteurs possibles! Le grand
négligé :
3) Les facteurs familiaux, socioéconomiques, psychologiques et
culturels. De nombreuses études ont mis à jour l’influence de ces facteurs sur
la santé comme, par exemple, la richesse (ou la pauvreté). Mais il semble que
personne ne regarde de ce côté-là pour l’autisme. Sauf mes amiEs
psychanalystes. Même si leur thèse a échoué, il pourrait théoriquement y avoir
d’autres facteurs socioéconomiques et culturels en jeu. Pour ma part, je pense
que l’actuel climat des vies éclatées, de l’agitation et des surstimulations
sensorielles fragilise émotionnellement plusieurs personnes autistes qui, en un
autre contexte, seraient passées sous le radar. Cependant, j’ai comme
l’impression que ce terrain est un peu tabou et que l’on préfère «chercher des
coupables» moins dérangeants…
Et ce n’est pas tout!
4) Les autres facteurs. C’est le
groupe indéterminé, celui des impondérables. Il n’est pourtant pas impossible
que la réponse se trouve là, dans quelque chose auquel personne n’a encore
pensé. J’avoue pour ma part avoir un faible pour ce groupe mystérieux. Mais je
crois qu’avant tout, il faut refaire toute la réflexion autour de la définition
de ce qu’est l’autisme. Je crois que le problème est mal posé parce que cette
définition est défectueuse au départ. Aussi parce que le dit «spectre de
l’autisme» se révèle être non le continuum au sein d’une seule réalité mais un
amalgame de réalités de natures différentes (voir l’article de décembre : http://www.antoine-ouellette.blogspot.ca/2015_12_01_archive.html).
Pourtant, je crois qu’une fois enlevés l’autisme syndromique et les conditions
«pseudo-autistiques», il demeurera un noyau dur de personnes naturellement
autistes (noyau dont j’ignore la proportion).
Les réalités andromèdes
Andromède, par Gustave Doré |
Dans la mythologie grecque, Andromède est une princesse éthiopienne. Fille du roi Céphée, elle est victime de l'orgueil de sa
mère Cassiopée. Exposée nue sur un rocher pour
y être dévorée par un monstre marin, elle est sauvée de justesse par Persée
dont elle deviendra l'épouse.
Je trouve ce symbolisme astral et mythologique très pertinent : les personnes appartenant aux réalités
andromèdes auront longtemps été persécutées avant d’être (mieux) acceptées –
chose qui n’est pas encore totalement accomplie. Voyons voir cette communauté
d’Andromède.
L’autisme serait donc «partiellement» ou «atypiquement» génétique,
et des jumeaux identiques ne seront pas nécessairement autistes tous les deux. L’autisme
partage ce portrait avec la gaucherie (quel mot!) et l’homosexualité. Chez des
jumeaux identiques, si l’un est gaucher, l’autre n’a que 30% des chances de
l’être aussi; si l’un est homosexuel, l’autre n’a que 52% des chances de l’être
aussi. Dans les trois cas, il s’agit d’une perspective inversée : la
gauche plutôt que la droite, l’attrait pour les personnes de même sexe plutôt
que pour celles de l’autre sexe, et… Oui, l’autisme aussi est une inversion.
Personne ne vous le dira, mais voici : l’autisme est une forme
d’intelligence qui procède à partir du particulier (les détails) pour se
déployer ensuite vers le général (l’ensemble), cela au contraire de
l’intelligence majoritaire qui va, elle, du général vers le particulier. Dans
un article qui paraîtra lors de la prochaine saison, j’expliciterai ceci en
montrant que tout le reste découle de cette perspective inversée - une perspective qui possède une aussi
grande efficacité, je le précise, et qui apporte des points de vue nouveaux.
Donc autisme, gaucherie et homosexualité. Pour plusieurs,
les causes de l’autisme ne peuvent être que négatives, puisque l’autisme «est
une terrible maladie incurable devenue épidémique» (je l’ai lu récemment). Je
crois que c’est là une bêtise mais peu importe. Mais il en va exactement de
même pour la gaucherie! Juste la mention des causes possibles de la gaucherie
indique à quel point ce trait est considéré négativement : lésions
cérébrales chez l’enfant durant la grossesse et/ou ses premiers mois de vie,
taux anormal de testostérone, problème moteur de la main droite, exposition de
l’enfant à naître à des doses trop fortes d’ultrasons, etc. Bref, aucune cause qui
serait positive ou simplement neutre! https://es.wikipedia.org/wiki/Zurdera
Les deux amies. De Toulouse-Lautrec |
De même, toutes les hypothèses imaginables ont été envisagées pour les «causes»
de l’homosexualité; là encore, toutes négatives : problèmes hormonaux,
développement anormal de certaines zones du cerveau, etc. Mais ce terrain
d’étude est devenu plus risqué et quasi tabou : les groupes de pression
gays y ont vu, désireux de faire accepter socialement leur orientation
sexuelle. Ces gens ont fait preuve de beaucoup de courage pour défier la
normalité, et quelques-uns y ont laissés leur vie. Dans l’article Homosexualité
de Wikipédia, les «causes» de l’homosexualité sont donc examinées avec grande
pudeur et retenue, cela uniquement vers la fin du très long article : «Il
faut être prudent en ce qui concerne l'aspect biologique : d'abord, en
raison de la nature polémique de ce sujet de recherche, en particulier dans les
pays anglo-saxons, la validité des études n'est pas garantie ; ensuite,
les expériences sur des jumeaux doivent être interprétées avec précaution, car
il est difficile d'extrapoler une relation directe du niveau génétique au
niveau comportemental». https://fr.wikipedia.org/wiki/Homosexualit%C3%A9
Les réalités andromèdes dérangent
Les autistes ont beaucoup souffert au cours de leur histoire
et encore aujourd’hui. Ils forment un des groupes les plus intimidés, insultés,
battus dans les écoles : au Québec, un enfant autiste sur deux vivra cette
pénible expérience, chiffre qui peut monter à 80% chez les autistes de type
Asperger (sans délai de parole). Même adultes, plusieurs subissent de mauvais
traitements : exclusion, discrimination et encore intimidation. Les Nazis
les assassinaient sans aucune pitié pour «purifier la race» et couper des
dépenses sociales… Inutile de dire que les homosexuels ont subi un sort
semblable et que, malgré des progrès réels, des difficultés importantes
demeurent encore aujourd’hui pour plusieurs.
Mais il est surprenant que la
gaucherie ait elle aussi entraînée sa part de problèmes! Aujourd’hui être
gaucher est bien accepté socialement en Occident, mais ce fut longtemps très
négativement considéré. Juste le mot latin pour gauche en témoigne : sinistra! Il se pourrait que l’origine
soit une bien bizarre interprétation du langage biblique (les justes à la
droite de Dieu, les damnés à sa gauche). En français comme en d’autres langues,
gauche signifie aussi maladroit. Encore dans la première moitié du 20e
siècle, de nombreux gauchers ont été contraints d’utiliser leur droite,
notamment pour écrire. Jusqu’à une époque toute récente, la quasi-totalité des
outils et des machines étaient conçus pour les droitiers. En Orient par contre,
il n’est pas toujours bien vu d’être gaucher encore aujourd’hui. Les «droitiers
forcés» sont particulièrement nombreux en Chine, pays dont la langue ne se
calligraphie qu’avec la main droite et où il est considéré comme très impoli de
tenir ses baguettes pour manger de la main gauche. «Au Japon, la société ne semble plus aussi stricte, prenant
le chemin de la tolérance à l'égard des gauchers. Beaucoup de Japonais
utilisent leur main gauche sans complexe pour les activités de la vie
quotidienne». https://fr.wikipedia.org/wiki/Gaucherie
Mais juste pour dire : en Inde, en 2013, un politicien
du deuxième plus important parti indien a décrété qu'il fallait interdire les
gauchers. Selon Vijay Sahasrabudhi «le fait d'être gaucher est contre nature,
tout comme l'homosexualité». J’imagine qu’il pourrait ajouter l’autisme.
Ces trois groupes ont donc des combats à mener encore
aujourd’hui pour se faire accepter comme ils sont. Les personnes autistes
représentent assurément le groupe qui est le moins avancé en cette voie. Les
célébrations de la fierté gaie sont nombreuses. Les gauchers ont leur journée
internationale le 13 août. Des groupes de personnes autistes tentent de faire
reconnaître le 18 juin comme jour de la Fierté autiste. Mais jugez du
vocabulaire utilisé dans Wikipédia : «L'Autistic Pride Day, ou Journée
de Fierté de l’Autisme, est une initiative prise par l’association Aspies for Freedom pour
célébrer la neurodiversité des personnes atteintes de troubles du spectre
autistique. La fierté autistique reconnaît le potentiel inné de
chaque personne ayant des troubles du spectre
autistique». Atteintes, troubles… Allez dire à un gaucher qu’il est atteint de gaucherie et qu’il souffre d’un
trouble! Quant au slogan de
cet organisme, Nothing About Us Without
Us! (Rien sur nous sans nous!),
nous en sommes très loin : au Québec, le nombre de personnes autistes
engagées à titre de salariées régulières par les «organismes en autisme» se
comptent sur les doigts des mains… probablement de la seule main gauche. https://fr.wikipedia.org/wiki/Autistic_Pride_Day
Autisme, gaucherie et homosexualité sont d’anciennes réalités
humaines. Mais ce sont surtout, toutes les trois, des facteurs de distanciation
par rapport à la norme, à la normalité. Cela dérange. Cela brise l’unanimité.
Le premier réflexe de la majorité sera de tenter de «réformer» l’individu
«déviant», en utilisant jusqu’à la contrainte. Mais on ne change pas ainsi la
nature des personnes et ces «réformes» ne donnent que des résultats mitigées,
pour la gaucherie, pour l’homosexualité comme pour l’autisme.
Peut-être existe-t-il d’autres réalités andromèdes que ces
trois-là. Si vous en connaissez, je vous prie de me les faire connaître.
Sources des images: Collection personnelle, Wikipédia (Domaine public PD-US), et sites commerciaux.