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lundi 3 octobre 2016

CE QU'EST L'AUTISME: UNE INTELLIGENCE FOCALISÉE EN PERSPECTIVE INVERSÉE

Ce qu'est l'autisme? Une intelligence focalisée en perspective inversée.
Sections:
1) Faire table rase?
2) Ce qu'est l'autisme
3) Aller des détails vers l'ensemble
4) Points et pixels
5) Particularités de l'intelligence focalisée
6) Un art en perspective inversée
7) Développement apparent d'une personne à l'intelligence focalisée
8) Alors, l'autisme? 


Dans cet article publié en octobre 2016, je fais une synthèse de mes réflexions sur l’autisme, afin de répondre à LA question : qu’est-ce que l’autisme? Ce sera évidemment ma réponse, et pas nécessairement définitive, mais je crois qu’elle en vaudra bien d’autres…

Faire table rase?
 
L'autisme? Un faisceau laser!
Dans l’état actuel des choses, le mot autisme est mal défini dans la mesure où il confond des réalités différentes. Pour tenter (sans grand succès) de contourner cette difficulté, on définit l’autisme non pas par sa nature, mais par une série de comportements. Soyons francs : par une série de troubles et de difficultés. Uniquement. Même là, les roues tournent mal : toutes les personnes autistes ne montrent pas tous ces comportements et, si tel comportement est effectivement présent, il pourra l’être à des degrés très variables selon les personnes. Mais définir une condition simplement par des tendances comportementales reste risqué. Ce serait comme dire que quelqu’un a la grippe parce qu’il éternue, et de le traiter aux antibiotiques, alors qu’il pourrait tout aussi bien s’agir d’un rhume, d’allergie, d'une banale petite sécheresse des muqueuses nasales, ou encore parce que j'ai mis trop de poivre sur ma soupe! Il faut aller au-delà des comportements.

Pour répondre à la question «Qu’est-ce que l’autisme?», il faudrait aussi aller au-delà de la croyance qu’il s’agit d’une maladie. J’ai bien écrit croyance, car il n’est même pas établi qu’il s’agisse d’une maladie! Répéter que l’autisme est une maladie, ou une «terrible maladie», ne rend pas la chose vraie pour autant. Je ne me sens pas malade d'être autiste. 

La réponse à la question nécessite de plus d'écarter les faux critères de l'autisme comme, par exemple, l'idée que les autistes sont incapables d'empathie et qu'en conséquence, ils n'approchent autrui que pour satisfaire leur besoin, demander un service, obtenir quelque chose. Il y a plein de gens qui font ainsi sans être autistes! Quand telle personne de ma connaissance me téléphone, je sais à l'avance que c'est juste pour me demander un service, et cette personne n'est pas autiste. De tels critères erronés plombent la définition de l'autisme et rendent difficile de saisir ce qu'est vraiment l'autisme. 
Il faut finalement faire table rase de toute mauvaise science et pseudoscience (elles abondent en autisme, malheureusement). Une fois le ménage fait, que reste-t-il donc? Une experte (une vraie scientifique, je précise) m’a dit, toute résignée : «Je ne sais pas». J’admire cette dame pour sa franchise. Au moins, elle ne dit pas de bêtise genre «l’autisme est une intoxication au jus de tomate». Cependant, il est des éléments de réponses qui me semblent incontournables. Le plus important, qu’il ne faut jamais oublier, est que l’autisme n’est en rien nouveau. C’est dire que sont discréditées d’emblée toutes définitions faisant intervenir des facteurs apparus il y a peu, comme les vaccins, les additifs alimentaires et autres du même acabit. Rien de cela ne concerne le cœur de la question. 

Ce qu'est l'autisme

L'apôtre aux lunettes. Conrad von Soest, XVe s.
Alors, que puis-je répondre? Après tout, j’expérimente l’autisme depuis ma naissance, et probablement même déjà avant, soit depuis une cinquantaine d’années. Depuis le travail sur mon livre (amorcé en 2007), je lis, rencontre d’autres autistes, des spécialistes, etc. Et j’en suis venu à formuler une définition toute simple que je vous offre : l’autisme est une forme d’intelligence focalisée en perspective inversée, et qui procède du particulier vers le général. «Et c’est tout?!» Tout je ne sais pas, mais assurément un élément premier. Beaucoup découle de cet élément premier. Par contre, il faut toujours considérer l'histoire de vie de la personne: c'est une dimension majeure souvent occultée en autisme, en partant du principe que l'autisme est une maladie, comme la grippe, donc présentant tels et tels symptômes. Or l'histoire de vie d'une personne, autiste ou non, joue pour beaucoup dans son développement. Mais c'est là une autre histoire.

Aller des détails vers l'ensemble

J’avais déjà écrit que l’autisme est comme une forme d’inversion, une orientation minoritaire, de même genre que le fait d’être gaucher plutôt que droitier, ou homosexuel plutôt qu’hétérosexuel (voir l'article: http://antoine-ouellette.blogspot.ca/2016_04_01_archive.html). De quelle inversion s’agit-il pour l’autisme? D'une perspective inversée. L’intelligence neurotypique («normale» ou dominante) va du général vers le particulier; l’intelligence autistique fait l’inverse, allant du particulier vers le général. À l’école primaire, on m’enseignait déjà que, pour faire une bonne recherche, il fallait commencer par traiter le sujet d’une manière générale, puis d’aller progressivement vers ses aspects particuliers. Mais ma tendance naturelle est de procéder à l’inverse. Et j’ai découvert que ça marchait fort bien aussi!
John C. Raven

Je reformule en reprenant ce que j’ai lu ici et là dans des écrits sur l’autisme. La personne neurotypique saisit l’ensemble en premier (l’ensemble d’une situation, d’un lieu, d’une histoire, etc.), puis elle ira vers les détails (quoique j’ai cru remarquer que plusieurs ne se rendent pas jusque-là…). Au contraire, la personne autiste saisit les détails en premier (les détails d’une situation, d’un lieu, d’une histoire, etc.), puis elle ira vers l’ensemble. La personne neurotypique connait à l’avance, ou croit connaître à l’avance l’image résultante des pièces d’un casse-tête; la personne autiste voit des pièces à assembler sans appréhender d’avance le résultat de leur assemblage. On pourrait penser que la première manière donnera un avantage en vitesse et en efficacité mais, dans les faits, ce n’est pas si clair. Les autistes, surtout de type Kanner, sont souvent meilleurs que les neurotypiques au test des matrices de Raven fondé sur la logique des formes visuelles (ce test est un test validé scientifiquement pour mesurer l’intelligence. Il est moins utilisé, mais ce serait le plus adapté pour les enfants autistes, surtout non verbaux, dont on sous-estime trop souvent le niveau d’intelligence). 

Je préfère toutefois utiliser d’autres images. L’intelligence autistique est comme un éventail en papier. Lorsque l’éventail est fermé, il ressemble à un bâton : c’est une droite. L’intelligence autistique est comme un faisceau laser : il est dirigé très précisément vers un point, et un seul point à la fois. C’est là le premier mouvement. Mais avec le temps, l’éventail s’ouvre et se déploie. Au bout du processus, la droite est devenue un demi-cercle, soit la pleine grandeur que l’éventail peut prendre. Avec le temps, le laser va vers d’autres points et, de points en points, il scanne une image – une image globale très précise, où l’ensemble ne noie pas les innombrables détails.Lorsqu'une personne arrive à bien maitriser ce processus, l'opération d'ouvrir des points vers l'ensemble peut être très rapide.


Erreur sur la durée et la nature du délai

Cela dit, il semble que l’on ait exagéré la grandeur du délai et que l’on ait erronément assimilé celui-ci à un «déficit». «Les autistes présentent moins de biais que les non-autistes en faveur de la forme globale des objets, mais ils perçoivent parfaitement la forme globale quand il y a lieu de le faire. Là où les personnes typiques perçoivent plus vite ou mieux la forme globale de l’objet, les autistes «se promènent» dans la forme à différents niveaux, donc tendent à l’explorer d’une manière unique, ou idiosyncrasique à chacun, alors que le biais global typique, qui débouche sur la nomination de l’objet, uniformise les cheminements perceptifs chez les non-autistes (…). On est donc très loin ici du cliché que les autistes sont centrés sur le détail au détriment de la perception de la forme globale. Il s’agit au contraire d’une surcapacité dans la détection et la reconnaissance des formes, qui peut impliquer une meilleure discrimination des détails, mais d’une manière telle que ceux-ci restent toujours intégrés dans une forme global reconnaissable» (Laurent Mottron, L’intervention précoce pour enfants autistes, Mardaga, 2016, page 58). Je dirais que l'intelligence autistique est comme un scanneur du réel.


Points et Pixels
 
George Seurat: La parade de cirque (1888)
Donc, l’intelligence autistique, tout en percevant l'ensemble, est d'abord (ou rapidement) dirigée vers des cibles précises, des «points»: elle est focalisée. Elle explore l'ensemble par l'intérieur plus que par l'extérieur. Le processus de développement de la personne autiste sera d'acquérir une aisance toujours plus grande dans cette exploration par l'intérieur, en agrandissant le point focal,  en multipliant les points focaux et en les réseautant. C’est justement par juxtaposition de points que le peintre Impressionniste Georges Seurat construisait ses toiles. Sa technique a d’ailleurs été nommée pointillisme. L’art au service de la compréhension de l’esprit autistique! Il est donc possible de parvenir à une vision synthétique en partant de points. C’est d’ailleurs le principe des pixels en imagerie numérique, technique donnant des images beaucoup plus claires et précises (https://fr.wikipedia.org/wiki/Pixel). Scanneur du réel, l’intelligence focalisée de l’autisme fonctionne par pixels!
Détail de La parade, de Seurat
Cette intelligence focalisée possède des points forts. Par exemple, les personnes autistes sont souvent très habiles avec les codes, avec un ou plusieurs systèmes de codes : lettres, chiffres (incluant les équations, les statistiques, les formules chimiques, etc.), programmes informatiques, notes de musique, etc. Ces systèmes sont des «systèmes de points». Il est fréquemment rapporté que les enfants autistes aiment apparier des objets selon leurs traits communs. Je suis convaincu qu’au fil des âges, les personnes autistes ont contribué au premier rang à l’invention et au développement de tous ces systèmes de codes. Aussi, cette forme d’intelligence détecte de manière très aiguisée les irrégularités, les singularités, dans un grand ensemble apparemment homogène. Cette aptitude est essentielle en sciences : c’est grâce à elle que d’innombrables découvertes scientifiques ont été faites. Par exemple, Gregor Mendel (sans aucun doute un Asperger) a observé des irrégularités à la surface des pois et, à partir de ces observations méthodiquement menées, il en est venu à formuler les premières lois de l’hérédité, de la transmission de caractères d’une génération à l’autre. Charles Darwin a utilisé la même démarche de détection des singularités dans un grand ensemble. Cette intelligence est fortement évolutive : à partir de peu, son mouvement est de se déployer toujours davantage, potentiellement à l’infini et sans limites, jusqu’au décès de la personne.


Particularités de l'intelligence focalisée
 
C’est évidemment chez les enfants que la différence entre les deux types d’intelligence sera la plus spectaculaire – certains diraient à tort inquiétante. L’enfant autiste donne une impression de fermeture (mais attention, il entend et voit tout), alors que l’enfant neurotypique paraît ouvert. Cependant, il n’y a pas de processus de développement sans temps.  C’est vrai pour le développement de tous les enfants, les enfants autistes comme les enfants neurotypiques. Cela semble évident : on va laisser le temps faire son œuvre pour l’enfant neurotypique mais, pourtant, on ne laissera pas le même temps œuvrer pour l’enfant autiste. Il faut le «stimuler», le «sortir de son autisme», le «normaliser», vite, ça presse! Cette attitude est erronée, et je ne suis pas surpris qu’elle ne donne que des résultats mitigés…

Donc, la différence est spectaculaire chez les enfants: chez les enfants autistes, l’éventail est encore fermé, ou il ne commence qu’à s’ouvrir. Une stratégie éducative qui consiste à tirer les feuilles de la carotte pour qu’elle pousse plus vite est vouée à l’échec. Mais tout peut être interprété en termes d’intelligence focalisée. Ainsi, les choses entrent dans l’ordre, et les supposés problèmes apparaissent sous un jour moins dramatique. Voyons voir. 
 
L’intelligence focalisée favorise d’avoir peu d’amis (ce qui ne signifie pas du tout ne pas en avoir : nous ne sommes pas asociaux – l’asocialité indique un problème n’ayant rien à voir avec l’autisme), cela sans nécessairement en ressentir un manque – j’ai souvent remarqué la pression que l’on exerce sur ces enfants pour qu’ils «sociabilisent», habituellement sans leur accorder des temps de solitude qui leur sont essentiels. Les enfants autistes ont donc naturellement tendance à favoriser la solitude, le goût de jouer, d’étudier, de travailler seuls.

Seurat: La Seine à Courbevoie
L’intelligence focalisée est attirée par les codes, les systèmes de codes. C’est une erreur de perspective que de croire qu’il s’agit là de «rigidité» envers des «routines» et des «rituels». C’est autre chose. À ce sujet, je détecte beaucoup de rigidité chez les non autistes : à ce que je comprends, c’est que vos rigidités sont «correctes», et les nôtres non! Il ne faut pas confondre ces «routines» des autistes avec des compulsions : nos routines et rituels ne sont pas de l’ordre de la compulsion, et ils ne sont pas non plus définitifs, pouvant changer dans le temps.

L’intelligence focalisée favorise ce que l’on nomme les «intérêts particuliers» des autistes. L’enfant autiste se plonge passionnément dans un intérêt qui, selon le cas, sera jugé par autrui comme étrange ou plus acceptable socialement. Mais cet intérêt est un point focal. L’objet de l’intérêt pourra changer ou non avec le temps; d’autres intérêts pourront émerger, s’ajouter… C’est naturel chez nous. La personne autiste aura tendance à se faire des amis avec qui partage son ou ses intérêts. Cet intérêt pourra mener l’enfant vers une carrière, jusque dans des domaines de pointe très spécialisés.

L’intelligence focalisée perçoit autrui comme une personne d’abord, cela avant de le percevoir comme membre d’une communauté, d’une société ou d’une culture. La personne est un point focal. En conséquence, les personnes autistes sont réputées «maladroites» en société : de manière active ou passive, elles sont rebelles face à plusieurs conventions sociales. Elles restent elles-mêmes en toutes circonstances. L’intelligence focalisée a assurément joué un rôle capital dans toutes les luttes pour les droits de la personne.

L’intelligence focalisée se fixe d’abord sur le sens concerné par une information venant de l’extérieur. On dit toujours que «le contact visuel de la personne autiste avec autrui est limité, voire absent», qu’elle semble «peu expressive sur le plan non verbal (mimiques, gestes…), secrète, introvertie, distante»… Ce sont des erreurs de perspective à nouveau. Lorsqu’on parle à un enfant autiste, son attention se porte sur les sons; son action est d’écouter, car c’est bien ce qui est en jeu, pas de regarder. On ne regarde pas des sons ou des paroles. Forcer un enfant autiste à regarder dans les yeux qui lui parle est un non-sens, une aberration anti-pédagogique et contre-psychologique. À éviter. Autre erreur : croire que l’enfant est «absent» parce qu’il ne regarde pas lorsqu’on lui parle. Il ne regarde pas : IL ÉCOUTE! Avec grande attention et présence aux sons, aux mots, aux idées. Ne vous méprenez pas là-dessus.
L'intelligence focalisée est plus à l'aise dans un contexte lui-même focalisé. Un contexte focalisé est celui où il y a un centre. Comme personne autiste, je me sens bien quand je donne un cours, quand j'assiste à une conférence ou quand je prend part à des échanges portant sur un sujet précis. Mais en l'absence de centre, je deviens rapidement moins à l'aise, par exemple un repas informel où il y a plusieurs personnes et, donc, des conversations libres qui se croisent. Alors je vais me chercher un centre, par exemple telle personne souvent elle aussi un peu à l'écart du groupe. Habituellement, ces situations me coûtent en énergie (bien plus que donner une conférence!) et je peux quitter assez rapidement. 

Signac: La calanque. Autre bel exemple de pointillisme.
L’intelligence focalisée perçoit finement les détails, que ce soit consciemment ou non. Lorsque les détails surabondent, il y a risque de surcharge momentanée. On parle beaucoup des réactions sensorielles inhabituelles (hypersensibilités; les  hyposensibilités ne sont pas validées) qui seraient plus fréquentes chez les personnes autistes que chez les personnes neurotypiques. Chez certaines personnes autistes, cela peut se situer à la limite de l’extrasensoriel. Mais en fait, ce n’est pas vraiment cela qui est en cause. C’est plutôt que la lumière révèle plein de détails à la vue : dans un environnement suréclairé, les détails scintillent de partout! Le bruit est fait de milliers de détails sonores : plus le lieu est bruyant, plus les détails résonnent de toutes parts! Etc. Un enfant autiste dont l’attention est trop sollicitée par la vue portera moins d’attention aux autres informations sensorielles, ce qui pourra faire croire qu’il est «hyposensible». 

Donc, les personnes autistes, et tout particulièrement les enfants, préfèrent spontanément les lieux tamisés. Avec moins d’éclairage, moins de bruits, etc., les détails sont eux aussi moins apparents.
Malheureusement, plusieurs enfants autistes vont dans des écoles bruyantes, trop éclairées, avec plein d’odeurs… : ce n’est pas là un cadre idéal pour eux.

Pour les enfants, tous les enfants, le mot-clé du développement est temps. Parvenir à l’âge adulte nécessite une éducation favorable, oui, mais aussi du temps. L’âge légal de la maturité n’est-il pas 18 ans, voire 21 ans dans certaines juridictions? Et encore, tout le monde est-il pleinement mature à cet âge? Le temps agit : il faut faire confiance à cet allié précieux. Cela vaut pour tous les enfants, autistes ou non. Alors, que signifient donc ces discours paniqués pour qu’un enfant autiste reçoive des «interventions précoces», et «intensives» de surcroit? Où donc est l’urgence? Ce n’est pas là faire confiance à la sagesse du temps. L’éventail de l’enfant autiste ne fait que commencer à s’ouvrir, et il poursuivra son ouverture à son rythme à lui, quoi qu’on fasse. 

Un art en perspective inversée
 
La perspective inversée. Icône russe, XIIe siècle.
L'art et la haute technologie pointillistes existent. Mais l'art en perspective inversé aussi, qui est très ancien - comme quoi la perspective inversée n'est pas nouvelle. Ainsi, cette perspective inversée est fondamentale dans l'art plus que millénaire des icônes. Dans les icônes, «les personnages se détachent généralement sur le fond doré en l'absence de tout élément décoratif ou arrière-plan (...). La perspective est fréquemment inversée. Au lieu de se trouver derrière le tableau, le point de perspective se trouve devant. Le point de fuite ne se situe pas dans le tableau, mais chez le spectateur. Cela signifie concrètement que le point de départ se trouve en celui qui regarde l'icône et que les personnages viennent à sa rencontre (...). En utilisant la perspective inversée, l'icône épouse la conception de l'Évangile qui inverse les valeurs comme dans le Sermon sur la Montagne (saint Matthieu 5, 1-12) [Heureux les pauvres! Heureux ceux qui pleurent! Etc.] La perspective inversée rappelle aussi que Dieu prend l'initiative de venir à la rencontre de l'Homme» (Michel Quenot: L'icône. Cerf / Fides 1987). L'art de l'icône a fleuri en Orient Chrétien comme la Russie. Ce n'est pas un hasard si les personnes autistes étaient si respectées dans cette Russie et vues comme des intermédiaires entre la Terre et le Ciel.


Alors, l'autisme?
Deux questions demeurent.  
1) Est-ce à dire que toutes les personnes ayant un diagnostic d'autisme possèdent ce type d'intelligence? La réponse pourrait surprendre: non. Elle ne se retrouve pas chez la plupart des autistes syndromiques (environ 15% des cas). Voir cet article:
http://antoine-ouellette.blogspot.ca/2015_12_01_archive.html  
2) Est-ce à dire que ce type d'intelligence est exclusif aux personnes diagnostiquées autistes? À nouveau: non. Pourquoi donc??!! Parce que toutes les personnes autistes ne sont pas diagnostiquées. Pour toutes sortes de raisons, à commencer par le fait que leur vie va bien. Celles qui le sont l'ont été parce que leur différence les a vite fait repérer (on a la gâchette rapide aujourd'hui pour diagnostiquer et étiqueter les gens, notamment dans les écoles), parce qu'elles présentaient un délai dans le langage parlé à l'enfance (plus de 4 diagnostics sur 5), parce que des difficultés de vie autres les ont indirectement mis sur la voie du diagnostic (par exemple, des troubles anxieux à la suite d'un burn-out), parce que le diagnostic d'un enfant a amené le diagnostic d'un de ses parents (ou des deux!), etc. 
Officiellement, le nombre de personnes autistes se situe autour de 1% de la population. Mais il ne les inclut pas toutes, par exemple les cas, nombreux, de diagnostics tardifs: 2 à 3% serait plus juste. Il n'inclut évidemment pas les personnes qui ne seront jamais diagnostiquées. Certains parlent maintenant de 5% de la population, peut-être même davantage encore lorsqu'on considère l'ensemble des gens fonctionnant en perspective inversée. Hans Asperger l'observait dès les années 1940: «L'autisme n'est pas fréquent, mais il n'est pas rare non plus».

Source des illustrations: Wikipédia (Domaine public, et PD-US)