Autisme: une certaine étude coréenne
1. Les errances du diagnostic d'autisme
2. 3% de la population!
3. En lui-même, l'autisme n'entraîne pas de troubles
4. Tirer enfin les bonnes conclusions
Il y a quelques années, une étude exceptionnelle était menée en autisme. Une étude gigantesque faite en Corée du Sud sur plus de 55 000 enfants. Pas 20 ni 100, 55 000! Les résultats ont étonné, parce qu'ils révélaient une réalité insoupçonnée. Depuis pourtant, tout se passe comme si cette étude n'avait pas eu lieu. Alors il faut y revenir et tirer enfin les conclusions qui s'imposent. Avant de discuter de cette étude, je discute de la problématique de base: le diagnostic d'autisme. Dans l'état actuel, ce diagnostic pose de nombreux problèmes - problèmes sur lesquels l'étude coréenne apportait un éclairage majeur... Voyons donc tout d'abord quels sont les problèmes du diagnostic d'autisme.
Les errances du diagnostic d’autisme
On vante souvent la plus grande fiabilité du diagnostic aujourd’hui. Comme le Docteur Knock de Jules Romains, les «experts» savent vendre leur salade! (https://fr.wikipedia.org/wiki/Knock_ou_le_Triomphe_de_la_m%C3%A9decine). Il y
a quelques décennies seulement, les seuls enfants qui recevaient un diagnostic
d’autisme étaient ceux qui ne parlaient pas à quatre ou cinq ans et qui
semblaient présenter une importante déficience intellectuelle. Pour ces
enfants, le pronostic n’était pas favorable, et plusieurs d’entre eux seront
confiés à des institutions spécialisées sans que leur état ne s’améliore
notablement. Avec la diffusion tardive des travaux d’Hans Asperger par Lorna
Wing dans les années 1980, avec aussi les prises de parole par des personnes
autistes comme Temple Grandin (qui avaient réussi haut la main des formations
universitaires), le regard a commencé à changer. Un peu, du moins. Les critères
de diagnostic aussi, par la force des choses. Aujourd’hui, il est estimé qu’au
moins qu'un
enfant sur quatre qui reçoit un diagnostic d'autisme aujourd'hui n'aurait pas
été diagnostiqué ainsi en 1993 (https://fr.wikipedia.org/wiki/Autisme).
On ne sait toujours pas si la proportion de personnes autistes augmente
réellement ou si les diagnostics plus nombreux ne sont qu’un effet du
changement des critères. Auparavant, il y avait beaucoup plus de diagnostics
pour des enfants autistes présentant un délai dans le langage parlé, et l’on
croyait ce type d’autisme plus fréquent que celui des enfants autistes ne
présentant pas de délai de langage (type Asperger). Aujourd’hui, ces deux
groupes tendent de plus en plus vers une certaine parité. Auparavant, la grande
majorité des diagnostics concernait des garçons: c'est que les premières études sur l'autisme ne portaient que sur des garçons et qu'en conséquence, les critères ont été paramétrés depuis pour les garçons et les hommes. Malgré cela, les diagnostics de
filles sont de plus en plus fréquents, bien qu’ils posent encore des
difficultés : donc, peu à peu, nous allons vers une certaine parité hommes
/ femmes. Auparavant, il était considéré que l’autisme était rare – pourtant
Hans Asperger disait déjà dans les années 1930 que l’autisme «n’est pas
fréquent mais pas rare non plus» : en quelques décennies cependant, nous
sommes passés d’une personne sur mille à une personne sur cent, puis à une
personne sur 68. Cette dernière statistique est à son tour en train de
s’effondrer : c’est en fait autour de 3% de la population qui est autiste. Qui
l’est sur les bases d’un test standardisé qui préjuge que l’autisme est une
condition problématique, voire une maladie. Mais si des critères fondés sur la
réalité de l’esprit autistique et de ses forces étaient utilisés, il ne serait
pas surprenant d’atteindre 5% de la population, et même davantage. J’y
reviendrai plus loin.
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Louis Jouvet est le Dr Knock de Jules Romains. |
On vante donc la plus grande précision du diagnostic. Mais cette
précision est une illusion. Le diagnostic d’autisme demeure très problématique.
Ainsi dans l’état actuel des choses, on ne distingue toujours pas l’autisme
primaire (ou vrai, ou prototypique) et l’autisme secondaire (ou pseudo-autisme,
ou autisme syndromique), cela même si l’on connait bien autour de 50 causes
possibles avérées de l’autisme secondaire (telles maladies, tels médicaments,
des accidents neurologiques durant la grossesse, des anomalies chromosomiques
importantes, etc.). Tout le monde est mis dans le même paquet, sur le même supposé
«spectre» (qui n’est qu’une abstraction sans réalité). Or il est impossible
d’interagir de la même manière avec une personne autiste primaire qu’avec une
personne autiste secondaire, notamment à cause de la prévalence très élevée de
la déficience intellectuelle jusqu’à sévère chez les autistes secondaires –
chez les autistes primaires, la prévalence de la déficience intellectuelle est
de même niveau que celle dans la population non autiste, et il s’agit quasi
toujours d’une déficience mineure, voire juste apparente. Autisme primaire et
autisme secondaire ne sont pas deux choses de nature identique ni de degrés
différents : il s’agit bel et bien de deux réalités distinctes de nature.
Autisme primaire et autisme secondaire devraient donc être des diagnostics
différentiels, deux diagnostics qui se «ressemblent» sur certains points mais
entre lesquels il faut n’en retenir qu’un seul, le bon. Pour qu’un diagnostic
d’autisme puisse être éventuellement utile, il est essentiel qu’il précise s’il
s’agit d’autisme primaire ou d’autisme secondaire. C’est essentiel et pourtant
cela ne se fait toujours pas! À ma connaissance, il n’y a qu’en autisme que la
médecine agit d’une manière aussi, disons, légère et insouciante.
Cela, c’est quand le diagnostic d’autisme est correctement posé. Mais
l’est-il vraiment? À une clinique québécoise spécialisée dans la réévaluation
du diagnostic d’autisme, près de 50% des diagnostics sont invalidés lors d’une
réévaluation. C’est énorme. Cela ne signifie pas que la moitié des diagnostics
posés sont erronés, mais que parmi ceux qui feront l’objet d’une réévaluation
quelques années plus tard, la moitié s’avère l’être. La marge d’erreur demeure
néanmoins grande. Je vous rassure : le premier diagnostic que j’ai reçu a
été réévalué et validé quelques années plus tard. Mieux : le portrait fin
de mon intelligence (donné par le test WAIS) est typique du profil autistique
de type Asperger. Bien racé! J’en suis fier. Et mes petites cellules grises
sont assez performantes, merci.
Par ailleurs, je sais parce que la chose m’a été confiée «off the record»
qu’il arrive qu’un diagnostic d’autisme soit finalement donné à un enfant pour
que le parent et l’enfant reçoivent plus de services : malgré les plaintes
répétées des organismes en autisme, l’autisme est l’une des conditions
atypiques à laquelle les gouvernements consacrent le plus de ressources. Ce
diagnostic de complaisance (et non éthique) est donné souvent parce que le
parent rejette le premier diagnostic qui en est un de déficience intellectuelle
sévère. Ce dernier diagnostic est reçu comme «insultant» et il arrive que le
parent crie et menace, alors on achète la paix avec un autre diagnostic «plus
acceptable».
Dans ces conditions, il est impossible de bien connaître la population
autiste et d’en tracer un portrait réaliste. Rares sont les études qui prennent
les précautions adéquates, par exemple qui discutent à partir d'un groupe
homogène de personnes autistes. Pourtant, les études qui ne le font pas sont viciées
au plan de la méthodologie, et leurs résultats ne peuvent être tenus pour
valides. La notion trompeuse de «spectre de l’autisme» est largement
responsable de ce qui finit vite par devenir de la pseudoscience.
Mais la situation est encore pire qu’elle ne le paraît! Dans l’état
actuel des choses, c’est tout le discours au sujet de l’autisme qui est vicié.
Parce que l’autisme est mal défini – s’il l’est seulement. Parce que la
population autistique demeure inconnue. Elle demeure inconnue pour une autre
raison, et de taille : la moitié des personnes autistes passent
complètement sous le radar, des gens qui feront leur vie sans jamais recevoir
de diagnostic. La moitié! Comment alors parler d’autisme d’une manière
éclairée? Vous aurez beau chercher, c’est quasi impossible. Voici.
3% de la population!
En
mai 2011, les résultats d’une étude colossale ont été publiés dans l'American
Journal of Psychiatry. Dirigée par la docteure Young-Shin Kim,
cette étude regroupait des chercheurs de Yale et de l'Université George
Washington. L’équipe a évalué plus de 55 000 enfants âgés de 7 à 12 ans vivant
dans et autour de Séoul, en Corée du Sud. Pourquoi ce pays? Parce qu'«il est
moderne, politiquement stable, a une assurance nationale de santé et un taux
d'alphabétisation élevé». Imaginez le travail : 55 000 enfants
d’écoles normales et spécialisées! Les enfants n’étaient pas choisis : on
a passé le test standard pour l’autisme à tous les élèves d’écoles entières!
Cinq ans de travail.
Le résultat
a étonné : ce n’est pas un enfant sur 68 qui score positif, mais un enfant
sur 38, soit 2.6% des enfants! Écoles spécialisées incluses. http://www.medishealth.com/etude-sud-coreenne-suggere-taux-autisme-peut-etre-beaucoup-plus/ Rien
n’indique que la Corée du Sud serait un cas d’exception : il est probable
que ce pourcentage reflète la proportion réelle de personnes autistes dans la
population humaine, peu importe le pays concerné. L’écart entre ce pourcentage
réel et le pourcentage des personnes diagnostiquées explique pourquoi il y a
tant de diagnostics tardifs, pourquoi plus d’hommes que de femmes sont
diagnostiqués, à savoir que toutes les personnes autistes ne vivront pas une
situation les amenant vers un diagnostic. Plusieurs personnes autistes feront
toute leur vie sans avoir su l’être.
L’étude
coréenne montre qu’il y a à peu près autant d’enfants non diagnostiqués que
d’enfants diagnostiqués. Et que donc, il y a à peu près autant d’adultes non
diagnostiqués qu’il y en a de diagnostiqués. Par conséquent, les critères
diagnostics sont biaisés. Le diagnostic ne donne pas un portrait global de la
population autiste.
Le
point faible de l’étude est l’évaluation du quotient intellectuel. Il est
établi que le test standard de mesure du QI (WAIS) a tendance à sous-estimer le
niveau d’intelligence des personnes autistes, surtout chez les enfants
présentant un délai du parler. La raison est évidente : ce test fait
beaucoup appel au verbal! Alors un enfant autiste qui ne parle pas encore ne
scorera pas fort. Il faut donc soit attendre qu’il parle avant de le tester,
soit le tester avec un test non verbal reconnu (Raven); or l’étude coréenne n’a
fait ni l’un ni l’autre. Méthodologiquement, cette partie de l’étude est
invalide. Le risque est énorme de donner un diagnostic de déficience intellectuelle
à un enfant d’intelligence normale ou supérieure, chose qui arrive
malheureusement trop souvent.
En
lui-même, l’autisme n’entraîne pas des troubles
De
mauvaises conclusions ont été tirées de l’étude. Par exemple, certains ont dit
qu’il faudrait tester plus d’enfants partout. Le problème n’est pas là. Les
enfants qui sont diagnostiqués sont ceux présentant une plus grande différence
face à la norme, à ce qui est «normal». Ce sont aussi souvent ceux qui
éprouvent des difficultés à s’adapter à leur environnement, notamment au
système scolaire : ce sont leurs difficultés qui les font repérer. Ce sont
encore les enfants de type Kanner, qui présentent un délai dans l’utilisation
de la parole : ce délai les fait vite être repérés.
Mais
ceux qui ne dévient «pas trop» de la normalité, comme ceux qui ne présentent
pas de délai de parole (les Asperger), ne sont pas repérés. Or, ils
représentent environ la moitié des enfants autistes! Cette moitié non
diagnostiquée représente aussi des enfants autistes qui s’adaptent bien à
l’environnement, qui s’y adaptent aussi bien que les enfants non autistes; cette
moitié représente des enfants autistes qui ne manifestent pas plus de troubles
que les enfants non autistes, donc pas plus de troubles de comportements ou de
socialisation. Autrement dit, la moitié des enfants autistes «fonctionnent» ni
plus ni moins bien que les enfants non autistes. La bonne conclusion devrait
alors être que l’autisme, en soi, en sa nature, n’implique pas nécessairement
des troubles. Que l’autisme n’est pas, en sa nature, un trouble.
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Logo de la ville de Séoul |
Lorsqu’un
enfant autiste se signale par des troubles, par exemple de comportement, c’est
moins le fait qu’il soit autiste qui en est la source que son environnement,
que ce soit familial, social ou scolaire. Car autrement, pourquoi tel enfant
manifesterait-il des troubles alors que tel autre n’en manifesterait pas? Les
enfants autistes sont des baromètres : leurs troubles révèlent des
carences, des dysfonctionnements, des inadaptations dans la famille et / ou
dans la société et / ou dans les écoles. Le problème de fond n’est alors pas
tant l’enfant lui-même, ni l’autisme, que son environnement. Ce qui implique
que pour abaisser les troubles de ces enfants, il faut aussi, et d’abord,
travailler sur les inadéquations familiales, sociales et scolaires. Ouf! C’est
tellement plus facile de dire que c’est l’enfant qui est coupable, ou de blâmer une maladie largement imaginaire! Qui tient tant à voir les dysfonctions sociales? Pourtant, les «accommodements» en faveur des enfants autistes bénéficieraient aussi à plusieurs enfants non autistes.
Face
aux résultats de cette étude, des gens ont proposé d’accroître le dépistage des
enfants autistes. Pourquoi? Je vous le donne en mille : pour proposer
encore plus de services à encore plus d’enfants, bref pour engraisser davantage
le déjà lucratif business de l’autisme, en particulier des méthodes comportementalistes!
C’est si absurde que je repose la question : pourquoi dépister? Pourquoi
investir pour dépister des enfants ne présentant pas de troubles? Pourquoi
risquer de les traumatiser avec un diagnostic médical alors qu’ils fonctionnent
bien? Pourquoi risquer de jeter leurs parents dans l’inquiétude alors que
l’enfant va bien?
Tirer
enfin de bonnes conclusions
Les
bonnes conclusions de l’étude coréenne sont les suivantes. 1) Sur la base du
test standard, les personnes autistes forment environ 3% de la population. 2)
La population autiste demeure largement inconnue, puisque la moitié des
personnes autistes ne sont font pas diagnostiquées. 3) La moitié des enfants
autistes n’éprouvent pas plus de problèmes d’adaptation que les enfants non
autistes. 4) L’autisme n’entraîne pas nécessairement de troubles. 5) En
conséquence, l’autisme ne peut pas être défini comme un trouble ou une maladie.
6) La définition actuelle de l’autisme (un trouble) est fausse et doit être
totalement revue. 7) Les approches actuelles pour accompagner les autistes sont
mal fondées, qu’elles soient psychanalytiques ou comportementalistes.
Corolaire : investir plus d’argent en elles représente un pur gaspillage.
D’autres
conclusions découlent de celles-là. I) Aucune étude scientifique n’est en
mesure de tracer un portrait réaliste et fiable de la population autiste,
puisque la moitié de celle-ci n’est même pas identifiée. Les études qui
généralisent à partir des statistiques actuelles, donc partielles, errent au
niveau méthodologique, et leurs résultats ne peuvent être tenus pour totalement valides.
II) La nature de ce qu’est vraiment l’autisme demeure inconnue, alors que la
définition actuelle de l’autisme n’est fondée que sur la moitié de la
population autiste, celle présentant des problèmes adaptatifs. Pour ma part,
j’ai déjà proposé que l’autisme soit considéré comme une forme d’intelligence
minoritaire, une intelligence en perspective inversée (http://antoine-ouellette.blogspot.ca/2016/10/ce-quest-lautisme-une-intelligence.html). Cette définition vaut bien celle de DSM et compagnie. III) L’idée que l’autisme soit en
lui-même problématique ne tient pas la route. IV) Les «améliorations» chez les
enfants autistes sont rarement des fruits d’une méthode, et ces dernières
donnent largement dans la pseudoscience, sinon la fumisterie et l’imposture
intellectuelle.
Il
est facile de mesure l’ampleur du problème : actuellement, nous n’avons
seulement pas de définition rigoureuse de l’autisme! Pourtant, rien de bon ne
peut se faire sans une bonne définition. L’étude coréenne devrait être
approfondie sur des points essentiels. Qu’ont en commun l’ensemble des enfants
autistes, en incluant cette fois ceux qui n’avaient pas été diagnostiqués et
qui s’adaptent bien? Quelles sont les circonstances, les paramètres qui
favorisent le fait que tel enfant autiste ne démontrera aucun trouble? Quels
sont les paramètres qui interfèrent négativement avec le développement de
l’enfant autiste au point de lui causer des troubles divers?
Une
autre piste de réflexion. Sur la base du test standard qui est formaté en
termes de lacunes, les personnes autistes représentent environ 3% de la
population. Mais si l’autisme était enfin défini en ce qu’il est véritablement,
un nouveau test pourrait être créé qui, lui, serait basé sur les particularités
de l’esprit autistique, notamment de ses forces et ses dimensions positives. Si
nous faisions passer ce nouveau test à un grand nombre de personnes, comme on
l’a fait avec le test standard en Corée, quel serait alors le pourcentage de la
population autiste? Je parierais qu’il serait plus élevé encore, probablement
entre 5 et 10%.
C’est
quand même extraordinaire! Dans l’état actuel des choses, nous ne savons même
pas de quoi nous parlons lorsque nous parlons d’autisme! Presque personne n’y
gagne. Ni la science, ni les parents, ni les professionnels ni, encore moins,
les personnes autistes. Qui gagne? Les gens qui profitent du commerce de
l’autisme. Ceux-là ont tout intérêt à ce que soit conservée une définition
erronée de l’autisme. Tout intérêt à confondre sous un même chapeau autisme
primaire et autisme secondaire. Tout intérêt à promouvoir l’image de la
personne autiste comme déficiente et quasi incapable d’autonomie sans leurs
services. Mais cela fait bien peu de gagnants pour beaucoup trop de perdants.
J’appelle à un changement!
Source des illustrations: Wikipédia (Domaine public PD-US), sites commerciaux.