Autisme :
Troubles anxieux et neurodiversité
Publié en 2018, cet article est lié à celui-ci:
https://antoine-ouellette.blogspot.com/2018/10/autisme-en-mouvement.html
https://antoine-ouellette.blogspot.com/2018/10/autisme-en-mouvement.html
A) L'anxiété n'est pas une comorbidité de l'autisme
B) Complément sur l'idée de neurodiversité
* Côté positif
* Je ne suis pas ma neurologie
* Je ne peux parler pour tout le monde
* Il y a diversité, il y a aussi maladies et accidents
* La diversité n'est pas nécessairement positive
L’anxiété
n’est pas
une comorbidité de l’autisme
Jamais je
n’ai cru que les troubles anxieux étaient une «comorbidité» de l’autisme. Je
sais que plusieurs soutiennent cette idée mais, à mes yeux, il s’agissait d’une
pure bêtise. Prendre pour acquis qu’une personne autiste a des troubles anxieux
parce que, «on le sait bien, les autistes sont anxieux», revient à déshumaniser
cette personne. C’est-à-dire à la considérer comme un automate sans histoire,
un objet dont l’histoire de vie n’a aucune importance.
Edvard Munch: Le cri (1893) |
Edvard Munch: Anxiété (1894) |
Mon conseil
aux «spécialistes» : la première chose à faire pour aider un enfant
autiste à s’épanouir n’est pas du tout lui rentrer dans la gorge la
normalisation des méthodes comportementalistes (ABA, ICI) – d’autant que cette
normalisation est carrément une forme d’intimidation; la première chose est de
tout faire afin que l’enfant autiste ne vive pas d’intimidation, de rejet et
d’agressions. Et que s’il en subit tout de même, il ait une personne de
confiance à qui en parler rapidement, et que les mesures correctives soient
prises rapidement. Il devrait exister dans toutes les écoles un programme suivi
et soutenu de lutte contre l’intimidation, programme dont tous les enfants
bénéficieront. Tant que cela ne sera pas, les personnes autistes continueront à
devoir faire leur route avec un énorme poids sur le dos. Ce ne sera pas leur autisme
qui en sera responsable : voir les troubles anxieux comme une
«comorbidité» est une manière dégoûtante de cacher la vérité et de se donner
bonne conscience.
Complément
sur l’idée de neurodiversité
Je fais un
ajout au sujet de ma réserve concernant le concept de neurodiversité. Même si
je reconnais qu’il est préférable à celui d’«autisme maladie», ce concept me
rend mal-à-l’aise pour plusieurs raisons, notamment des raisons morales, ou éthiques
si vous préférez ce mot. Pour bien préciser ma pensée, je reprends tout d’abord
ce que j’écrivais dans l’article précédent (octobre)
L’idée de neurodiversité est promue par plusieurs groupes de personnes
autistes – le mot et le concept de neurodiversité ont été créés par Judy
Singer, elle-même autiste. À l'heure actuelle, ce sont d'ailleurs très
majoritairement des personnes autistes qui parlent de neurodiversité. Ce
communautarisme neurodiversitaire reprend quasiment en copier-coller
l’argumentaire du communautarisme LGBT, et même jusqu’au symbole de
l’arc-en-ciel. Un peu d’originalité, que diable! Il est vrai que ce logo n'est
pas encore «officiel»: il y a la possibilité de trouver mieux. Il est même des
personnes autistes pour proposer que la «communauté autiste» se lie, voire se
fonde, dans la «communauté LGBT». Là, cela me semble tenir de la confusion
entre des réalités de natures différentes.
Côté positif
Par rapport à l’idée de neurodiversité, je suis en attente, ni vraiment
pour ni vraiment contre. Côté positif, je reconnais que ce concept est
nettement plus valorisant que celui d'«autisme maladie»! Je reconnais aussi que
le mot neurodiversité donne une cause, un objectif: ultimement la
neurodiversité pourrait se suppléer au concept médical d'autisme. Le mot coupe
déjà tout pont avec la psychanalyse. Autre bon point: la neurodiversité utilise
le mot «différence» d'une manière conséquente alors qu'ailleurs, ce mot n'est
souvent qu'un doux euphémisme condescendant quand on n'ose pas dire infériorité
ou handicap que l'on pense! Finalement, parler de diversité humaine
me semble une évidence.
1. Je ne suis
pas ma neurologie
Mes neurones ne sont pas mon esprit. |
2. Je ne peux
parler pour tout le monde
Bien que ce
soient des autistes qui militent le plus pour la neurodiversité, celle-ci se
dit en fait ouverte à toutes les conditions : Tourette, bipolarité,
déficit d’attention, schizophrénie, troubles anxieux, trisomie, normalité, etc. Les
personnes autistes, et tout particulièrement les Asperger, se disant rarement
«malades» d’être ainsi, il leur est peut-être aisé de s’identifier à un concept
positif comme la neurodiversité. Mais qu’en est-il des autres? Les gens
bipolaires sont-ils enclins à considérer leur condition comme une «simple
diversité»? Je ne le sais pas. Mais je serais mal-à-l’aise de parler au nom de
gens dont je ne vis pas la condition, à plus forte raison des conditions qui
leur ont peut-être causé d’énormes souffrances, valu des hospitalisations et
leur nécessitent de prendre une médication au quotidien. Comment pourrais-je parler en leur
nom? Comment pourrais-je me sentir autorisé à qualifier ce qu’ils vivent de
simple diversité? Faire abstraction de la souffrance? Non, ma cause est celle
de l’autisme : là, je peux en parler. Il faudrait donc savoir qui désire vraiment s'associer au concept de neurodiversité, outre les autistes.
3. Il y a
diversité, il y a aussi maladies et accidents
L'astrophysicien Stephen Hawking en 2008 |
J’aimerais
aussi savoir où l’on trace la ligne séparant la diversité du pathologique. Quand
je lis certains propos, je vois que cette ligne n’existe pas toujours :
tout est «divers», tout n’est qu’une affaire de diversité, y compris les
psychopathologies. Dans un enthousiasme diversitaire, certains vont jusqu’à
remettre en question l’existence même de maladies neurologiques. Je m’excuse
mais, oui, les maladies neurologiques existent bel et bien. Par exemple :
maladies d’Alzheimer, de Parkinson, d’Huntington, sclérose amyotrophique
latérale (comme Stephen Hawking), glioblastome et autres tumeurs du cerveau, etc.
Pour la photo précédente |
Pour la
plupart, ce ne sont pas que d’amusantes diversités neurologiques, car leur
pronostic n’est pas très bon… Même dans le seul domaine de l’autisme, de
l’autisme secondaire causé par une intoxication fœtale à l’acide valproique est
une condition accidentelle souvent sévèrement invalidante, non une «diversité». En conséquence, il faudrait bien définir ce qu'est la diversité, et tracer des lignes de démarcation. Sinon, la neurodiversité deviendra un concept exagérément «ouvert», au point de ne plus rien signifier.
4. La diversité
n’est pas nécessairement positive
D’une
manière plus générale, je suis agacé par tous ces mouvements qui prétendent que
«tout se vaut», que «tout est b’en correct», que toutes les costumes de tous
les peuples, voire les déviations de tout le monde sont à valoriser au seul nom
de la «diversité» - il faudra me torturer pour me faire admettre que l’excision,
la pédophilie ou le mariage forcé de fillettes avec des adultes ne sont que de
la diversité… Faire de la diversité quelque chose qui serait positif en soi,
nécessairement positif et par principe est donner dans la confusion des idées
et des valeurs. Je sais que c’est très à la mode ces temps-ci : on n’a
qu’à agiter le mot Diversité pour mettre fin à tout débat, mais pour moi c’est
non merci. Je ne troquerai pas ma liberté de conscience au profit pour un
concept qui me sonne faux. À mes yeux, l'argument de la diversité est un argument faible, un argument
secondaire, un argument d'appoint, pas un argument premier. Seule la
biodiversité me semble être une cause essentielle car, pendant que nous clamons
valoriser la diversité humaine, la biodiversité, elle, est en chute libre. Contrairement à ce qu'on croit, la diversité culturelle et la diversité musicale sont aussi à la baisse (voir mon livre Pulsations).
https://fr.wikipedia.org/wiki/Protocole_de_Nagoya
Sur cet aspect aussi, il y a donc un travail de clarification à faire. Si l'idée de fond de la neurodiversité est que toute personne humaine humaine a le droit d'être respectée et que la société se doit d'être accueillante, il est difficile de voir ce qu'apporte de nouveau la neurodiversité. Il existe déjà la Charte des droits de la personne. Apporté il y a quelques 2000 ans, l'Évangile montrait déjà la voie, avec son appel au respect jusqu'aux plus démunis et pauvres des gens, sa compassion pour les malades et les handicapés. Comme saint Paul l'écrivait: «Il n'y a plus ni Juif ni Grec; il n'y a plus ni esclave ni homme libre; il n'y a plus ni homme ni femme: car vous n'êtes tous qu'une personne dans le Christ Jésus». Alors j'ai l'Évangile qui me dit que toute personne est une histoire sacrée, pourquoi donc aurais-je besoin de l'idée de neurodiversité?
Sur cet aspect aussi, il y a donc un travail de clarification à faire. Si l'idée de fond de la neurodiversité est que toute personne humaine humaine a le droit d'être respectée et que la société se doit d'être accueillante, il est difficile de voir ce qu'apporte de nouveau la neurodiversité. Il existe déjà la Charte des droits de la personne. Apporté il y a quelques 2000 ans, l'Évangile montrait déjà la voie, avec son appel au respect jusqu'aux plus démunis et pauvres des gens, sa compassion pour les malades et les handicapés. Comme saint Paul l'écrivait: «Il n'y a plus ni Juif ni Grec; il n'y a plus ni esclave ni homme libre; il n'y a plus ni homme ni femme: car vous n'êtes tous qu'une personne dans le Christ Jésus». Alors j'ai l'Évangile qui me dit que toute personne est une histoire sacrée, pourquoi donc aurais-je besoin de l'idée de neurodiversité?
Source des illustrations: Wikipédia (Domaine public, inclusivement la photo de la Nasa, et PD-US)