MUSIQUE (Composition et histoire), AUTISME, NATURE VS CULTURE: Bienvenue dans mon monde et mon porte-folio numérique!



dimanche 28 octobre 2018

AUTISME: TROUBLES ANXIEUX ET NEURODIVERSITÉ

Autisme : 
Troubles anxieux et neurodiversité

Publié en 2018, cet article est lié à celui-ci:
https://antoine-ouellette.blogspot.com/2018/10/autisme-en-mouvement.html
 
A) L'anxiété n'est pas une comorbidité de l'autisme
B) Complément sur l'idée de neurodiversité
* Côté positif
* Je ne suis pas ma neurologie
* Je ne peux parler pour tout le monde
* Il y a diversité, il y a aussi maladies et accidents
* La diversité n'est pas nécessairement positive



L’anxiété n’est pas 
une comorbidité de l’autisme

Jamais je n’ai cru que les troubles anxieux étaient une «comorbidité» de l’autisme. Je sais que plusieurs soutiennent cette idée mais, à mes yeux, il s’agissait d’une pure bêtise. Prendre pour acquis qu’une personne autiste a des troubles anxieux parce que, «on le sait bien, les autistes sont anxieux», revient à déshumaniser cette personne. C’est-à-dire à la considérer comme un automate sans histoire, un objet dont l’histoire de vie n’a aucune importance.

Edvard Munch: Le cri (1893)
Je suis heureux qu’une étude vienne tout juste d’arriver à la même conclusion. Je crois possible que les personnes autistes soient en moyenne plus anxieuses que la population en général. Je pourrais discuter des raisons. Mais je n’ai jamais cru que l’autisme prédisposait en soi aux troubles anxieux. L’anxiété n’est pas le trouble anxieux : l’anxiété n’est pas anormale et elle est même naturelle dans certaines circonstances, tandis que le trouble anxieux est une anxiété qui a basculé dans quelque chose d’invalidant et souffrant. Une certaine fragilité suffit rarement : c’est un élément déclencheur qui va causer la bascule. Dans mon cas personnel, je sais parfaitement que le déclencheur a été l’intimidation sévère que j’ai subie à l’école durant mon adolescence. Et rien d’autre. Donc pas l’autisme : aucun rapport ou alors très ténu. Depuis que je fréquente des personnes autistes, je suis soufflé par la proportion d’entre elles qui ont aussi vécu de telles mauvaises expériences, qui ont été intimidées, violentées, agressées sexuellement, etc. Jasmin Roy m’avait d’ailleurs dit que les enfants autistes forment l’un des groupes les plus intimidés dans les écoles (https://fondationjasminroy.com/). Or, ces violences sont des voies royales pour développer de la dépression et des troubles anxieux jusqu’aux pensées et gestes suicidaires : ce fait est maintenant démontré hors de tout doute.

Edvard Munch: Anxiété (1894)
Voilà donc qu’une première étude sur le sujet est parue le 12 octobre dernier, menée par des chercheurs des universités anglaises de Surrey et de College (Londres) et publiée dans le Journal of Society and Mental Health. Les chercheurs ont examiné l'impact du stress lié à discrimination ou le rejet sur la santé mentale des personnes autistes, en suivant une centaine d’entre elles. J’ai peine à y croire : il s’agirait effectivement de la première étude sur le sujet! Autrement dit, pour la première fois, des gens se sont donné la peine d’évaluer les dommages causés par la violence subies par les personnes autistes!!! La conclusion de l’étude est simple et claire : «On croyait traditionnellement que l'autisme et une santé mentale médiocre étaient intrinsèquement liés, mais ce n'est pas le cas, confirme Monique Botha, auteure principale et chercheuse à l'Université de Surrey. Ces résultats montrent que la mauvaise santé mentale des autistes est directement liée à l'exposition au stress social [i.e. Intimidation et rejet], qui dépasse les effets du stress quotidien que subissent les autres personnes. Une telle compréhension nous permet de mieux comprendre pourquoi les personnes avec autisme risquent davantage d'avoir une mauvaise santé mentale et nous renseignera sur les moyens de réduire ce stress».



Mon conseil aux «spécialistes» : la première chose à faire pour aider un enfant autiste à s’épanouir n’est pas du tout lui rentrer dans la gorge la normalisation des méthodes comportementalistes (ABA, ICI) – d’autant que cette normalisation est carrément une forme d’intimidation; la première chose est de tout faire afin que l’enfant autiste ne vive pas d’intimidation, de rejet et d’agressions. Et que s’il en subit tout de même, il ait une personne de confiance à qui en parler rapidement, et que les mesures correctives soient prises rapidement. Il devrait exister dans toutes les écoles un programme suivi et soutenu de lutte contre l’intimidation, programme dont tous les enfants bénéficieront. Tant que cela ne sera pas, les personnes autistes continueront à devoir faire leur route avec un énorme poids sur le dos. Ce ne sera pas leur autisme qui en sera responsable : voir les troubles anxieux comme une «comorbidité» est une manière dégoûtante de cacher la vérité et de se donner bonne conscience.



Complément 
sur l’idée de neurodiversité

Je fais un ajout au sujet de ma réserve concernant le concept de neurodiversité. Même si je reconnais qu’il est préférable à celui d’«autisme maladie», ce concept me rend mal-à-l’aise pour plusieurs raisons, notamment des raisons morales, ou éthiques si vous préférez ce mot. Pour bien préciser ma pensée, je reprends tout d’abord ce que j’écrivais dans l’article précédent (octobre)

L’idée de neurodiversité est promue par plusieurs groupes de personnes autistes – le mot et le concept de neurodiversité ont été créés par Judy Singer, elle-même autiste. À l'heure actuelle, ce sont d'ailleurs très majoritairement des personnes autistes qui parlent de neurodiversité. Ce communautarisme neurodiversitaire reprend quasiment en copier-coller l’argumentaire du communautarisme LGBT, et même jusqu’au symbole de l’arc-en-ciel. Un peu d’originalité, que diable! Il est vrai que ce logo n'est pas encore «officiel»: il y a la possibilité de trouver mieux. Il est même des personnes autistes pour proposer que la «communauté autiste» se lie, voire se fonde, dans la «communauté LGBT». Là, cela me semble tenir de la confusion entre des réalités de natures différentes. 


Côté positif

Par rapport à l’idée de neurodiversité, je suis en attente, ni vraiment pour ni vraiment contre. Côté positif, je reconnais que ce concept est nettement plus valorisant que celui d'«autisme maladie»! Je reconnais aussi que le mot neurodiversité donne une cause, un objectif: ultimement la neurodiversité pourrait se suppléer au concept médical d'autisme. Le mot coupe déjà tout pont avec la psychanalyse. Autre bon point: la neurodiversité utilise le mot «différence» d'une manière conséquente alors qu'ailleurs, ce mot n'est souvent qu'un doux euphémisme condescendant quand on n'ose pas dire infériorité ou handicap que l'on pense! Finalement, parler de diversité humaine me semble une évidence.


1. Je ne suis pas ma neurologie

Mes neurones ne sont pas mon esprit.
D'un autre côté, je ne consens pas à m’identifier à ma seule neurologie ni à me réduire à mon seul cerveau. Mon système nerveux est certes important et je ne pourrais pas vivre sans lui, mais je ne pourrais pas davantage vivre sans mon système circulatoire. Mes pensées ne sont pas qu'un produit de mes nerfs ou de mon cerveau: mes pensées peuvent aussi bien venir du coeur ou du ventre, et même du bas du dos comme ces jours-ci... Mon esprit n'est pas le résultat de mon taux de sérotonine - mon humeur, oui en partie, mais pas mon esprit. D’ailleurs, l’autisme n’est-il réellement qu’une affaire de neurologie? Je ne consens pas davantage à m’identifier, ni à me réduire, à mon orientation sexuelle. Ni à mon origine ethnique. Je ne me réduis même pas au fait d’être autiste! Le mot neurodiversité semble me réduire à ma neurologie mais, au-delà du mot lui-même, c’est le regard réducteur qu’il porte sur la personne humaine qui me rebute – réducteur et passablement matérialiste, pour ne pas dire purement biochimique.


2. Je ne peux parler pour tout le monde

Bien que ce soient des autistes qui militent le plus pour la neurodiversité, celle-ci se dit en fait ouverte à toutes les conditions : Tourette, bipolarité, déficit d’attention, schizophrénie, troubles anxieux, trisomie, normalité, etc. Les personnes autistes, et tout particulièrement les Asperger, se disant rarement «malades» d’être ainsi, il leur est peut-être aisé de s’identifier à un concept positif comme la neurodiversité. Mais qu’en est-il des autres? Les gens bipolaires sont-ils enclins à considérer leur condition comme une «simple diversité»? Je ne le sais pas. Mais je serais mal-à-l’aise de parler au nom de gens dont je ne vis pas la condition, à plus forte raison des conditions qui leur ont peut-être causé d’énormes souffrances, valu des hospitalisations et leur nécessitent de prendre une médication au quotidien. Comment pourrais-je parler en leur nom? Comment pourrais-je me sentir autorisé à qualifier ce qu’ils vivent de simple diversité? Faire abstraction de la souffrance? Non, ma cause est celle de l’autisme : là, je peux en parler. Il faudrait donc savoir qui désire vraiment s'associer au concept de neurodiversité, outre les autistes.


3. Il y a diversité, il y a aussi maladies et accidents

L'astrophysicien Stephen Hawking en 2008
J’aimerais aussi savoir où l’on trace la ligne séparant la diversité du pathologique. Quand je lis certains propos, je vois que cette ligne n’existe pas toujours : tout est «divers», tout n’est qu’une affaire de diversité, y compris les psychopathologies. Dans un enthousiasme diversitaire, certains vont jusqu’à remettre en question l’existence même de maladies neurologiques. Je m’excuse mais, oui, les maladies neurologiques existent bel et bien. Par exemple : maladies d’Alzheimer, de Parkinson, d’Huntington, sclérose amyotrophique latérale (comme Stephen Hawking), glioblastome et autres tumeurs du cerveau, etc.  
Pour la photo précédente


Pour la plupart, ce ne sont pas que d’amusantes diversités neurologiques, car leur pronostic n’est pas très bon… Même dans le seul domaine de l’autisme, de l’autisme secondaire causé par une intoxication fœtale à l’acide valproique est une condition accidentelle souvent sévèrement invalidante, non une «diversité». En conséquence, il faudrait bien définir ce qu'est la diversité, et tracer des lignes de démarcation. Sinon, la neurodiversité deviendra un concept exagérément «ouvert», au point de ne plus rien signifier.


4. La diversité n’est pas nécessairement positive

D’une manière plus générale, je suis agacé par tous ces mouvements qui prétendent que «tout se vaut», que «tout est b’en correct», que toutes les costumes de tous les peuples, voire les déviations de tout le monde sont à valoriser au seul nom de la «diversité» - il faudra me torturer pour me faire admettre que l’excision, la pédophilie ou le mariage forcé de fillettes avec des adultes ne sont que de la diversité… Faire de la diversité quelque chose qui serait positif en soi, nécessairement positif et par principe est donner dans la confusion des idées et des valeurs. Je sais que c’est très à la mode ces temps-ci : on n’a qu’à agiter le mot Diversité pour mettre fin à tout débat, mais pour moi c’est non merci. Je ne troquerai pas ma liberté de conscience au profit pour un concept qui me sonne faux.  À mes yeux, l'argument de la diversité est un argument faible, un argument secondaire, un argument d'appoint, pas un argument premier. Seule la biodiversité me semble être une cause essentielle car, pendant que nous clamons valoriser la diversité humaine, la biodiversité, elle, est en chute libre. Contrairement à ce qu'on croit, la diversité culturelle et la diversité musicale sont aussi à la baisse (voir mon livre Pulsations).
https://fr.wikipedia.org/wiki/Protocole_de_Nagoya
Sur cet aspect aussi, il y a donc un travail de clarification à faire. Si l'idée de fond de la neurodiversité est que toute personne humaine humaine a le droit d'être respectée et que la société se doit d'être accueillante, il est difficile de voir ce qu'apporte de nouveau la neurodiversité. Il existe déjà la Charte des droits de la personne. Apporté il y a quelques 2000 ans, l'Évangile montrait déjà la voie, avec son appel au respect jusqu'aux plus démunis et pauvres des gens, sa compassion pour les malades et les handicapés. Comme saint Paul l'écrivait: «Il n'y a plus ni Juif ni Grec; il n'y a plus ni esclave ni homme libre; il n'y a plus ni homme ni femme: car vous n'êtes tous qu'une personne dans le Christ Jésus». Alors j'ai l'Évangile qui me dit que toute personne est une histoire sacrée, pourquoi donc aurais-je besoin de l'idée de neurodiversité? 
 
Source des illustrations: Wikipédia (Domaine public, inclusivement la photo de la Nasa, et PD-US)