L'Évangile est-il digne de foi?
1. Le Diable dans la musique
2. Qui es-tu, Spiritualité?
3. Mages ou bergers?
4. Chronologie
5. Dieu aime les roux... et Jésus était roux!
6. Drôles de papyrus
7. Le saint patron des anti-chasse
Le Diable dans la musique
Quarte augmentée ou triton: l'Ange en musique?! |
Tout récemment, j'entendais encore des experts de musique Métal affirmer que l'intervalle musical de quarte augmentée, ou triton (par exemple: do - fa dièse), avait été «interdit» par l'Église: cet intervalle réputé «dissonant» aurait été excommunié parce que «diable dans la musique», donc «satanique»! Ces chers experts semblaient très fiers d'utiliser cet intervalle diabolique dans leurs pièces. Les légendes ont la vie dure, et celle-là tout particulièrement. Mais la vérité est plus intéressante. La vérité est qu'il n'existe aucun texte de l'Église condamnant et interdisant cet intervalle. Aucun! Ce sont en fait des théoriciens de la musique du XVIIIe siècle, et non l'Église, qui ont inventé l'expression «diabolus in musica» , «le diable dans la musique», pour qualifier la quarte augmentée.
C'est apparemment sous la plume de Johann Joseph Fux qu'on la retrouve pour la première fois, dans son traité de musique Gradus ad Parnassum, ouvrage écrit en latin et publié en 1725. Fux a beau jurer que cette expression «vient des Anciens», personne n'a réussi à en retrouver une trace écrite avant le XVIIIe siècle. Mieux: en 1357, donc vers la fin d'un Moyen âge dont on suppose qu'il traquait le diable partout, Johannes Boen classait le triton parmi les consonances et non les dissonances! Pour Boen, elle est une «consonantia per accidens», une «consonance par situation» ou «par circonstance» (http://www.medieval.org/emfaq/harmony/tritone.html).
C'est apparemment sous la plume de Johann Joseph Fux qu'on la retrouve pour la première fois, dans son traité de musique Gradus ad Parnassum, ouvrage écrit en latin et publié en 1725. Fux a beau jurer que cette expression «vient des Anciens», personne n'a réussi à en retrouver une trace écrite avant le XVIIIe siècle. Mieux: en 1357, donc vers la fin d'un Moyen âge dont on suppose qu'il traquait le diable partout, Johannes Boen classait le triton parmi les consonances et non les dissonances! Pour Boen, elle est une «consonantia per accidens», une «consonance par situation» ou «par circonstance» (http://www.medieval.org/emfaq/harmony/tritone.html).
Olivier Messiaen en 1937 |
Morale de l'histoire: se méfier des phrases du genre «L'Église a interdit ceci...»: c'est plus souvent faux que vrai. Ce qui met la table pour la suite. Vous verrez que le sujet peut être amusant.
Qui es-tu, Spiritualité?
Tout en respectant l'option de chacun et chacune, je suis conscient qu'il est plus facilement accepté d'être spirituel que religieux. Comme la philosophie,
la spiritualité passe pour «supérieure» à la religion. Mais pour moi, les deux vont de pair, comme la chair et les os. L’un
sans l’autre me semble «manquer» quelque chose d'essentiel. J’ai tout de même réalisé que, malgré les
apparences, spiritualité est un mot
rimant en «a», genre karma, dharma, chakra, mantra, etcetera.
Saint Jérôme, Renaissance, Prague |
Mais sait-on que le mot spiritualité est une invention
chrétienne? Déjà saint Paul utilisait «spirituel» dans sa forme grecque (il
écrivait dans cette langue). Spiritualité
est apparu en latin (spiritualitate)
vers 425 dans un texte attribué par erreur à saint Jérôme, la lettre De scientia divinae écrite à un adulte
nouvellement baptisé. Le mot apparait en français au XIIIe siècle, avec
des variantes comme espiritualité, esperitalité, spiritalité, cela toujours en lien explicite avec le christianisme.
Que signifie ce mot? La vie dans
l’Esprit, l’Esprit Saint, c’est-à-dire l’art de suivre Jésus-Christ sous
l’action de l’Esprit Saint. Aucune autre religion n’a forgé un mot équivalent.
La vague New Age a récupéré le mot spiritualité : la
méditation, la réalisation de soi, l’alimentation bio et autres très bonnes choses
du genre sont devenues «spiritualité». Par
extension, certains ont commencé à parler de «spiritualité laïque», en opposant laïc et
religieux, ce qui est un contresens, et même de «spiritualité athée» : un
peu d’imagination, que diable, amiEs athées! [Ces informations proviennent de
l’article de Micheline Laguë dans le numéro de décembre 2015 de Prions en
Église, édition complète]
Lors d’une manifestation récente, un jeune homme brandissait
sa pancarte : «La religion abrutit les êtres humains». Comme respect
d’autrui, ce n’est pas trop fort. Mais «abrutis» saint Augustin, saint François
d’Assise, Giotto, Michel-Ange, Bach, Gregor Mendel (père de la
génétique), Olivier Messiaen, etc., etc.? Et toi, qu’est-ce qui t’a donc
abruti? Marx? Freud? Dollar?
Pour mes amiEs jugeant la Trinité Père, Fils et Esprit saint
bien masculine, pour ne pas dire machiste, j’ajoute que dans la langue de
Jésus, l’araméen, l’Esprit est… féminin.
Mages ou bergers?
Mages ou bergers?
Giotto: L'adoration des mages (c.1303) |
Il n’y a qu’un seul Évangile, celui de Jésus Christ. Mais
quatre livres reconnus comme canoniques le relatent : l’Évangile selon
saint Marc, selon saint Matthieu, selon saint Luc et selon saint Jean. Ce sont
de courts livres qui condensent en quelques petites dizaines de pages un
enseignement que le Christ a donné sur trois ans. Ces livres sont donc
synthétiques, directs et abrupts, mais cela n’implique pas qu’ils contiennent
des contradictions. Ces quatre livres sont comme les quatre points
cardinaux : ce sont quatre angles de vision sur le même objet, parce cet
objet est tel qu’un seul angle ne peut le cerner.
Chronologie
Chronologie
Les quatre Évangélistes. IXe s. |
J'adore l'ironie douce et je suis doté d’un bon sens critique. Je
confesse qu’il m’arrive, rarement mais quand même, de pouvoir être un peu
fatiguant côté critique. Cela dit, je vais vous faire une démonstration
critique toute religieuse. Il a été dit que les quatre Évangiles ont été écrits
«tardivement»; qu’une longue tradition orale a lentement été mise par écrit par
plusieurs personnes. Cette conception est acceptée même par des spécialistes se
déclarant catholiques : le plus ancien, l’Évangile selon saint Marc
daterait ainsi d’autour de l’an 65; le dernier, celui selon saint Jean,
daterait des années 90. Or… Or, de tout cela, il n’existe absolument aucune
preuve scientifique et matérielle. Aucune. C’est une idée qui a été reprise et
reprise, tellement que tous ont pensé qu’elle était démontrée : plusieurs
en parlent sur le mode affirmatif et non conditionnel. Mais de démonstration,
jamais il y en a eu. Toujours sans la moindre preuve, on affirme que l’Évangile
selon saint Marc fut le premier écrit parce qu’il est le plus simple et le plus
court; les trois autres auraient bénéficié de décennies de réflexion et de
discussions, notamment celui de saint Jean qui serait le dernier parce que le
plus spirituel.
Saint Luc. Icône russe du XVe siècle. |
Pendant les deux premiers siècles, l'Évangile le plus cité fut celui selon saint Matthieu, et de loin, ce qui constitue un indice de son ancienneté. Au moins deux sources différentes affirment dès le IIe siècle, que ce récit avait d'abord été écrit dans la langue des Juifs - soit l'hébreu ou l'araméen, puis rapidement traduit en grec: ce grec écrit est d'ailleurs du «mauvais grec», plutôt une décalque de l'hébreu ou de l'araméen d'origine. Ceci est un autre indice de son ancienneté. Quoi qu'il en soit, rien ne permet de douter de la fiabilité et de l’authenticité des quatre récits de l’Évangile. Même s’ils ne sont pas datés par leurs auteurs, il est certain qu’ils datent tous du premier siècle, qu’ils ont été écrits avant le décès du dernier des douze Apôtres. Je ne crois pas crédible la thèse, non démontrée, voulant qu'ils aient été écrits tardivement au 1er siècle: cela s'est passé dans la culture juive, qui valorise la mise par écrit de ce qui touche la spiritualité, et dans l'empire romain, qui valorise l'usage des lettres. Je ne vois aucune raison pour laquelle saint Matthieu, qui fut apôtre et qui était lettré, aurait attendu 30 ou 40 ans pour mettre par écrit ce qu'il avait vécu avec Jésus et qui fut une expérience spirituelle intense. De toute façon, personne ne nie que saint Paul, lui, ait écrit ses lettres avant d’être assassiné un peu avant l’an 65. Les plus anciennes conservées datent au plus tard de l’an 50, mais probablement de plus tôt encore. Et ses lettres montrent l’enseignement du Christ Jésus de manière tout à fait fidèle, mature et assumée. Saint Paul parle même de l'Eucharistie.
Prenons encore le cas de saint Luc. Saint Luc n’a pas connu Jésus personnellement. Il n’en fait pas
cachette, ni du fait qu’il n’est pas le premier à écrire sur Jésus: il le dit en toutes lettres dès le début de son texte. Il ne cache
pas non plus s’être minutieusement informé : médecin syrien, donc homme de
science, Luc avait probablement un esprit sceptique à prime abord. Luc s’est
informé auprès de témoins de la première heure, des témoins directs, des
premiers disciples. L’Orient chrétien en a conservé le souvenir : une
autre de ses sources, peut-être la principale, fut Marie, la mère de Jésus
elle-même, la Mère de Dieu – l’Évangile selon saint Luc pourrait presque être
celui de Marie. L'Orient chrétien a de même conservé le souvenir que Luc a peint le portrait de Marie. Difficile d’avoir une source plus fiable. Dès les premières
phrases, il écrit : «J’ai décidé, moi aussi, après m’être informé
exactement de tout depuis les origines, d’en écrire pour toi l’exposé suivi,
cher Théophile, pour que tu te rendes bien compte de la sûreté des
enseignements que tu as reçus». Mais le fait amusant est ailleurs. Saint Luc
écrira un second livre, au même Théophile (à noter qu’il s’adresse à une
personne, non à une communauté) : Les
actes des apôtres.
Dans ce dernier, il raconte la vie des premiers
chrétiens, la formation de l’Église et les voyages missionnaires de saint Paul
après sa conversion – témoignage de première main cette fois puisqu’il semble bien
que Luc ait lui-même accompagné Paul. Or Les
actes des apôtres se terminent alors que saint Paul est toujours en vie.
Cela signifie que le livre a été écrit au début des années 60 : Luc
n’aurait certainement pas omis de parler du martyr de Paul. Comment son
Évangile, écrit avant, pourrait donc dater des années 80 comme on le dit
souvent? Pourquoi le prétend-t-on alors? Pour insuffler le doute en «la sûreté
des enseignements que tu as reçus»? Tant de gens aimeraient posséder la
crédibilité et l’audience qu’ils envient à l’Évangile…
Hop, je viens de lire l'article d'un théologien qui situe l'Évangile selon saint Luc dans les années 60: enfin!
Dieu aime les roux
... et Jésus était roux!
Des gens ne s'épargnent aucune tactique ridicule pour tenter de discréditer le Christ. Au printemps dernier (2019), une revue «de vulgarisation scientifique» (sic) annonçait en couverture un
article sur le «racisme» à l'égard des personnes rousses. L'«anti-racisme» en est là: les roux forment une race. Pathétique. Mais l'article mettait au premier rang des accusés de ce «racisme» la Bible et le Christianisme. Ô surprise! Le raisonnement est extraordinaire de rigueur: le rouge serait le rouge des flammes de l'Enfer et, donc, les personnes rousses pourraient être des démons! Pourtant, les bases bibliques supposées de ce «racisme» sont... tirées par les
cheveux! On y lit que la Bible (ici l'Évangile) affirme que Judas, l'apôtre qui a trahi Jésus, était roux. Trouvez-moi où ça. Non, il n'est dit nulle part que Judas était roux. Toujours en mode phantasme, on ajoute que la Bible (à nouveau l'Évangile) affirme que la fille d'Hérodiade, la concubine du roi Hérode, cette fille qui a obtenu de ce roi que saint Jean Baptiste se fasse couper la tête, avait une «chevelure écarlate». Encore une fois, c'est totalement faux: absolument rien n'est dit du physique de cette fille, ni même son nom. D'ailleurs, les quatre Évangiles ne donnent le portrait physique d'aucune personne, pas même de Jésus.
Hop, je viens de lire l'article d'un théologien qui situe l'Évangile selon saint Luc dans les années 60: enfin!
Dieu aime les roux
... et Jésus était roux!
C'est le Christ que Giotto a représenté roux, et non Judas. |
La première représentation d'un Judas aux
cheveux roux (un vitrail dans une église en France) date du XIe siècle! On ne peut en tirer
aucune indication générale: le Judas des Très Riches Heures du duc de
Berry (XVe siècle) n'a pas les cheveux roux, et celui de Rubens a les
cheveux noirs. Par ailleurs, au XIIIe siècle, Cimabue a représenté le
Christ avec des cheveux roux, et plus d'une fois! Son élève Giotto a fait de même.
Quand on parle de la Bible ou de l'Évangile, ce serait peut-être bien de les avoir lus avant, ne trouvez-vous pas?
Drôle de papyrus
Drôle de papyrus
Il existe plein de spéculations sur le «Jésus historique» ayant en commun la mise de côté, partielle ou même complète, des textes du Nouveau Testament. C'est faire injure à l'intelligence: ces textes sont les plus anciens et les plus fiables au sujet du Jésus authentique. Impossible de passer outre. Ces spéculations révisionnistes possèdent un autre point commun: elles sont très, très faibles pour expliquer l'expansion immédiate du Christianisme alors que, de plus, celui-ci était farouchement réprimé. Ces pseudo-Jésus historiques tracent le portrait d'un homme faiblard ou, au contraire, d'un trublion politique, ou encore d'un «sage gnostique»: aucun de ces «Jésus» n'aurait pu inspirer le mouvement irrésistible des premiers temps chrétiens qui, à nouveau, subirent une violente persécution.
Je passe au filtre de ma critique toute prétendue «découverte» qui prétend jeter un regard «nouveau» sur le Christianisme, en particulier sur ses temps premiers. Tenez : voici un numéro de la revue Science et avenir (janvier 2013) qui nous annonce en page titre, et en éditorial, rien de moins que la découverte d’un document remettant bien des choses en question sur l’origine du Christianisme : «Une vérité qui dérange». Vérité : quelque chose qui serait démontré scientifiquement, annonce-t-on. Intrigué, je lis les articles où il est question d’un bout de papyrus égyptien mentionnant «la femme de Jésus» (c’est le phantasme ultime des antichrétiens!). Mais quelle déception… Ce papyrus qui est censé tout venir bouleverser au sujet des débuts du Christianisme date en fait du IVe siècle. 300 ans plus tard : je ne parle plus de débuts… C’est comme si on faisait du physicien Isaac Newton (qui a vécu au XVIIe siècle) le véritable créateur de la théorie de la relativité. 300 ans, un détail quoi! Pire : ce papyrus est tiré d’un écrit gnostique. Les Gnostiques : les nouvelâgistes de l’époque, ceux qui se prétendaient purs, qui élaboraient des doctrines ésotériques bien plus élevées que les enseignements trop «simplets» de l’Évangile. Franchement, comme source fiable il y a mieux. Les Égyptiens accordaient eux-mêmes si peu de crédibilité à ces textes qu’ils les recyclaient pour d’autres usages, comme envelopper les momies…
Je passe au filtre de ma critique toute prétendue «découverte» qui prétend jeter un regard «nouveau» sur le Christianisme, en particulier sur ses temps premiers. Tenez : voici un numéro de la revue Science et avenir (janvier 2013) qui nous annonce en page titre, et en éditorial, rien de moins que la découverte d’un document remettant bien des choses en question sur l’origine du Christianisme : «Une vérité qui dérange». Vérité : quelque chose qui serait démontré scientifiquement, annonce-t-on. Intrigué, je lis les articles où il est question d’un bout de papyrus égyptien mentionnant «la femme de Jésus» (c’est le phantasme ultime des antichrétiens!). Mais quelle déception… Ce papyrus qui est censé tout venir bouleverser au sujet des débuts du Christianisme date en fait du IVe siècle. 300 ans plus tard : je ne parle plus de débuts… C’est comme si on faisait du physicien Isaac Newton (qui a vécu au XVIIe siècle) le véritable créateur de la théorie de la relativité. 300 ans, un détail quoi! Pire : ce papyrus est tiré d’un écrit gnostique. Les Gnostiques : les nouvelâgistes de l’époque, ceux qui se prétendaient purs, qui élaboraient des doctrines ésotériques bien plus élevées que les enseignements trop «simplets» de l’Évangile. Franchement, comme source fiable il y a mieux. Les Égyptiens accordaient eux-mêmes si peu de crédibilité à ces textes qu’ils les recyclaient pour d’autres usages, comme envelopper les momies…
Récolte de Papyrus, Israël, vers 1935 |
Ce genre de prose
est franchement éloigné du style direct et lapidaire des quatre Évangiles
traditionnels. Mais il y a pire : le contenu, d’un goût douteux. Ces purs
épris d’ésotérisme et de «mystères cachés» avaient tout de même quelques
défauts : ils étaient notamment
très misogynes – à nouveau : essayez de trouver une seule phrase misogyne
dans les quatre vrais Évangiles… Voici par
exemple un autre extrait de ce Thomas :
«Simon Pierre leur dit : «Que Marie nous quitte, car les femmes ne sont
pas dignes de la Vie»
Jésus dit : «Voici que moi je l’attirerai pour la rendre mâle, de façon à
ce qu’elle aussi devienne un esprit vivant semblable à vous, mâles. Car toute
femme qui se fera mâle entrera dans le Royaume des cieux.».
Voilà les livres qu’aux dires de quelques christophobes
la méchante Église catholique aurait cachés au bon peuple pour s’assurer qu’il
demeure en son pouvoir!
Je reviens pour la perle entre les
perles de ce dossier de Science et avenir.
On y lit une certaine «directrice de recherche au CNRS, université Paris-IV
Sorbonne», rien de moins, qui déclare : «Ainsi, l’apôtre Paul – l’un des quatre évangélistes canoniques
[…]». Ouille! Non Madame, Paul n’est pas un évangéliste.
Papyrus, fragment Évangile st Jean (IIe s.) |
Voilà pourquoi je me laisse si peu
distraire en ces matières. Tout
indique au contraire qu’il s’est bel et bien passé quelque chose d’exceptionnel
au 1er siècle. Si exceptionnel que 300 à 400 ans de persécutions
sauvages n’ont pas éteint cette lumière. Libre à chacunE de croire ou non qu’il
s’agit du passage sur Terre de Dieu avec
nous, mais tout de même un événement unique dont ces gens ont été des
témoins, des héritiers et des transmetteurs privilégiés. Et honnêtes. «Il
existe une unité indissoluble entre Sainte Écriture et Tradition, qui sont conjointes
et communiquent entre elles, formant d'une certaine manière une seule chose
(…). La Tradition
sacrée transmet intégralement la parole de Dieu (....). De cette manière,
l'Église puise sa certitude sur toutes les choses révélées pas seulement dans
l'Écriture Sainte. L'une comme l'autre doivent être acceptées et vénérées avec
des sentiments semblables de piété et de respect», écrit le Pape François.
Le saint patron des anti-chasse
Cela dit, les Catholiques ont aussi une part de responsabilité. À mon avis, il y a un ressaisissement à opérer. Et un petit coup de balai à donner ici et là. Pas dans la Tradition ni dans la liturgie, mais dans plusieurs petites choses qui peuvent sembler anodines sur le coup mais qui, additionnées les unes aux autres, forment un bon tas de poussière.
Par exemple, le Pape François a signé une encyclique magistrale sur l'écologie, Laudato si' - Loué sois-Tu (2015). Cet automne, il a poursuivi la réflexion en publiant un livre personnel intitulé Nostra Madre Terra (Notre Mère la Terre), sous-titré Une lecture chrétienne des défis environnementaux (https://www.vaticannews.va/fr/pape/news/2019-10/pape-francois-livre-notre-mere-la-terre.html)
Dans ces ouvrages, le Pape François a corrigé de nombreuses erreurs théologiques qui ont, au cous du temps, contribué à une dysharmonie sévère entre l'humanité et la Terre. Il serait donc bien que cela soit intégré. Il serait bien aussi de remettre en question certains gestes culturels qui ne sont plus ni adéquats ni appropriés aujourd'hui.
Ainsi, il a été récemment porté à mon attention que des prêtres avaient béni un groupe de chasseurs en France en invoquant saint Hubert - d'autres prêtres bénissent des toréadors lors de corridas... Évidemment, ces gestes sont largement interprétés comme un appui de l'Église à la chasse et aux corridas. Ce message ne devrait pas être donné. Car les temps ont changé, et ces pratiques tiennent d'une relation à la nature qui participe à la destruction de la nature et de la biodiversité. Je rappelle que la chasse est une des causes majeures de la diminution marquée, et jusqu'à la limite de l'extinction, de nombreuses espèces animales. Je fais donc partie des Catholiques qui sont plus que mal-à-l'aise devant ces pratiques et qui estiment qu'elles ne vont pas dans le sens de l'Évangile. Tant qu'aux spectacles de mise à mort cruelles et publiques d'animaux, je ne peux trouver aucune justification dans l'Évangile, bien au contraire. Je rappelle que le Christianisme a mis fin aux sacrifices d'animaux (et d'humains): je ne peux donc pas comprendre que des formes de sacrifices d'animaux puissent être bénies, ni les gens qui y participent.
Je reviens à la chasse. On a fait de saint Hubert le «saint patron des chasseurs». Hubert a vécu au VIIe siècle et, dans sa jeunesse frivole, il était passionné de chasse. Sauf que...
Sauf qu'à ce moment de son cheminement, Hubert n'était pas saint du tout! Sauf encore que, lorsqu'il s'est reconverti au Christ, il a abandonné la chasse! Voici le récit rapporté dans Wikipédia:
Le seigneur Hubert était si passionné de
chasse qu'il en oubliait ses devoirs. La légende rapporte qu'il n'avait pu
résister à sa passion un Vendredi Saint, et n'ayant
trouvé personne pour l'accompagner, était parti chasser sans aucune compagnie.
À cette occasion, il se trouva face à un cerf
extraordinaire. En effet, celui-ci était blanc et portait une croix lumineuse
au milieu de ses bois.
Hubert se
mit à pourchasser le cerf mais celui-ci parvenait toujours à le distancer sans
pour autant se fatiguer. Ce n’est qu’au bout d’un long moment que l'animal
s’arrêta et qu’une voix tonna dans le ciel en s’adressant à Hubert en ces
termes :
« Hubert !
Hubert ! Jusqu'à quand poursuivras-tu les bêtes dans les forêts ?
Jusqu'à quand cette vaine passion te fera-t-elle oublier le salut de ton
âme ? ». Hubert, saisi d'effroi, se jeta à terre et humblement, il
interrogea la vision :
« Seigneur ! Que faut-il
que je fasse ? »
La voix
reprit :
« Va donc auprès de Lambert, mon évêque. Convertis-toi. Fais pénitence de tes péchés, ainsi
qu'il te sera enseigné. Voilà ce à quoi tu dois te résoudre pour n'être point
damné dans l'éternité. Je te fais confiance, afin que mon Église, en ces
régions sauvages, soit par toi grandement fortifiée. »
Et Hubert
de répondre, avec force et enthousiasme :
« Merci, ô Seigneur. Vous
avez ma promesse.
Je ferai pénitence, puisque vous
le voulez.
Je saurai en toutes choses me
montrer digne de vous ! »
Selon une
tradition locale c’est à l'emplacement de la chapelle Saint-Hubert à Tenneville que saint Hubert aurait eu
cette vision du cerf portant une croix entre ses bois ; une croix, appelée
« Rouge-Croix » marque l'emplacement.
C'est donc un contre-sens que de faire de saint Hubert le patron des chasseurs et, encore pire, un «saint patron» des chasseurs! Lorsque des prêtres prétextent saint Hubert pour bénir des chasseurs, et du coup la chasse elle-même, ils font précisément le contraire de ce qu'a fait saint Hubert! Il y aurait lieu de protester fermement contre ce détournement. En fait, saint Hubert devrait plutôt être nommé le saint patron de l'anti-chasse!
Il faudrait donc que les Catholiques, et les Chrétiens, cessent de cautionner ce genre de traditions. Le vrai modèle devrait plutôt être saint François d'Assise, le saint le plus proche du Christ qui prêchait même aux oiseaux, qui a apprivoisé un Loup redoutable et qui a composé le Cantique des Créatures. Là, il y a le respect des êtres vivants, la bienveillance, la miséricorde, la douceur évangélique.
En accord avec les textes du Pape François, en accord aussi avec l'Évangile, nous devons remettre en question certaines attitudes. Sinon, nous risquons fort de rater une autre occasion d'incarner l'Évangile dans les défis écologiques qui sont urgents aujourd'hui.
Sources des illustrations: Wikipédia (Domaine public, PD-US)
et sites commerciauxpour les revues.