Autisme. Troubles sur le spectre!
1. Alerte rouge à l'extrémité «légère» du spectre
2. «Je veux être autiste!!!». Le problème borderline3. Alerte rouge à l'extrémité «lourde» du spectre
4. Le mot autisme vidé de sens
5. Deux conditions jumelles
6. Ces fameuses «comorbidités»
7. Ce n'était pas des «comorbidités»!
Je ne me
suis jamais présenté comme «une personne ayant un trouble du spectre
autistique», et je n’ai d’ailleurs jamais cru à la validité du concept de
«spectre de l’autisme». Mais c’était écrit dans le ciel : les signes
s’accumulent qui indiquent des problèmes majeurs sur ledit «spectre de
l’autisme». Ces problèmes se manifestent fortement sur les extrémités de ce dit
spectre.Tour d'horizon.
Alerte
rouge à limite «légère» du «spectre»
En août
2019,
la
revue JAMA Psychiatry, la plus prestigieuse publication dans le domaine
psychiatrique, publiait une étude du docteur Laurent Mottron et ses
collaborateurs dont l’importance des résultats était telle que la revue y a
consacré son éditorial. Vous pouvez lire l'article via le lien ci-contre. Cette étude passait au crible 11 méta-analyses
publiées entre 1966 et 2019 et portant sur près de 23 000 autistes.
Que conclut cette étude? Au cours des 50 dernières années, l’importance de
la différence entre autistes et non-autistes a diminué pour quasiment tous les
domaines retenus faisant partis des critères du diagnostic. C’est-à-dire que de
plus en plus de personnes reçoivent un diagnostic d’autisme alors même qu’elles
sont de moins en moins différentes de la population non-autiste. C’est au point
que «Si la tendance se maintient, il n’y aura plus de différence objectivable
entre les autistes et la population générale dans moins de 10 ans!»,
affirme l’auteur, qui ajoute que nous sommes en train de perdre le signal de
l’autisme. L’étude a comparé avec ce qui se passe pour la schizophrénie,
condition qui a été historiquement associée à l’autisme. Alors que le nombre
des diagnostics d’autisme explosent, celui de schizophrénie demeure stable. De
plus, la différence entre une personne schizophrène et une personne «normale»
est demeurée aussi marquée. Pourtant, les critères de l’autisme sont les mêmes
pour l’essentiel; ce qui a changé est qu’ils sont appliqués d’une manière plus
«libérale». À ce sujet, on m’a signalé des forums où les gens discutent pour savoir
quelles cliniques donnent plus facilement un diagnostic d’autisme…
https://jamanetwork.com/journals/jamapsychiatry/fullarticle/2747847 |
«Je
veux être autiste!!!»
Le problème Borderline.
Le problème Borderline.
Un point problématique est que les
critères actuels de l’autisme sont paramétrés pour les enfants, en particulier
pour les garçons. Le diagnostic pose des difficultés chez les adultes, car
souvent les traits autistiques se sont atténués et que l’expérience de vie de
la personne peut les diluer. Le diagnostic pour les femmes adultes pose encore
plus de difficultés. Mais ces difficultés peuvent être contournées grâce à
l’expertise et à l’expérience de qui est appelé à évaluer la personne et à lui
donner, ou non, un diagnostic.
Mais
un autre problème surgit. C’est qu’aucun, aucun dois-je insister, aucun des critères
actuels de l'autisme n'est exclusif aux personnes autistes. Bien des personnes
non-autistes rencontrent un ou même plusieurs critères, voire même tous les critères. Les «intérêts spécifiques» ne sont pas exclusifs aux autistes, loin de là, ni les hypersensibilités sensorielles, loin de là encore! À ce moment et malgré
le fait même que des gens rencontrent tous les critères ou presque, le
diagnostic ne peut pas être donné ou, du moins, ne devrait pas l'être. Le diagnostic ne peut pas être donné dans
certains cas parce que l’ambiguïté est trop grande. Mais plus souvent
qu’autrement, le diagnostic ne peut pas être donné parce que, bien qu'ils rencontrent
tous les critères, les portrait de ces personnes contient aussi d'autres
éléments qui, mis ensemble, les excluent de l'autisme. Le véritable diagnostic
est autre que celui d’autisme.
«Oui, j'ai mon diagnostic d'autisme!!!» |
Le groupe
problématique auquel il est particulièrement confronté, ce sont des femmes
adultes qui ont un diagnostic de personnalité limite (borderline) et qui
exigent, littéralement, de recevoir un diagnostic d'autisme - je précise bien qu'il est ici question non pas de l'ensemble des femmes à personnalité limite, mais bien du groupe parmi elles qui insiste pour obtenir un diagnostic d'autisme. Après s’être
longuement informées sur Internet, elles clament rencontrer tous les critères de
l’autisme: problèmes de socialisation, problèmes de communication,
hypersensibilité sensorielle, intérêt particulier (souvent le sexe).
Le hic
est que sont justement de ces personnes qui rencontrent les critères de
l’autisme non pas parce qu’elles sont effectivement autistes mais en raison du
fait que ces critères sont insuffisamment spécifiques et exclusifs. La condition Borderline, notamment, présente elle aussi des hypersensibilités, des difficultés de communication et de socialisation! Or, ces
personnes montrent d’autres traits qui excluent un diagnostic d’autisme même si
ces traits ne sont pas précisés dans les critères! Fichu problème!
Comme l'a dit le conférencier, ces
personnes présentent ainsi des traits majeurs qui cadrent mal, ou ne cadrent pas avec
l’autisme.
En premier lieu, plusieurs de ces femmes à personnalité limite qui exigent d'être autistes ont eu de nombreux partenaires sexuels et toujours dans des relations éphémères souvent marquées de violence. Ces femmes disent souvent avoir le sexe comme «intérêt spécifique»: elles reprennent ainsi un terme technique lié à l'autisme dans l'espoir d'être reconnues autistes. Or, les autistes sont généralement franchement monogames; la grande majorité d'eux ont eu une vie amoureuse tardive (plus tard que la moyenne); ils s'investissent dans une seule relation, cela dans une perspective de long terme. Les personnes autistes étant souvent mal-à-l'aise d'être touchées par autrui, elles sont rarement enclines à multiplier les «expériences» sexuelles. Il y a des exceptions, rares, mais plus on s'éloigne de cela, moins l'autisme est vrai. Autrement dit, il faudrait être sceptique lorsque quelqu'un se déclare autiste tout en disant que le sexe est son intérêt spécifique: cela ne colle pas très bien.
Second trait quasi inconciliable avec l'autisme: ces femmes à personnalité limite qui tiennent à être autistes manifestent un grand souci de leur apparence, même lorsqu'elles optent pour un look «marginal», contrairement aux autistes qui n'accordent pas grande importance à cela.
Troisième trait quasi inconciliable avec l’autisme: ces femmes à personnalité limite qui désirent être reconnues autistes sont très préoccupées par le regard d'autrui à leur endroit et très affectées par l'opinion d'autrui; elles se «mettent en scène» afin de produire l'effet qu'elles recherchent, alors que les autistes sont passablement indifférent-es à cela.
Dernier trait : la vie émotionnelle de ces personnes est instable et labile, et leur humeur passe rapidement de l’exaltation à la colère et d’autres émotions encore, ce qui ne cadre franchement pas avec l’autisme.
Il serait possible d’ajouter encore les toxicomanies fréquentes chez les personnes limites, et rares chez les autistes.
En premier lieu, plusieurs de ces femmes à personnalité limite qui exigent d'être autistes ont eu de nombreux partenaires sexuels et toujours dans des relations éphémères souvent marquées de violence. Ces femmes disent souvent avoir le sexe comme «intérêt spécifique»: elles reprennent ainsi un terme technique lié à l'autisme dans l'espoir d'être reconnues autistes. Or, les autistes sont généralement franchement monogames; la grande majorité d'eux ont eu une vie amoureuse tardive (plus tard que la moyenne); ils s'investissent dans une seule relation, cela dans une perspective de long terme. Les personnes autistes étant souvent mal-à-l'aise d'être touchées par autrui, elles sont rarement enclines à multiplier les «expériences» sexuelles. Il y a des exceptions, rares, mais plus on s'éloigne de cela, moins l'autisme est vrai. Autrement dit, il faudrait être sceptique lorsque quelqu'un se déclare autiste tout en disant que le sexe est son intérêt spécifique: cela ne colle pas très bien.
Second trait quasi inconciliable avec l'autisme: ces femmes à personnalité limite qui tiennent à être autistes manifestent un grand souci de leur apparence, même lorsqu'elles optent pour un look «marginal», contrairement aux autistes qui n'accordent pas grande importance à cela.
Troisième trait quasi inconciliable avec l’autisme: ces femmes à personnalité limite qui désirent être reconnues autistes sont très préoccupées par le regard d'autrui à leur endroit et très affectées par l'opinion d'autrui; elles se «mettent en scène» afin de produire l'effet qu'elles recherchent, alors que les autistes sont passablement indifférent-es à cela.
Dernier trait : la vie émotionnelle de ces personnes est instable et labile, et leur humeur passe rapidement de l’exaltation à la colère et d’autres émotions encore, ce qui ne cadre franchement pas avec l’autisme.
Il serait possible d’ajouter encore les toxicomanies fréquentes chez les personnes limites, et rares chez les autistes.
Alors, le
professionnel ne peut pas, ou ne devrait pas leur donner un diagnostic d’autisme, même si cette
femme a effectivement des difficultés sociales, communicationnelles et est
hypersensible sensoriellement.
Mais ces
femmes arrivent tout de même en se disant absolument certaines d'être autistes.
Et elles peuvent devenir violentes lorsque le psy leur refuse ce diagnostic. Là,
le conférencier a été discret, mais il est clair que lui-même a subi des
agressions fortes, verbales sinon aussi physiques, de la part de telles femmes.
Un psy pourrait céder devant pareille intimidation - et de toute évidence, certains psys cèdent, mais le diagnostic n'est
pas valide pour autant. Et surtout, le donner, même sous l’intimidation, ne rend
aucunement service à ces personnes qui souffrent réellement.
Certaines
se donneront elles-mêmes le diagnostic et iront participer à des groupes et à
des forums de personnes autistes en se présentant comme autistes, en risquant d’y
semer la pagaille…
J'ai jeté un coup d'oeil à certains blogues: tant par le contenu que par le ton, il est clair que leurs auteurs ne sont pas autistes. Ce n'est pas un langage autistique; ce n'est pas un imaginaire autistique mais plutôt un univers borderline. Il est tout aussi clair que ces personnes souffrent. Mais ce n'est pas en leur donnant un diagnostic d'autisme qu'on les aidera..., et ce n'est pas en donnant des diagnostics d'autisme à des gens qui ne le sont pas que l'on va aider les autistes non plus.
J'ai jeté un coup d'oeil à certains blogues: tant par le contenu que par le ton, il est clair que leurs auteurs ne sont pas autistes. Ce n'est pas un langage autistique; ce n'est pas un imaginaire autistique mais plutôt un univers borderline. Il est tout aussi clair que ces personnes souffrent. Mais ce n'est pas en leur donnant un diagnostic d'autisme qu'on les aidera..., et ce n'est pas en donnant des diagnostics d'autisme à des gens qui ne le sont pas que l'on va aider les autistes non plus.
Il ne
faut pas se raconter d’histoire: dans le domaine de la santé mentale, le diagnostic d'autisme est «glamour», contrairement à ceux de schizophrénie ou de personnalité limite. Avec tout ce qui est publié à propos de
l’autisme, il est devenu assez simple pour qui est doué de simuler des traits
autistiques lors d’une entrevue de diagnostic et de «retoucher» son histoire
personnelle afin qu’elle cadre mieux. Surtout que les critères n’étant ni
spécifiques ni exclusifs, bien des gens non-autistes en rencontrent déjà un,
deux, trois ou davantage… Il existerait même des manières de s'acheter, littéralement, un diagnostic d'autisme...
Je précise bien que toutes les femmes à personnalité limite ne recherchent évidemment pas un diagnostic d'autisme ni ne se conduisent comme celles décrites précédemment.
Alerte
rouge à l’extrémité «lourde» du «spectre»
Signes physiques de TAF (cliquez sur l'image pour l'agrandir). Désolé pour l'anglais. |
À
l’autre extrémité dudit spectre, la situation se présente différemment, mais
elle est tout autant problématique. Malgré le manque de services que dénoncent
plusieurs organismes en autisme, c’est un secret de polichinelle qu’un
diagnostic d’autisme permet d’obtenir bien plus de services que d’autres
diagnostics. En octobre dernier, un bel exemple a été donné.
Le
trouble de l’alcoolisme fœtal (TAF) affecte 4% des nouveaux-nés, soit environ deux
fois plus que d’enfants autistes. Mais pourtant, il semble qu’il n’y a aucun
service spécifique pour ces enfants et leurs parents qui en auraient réellement
besoin. Que fait-on alors? «L’absence d’un tel service convainc des
professionnels de la santé de ne pas reconnaître le TAF pour plutôt
diagnostiquer un trouble du spectre de l’autisme (TSA) ou même un trouble de
déficit de l’attention et hyperactivité». Dans l’article qui rapporte ce fait,
des pédiatres confirment la situation, dont l’un avoue ceci : «Le
diagnostic de trouble de l’autisme permet d’obtenir plusieurs services, comme
l’intervention intensive avec un éducateur. Sans compter l’aide substantielle obtenue
à l’école».
Autrement
dit, des personnes ayant un trouble d’alcoolisme fœtal seront incluses dans les
personnes autistes! Il n’y a pourtant aucun rapport entre l’alcoolisme fœtal et
l’autisme! Devons-nous nous en surprendre? C’est un autre secret de
polichinelle : le diagnostic d’autisme est souvent donné «par défaut» à
des personnes présentant une cinquantaine de conditions diverses qui ne sont
pas à proprement parler de l’autisme. Dans ces cas, le diagnostic d’autisme est
en fait un diagnostic différentiel, mais il n’est pas le diagnostic qui devrait
être final. Le hic est que ces conditions sont rares et que, comme le TAF, le
diagnostic ne donne pas accès à des services spécifiques. Ce sont en quelque
sorte des maladies orphelines. Mais des tests existent pour les diagnostiquer
comme, par exemple, les syndromes du X fragile, de Rett, de Cowden, de
Angelman, de Timothy, de Phelan McDermid, etc. (Voir : Mottron, Belleville, Rouleau Collignon : Linking
neocortical, cognitive and genetic variability in autism with alterations of
brain plasticity. Neuroscience
and Biobehavioral reviews. Numéro 47, 2014 page 743). Ces tests coutent cher
et, de toute façon, un tel diagnostic ouvre rarement à des services
spécifiques, exactement comme pour le TAF. Alors, ces enfants généralement très
handicapés reçoivent plus souvent qu’autrement un diagnostic d’autisme leur
donnant accès à des services, ainsi qu’à leurs familles. Mais au sens strict, il
ne s’agit pas d’autisme, pas plus que pour le TAF. Quelques spécialistes
parlent dans ces cas d’«autisme syndromique» ou d’«autisme secondaire», mais un
tel diagnostic n’existe pas officiellement, et l’on se contente simplement
d’«autisme» tout court.
Autrement
dit, à l’extrémité «légère» du supposé spectre de l’autisme, des personnes de
moins en moins différentes de la population non-autiste reçoivent de plus en
plus fréquemment un diagnostic d’autisme; à l’extrémité «lourde» de ce supposé
spectre, des personnes qui ne sont pas autistes reçoivent un diagnostic
d’autisme par soucis humanitaire de leur ouvrir des services.
Une
règle d’or devrait s’appliquer pour les services. Les services devraient être
fonction des besoins réels de la personne, et non fonction du seul diagnostic.
Actuellement, c’est le diagnostic qui détermine les services et plus encore. Être
enfant et avoir déjà reçu le diagnostic d’autisme, je serais aujourd’hui compté
comme «trois enfants» dans une classe selon la convention syndicale… même si je
n’avais besoin d’aucun service! Juste parce que désigné autiste. C’est prendre
les choses à l’envers, et cela crée des injustices.
Le
mot autisme vidé de sens
Aurait-on l'idée de créer le «spectre de la toux»?! |
L’autisme vrai se voit ainsi délayé, dissout et emmêlé avec des conditions diverses sans aucun lien les unes avec les autres, mis à part que sur certains aspects comportementaux elles se ressemblent plus ou moins – des fois moins que plus. C’est à se demander même si l’autisme existe comme tel, ou si ce n’est pas qu’une sorte d’illusion d’optique.
Bref,
tel que conçu et administré présentement, ledit «spectre de l’autisme» est un
amalgame, et non une même réalité qui se déclinerait en divers «niveaux».
Je
ne connais aucune autre réalité qui ressemble à un tel méli-mélo. C’est comme
si l’on créait un Spectre de la toux où l’on confondrait rhume, grippe, asthme,
emphysème, cancer du poumon sous un seul et unique mot, «toux», et que l’on
abordait tous les gens de la même manière, en traitant de l’emphysème comme de
la grippe, un total non-sens!
«Excusez-moi, j'ai le spectre du mouchage»... |
Je
remarque autre chose. Les pionniers de l'autisme n'ont étudié que quelques cas:
Soukhareva parle de 6 enfants, Asperger de 4, Kanner de 11. Est-ce suffisant?
Leurs successeurs auraient-ils pu trop extrapoler? En tout cas, aujourd'hui, le
concept d'autisme contient une grande dose d'extrapolation, comme ces
diagnostics de gens à peine différents des non-autistes, tout comme ces gens
atteints d'une cinquantaine de conditions diverses, et qui se retrouvent dans
le seul et même groupe d'«autistes». Tout cela cloche drôlement.
Deux
conditions jumelles
Kanner et Asperger: deux visages d'une même réalité, l'autisme vrai. |
Autre
problème : la disparition du syndrome d’Asperger (renommé sous diverses
périphrases). Il y a deux formes d’«autisme vrai» : le «type Kanner», où
il y a délai de la parole à l’enfance, et le «type Asperger», sans délai
notable (et des fois au contraire avec précocité de la parole). Il est probable
que certaines personnes tiennent un peu des deux, je ne sais pas. Reste que ces
deux types sont étroitement liés ensemble. Si l'un des parents est autiste, peu
importe que ce soit de type Kanner ou Asperger, la probabilité d'avoir un
enfant autiste est plus grande, mais cet enfant pourra autant être Asperger que
Kanner. Par exemple: j’ai un ami qui est Aspi, et il a deux fils autiste, l'un
Kanner, l'autre Aspi. Il y aurait même des cas de jumeaux identiques (homozygotes)
où l'un est Aspi et l'autre Kanner. Donc, il y a une véritable proximité entre
ces deux types.
Par
contre, la génétique des conditions causant l'autisme syndromique ou secondaire,
est complètement différente et indépendante, Ainsi, un parent Kanner ou
Asperger n'a pas plus de chance qu'un parent non autiste d'avoir un enfant avec
autisme syndromique. Ce qui signifie qu’il n’y aucune forme de continuité entre
l’autisme Kanner – Asperger et l’autisme syndromique : les causes sont de
natures différentes. Pourtant, on continue à parler de «spectre» comme si une
même cause se déclinait en divers «niveaux» ou «degrés», ce qui est faux et
bien connu.
Ces
fameuses «comorbidités»
Comme je
ne considère pas l’autisme (vrai) comme une condition «morbide», je ne crois
pas aux comorbidités dans la condition autistique. En tout cas, les dites
comorbidités de l'Asperger, par exemple, me semblent largement surestimées et
même exagérées. Bon, vous me direz peut-être que les études démontrent ceci et
cela. Très bien. Les études montrent qu'il y a en effet «quelque chose». Mais
je crois que l'interprétation des données et, donc, les conclusions qui en sont
tirées, sont, dans une certaine mesure, distordues. Sans mauvaise intention.
Mais néanmoins, les études négligent presque toutes un facteur majeur.
Je vais
tenter de vous faire comprendre ce que je veux dire. Pour ce faire, je dois
passer par un long détour personnel qui pourrait être ennuyeux, mais qui
importe et présentera bien la situation.
Insomnie. Miniature du XIVe s. |
Tout
d'abord, je me situe. Je suis né en 1960, et j'ai obtenu un diagnostic
d'Asperger en 2007 à l'hôpital Douglas: j'avais donc 47 ans. Ce diagnostic a
été tardif non pas parce que je serais juste «un peu Asperger» ni parce que
«cela ne parait pas beaucoup» - au cours de l'enquête que j'ai dû faire durant
la démarche vers le diagnostic, tous les témoignages concordaient: enfant,
j'étais vraiment très «particulier», «spécial», «seul de ton genre», etc.!
C'est simplement que j'ai été enfant à une époque où il n'y avait pas de hantise
face à l'autisme, une époque où très peu de gens connaissaient l'autisme, et où
les enfants «étranges» comme moi n'étaient vus que comme des enfants
différents, sans plus, y compris à l'école où j'étais en fait discret et
solitaire (donc, je ne dérangeais pas la classe). C'était une époque
insouciante que ces années 1960!
Mais
voilà. À partir de la fin des années 1980, la vie m'a amené à mener de plus en
plus d'activités publiques, comme diriger un choeur et enseigner en une
université. J'ai beaucoup aimé cela, vraiment. Cependant, ces activités
publiques se sont accompagnées d'une montée de plus en plus forte d'anxiété.Ces malaises s'accompagnaient d'insomnie elle aussi de plus en plus marquée, de
véritables troubles de sommeil. Alors dans les années 1990, j'en ai parlé à mon
médecin de famille. Celui-ci a diagnostiqué successivement de l'anxiété
contextuelle, de l'anxiété sociale et de l'anxiété généralisée (TAG). Malgré un
traitement médicamenteux, ni cette anxiété ni l'insomnie ne s'apaisaient, bien
au contraire car l'une renforçait l'autre dans un beau cercle vicieux.
Si à
cette époque, on avait su que je suis Asperger, il est tout probable que l'on
m'aurait dit quelque chose tournant autour de: «Tu es Asperger. Les troubles
anxieux et l'insomnie sont des comorbidités fréquentes de cette condition».
J'aurais été compté dans les statistiques soutenant l'idée de ces comorbidités.
Mais
voilà encore, je n'avais pas de diagnostic d'Asperger et je ne savais même pas
que cela existait! Alors les choses se sont passées différemment et, là, cela
devient intéressant.
Comme
j'étais épuisé, exaspéré, sinon «écoeuré» par mes troubles de sommeil, j'ai
demandé à mon médecin de me référer à une certaine clinique du sommeil. J'ai
été admis et j'ai suivi le protocole. Le résultat fut, disons, médiocre: la
dureté du protocole auquel les participants devaient se soumettre et à laquelle
je me suis astreint a amplifié mon anxiété - quelques semaines après, je ferai
une attaque de panique dans une soirée en groupe, seule attaque du genre que
j'ai eu à vie, heureusement!
Mais
après une rencontre à la clinique du sommeil, un intervenant est venu à moi
pour s'informer. Alors je lui ai dit ce que je n'avais encore dit à personne:
- Les
rares fois que je dors, je fais des cauchemars!
Il a
allumé et m'a posé d'autres questions:
- Cela
t'arrive souvent?
- Deux ou
trois fois par mois, à peu près une fois par semaine, plus souvent quand je
suis fatigué.
- Quel
genre de cauchemar?
- Je suis
agressé par plusieurs personnes qui me poursuivent et me battent. C'est
tellement fort et «réel» que je me réveille en sursaut avec l'impression
d'avoir crié de toutes mes forces.
- Et
comment te sens-tu durant la journée qui suit?
- J'en
reste sonné toute la journée, et même le lendemain, pendant deux ou trois
jours.
Sur ce,
il a eu une phrase magique:
- C'est
très dangereux... Je vais te donner un petit protocole pour tenter d'éliminer
ces cauchemars. Cela va te sembler trop simple, mais cela fonctionne souvent.
Francisco Goya (1797) |
J'étais
alors au début de la quarantaine et je venais d'apprendre que pendant 30 ans,
ma vie avait été empoisonnée par un sévère syndrome de stress post-traumatique
jamais diagnostiqué! Et pourtant, j'en avais tous les symptômes, et c'était
«dangereux». Mes activités publiques des années précédentes lui avaient donné
des forces toujours croissantes.
Syndrome
de stress post-traumatique. Eh oui, à l'adolescence, j'ai été agressé
quotidiennement au collège, psychologiquement et physiquement. Coups, insultes,
rejet, etc. C'était dans les années 1970 alors qu'il n'existait rien concernant
l'intimidation et le harcèlement scolaires, sinon du «Ça va lui former le
caractère!» et du «Qu'il se batte!» (contre six agresseurs simultanés?!). Et je
n'en ai jamais parlé. J'ai mis le couvercle, croyant m'en être assez bien
sorti... Mais il y avait déjà ces cauchemars...
Vers
2004, j'ai commencé une démarche cognitivo-comportementale pour les troubles
anxieux, donnée par l'organisme La Clé des champs à Montréal. Depuis quelques
années, j'y accompagne des personnes vivant avec des troubles anxieux.
Voilà.
Anxiété sociale, TAG, insomnies avec cauchemars, condition à la limite de la
dépression nerveuse (je n'en ai heureusement pas fait une). Vous pouvez aussi
imaginer qu'il régnait un certain désordre dans mes neurotransmetteurs! Vous
pouvez aussi imaginer que, dans cet état, je n'ai pas toujours eu un bon
jugement et que j'ai pu poser des gestes incorrects.
Bref, je
présentais bon nombre de ces dites «comorbidités de l'Asperger». Avoir eu un
diagnostic d'Asperger, les choses en seraient probablement demeurées là, et je
continuerais à avoir des cauchemars et le reste. Je mettrais cela sur le dos de
ma condition Asperger dont je me plaindrais.
Ce n’était
pas des comorbidités!
Et pourtant, ce n'était pas des comorbidités! |
Or, rien
de tout cela n'était dû à cette condition! C'était causé par un intense
syndrome de stress-traumatique. Qui a été tardivement identifié, mais qui a
tout de même été identifié, qui a été pris en charge tout comme les troubles
anxieux qui lui sont comorbides. Si bien que depuis quelques quinze ans, mon
niveau d'anxiété a considérablement diminué - aujourd'hui je ne suis pas plus
anxieux que la moyenne des gens; si bien que les cauchemars sont disparus et
qu'il ne me reste que quelques résidus de SSPT - guérir totalement de cela
semble presque impossible.
Mon long
détour est terminé. Ce qui vaut pour moi vaut pour de nombreux autres Aspis,
hommes et femmes.
Le 12
octobre 2018, une étude sur les santé mentale des personnes autistes était
publiée, étude menée par des chercheurs des
universités anglaises de Surrey et de College (Londres) et publiée dans le Journal of
Society and Mental Health. Les chercheurs ont examiné l'impact du stress lié à
discrimination ou le rejet sur la santé mentale des personnes autistes, en
suivant une centaine d’entre elles. C'est à peine croyable, mais il s’agirait
de la première étude sur le sujet! Autrement dit, pour la première fois, des
gens se sont donné la peine d’évaluer les dommages causés par la violence subie
par les personnes autistes!!! La conclusion de l’étude est simple et
claire : «On croyait traditionnellement que l'autisme et une santé mentale
médiocre étaient intrinsèquement liés, mais ce n'est pas le cas, confirme Monique
Botha, auteure principale et chercheuse à l'Université de Surrey. Ces
résultats montrent que la mauvaise santé mentale des autistes est directement
liée à l'exposition au stress social [i.e. Intimidation et rejet], qui
dépasse les effets du stress quotidien que subissent les autres personnes. Une
telle compréhension nous permet de mieux comprendre pourquoi les personnes avec
autisme risquent davantage d'avoir une mauvaise santé mentale et nous
renseignera sur les moyens de réduire ce stress».
Quand on
pose la bonne question, on obtient la bonne réponse.
Empiriquement
et par de nombreux témoignages que j'ai reçus et entendus, je sais que cette
étude a raison. Plein de personnes autistes sont alourdies par des expériences
traumatiques subies durant l'enfance, y compris des viols surtout chez les
filles. Fondateur d'un organisme de lutte contre l'intimidation scolaire,
Jasmin Roy m'a dit, personnellement, que les enfants autistes forment l'un des
groupes qui subi le plus d'intimidation dans les écoles: un enfant autiste sur
deux; et 80% des Asperger (qui sont des proies particulièrement faciles pour
les agresseurs).
Grunia
Soukhareva avait décrit des enfants autistes (de type Asperger) vingt ans avant
Asperger et Kanner. Elle formulait deux recommandations (seulement deux) à leur
endroit: 1) Les encourager dans leurs intérêts et passions; 2) Veiller à ce que
ces enfants ne subissent pas la méchanceté de leur camarades et de leur
entourage - car elle avait déjà remarqué que ces enfants candides et solitaires
sont des proies faciles.
Il a
fallu attendre un siècle pour qu'une étude confirme ce fait...
Vous
voyez: les choses ont été prises dans le mauvais sens et sans poser les bonnes
questions. Les AspiEs ayant souvent des troubles anxieux, on a fait de ces
troubles anxieux une comorbidité de leur condition, sans aller voir ce qu'ils
avaient vécu en tant que personnes humaines. En réalité, presque toutes ces
dites comorbidités sont des signes de traumatismes divers qui, eux, sont comme
un «prix à payer» pour être différent.
Je ne dis
évidemment pas que les AspiEs ne connaissent pas l'anxiété: tout le monde la
connait, et bien des personnes non-autistes développent jusqu'à de sévères
troubles anxieux. Je dirais que les objets d'anxiété des AspiEs peuvent être
d'une nature différente, par exemple sensorielle.
Malheureusement,
il reste un tabou autour de l'agression des enfants. Il y a eu du progrès dans
les écoles. Mais dans les familles? Et les victimes sont souvent les premières
à taire, comme j'ai moi-même tu. L'école et l'environnement familial immédiat ne
sont pas les seules sources possibles de stress et de traumatismes. Il y a
aussi l'environnement social plus large: conditions économiques, influence de
personnes ou de groupes mal intentionnés, cyberintimidation, etc. Il peut aussi
exister des «traumatismes étranges» comme, par exemple, une image vue à la
télévision qui a tant impressionné l’enfant qu’elle lui reste collée dans
l’esprit… Pour les AspiEs adultes, il y a aussi la possibilité de traumatismes
liés à de la discrimination, du harcèlement ou de l'exploitation au travail,
etc. Les paramètres sont donc nombreux.
Peut-être
alors est-il plus facile ou commode de tout mettre sur le dos d'une condition
très minoritaire... Mais ce n'est pas la bonne solution.
Quand unE
AspiE fait une dépression, s’isole de plus en plus ou tombe dans des troubles
anxieux, il ne faut pas mettre cela sur sa condition: c'est un gros signal
d'alerte qu'autre chose est en jeu et qu'il faut l'identifier.
Se contenter
de dire qu’il s’agit simplement de «comorbidités fréquentes» n’aidera
absolument pas la personne, bien au contraire.
Pour résumer, il n'est pas évident de départager ce qui, en une personne, appartient vraiment à l'autisme de ce qui n'appartient pas à l'autisme. Chose certaine, il est incorrect de se contenter de tout mettre le négatif sur le dos de l'autisme: en faisant ainsi, nous risquons de passer à côté de la réalité.
Pour résumer, il n'est pas évident de départager ce qui, en une personne, appartient vraiment à l'autisme de ce qui n'appartient pas à l'autisme. Chose certaine, il est incorrect de se contenter de tout mettre le négatif sur le dos de l'autisme: en faisant ainsi, nous risquons de passer à côté de la réalité.
Mon Papa
se méfie des psys. Et quand je lui raconte ces choses, il dit : «Ils ne
seront pas plus avancés dans cinquante ans!». J’espère qu’il a tort et que l’on
réintroduira de la rigueur dans tout ce méli-mélo.
Sources des illustrations: Wikipédia (Domaine public, PD-US) et sites commerciaux (lien Jama et couvertures de livres recommandés).