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jeudi 2 juillet 2020

VÉGANISME ET FOI

Véganisme et foi

1. La pandémie comme réquisitoire

2. Prêtrise, Métal et véganisme

3. «Au commencement…»

4. Pas de règles, mais la conscience

5. «Heureux les doux»
6. L'objection B12


Ce texte a été publié en mars 2020 dans la page Église verte du Feuillet de la Paroisse Saint-Joseph à Sorel. À ma paroisse, je fais partie du «comité vert»: les trois églises de la paroisse sont membres du réseau des Églises vertes:
Ce petit article portait sur l’alimentation et la foi, plus précisément sur le véganisme et la foi chrétienne. Le texte fut publié, mais probablement pas lu par beaucoup, puisque les églises étaient fermées à cause de la pandémie. Je reprends donc ici ce texte, après l’avoir élargi pour les besoins de la cause.

La pandémie comme réquisitoire

Ravenne avec ses mosaïques cosmologiques. Basilique Saint-Apollinaire-in-Classe

Mes propos prennent un sens que je n’avais pas mesuré au moment de les écrire. Nous vivons une pandémie. Où a-t-elle commencé? Dans un marché de Wuhan en Chine. Un marché où l’on vendait des animaux pour manger : des animaux morts mais aussi des animaux vivants que l’on dépeçait sur place afin d’assurer, hum, un maximum de fraicheur au consommateur. Des animaux d’élevage, mais aussi des animaux sauvages dont certains étaient porteurs de divers coronavirus, dont celui qui s’est propagé à grande vitesse par la suite causant des milliers de morts à travers le monde.

Nous devons tirer des leçons de cette pandémie. La première est que cette pandémie constitue en elle-même un puissant argument en faveur d’une alimentation à forte composante végétale, voire une alimentation entièrement végétale. Cette pandémie est aussi un puissant réquisitoire contre la vente d’animaux sauvages pour consommation humaine. Et en fait, pas que contre la vente d’animaux sauvages : contre plusieurs pratiques alimentaires que l’humanité a adoptées.

Je précise ne pas être végane. Pas encore du moins. Mais mon alimentation est très largement végétale. D’une alimentation omnivore avec de la viande régulièrement que je pratiquais dans mon enfance, dans mon adolescence et pour une partie de ma vie adulte, j’ai évolué vers un végétarisme quasi complet, en diminuant très substantiellement ma consommation de produits animaux. Pour des raisons de sécurité, mais d’abord et avant tout pour des raisons éthiques, de compassion envers les animaux et de respect de la Création. Il se peut que je passe un jour au véganisme : ce serait la prochaine étape en toute logique. Alors, voici.


Prêtrise, Métal et véganisme

Le véganisme, ou végétalisme, est une philosophie qui refuse les produits d’origine animale, qu’ils soient alimentaires, vestimentaires ou autres.


Régulièrement, nos médias parlent de «commandos véganes», de «radicalisme», de «fanatisme»; des politiciens réclament amendes et prison, des groupes d’intérêts cherchent à monter la population contre les véganes.

Militant végane, Robert Culat est aussi spécialiste du rock Métal, sujet auquel il a consacré quelques livres. Un sataniste?! Pas du tout : né en 1968, il est prêtre catholique romain, prêtre de mon Église!


Sans surprise, l’abbé Robert est la cible d’attaques virulentes, comme celle-ci : «Robert Culat, est l’exemple typique du prêtre apostat qui, reniant les fondements de sa foi, en est venu à avaliser les pires attitudes au nom de sa passion pour un courant musical, minimisant de manière incroyable les ravages que peuvent causer les propos ouvertement satanistes dispensés par les nombreux groupes programmés lors du Hellfest». Je ne suis pas un fan de Métal, mais l’abbé Robert n’est pas un apostat : il est plutôt un apôtre qui va porter l’Évangile dans les périphéries comme nous y invite le Pape François. Si je ne suis pas fan de Métal, je connais quelques adeptes de ce style. Au-delà de l’image qu’ils aiment projeter d'eux, bon nombre d’entre eux se révèlent en fait être des gens bons et doux. On me dira : «Ça ne parait pas à les voir!»; oui, mais c’est toujours bien de connaître un peu les personnes avant de juger.

Certains fans et musiciens de Métal sont d’ailleurs croyants – non pas satanistes mais chrétiens!


«Au commencement…»

Quoiqu’il en soit, l’abbé Robert rappelle dans ses livres que, lors de la Création, «Dieu dit (à l’homme et à la femme): " Voici que je vous donne toute herbe portant semence à la surface de toute la terre, et tout arbre qui porte un fruit d'arbre ayant semence; ce sera pour votre nourriture.» (Genèse 1, 29). À l’origine, Dieu nous a donc voulu véganes. «C’est prendre ça au pied de la lettre!». Mais ne prenons-nous pas au pied de la lettre le verset précédent : «Dieu leur dit: " Remplissez la terre, soumettez-la, et dominez sur les poissons, les oiseaux et sur tout animal»?! Nous avons tendance à adhérer au sens littéral de la Parole de Dieu quand cela nous convient, et de considérer comme «symbolique» ce qui ne nous convient pas – tellement symbolique qu’il nous arrive de faire dire à cette Parole le contraire de ce qu’elle dit…

Je m’amuse toujours des gens qui critiquent la foi en disant qu’il ne s’agit que d’un «paquet de règles» : voyons voir. Au début de l’Église, les premiers Chrétiens se demandaient s’il fallait maintenir la circoncision juive et les interdits alimentaires de la religion hébraïque. Suite à une vision venue du Seigneur lui-même, saint Pierre a tranché le débat avec un acte de rupture. Il a décidé de ne pas imposer la circoncision aux Chrétiens; il a aussi décidé  de n’imposer à peu près aucune règle alimentaire. Dans la continuité, la seule règle consistera finalement en une restriction volontaire durant la période du Carême, dont le jeûne du Mercredi des cendres et du Vendredi saint.

Autrement dit, tout régime alimentaire est compatible avec la foi chrétienne. Cela inclut donc le véganisme. La question de l’alimentation a ainsi été laissée à la conscience de chacun et chacune. Des trois grandes religions monothéistes, c’est la plus libre. Mais par rapport à cette conscience, je souligne deux points de foi.

Tout d’abord, le véganisme renoue avec la volonté initiale de Dieu. Dans l’Ancien Testament, Yahvé a fini par accepter que les humains puissent manger des animaux, mais ce fut un compromis inspiré par l’endurcissement de cœur des humains. Le véganisme permet de rétablir le plan initial.

Ensuite, et là j’insiste : le Christianisme a mis fin aux sacrifices animaux et humains. Le seul sacrifice est celui du Christ. En conséquence, les retours à des pratiques sacrificielles d’animaux en contexte chrétien furent des déviations de la foi. En aucun cas, de telles pratiques ne s’accordent ni avec la foi ni avec l’Évangile. C’est donc un total contresens que de se croire obligé de manger de la dinde à Noël, de manger de l’agneau ou du jambon à Pâques! Il ne s’agit là que de traditions culinaires locales, et aucunement d’une exigence de la foi.


Pas de règles, mais la conscience

Sermon sur la montagne: Carl Heinrich Bloch (1834-1890)
«Jésus n’était pas végane!». Non et peut-être même pas végétarien. Mais aujourd’hui, que ferait Jésus dans un contexte de crise écologique globale? Aujourd’hui, que dit la conscience chrétienne? Le poids écologique de la viande est énorme : 15 000 litres d’eau, 7 kilos de céréales et 11 tonnes de gaz à effet de serre (GES) émises pour la production d’un seul kilo de bœuf. Un hectare de terre peut produire annuellement 18 tonnes de légumes, mais seulement 33 kg de viande rouge. Largement orientée vers les produits animaux, l’agriculture est responsable de 24% des GES, avec déforestation massive, effondrement de la biodiversité, empoisonnement, y compris de nous-mêmes, aux pesticides, etc. Chaque année, nous tuons près de 150 milliards d’animaux pour les manger; plusieurs de ces animaux sont élevés, capturés et / ou abattus dans des conditions de maltraitance extrême. Nous pouvons maintenant ajouter sans nous tromper que la consommation de viande favorise, directement et indirectement, les épidémies : c’est elle qui a été la source de la pandémie du covid-19.

Est-ce conciliable avec le respect de la Création? Dominer la Terre, mais à la seule manière du Christ : «Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier, et le serviteur de tous» (Marc 9,35). Alors, réduire ou cesser la consommation de viande devient un geste chrétien.


«Heureux les doux»

Saint Séraphim de Sarov et son ami / Lithographie russe, 1903
Il se trouve des chrétiens pour dire que l’Église catholique (et les Églises d’Orient) est «païenne» parce qu’elle maintient des pratiques comme la bénédiction du feu et de l’eau lors de la Vigile pascale, parce qu’il y a des bénitiers dans les églises, parce qu’on encense l’autel et le Lectionnaire durant des messes. Or, il s’agit là de gestes à résonance cosmologique qui ont pleinement leur place, y compris dans la liturgie – pour ma part, je souhaiterais que soit mieux exprimé la dimension cosmologique de la foi chrétienne dans nos églises et nos liturgies. L’Église est ouverte sur le monde et sur le cosmos : ce serait une erreur qu’elle cesse de le montrer par des gestes. Cette optique est ancienne, antique même, et traditionnelle: voir à cet effet les sublimes fresques en mosaïque ornant les églises et chapelle de Ravenne en Italie:

Des groupes de chrétiens dits «évangélistes» soutiennent que le respect de la Création est en fait une idolâtrie de la Nature, et que les écologistes sont diaboliques. C’est tout faux. Il ne s’agit pas d’adorer la Nature : il s’agit de rendre grâce à Dieu en respectant sa Création et en nous émerveillant face à elle, car elle est son Œuvre. Ce discours «évangéliste» est une déviation par laquelle la «domination» est un exercice arrogant et irresponsable de violence envers les créatures de Dieu et envers la Création dans son ensemble. C’est la prétention orgueilleuse voulant que tout ait été créé pour les seuls humains qui peuvent en disposer à leur guise, y compris par la destruction, la malveillance, la cruauté, la méchanceté. La grandeur de l’Évangile est ratatiné à ne plus être qu’une affirmation spéciste, qu’à l’affirmation par la violence de notre espèce. Sans surprise, ces groupes sont souvent acoquinés avec de puissants intérêts industriels. En prêchant ainsi, ils pervertissent l’Évangile et dégoûtent de nombreuses personnes de l’Évangile.

Le Christ, lui, a dit : «Heureux les doux, car ils recevront la Terre en héritage».

Dans les leçons à tirer de la pandémie actuelle, il y aurait celle de la douceur, de la bonté, qui passe par la révision complète de notre relation à la Terre. Cette relation est à rendre plus saine, plus juste, plus harmonieuse. Non seulement entre humains, mais envers la Nature. Espérons que cette pandémie n’aura pas été inutile.

L'objection B12

Structure moléculaire de la vitamine B12
Certains pourraient faire une objection à ce que je viens d’écrire. Je la formule ainsi : «Dieu n’a pas créé l’être humain pour qu’il soit végane, puisque le corps humain est incapable de synthétiser de la vitamine B12. Cette vitamine essentielle n’a été identifiée qu’en 1948, et elle n’a pu être synthétisée en laboratoire qu’en 1972. Depuis, il est possible de la consommer sous forme de compléments alimentaires. Mais pendant des millénaires, l’être humain a été dans l’obligation de la trouver dans son alimentation. Or, seule une alimentation avec viande pouvait lui apporter la quantité suffisante de vitamine B12. Donc à l’origine, l’être humain ne pouvait pas être végane».

C’est à la fois vrai et faux. Le passage de la Genèse où Dieu donne à l’être humain la végétation en seule nourriture se situe à l’état antéhistorique du Jardin d’Éden. Il se situe en dehors du temps et de l’espace tels que nous les connaissons.

Je reviendrai sur ce point dans un autre article que je publierai dans quelques mois. Pour le moment, je note cette observation:

La découverte de la vitamine B12 au milieu du XXe siècle a permis d’envisager la fin de l’être humain prédateur. Désormais, l’être humain n’a plus besoin d’exploiter et tuer des animaux pour bien se nourrir.

Je crois que nous devons saisir cette opportunité de rédemption : pour partielle qu’elle soit, elle va néanmoins dans le sens profond de l’Évangile, celui de la douceur, de la miséricorde, de la compassion, de l’amour.

Peut-être qu’en saisissant cette opportunité et quelques autres qui nous sont offertes, peut-être qu’en renonçant au malhumanisme qui caractérise notre civilisation, l’accès à l’Éden nous sera ouvert de nouveau un jour.


Sources des illustrations: Wikipédia (Domaine public, PD-US), sites commerciaux pour les couvertures des livres recommandés, site du réseau des Églises vertes.