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mardi 1 février 2022

AUTISME. LES DESCRIPTIONS NE SUFFISENT PAS

Autisme. 
Les descriptions ne suffisent pas.

1. Prélude sur la lettre O
2. Autisme n'est qu'une description, rien de plus
3. Cause toujours
4. Une vieille tentation
5. Le racisme et son double
6. Formes du crâne
7. Les tempéraments
8. Groupes sanguins
9. Astrologie
10. DSM
11. Se connaître par ce qui va mal...


Prélude sur la lettre O

Cela m’est arrivé en août dernier, juré. Ce jours-là, je portais mon chandail imprimé «Je suis symphonique» et je suis allé faire quelques courses. Voilà qu’une dame m’arrête et me dit :

- Moi aussi je suis symphonique! Groupe sanguin O! Les O aiment la musique!

- Ah bon. Je ne suis pas O, mais j’aime quand même la musique!

Elle semblait un peu déçue. Peut-être même qu’elle a douté de mon amour pour la musique car, n’est-ce pas, ce sont les O qui aiment la musique.

C’est fou à quel point les gens semblent prêts à croire n’importe quoi – sauf la foi chrétienne dont il fallait se libérer pour s’enchaîner à de bien étranges croyances de remplacement… Et puis, cette tendance à «caser» les gens et à penser que ces cases sont toujours justes…

Or justement, «autisme» est n'est qu'une case. Et je ne suis même pas certain qu'elle soit réelle...

 Autisme n’est qu’une description, rien de plus

Je sais que le diagnostic d’autisme a aidé des gens à mieux se comprendre, souvent suite à de grandes souffrances. Je sais aussi que ce diagnostic a aidé des parents à obtenir une forme d’aide pour leur enfant qui en avait besoin. 

 
Mais d’un autre côté, je sais qu’il y a un problème avec ce diagnostic, un grand problème de fond, un problème qui est identique à celui posé par d'autres diagnostics en santé mentale. Pour résumer : le diagnostic d’autisme est un diagnostic purement descriptif qui ne dit rien sur les origines, la nature et les causes de l’«autisme» d’une personne. 

En science, un concept ne doit pas être trop
élastique. S'il l'est, c'est qu'il n'est pas adéquat.
L'immense hétérogénéité des personnes autistes
est insoutenable. 

«Autisme» est un mot qui ne fait que résumer des traits comportementaux. Pire : des traits qu’une personne n’a pas à avoir tous – les avoir plus ou moins et à des degrés divers suffit. Ce n’est pas très sérieux! En vérité, l’immense hétérogénéité des personnes ayant un diagnostic d’autisme devrait suffire à invalider ce diagnostic. Un concept scientifique  aussi hétérogène et élastique ne devrait pas être maintenu.

Fondé sur une description, le mot autisme n’explique rien et ne peut rien expliquer. Seule l’identification d’une cause peut expliquer. Or, il est extrêmement rare que la cause soit donnée avec le diagnostic. Lorsque j’ai obtenu mon diagnostic en 2007, personne ne m’a dit que l’autisme de type Asperger provient d’un ensemble de gènes anciens.

Cela fausse toute la perspective. Alors qu’aucune cause n’est identifiée, des gens en viennent à croire que l’autisme est une cause, la cause qui les fait agir de telle ou telle manière : «Si je fais ainsi, c'est à cause de mon autisme». Mais non! C’est tout le contraire! C’est parce que tu montres tels comportements qu’un spécialiste va te décrire en résumant le tout avec le mot autisme. «Autisme» n’explique rien, l’«autisme» ne cause rien : «autisme» n’est un mot qui ne fait que résumer une description, sans plus.

Cause toujours

Comparons avec une «vraie maladie». Le coronavirus SARS-CoV-2 cause la covid, sous diverses formes selon les personnes (selon leur «terrain»). Il y a un agent causal clairement identifié pour la covid, à savoir ce coronavirus. Sans lui, pas cette maladie. Le diagnostic de covid est relié à une cause.

Rien de cette précision avec l’autisme, ni avec bon nombre d’autres conditions reliées à la santé mentale. Ce n’est pas moi qui ai «découvert» cela! Dans son livre Tous fous? (Écosociété, 2013), J.-Claude St-Onge écrit avec justesse : «La science médicale consiste à rechercher les causes des maladies afin de découvrir et de mettre en œuvre des traitements ciblés. Or, le diagnostic des troubles mentaux se fait à partir de l’opinion d’experts qui colligent des listes de symptômes qui sont consignés dans la «bible» des psychiatres [le DSM et autres ouvrages de même type]. C’est ce qu’on appelle la psychiatrie diagnostique. Or, une même série de symptômes peut renvoyer à des causes très différentes et le DSM ne se prononce pas sur les causes de la maladie mentale. Cette difficulté inhérente à la psychiatrie diagnostique a pour effet potentiel d’engendrer des traitements inappropriés aux conséquences délétères» (page 26).

En science, on doit séparer ce qui provient de causes différentes. On le fait en santé du corps. L’éternuement n’est pas une maladie : c’est un symptôme qui peut avoir plusieurs causes, comme l’allergie, le rhume, la sinusite, la grippe, etc. 

L'éternuement peut être provoqué par plusieurs
causes. L'autisme aussi: l'autisme ne cause rien!
Il importe de connaître la bonne cause.

Un même comportement peut provenir de plusieurs causes différentes. On identifie la cause et on traite en conséquence. Mais très bizarrement, il n’en va pas toujours ainsi en santé mentale. L’autisme est un symptôme pouvant provenir de nombreuses causes. Or, on va rarement à la cause et le symptôme a été erronément érigé en TSA, en «maladie» précise. Puis on cherche à traiter tout le monde ayant un TSA selon les mêmes approches : à une époque, ce fut la psychanalyse (un échec), aujourd’hui c’est par les méthodes comportementalistes (un autre échec) – le tout à des coûts faramineux, hors de proportion avec la maigreur anorexique des résultats obtenus. C’est comme si l’on traitait la fièvre des foins avec des antibiotiques. Je m’excuse de devoir le dire : ce n’est pas là de la science.

Pourtant, en ce qui concerne l’autisme, une cinquantaine de causes précises ont été identifiées. Or, ces causes sont de natures très différentes les unes des autres; ces causes n’ont pas les mêmes conséquences pour la personne. Ces causes peuvent être identifiées grâce à des tests, mais on fait rarement passer ces tests. On en reste à un diagnostic descriptif. 
Voir mon article : https://antoine-ouellette.blogspot.com/2020/09/autisme-sommes-nous-autistes.html

Mais déjà ce diagnostic descriptif lui-même peut poser un problème : à partir de quand le comportement peut-il être considéré comme relevant de l’autisme? La réponse n’est pas claire et, dans les faits, elle varie selon les spécialistes. Alors, de nombreuses personnes se traînent de spécialistes en spécialistes qui leur donnent des diagnostics divergents. Souvent, ces pauvres personnes se retrouvent complètement perdues, commencent un traitement pharmacologique puis changent pour un autre et un autre encore, sans amélioration notable.
 

Une vieille tentation

Ce qui me ramène à la dame du début de cet article, celle qui me croyait de groupe sanguin O parce que j’aime la musique.

Ces diagnostics basés sur des descriptions de traits de comportements sont un avatar d’une vieille tendance, un avatar «technocratique» d’une civilisation qui clame croire en la science tout en croyant à plein de bizarreries – le succès des mouvements complotistes le montre bien. Une vieille tendance : faire des liens de cause à effet et tirer des conclusions générales à partir de simples descriptions en l’absence de preuves probantes. Avec son corollaire : classer les personnes selon certains aspects superficiels. Dans les époques antérieures, cette même tendance s’était incarnée en plusieurs «systèmes» prétendument explicatifs, y compris en médecine et en sciences humaines. J’ai mentionné le prestige qu’a (trop) longtemps eu la psychanalyse, notamment en autisme. Mais il y en a plusieurs autres, dont voici quelques exemples. Je reviendrai ensuite sur le DSM qui propose, à sa manière, un autre système pour caser et «expliquer» les personnes.

Le racisme et son double

La diversité raciale en Asie.
Nordisk familgebok, 1904


L’exemple classique de ces «système explicatifs» basés sur la description est celui du racisme. Le racisme est une tentation universelle pour tous les êtres humains – tous. Nous pourrions remplir une bibliothèque entière avec les livres prétendant expliquer la psyché humaine à partir du concept de race. Être Blanc, c’est être ainsi; donc puisque telle personne est Blanche, elle sera ainsi. Exactement comme du «Les autistes n’aiment pas le rouge – Je suis autiste – donc je n’aime pas le rouge» / Or, il s’adonne que j’adore le rouge, surtout les rouges foncés comme le Bourgogne : si je n’en ai pas le droit, je me l’arroge! La validité du concept de race est faible : une race, c’est-à-dire une physionomie partagée par un groupe de personnes, ne peut exister que si ce groupe vit en autarcie. Dès qu’il se mélange à d’autres groupes, les traits physiologiques se nuancent de mille manières. Il en va de même pour les traits culturels.

Je ne discuterai pas de racisme : tant de gens y prennent un plaisir suspect… Je laisse plutôt place à Thomas. Noir des États-Unis, Thomas Chatterton Williams a été un militant fervent, un woke, à fond. Mais la vie étant ce qu’elle est… Il a fait une entorse à ses sacrosaints principes en épousant une Française blanche. La vie étant ce qu’elle est…, il a eu une petite fille blanche à la peau toute rose et aux bouclettes toutes blondes! Il écrit : «Quand j’ai compris que ma fille serait blanche, j’ai dû me rendre à l’évidence que ma façon de voir ces choses n’avait pas de sens. J’ai compris que les catégories raciales dans lesquelles j’avais grandi et que je considérais comme évidentes ne parvenaient pas à décrire la complexité du monde. Or, peut-être que si elles ne marchaient pas pour moi, elles ne marchaient pour personne» (cité dans Le Devoir, un article fascinant que je vous recommande : https://www.ledevoir.com/monde/596834/racisme-un-choc-existentiel-ecrit-noir-sur-blanc). 

Son regard a changé, évidemment, et l’idéologie woke qu’il a longtemps défendu lui est apparue comme pétrie d’intolérance. Sur le fameux mot n**** (qu’il ose, lui, écrire en toutes lettres) : «Cela revient à rétablir le blasphème. Comme si certains mots avaient un effet mystérieux sur ceux qui les entendaient. J’y vois une forme de panique morale et puritaine. Cette volonté de “nettoyer” l’histoire en supprimant des mots n’a rien à voir avec une société libérale. Certains vont jusqu’à prétendre que les examens scolaires sont racistes et que la ponctualité à l’école serait un “privilège blanc”. Selon cette logique, les Noirs auraient des manières différentes de penser et d’apprendre. Or, c’est exactement ce qu’ont toujours dit les racistes». Quelle joie de lire des propos aussi justes! La maison Grasset qui a publié son Autoportrait en noir et blanc (2020) commente : «Réduire un nouveau-né à sa couleur de peau a-t-il un sens alors même que ses gènes et ses héritages culturels sont multiples? (…) Thomas Chatterton Williams renvoie dos-à-dos racisme ordinaire et antiracisme communautariste, il s’emploie à déconstruire les préjugés avec, pour perspective, l’avènement d’une société post-raciale». https://www.grasset.fr/livres/autoportrait-en-noir-et-blanc-9782246825586

Pour le moment et très malheureusement, les idéologies racistes avec leurs variantes «antiracistes racisées» connaissent un nouveau succès.

Formes du crâne

Diagramme de phrénologie, 1885

Si elle a moins de notoriété, la phrénologie a connu un certain succès au XIXe siècle. Selon cette théorie, la forme et les bosses du crâne d'un être humain reflètent son caractère. Apparemment, c’est de la popularisation de cette théorie que provient l’expression «Avoir la bosse des maths». Son inventeur est le médecin allemand Franz Joseph Gall (1757-1828), dont le dada était de tenter de localiser les diverses fonctions dans le cerveau. Sur ce dernier point, monsieur Gall était avant-gardiste : bien après lui, les scientifiques allaient effectivement parvenir à identifier des aires spécialisées dans le cerveau. Mais sur un autre point, il a tiré une conclusion erronée. Selon lui, le développement du cerveau en bas âge exerce une influence sur la forme du crâne : une bosse sur le crâne (et nous en avons tous) indiquerait une région du cerveau qui s’est particulièrement développée – en se développant ainsi, cette région du cerveau exerce une pression sur les os du crâne et finit par créer une bosse crânienne. Comme chaque région du cerveau est spécialisée, Gall croyait possible de déduire les talents, ou encore les limites et le caractère d’une personne en étudiant la forme de son crâne et les endroits où se trouvent des bosses. Monsieur Gall a donc fait le moulage du crâne de plusieurs personnes et il en a déduit des liens statistiques avec le caractère de ces personnes. 

Ces études ont convaincu certains : au début des années 1820, des sociétés de phrénologie sont fondées en Écosse, aux États-Unis et dans d’autres pays encore. Mais il y a des sceptiques aussi, dont le médecin français François Magendie qui qualifia tout cela de pseudo-science dès 1825. Le coup de mort fut asséné par Pierre Flourens dans un ouvrage critique paru en 1842. Par la suite, les adeptes de la phrénologie frayeront avec l’occultisme, mais quelques ouvrages à succès paraitront à l’occasion sur le sujet, notamment pour tenter de relier l’étude du crâne avec des tendances criminelles.

Depuis, on sait que les bosses du crâne «se forment au moment de la petite enfance, en fonction de la façon dont l'enfant est couché», tout simplement :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Phr%C3%A9nologie

Les tempéraments


Dessin des quatre tempéraments,
tiré de: Essai sur la physionomie
afin de promouvoir la connaissance
et l'amour de l'humanité, de Johann
Kasper Lavater, Londres, c.1790

Le médecin grec Hippocrate (v. 460-v. 370 av. J.-C.) avait développé un système classant les personnes selon quatre «tempéraments» :
Le tempérament nerveux (sec et froid), dominé par l'élément de la terre et par la «bile noire».
Le tempérament bilieux (sec et chaud), dominé par l'élément du feu.
Le tempérament sanguin (humide et chaud), dominé par l'élément de l'air.
Le tempérament lymphatique (humide et froid) est dominé par l'élément de l'eau.

Chacun de ces tempéraments est associé à un fluide corporel (dit «humeur») : sang, bile, lymphe... Chaque tempérament est davantage vulnérable à telle maladie mentale et physique. Bon, c’était il y a longtemps. Mais encore au début des années 2000, des chercheurs ont proposé des variantes de ce modèle antique. L’un d’eux classe ainsi les enfants en trois tempéraments : facile, lent à démarrer (slow to warm up) ou difficile. Il parait que cela «explique» bien des choses, ce dont je doute fortement… https://fr.wikipedia.org/wiki/Temp%C3%A9rament_(psychologie)

La richesse humaine est réduite à quatre tempéraments, celle des enfants à seulement trois. Veut-on rire?

Groupes sanguins

Autre réduction douteuse à «quatre» : la personnalité «expliquée» par les groupes sanguins. Les groupes sanguins existent, mais rien n’indique qu’ils ont la moindre influence sur notre personnalité! Le groupe sanguin ne peut pas avoir d’influence sur la personnalité tout simplement, pas plus que la couleur des yeux ou que la longueur du gros orteil.

Au Québec, le Groupe sanguin fut
un duo d'humoristes...

La même erreur que Gall avait commise pour les crânes, le professeur japonais Takeji Furukawa allait la commettre en 1927 en publiant un article dépourvu de bases scientifiques : Étude du tempérament selon le groupe sanguin. L’affaire avait une visée politique. Le Japon avait vaincu la Chine en 1895 et en occupait militairement certaines régions, notamment Formose (Taïwan). Évidemment, les Formosans se sont rebellés contre cette colonisation. Monsieur Furukawa a trouvé l’«explication» : c’est que les Formosans ont un haut pourcentage de sang du groupe O! Sa solution? Toute aussi simple : augmenter le métissage des Formosans avec de bons Japonais afin de réduire la proportion des O! Cette idéologie sanguine a même été appliquée dans l’armée impériale japonaise afin d’«adapter» l’entrainement et former de meilleurs soldats. Sans surprise, les nazis avaient déjà exploré l’idée de tempéraments selon les groupes sanguins à d’éventuelles fins militaires et de «pureté raciale», sans le moindre résultat.

Cela aurait dû en rester là mais, dans les années 1970, un journaliste japonais a recyclé ce vieux fonds de commerce en publiant un livre, toujours dépourvu de fondement, Comprendre les affinités par groupe sanguin. Bien qu’il n’y ait rien de vrai à comprendre là, l’idée est devenue très populaire dans quelques pays asiatiques à commencer par le Japon, mais aussi la Corée du Sud.

Il parait que cela cartonne toujours, jusqu’à la déraison. Des politiciens affichent leur groupe sanguin pour s’attirer des votes, des agences matrimoniales arrangent des rencontres selon les «compatibilités» sanguines, des astucieux publient des horoscopes sanguins quotidiens et des employeurs discriminent ouvertement des candidats à l’emploi en fonction de leur groupe sanguin, chose qui semble socialement acceptée! Évidemment, le filon se décline aussi en régimes alimentaires et amaigrissants selon le groupe sanguin, et de petits coquins publient sans rire des livres sur le sujet qui se vendent très bien. Il y en a pour tous les goûts! Mieux : on vend des «produits dérivés». Ainsi, «le régime des groupes sanguins est potentiellement coûteux du fait des produits dérivés vendus en ligne, censés "détoxifier" si par mégarde ou obligation une personne consommait un aliment "à éviter"».
https://www.doctissimo.fr/html/nutrition/dossiers/regimes/articles/12247-regime-groupes-sanguins.htm

Inutile de préciser que la «personnalité» de mon groupe sanguin est complètement à côté de la plaque…

Astrologie

Signes du zodiaque. Allemagne, XVIe siècle

Je vous l'avoue: je me retrouve au moins autant dans le portrait de mon signe astrologique que dans le portrait de l'Asperger! Selon la description qu'en fait l'astrologue Anne-Marie Chalifoux, je dirais que ce portrait concorde à 75%, peut-être même un peu plus, ce qui est très bon. Un indice pour les curieux: mon signe est celui qui passe pour être le plus mystérieux et difficile du zodiaque...

Je dois reconnaître que l’astrologie est un système sophistiqué que ses adeptes ont cherché à parfaire au fil des siècles. Dans l’astrologie classique, il y a 12 types, représentés par les signes du zodiaque. Chacun de ces 12 types se décline lui-même en trois décans et en douze ascendants: chaque signe se décline donc en 3 X 12 = 36 nuances. De plus, l’influence de planètes doit être considérée. Nous sommes loin d’une réduction à 4 catégories. Cela ne signifie pas pour autant que ce «système explicatif» soit fondé! Les horoscopes quotidiens publiés ici et là flirtent avec le ridicule. Comme système prédictif, l’astrologie obtient des résultats aléatoires. 

Mais l’astrologie, la «vraie», peut, sous certaines conditions, être un outil de connaissance de soi aussi valide que, par exemple, la psychanalyse. Devant une description détaillée de son signe, la personne peut entrer en dialogue et prendre conscience de certains de ses propres traits : «Ah oui, ça c’est vrai, je suis ainsi» ou, au contraire, «Cet aspect-là, en y pensant bien, je ne m’y retrouve pas». L’astrologie peut ainsi aider la personne à se positionner et, de cette manière, l’aider à mieux se connaître. Le revers est des gens prennent l’astrologie très au sérieux et lui accordent une valeur pour les guider au quotidien dans leurs décisions – comme certains se guident sur leur groupe sanguin pour trouver un «amour compatible». J’ai connu une astrologue très compétente, mais elle m’a dit qu’elle avait abandonné cette pratique parce que des incidents avec des clients lui avaient montré que cela pouvait devenir «dangereux».
https://en.wikipedia.org/wiki/Astrology

Quoi qu'il en soit, je le redis: je me retrouve au moins autant dans mon signe du zodiaque que dans le portrait clinique de l'Asperger!

DSM et compagnies

La peur de goûter un nouvel aliment a reçu l'honneur d'entrer au DSM à titre de trouble mental...
Toile de Floris van Dyck, 1613.

Ce qui me ramène au DSM (et aux autres ouvrages du genre) dont l’optique est d’expliquer la personnalité par la description. L’idée de définir et de classer des maladies mentales comme on le fait pour les maladies organiques était une nécessité. Il existe des conditions qui sont très invalidantes et qui doivent être soulagées. Mais l’approche du DSM s’est renforcée au fil du temps jusqu’à devenir normative. Ce n’était probablement pas l’intention de départ, mais le DSM a fini par devenir à son tour un système explicatif de la personne. Comme les autres systèmes mentionnés précédemment, ce nouveau système prend des allures scientifiques et savantes. De fait, il contient des éléments véritablement scientifiques. Mais il y a, ici aussi, des lumières rouges, à commencer par le fait déjà mentionné qu'il se limite trop souvent à de simples descriptions sans identification de causes - c'est justement le cas pour l'autisme.

Déjà, l’explosion du nombre de dits «troubles mentaux» devrait laisser perplexe. Dans le DSM-I publié en 1952, il n’y avait que quelques dizaines de troubles mentaux. Ces troubles menaient souvent à des hospitalisations. Dans le DSM-IV de 1994, il y en avait désormais autour de 400, chiffre largement dépassé dans le DSM-5 de 2013. Le nombre de pages du DSM a suivi la même courbe exponentielle.

Autre élargissement qui rend perplexe : l’inclusion de nouveaux diagnostics insolites et douteux. Ainsi, la peur de nouveaux aliments est devenue un trouble mental en bonne et due forme dans le DSM-5. Il se décline en variantes aux noms très savants comme néophobie alimentaire ou trouble d’alimentation sélective. Des articles cherchent à nous convaincre que c’est très grave. Nous sommes quand même loin d’une condition exigeant une hospitalisation…

Un an de peine suit au décès
d'un être cher est naturel.
Mais pas pour le DSM...

Au fil du temps, insidieusement, la barre a été abaissée à partir de laquelle on parle de maladie. «Jusqu’en 1980, date de publication du DSM-III, la souffrance d’une personne ayant perdu un être cher n’avait rien de pathologique et était considérée comme une réaction normale. Jusque-là, vous étiez réputé souffrir de dépression majeure si après un an de deuil, vous n’aviez pas réussi à surmonter votre chagrin. Le DSM-IV a réduit cette période à deux mois [!] et les promoteurs du DSM-5 ont éliminé cette phase de deux mois» (Tous fous?, page 82). Des médecins en témoignent : des gens venant tout juste de perdre un proche viennent les voir pour obtenir une prescription d’antidépresseurs, à titre «préventif»…

Des études récentes ont montré que la barre a baissé de même pour obtenir un diagnostic d’autisme (comme celles de Laurent Mottron). Ce n’est pas ce qu’officiellement le DSM voulait, mais c’est ce message implicite qui a été reçu. Du coup, il y a eu une explosion du nombre de diagnostic. Il en va de même pour le Trouble de déficit de l’attention.
https://antoine-ouellette.blogspot.com/2020/01/autisme-troubles-sur-le-spectre.html

Cet élargissement libéral de la «maladie mentale» est général au point qu’«à partir des listes de symptômes, on appose des étiquettes sur des réalités qui font partie intégrante de la condition humaine. La peine et la tristesse sont le résultat inévitable des aléas de l’existence, mais elles ne se vivent plus et sont de plus en plus considérées comme étant anormales et susceptibles d’être traitées avec des médicaments puissants qui ont le potentiel de perturber le cerveau et de transformer votre vie en cauchemar» (Tous fous?, page 26).

Au bout du compte, tout cela mène à la question de St-Onge : serions-nous tous fous? Du moins aux yeux des experts? En tout cas, à peu près tout le monde peut se trouver un ou quelques diagnostics en santé mentale. Il y en a à nouveau pour tous les goûts…

Le DSM a indirectement contribué à l’explosion de la consommation de médicaments psychotropes et à leur banalisation. Déjà avant la pandémie de covid, la consommation d’antidépresseurs progressait de manière folle - par exemple, + 400% aux États-Unis en vingt ans (Tous fous? page 33). La pandémie a encore amplifié cette envolée : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1772170/hausse-consommation-antidepresseurs-etude-pharmaciens-proprietaires


Fumerie d'opium à Londres, 1874.
Pourtant, rien n’indique que la santé mentale ne s’améliore en proportion. Pire encore. Des psychotropes sont aussi utilisés pour des maladies organiques et, pour ne donner que cet exemple tragique, des compagnies ont sciemment dissimulé le haut risque d’accoutumance et de dépendance avec les opioïdes : des milliers de personnes sont devenues des junkies à leur insu, d’où l’énorme crise des opiacés et des morts qui se comptent par dizaines de milliers. Les psychotropes, fussent-ils des médicaments, ne sont pas des bonbons.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_des_opio%C3%AFdes

Y a-t-il un lien avec le fait que l’American Psychatric Association, l’éditeur du DSM, reçoit une part importante de son financement (30% en 2006) de l’industrie pharmaceutique (Tous fous?, page 207)? Celle-ci «en outre, contribue au financement de plusieurs de ses événements. En plus de financer les ordres professionnels, les grandes pharmaceutiques versent des millions de dollars aux organisations de patients et détournent les causes défendues par ces groupes à des fins commerciales» (Tous fous?, page 207). Hum...

Se connaître par ce qui va mal...

Hieronymus Bosch: La nef des fous (c.1500)

Avec le temps, une vision de l’esprit s’est imposée, à nouveau insidieusement : une vision technocratique, médicaliste et pharmacologique. Les ouvrages qu’elle a inspirés forment une sorte de nuage qui est devenu un nouvel «outil de connaissance de soi». Significativement, cet outil table sur ce qui est anormal et sur ce qui ne va pas bien en la personne : se connaître par ce qui va mal! Cette conception est désormais intégrée au point que des gens s’identifient à ce qui est techniquement considéré comme une maladie – l’euphémisme «condition» est souvent préféré. Alors que des gens hésitent ou refusent à se reconnaître comme homme ou comme femme, des gens (assez souvent les mêmes) s’identifient fièrement comme «ayant un TSA», comme étant borderline, TDA, anorexiques, etc. Ce glissement pousse des personnes à réclamer tel diagnostic, avec cris et menaces au besoin. Il mène à la création de forums de discussions où l’on s’échange des conseils pratiques pour «réussir son anorexie» ou pour bien répondre aux questions lors d’une entrevue d’évaluation d’autisme afin de décrocher le précieux diplôme.

Cela semble être une exclusivité du domaine de la santé mental, car j’avoue ne connaître personne qui s’identifie fièrement comme diabétique, myope, fibromyalgique ou atteint de sclérose en plaques. Je ne connais pas plus de gens qui tiennent tellement à recevoir un diagnostic de cancer des os. Ce glissement idéologique pousse certains à soutenir que, comme le genre, la maladie mentale n’est qu’une «construction sociale». Qu’ils aillent dire cela à qui fait des dépressions sévères à répétition!  

Pour sortir de ces impasses et de ces déraisons, il est capital d’établir les causes d’une condition en santé mentale. Souvent les conditions les plus handicapantes ont une base génétique ou organique (notamment neurologique) qui peut être déterminée. Alors qu’on le fasse. Se limiter à la description, même pleine de mots savants, cause plus de mal que de bien.

En ce qui me concerne, je réitère ma position. Je suis Asperger. C’est un aspect de ma personne, mais ce n’est qu’un des aspects de ma personne. Ma personne ne s’y limite pas et cet aspect ne me limite pas. De cet aspect, il y a des forces et des défis. C’est ainsi, et bien ainsi. L'objectif premier de mon implication en autisme était de témoigner pour établir de l'équilibre dans un discours tout en noir. Je désirais aussi inviter les personnes autistes à oser prendre la parole, en tant que personnes à part entière et en tant que citoyens. Du coup, j'invitais les organismes et les équipes de recherche à écouter et à inclure les personnes autistes, au lieu de parler en leur nom sans leur laisser la parole.

MAIS, j'ajoute aussitôt que je suis bien plus que mon «autisme»: je suis, oui oui, une personne humaine à part entière.

Michael Ancher: La fille malade (1882)
L'époque nous incite à nous définir et à nous identifier
avec ce qui va mal... 

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