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lundi 1 avril 2024

L'ÉGLISE EST FÉMININE

L’Église est féminine.

1. Plein de saintes!

2. Moniales depuis des siècles

3. Surtout pas des potiches!

4. Mépris envers soi-même



Plein de Saintes!


Des femmes furent les premiers témoins
de la Résurrection du Christ.
Par Giuliano Amidei (c. 1470)

Récemment, quelqu’un me disait avec grande assurance qu’il n’y a pas de saintes dans l’Église. Holà! Il y en a déjà plein du côté des saintes officiellement reconnues et canonisées. Il est facile d’en trouver plusieurs en chaque siècle qui se sont écoulés depuis Jésus. Que serait l’Église sans Marie mère de Dieu, sans les femmes premières témoins du Ressuscité, sans Priscille, Félicité ou Théodora, sans Pétronille de Chemillé, Jeanne d'Arc, Hildegarde von Bingen, Jeanne Mance ou Édith Stein, sans Alphonsa Anna Muttathupadam, Kateri Tekakwitha, Catherine Labouré, Rose de Lima, Teresa de Calcutta ou Joséphine Bakhita et d’innombrables autres? Et non, ces femmes n’étaient pas toutes des religieuses consacrées : certaines étaient mariées.
Voir: Antoine Ouellette: HILDEGARDE VON BINGEN. SAINTE ET MUSICIENNE. (antoine-ouellette.blogspot.com)

«Pas de saintes» : quelle ignorance! Ou quel aveuglement, quelle mauvaise foi… Comment souvent, l’Église est critiquée à tort et à travers sur la base de préjugés. Il faudrait prendre conscience du fait que l’Église compte aujourd’hui environ 640 000 femmes consacrées, pour 460 000 hommes consacrés : il y a donc 50% de plus de femmes consacrées!

Que seraient nos paroisses sans ces femmes qui s’y impliquent et, souvent, célèbrent l’Eucharistie plus nombreuses que les hommes? Des femmes sont agentes de pastorale, théologiennes, marguillères, administratrices, chantres et organistes liturgiques, lectrices liturgiques, servantes de messe, bénévoles dans divers organismes d'Église, priantes et méditantes, etc., etc., etc.
C'est pourquoi j'ai composé une messe féminine, Missa feminina (opus 60, pour choeur féminin et piano) afin de leur rendre hommage.

«Mais Antoine, Père, Fils et Esprit Saint, c'est machiste!»: je rappelle que dans la langue de Jésus, l'Esprit est féminin. «Église» est féminin. 

 

Moniales depuis des siècles


Sainte Joséphine Bakhita (1869-1947)
Joséphine Bakhita — Wikipédia (wikipedia.org)

En Occident, le Bouddhisme semble être devenu une «religion teflon» sur laquelle rien ne colle! Mais prenons un exemple à titre de comparaison. L’Église se fait fustiger pour la place qu’elle donne aux femmes. Personne ne formule une telle accusation à l’égard du Bouddhisme, et pourtant les femmes y occupent une place nettement inférieure aux hommes. Il aura ainsi fallu attendre 2013 pour qu’une première femme puisse se faire moniale bouddhiste en Thaïlande.
https://www.scienceshumaines.com/le-bouddhisme-une-religion-tolerante_fr_12908.html


Qu’en est-il du côté du «misogyne» et «patriarcal» Christianisme? Il y a des femmes moines, des moniales, depuis le IIIe siècle, peut-être même plus tôt encore. Si saint Benoît de Nursie (c.480 – 545) passe pour être le père des moines d’Occident, il faut savoir que sa sœur jumelle, Scholastique (480-547), a fondé le premier monastère féminin ayant adopté la Règle de saint Benoît (il est loin d’être impossible qu’elle ait collaboré à sa conception et à sa rédaction). Elle est une sainte dûment reconnue!

https://fr.wikipedia.org/wiki/Scholastique_de_Nursie

Saint François d’Assise a fondé l’Ordre des frères mineurs en 1210 (les Franciscains). Il faut savoir que Claire, son amie et disciple, en a fondé le pendant féminin, l’Ordre des Pauvres Dames (les Clarisses) dès 1212. Elle fut déclarée sainte le 26 septembre 1255.


L'Abbaye de Fontevraud et ses environs vers 1699.
Cette abbaye prestigieuse a toujours été dirigée
par des femmes.


Les monastères chrétiens féminins ont toujours été dirigés par des femmes. Dans les monastères féminins où l'on chante le Grégorien, ce sont bien évidemment les femmes moniales qui le chantent: elles n'invitent pas un groupe de gars pour venir le chanter à leur place! Les monastères féminins dépendent, en partie, de l’évêque de la région où ils sont implantés et certaines Abbesses ont eu maille à partir avec de ces évêques; mais la chose est tout aussi vraie pour les monastères masculins.

Il y a même eu des femmes qui ont dirigé des monastères doubles, avec une aile pour les moniales et une autre pour les moines : ce fut le cas d’Hildegarde von Bingen, sainte Hildegarde, au XIIe siècle. Comme aussi Pétronille de Chemillé. Tenez-vous bien! Belle et intelligente, elle s’est mariée deux fois. Après le décès de son deuxième mari en 1111, elle décide de se faire religieuse. En 1101, Robert d’Arbrissel avait fondé l’abbaye de Fontevraud, un monastère double qui accueillait femmes et hommes «priant ensemble et sous la direction d'une seule personne, mais vivant et travaillant dans deux cloîtres séparés».

Robert dirigea ce monastère pendant quelques années, puis il décida de repartir en mission itinérante pour propager l’Évangile. Aussi surprenant que cela puisse nous sembler, Robert a tenu à ce qu’une femme lui succède. Ce fut tout d’abord Hersende de Champagne, puis Pétronille de Chemillé. Pétronille dirigea donc ce monastère double appelé à devenir prestigieux. En 1142, elle quitte ses fonctions pour fonder l'Abbaye de Boulaur où vit toujours une communauté d’une vingtaine de moniales. Elle décédera en 1149. Jusqu’à la Révolution, l’abbaye de Fontevraud sera toujours dirigée par une femme : pas moins de trente-six femmes se sont succédé à ce poste. Mais en 1792, les lieux furent vandalisés, par des hommes laïcs des Lumières (!), la centaine de religieuses dispersée par la force et, en 1804, Napoléon transforma l’abbaye en prison - belle évolution spirituelle d’un empereur qui rétablira l’esclavagisme… Les gars, grrr, vous m’agacez!

Surtout pas des potiches!

Femme mariée, Priscille fut
une proche collaboratrice
de saint Paul.
Dessin par Harold Copping. 


«Oui mais Antoine, ces femmes se sont inclinées devant les hommes d’Église et se sont mises à leur service!». Parmi la multitude de saintes se trouvent bon nombre de femmes de pouvoir et de femmes au fort tempérament. Ces femmes ne sont pas des potiches!

Voici Adélaïde de Bourgogne. Née vers 931, elle fut reine de Germanie puis impératrice du Saint-Empire. On oublie souvent qu’en l’antiquité chrétienne et au Moyen âge, impératrices et reines étaient, tout comme leurs pendants masculins, de véritables politiciennes qui dirigeaient l’État dont elles avaient la charge : rien à voir avec leur rôle protocolaire dans l’actuelle monarchie britannique. Adélaïde a donc réellement dirigé son empire, en devant se colletailler à l’occasion avec des hommes qui voulaient prendre sa place. L’un d’eux, Béranger II, l’a fait rouer de coups et jeter en prison! Mais même au fond de son cachot, elle lui tint tête et reprendra ses fonctions. Naviguant entre des rivalités de famille, Adélaïde dirigea de main de fer mais avec un constant souci de justice et de charité, à la grande satisfaction de ses sujets. Sa devise de femme d’État provenait du Psaume 66 : «Tu gouvernes les peuples avec droiture». À la fin de sa vie, elle s’est retirée au monastère double de Seltz qu’elle avait fondé. Décédée en 999, elle sera canonisée en 1097. La fête liturgique de sainte Adélaïde est le 16 décembre, et elle est invoquée pour résoudre les problèmes familiaux.


Sainte Catherine de Sienne,
par Andrea Vanni, c.1400


Des nunuches, ces femmes?! Au XIVe siècle, alors que prélats, cardinaux et papes faisaient bombance au Palais d’Avignon, une voix forte dénonça – lisez bien cela : «L’égoïsme a empoisonné tout le monde et le corps mystique de l’Église. L’ivraie fétide a poussé dans le jardin de l’épouse du Christ. Vous êtes pingres, cupides, avares! Dans votre vanité débridée, vous bavardez et vous ne visez qu’au bien-être. Ce que le Christ a acquis au bois de la croix, vous le gaspillez avec des putains! [Vous, les clercs], vous n’êtes pas des fleurs odorantes, mais une puanteur qui empeste tout l’univers! Vous devriez être des anges sur Terre, mais vous êtes devenus des démons!»
Jouissif, n’est-ce pas?! Cette voix était celle de Catherine de Sienne, décédée trop tôt d’anorexie à l’âge de 33 ans en 1380. Avait-elle été emprisonnée pour de tels propos? Pas du tout. Torturée par l’Inquisition? Pantoute! Les clercs savaient fort bien en leur cœur qu’elle disait vrai. Catherine sera canonisée en 1461, déclarée docteure de l’Église en 1970 et faite l’une des saintes patronnes de l’Europe en 1999. Des honneurs. Qu’elle aurait vomis! Car si on l’a écouté, on n’a pas changé, pas plus que l’on n’avait changé suite aux exhortations de saint François d’Assise deux siècles plus tôt. Les mêmes hauts clercs de l’Église allaient s’entourer d’un luxe encore plus grand à la Renaissance.
Voir : Sainte Catherine de Sienne, citée dans : Christian Feldmann : Les rebelles de Dieu. Montréal : Éditions Paulines, 1987. Ses propos cités sont aux pages 45 et 68.

 

Mépris envers soi-même


Sainte Édith Stein, 1920

Répéter à satiété que les femmes n’ont pas de place dans l’Église revient à ignorer, peut-être même à mépriser toutes ces femmes et leurs œuvres. C’est aussi mépriser l’Église. C’est généraliser à partir de déviances plus ou moins locales envers les femmes.

Le fait que les femmes ne peuvent être ordonnées prêtres est l’arbre qui, malheureusement, cache la forêt. Pourtant, aucune, aucune des femmes mentionnées précédemment n’a exigé de devenir prêtre, pas même la plus puissantes des saintes reines, pas même Édith Stein qui, Juive de naissance, intellectuelle de haut vol et assistante du philosophe Husserl, fut une féministe radicale avant sa conversion.

Cela n'a pourtant jamais empêché des femmes d'œuvrer en Église et d'inspirer celle-ci. Décédée de la tuberculose à 24 ans en 1897, Thérèse de Lisieux est l'autrice du livre Histoire d’une âme qui, publié après son décès, a été imprimé depuis à plus de 500 millions d’exemplaires: quel rayonnement! «La nouveauté de sa spiritualité, appelée théologie de la «petite voie», de l'enfance spirituelle, a inspiré nombre de croyants. Elle propose de rechercher la sainteté, non dans les grandes actions, mais dans les actes du quotidien même les plus insignifiants, à condition de les accomplir pour l'amour de Dieu». Pour ses écrits, sainte Thérèse sera proclamée Docteure de l’Église en 1997.   https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9r%C3%A8se_de_Lisieux

Ces femmes auraient-elles compris quelque chose que nous n’avons pas compris ou que nous avons oublié? Le Pape François a raison de souhaiter une place «plus incisive» pour les femmes dans l’Église, mais les oreilles me cillent lorsque j’entends des féministes catholiques exiger d’«exercer le pouvoir» dans l’Église – l’idée de l’Église comme lieu de pouvoir et, du coup, de luttes de pouvoir s’est discréditée à de nombreuses reprises au cours de l’histoire ecclésiale, et l’Église n’a jamais été autant héroïque et inspirante qu’aux temps où elle avait peu ou pas de pouvoir. 

Châsse de sainte Claire d'Assise dans la basilique
qui lui est dédiée à Assise.


Plutôt que de cabotiner à écrire «Dieue», il serait bien de se rappeler la contribution des femmes depuis le Christ; il serait bon de nous ouvrir les yeux sur le dévouement de femmes dans l’Église aujourd’hui. Et de prendre acte d’un fait étonnant et inattendu : aucune grande religion n’a donné autant de place aux femmes, depuis si longtemps. C’est tout sauf un hasard que les droits des femmes se soient développés en premier lieu dans des pays chrétiens. «Mais Antoine, l’Église est contre l’avortement!» : n’oubliez pas qu’il y a des femmes pro-vie, dont l’une est juge à la Cour suprême des États-Unis… En février 2023, quatre femmes de renom ont démissionné du Chemin synodal allemand pour protester contre sa dérive pseudo-progressiste. https://omnesmag.com/fr/nouvelles/quatre-femmes-quittent-le-synodal-path/
Je signale qu’un des évêques «progressistes» responsable de cette dérive allemande a depuis dû démissionner en raison, eh oui, d’un scandale sexuel. Ce «progressisme» est de l’hypocrisie pure et simple, et de la volonté de pouvoir – à fuir! http://www.belgicatho.be/archive/2023/03/26/demission-d-un-eveque-allemand-figure-de-proue-du-chemin-syn-6435121.html

Sainte Thérèse de Lisieux
à 15 ans

Dans un autre registre, l’accusation de misogynie colle à l’Église, alors même que de nouvelles idéologies christianophobes participent à l’invisibilisation des femmes. Voir par exemple en France : https://www.marianne.net/agora/tribunes-libres/quand-nous-toutes-exclut-les-femmes  Dans cette lettre ouverte, plus de 400 femmes ont dénoncé cette situation : «Il nous est devenu impossible de parler des problèmes sexo-spécifiques sans être cataloguées de «transphobes». Il nous est devenu impossible de parler de précarité menstruelle, de violences gynécologiques et obstétricales, d’excision, de mariage forcé, de droit à l’avortement, de néonaticide fondé sur le sexe, de déportation et de la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle, de clitoris ou encore de cancer du sein, et ce, au sein même des mouvements censés lutter pour rendre visible ces violences machistes et les condamner. Cette situation absurde doit cesser». En effet... 


*        *        *

C'est une sainte et non un saint
qui est patron(ne) des musiciens:
sainte Cécile de Rome.
Toile de Guido Reni, 1606


L'Église catholique n'est pas féministe (du moins, pas au sens que le XXe siècle a donné à ce mot), mais elle est beaucoup plus féminine qu'on le pense et le dit souvent. Une partie du Moyen âge occidental s'était déroulée sous les lois celtes qui tendaient vers l'égalité entre hommes et femmes. Les lois d'inspiration romaine se sont ensuite peu à peu imposées jusqu'à devenir la norme à la Renaissance, et ces lois ont effectivement marqué un recul pour les femmes. Mais cette situation ne pouvait pas durer éternellement...

Cela dit, il est bon de se rappeler ce qu'est l'Église. Elle est d'abord et avant tout une communauté de foi et de prière, non une organisation politique temporelle. Elle n'est pas non plus une organisation caritative: ses œuvres caritatives découlent de la foi dont elles sont une expression. Mais sans cette foi première, les œuvres caritatives de l'Église ne seraient qu'utiles... jusqu'à ce que les sociétés n'aient plus besoin d'elles.

Je ne crois vraiment pas qu'il serait bien que l'Église se conjugue en «...-iste»: féministe, écologiste, altermondialiste, socialiste, etc. Elle est trop diversifiée pour gagner à se réduire ainsi - car oui, l'Église est une institution très diversifiée, la plus diversifiée qui soit, au point que son unité à travers les siècles tient du miracle, et d'un miracle qui ne suffit pas toujours entièrement. Mais si la foi s'estompe, les divers «...-ismes» nous séduiront, trompeusement. Les «...-ismes» progressent lorsque la foi régresse. Je veille à ne pas prendre des vessies pour des lanternes. 


Source des illustrations: Wikipédia (Domaine public, PD-US)