Nikolaï
Miaskovsky
Vingt-sept
Symphonies chez les Soviets
Première
partie
1. Être
artiste en contexte totalitaire
2. Romantisme
moderne
3. Groupe
1 : Noirceur assumée! / La vie secrète
4. Groupe
2 : Blocs solitaires / Le cavalier de bronze
5. Groupe
3 : Une manière de prolongement / Associations rivales
Cet
article fait suite à l’article précédent sur la musique soviétique :
http://antoine-ouellette.blogspot.com/2020/06/musique-sovietique-staline-jdanov-et.htmlMiaskovsky, étudiant en génie militaire, en 1900 |
Cette
série de deux articles vous fera découvrir ce compositeur trop peu connu et, à
travers lui, une époque incroyable. Les passages concernant la musique
elle-même seront dans une couleur différente (vert) des passages racontant sa
vie. Si vous ne connaissez pas la technique musicale, vous pourrez sauter les
passages plus analytiques.
Être
artiste en contexte totalitaire
Miaskovsky
était né le 20 avril 1881, à Modlin, près de Varsovie, aujourd’hui en Pologne
mais dans l’Empire russe à l’époque. Il a vécu une époque extrêmement
tumultueuse : Miaskovsky a connu successivement les dernières décennies
des Tsars, la Première guerre mondiale (où il servira dans l’armée russe sur le
front), la Révolution bolchévique (qui triomphe en octobre 1917), les années
fiévreuses sous Lénine, la tyrannie extrême de Staline, la Deuxième guerre
mondiale, et les années de la «Staline mania» d’après-guerre. Ouf! Une vie sous
les canons et la terreur! Sa musique porte les échos de toute cette agitation
de l’Histoire.
Lénine, par Isaac Brodsky (1919) |
Pour
comprendre la musique de cette époque et, donc, celle de Miaskovsky, il faut
aussi comprendre que les compositeurs ont vécu sous le joug d’un système
totalitaire n’hésitant pas à recourir aux crimes contre l’humanité pour assurer
l’exclusivité de son pouvoir. Par définition, totalitaire implique le
tout : le système communiste contrôle tout, tous les aspects de la vie. Y
compris l’art et la musique. Après que Lénine ait pris le pouvoir en 1917 (et
fait assassiner le Tsar et sa famille : «On ne fait pas d’omelette sans
casser des œufs»), il s’est lancé dans un vaste chantier de réingénierie du
pays : on rase tout et on repart «à neuf»! L’idée de base est
simple : toute propriété privée est interdite; tout est nationalisé,
étatisé et collectivisé, sous la direction du Parti communiste, parti unique
prétendant représenter le «peuple». Aucune opposition n’est tolérée, car
s’opposer au Parti est s’opposer au peuple et donc être «ennemi du peuple»,
crime passible de mort.
Destruction d'une église à Moscou sous Staline |
Le
pouvoir demande (exige) la «collaboration» des artistes à l’édification de la
«société parfaite». La doctrine du «réalisme socialiste» est inaugurée dès les
années 1920 : les artistes doivent se mettre «au service du peuple» en
faisant la louange du Nouvel Homme et d’une vie radieuse sous la direction sans
faille du Parti.
Pour
les artistes, quelle attitude adopter alors? Certains adhéraient vraiment à ce
système et mettaient leur art à son service et à celui du «peuple» en se
conformant aux diktats du régime. D’autres manifestaient une opposition
ouverte : cette option avait souvent de fâcheuses incidences sur la
carrière du musicien, voire même sur son espérance de vie! Mais pas toujours :
la pianiste Maria Youdina critiquait ouvertement son ami Staline, «Camarade
Joseph», lui écrivait des lettres lui disant qu’elle priait «pour que Dieu te
pardonne tes nombreux péchés». Pourtant, Staline la respectait; mieux, il lui
donnait de l’argent de sa poche pour aider sa carrière, argent que Maria lui
disait verser pour la restauration d’églises! Molotov et Beria, les deux pires
sbires de Staline, auraient bien voulu à tout le moins l’envoyer dans un camp,
mais Staline les a sommé de la laisser tranquille. Une autre option, radicale,
était de fuir le pays. Plusieurs compositeurs ont fait ce choix au début des
années 1920, dont le plus connu est Serge Rachmaninov. Ces artistes n’avaient
aucune illusion sur ce qui était en train de se passer, et ils ont décidé de
quitter rapidement avant que les frontières du pays ne soient hermétiquement
fermées. Quant à Igor Stravinsky, il était déjà en France et en Suisse lorsque
la Révolution triompha : pour lui, il n’était absolument pas question de
retourner en Russie, car l’idéologie communiste lui puait carrément au nez.
Serge Prokofiev quitta aussi pour entreprendre une carrière internationale. Mais
en 1933, il fit le pari naïf de retourner en URSS : il croyait y être
accueilli en héros, mais il se fit plutôt saisir dans un étau impitoyable. La
dernière option était d’adopter un «profil bas» en donnant de temps à l’autre
quelques gages de «bonne volonté» au régime, tout en tentant de préserver une
part plus ou moins grande de liberté créative.
Rachmaninov, par K. Somov. Il choisira l'exil. |
Cette
dernière option, celle d’un «exil intérieur», fut celle de Miaskovsky. Il a
effectivement composé quelques pièces de «propagande», notamment des marches
militaires et des chants pour l’aviation soviétique. Il a dédié à Staline son
Ouverture de bienvenue (opus 48), mais sans que le nom du dictateur ne figure
dans le titre. D’un autre côté, il n’a pas inclus ces pièces dans ses œuvres
officielles, celles portant un numéro d’opus (sauf l’Ouverture de bienvenue).
Miaskovsky a reçu cinq Prix Staline au cours de sa carrière, dont le dernier à
titre posthume. Mais tous ces prix furent non pas pour des pièces célébrant le
régime, mais pour des œuvres de musique pure, donc sans aucun contenu
politique : Symphonie #21 (en 1941), Quatuor à cordes #9 et Concerto pour
violoncelle (en 1946), Deuxième Sonate pour violoncelle et piano (en 1950), et
le prix posthume en 1951 pour la Symphonie #27 et le Quatuor #13, deux œuvres
créées après le décès du compositeur. Dans son œuvre avec opus, seules les
Symphonies #12, 16 et 22 sont liées à la vie soviétique et, de celles-ci, seule
la Symphonie #12 peut être considérée comme une «compromission» avec le régime.
Bref, nous sommes très loin d’un «compositeur officiel» du régime communiste.
Dans des circonstances d’un totalitarisme, Miaskovsky a, au contraire, très
bien protégé son intégrité artistique.
Son
ami Serge Prokofiev s’est bien davantage compromis en écrivant, notamment, deux
opéras de propagande (Semyon Kotko, L’histoire d’un homme authentique), un
oratorio de la même eau (La garde de la paix), un Hymne à Staline – toutes des pièces incluses dans ses
opus officiels. Son comportement fut pour le moins disgracieux envers sa
première épouse qui sera enfermée dans un camp en Sibérie…
Chostakovitch: vraiment un «opposant»? |
En 1970, il a composé un cycle
de huit ballades pour chœur d’hommes, Fidélité (opus 136), sur des poèmes
louangeant le marxisme-léninisme dus au très officiel Yevgueny Dolmatovsky – il
m’est impossible de ne pas voir dans le titre même de Fidélité un aveu de
fidélité au régime. Si ce genre d’œuvres pouvait se comprendre de la part d’un
opposant désireux de temporiser à l’époque de Staline, il devient pour le moins
gênant en 1970, alors que l’URSS est sous le joug de l’incompétent
néo-stalinien Léonid Brejnev! Dans ses Mémoires, Chostakovitch a d’ailleurs eu des
mots très durs contre des dissidents, dont Maria Youdina et l’écrivain
Soljenitsyne. Et jamais il n’y mentionne Miaskovsky!
Ces
quelques exemples illustrent la complexité de la situation des compositeurs à
l’époque. Ils font aussi ressortir l’exemplarité de Miaskovsky.
Romantisme
moderne
Prokofiev et Miaskovsky |
Serge
Prokofiev et Nikolaï Miaskovsky ont lié une amitié à vie lorsqu’ils se sont
connus au Conservatoire de Moscou. Miaskovsky était alors un «élève âgé» et il
avait dix ans de plus que son ami. Une amitié durable et un peu
surprenante : Prokofiev n’était jamais à court de mots sardoniques pour
critiquer la musique de ses confrères, et celle de Miaskovsky était très
différente de la sienne. Des contraires / confrères complémentaires, peut-être.
Prokofiev a bien résumé le style de Miaskovsky : «Miaskovsky est davantage
un philosophe. Sa musique est pleine de sagesse, passionnée, sombre et
profondément introspective (…). Le public est le dernier de ses soucis. Sa
musique atteint des sommets d’expression et de beauté (…). Tout ce qu’a écrit
Miaskovsky est profondément personnel et d’une intuition psychologique
admirable. Mais cette musique n’est pas de celles qui deviennent rapidement
populaires».
Je
trace un portrait plus détaillé de cette musique.
Elle
est russe. On y trouve ces mélodies expansives typiques de l’école russe. Elle
se situe davantage dans l’optique «occidentaliste» de Tchaïkovski (1840-1893)
que dans celle, nationaliste, du Groupe des Cinq, quoique Miaskovsky ait édité
les œuvres de jeunesse de Glinka (1804-1857), pionnier de ce courant
nationaliste. Sans en être absent, l’élément populaire, folklorique, n’occupe
pas une grande place dans les Symphonies de Miaskovsky. Mais ces mélodies
expansives russes prennent souvent des sonorités plus âpres, hiératique :
ce n’est pas la musique la plus confortable et flatteuse qui soit!
Il
n’y a pas d’ironie ou de sarcasme dans la musique de Miaskovsky, ce qui la
distingue nettement de celle de Prokofiev et de Chostakovitch.
Son
caractère introspectif est souligné par une prédilection pour les registres
médium et grave de l’orchestre. Plusieurs symphonies s’ouvrent dans le grave.
Violoncelles, contrebasses, clarinette basse, cor anglais, bassons,
contrebassons, cors, trombones, tuba ont la belle part! Paradoxalement, cette
musique est transparente : on y entend tout, même dans les sommets les
plus sonores et les passages contrapuntiques les plus touffus. Jamais un plan
sonore n’en enterre un autre. Mais il y a aussi des passages aériens dans ces
Symphonies et le registre aigu n’en est pas absent! Miaskovsky est relativement
économe avec la percussion : les timbales demeurent le premier instrument
de cette section de l’orchestre; il utilise peu de percussions «exotiques». Mais
il semble préférer les cymbales suspendues à la paire de cymbales frappées
l’une contre l’autre.
Ce
caractère introspectif donne la primauté aux tempos modérés et lents. Plusieurs
Symphonies commencent avec une introduction lente. Le mouvement lent d’une Symphonie
en est presque toujours le cœur émotionnel sinon même formel. Du coup, il n’est
pas indiqué que les chefs d’orchestre en rajoutent : j’ai entendu quelques
interprétations d’une lenteur épouvantable qui défigure cette musique.
Avec
ses longues et puissantes gradations, cette musique n’est pas sans rappeler
celle de Bruckner, dans un style plus moderne. Avec celle de Bruckner, de
Sibelius et de quelques autres, elle est l’une des rares, à mon avis, à pouvoir
atteindre un grandiose sans grandiloquence, en donnant lieu à des moments
extraordinaires où, pour reprendre les mots de Sibelius, «le Ciel s’ouvre».
Cette
musique est tonale, mais les accords parfaits, majeurs ou mineurs, n’y
triomphent pas souvent. Ils sont comme contestés par des sauts brusques de
tonalités, des agrégats harmoniques complexes (évoquant Scriabine), un
chromatisme occasionnellement proche de l’atonalité. Miaskovsky a un certain
goût pour les tonalités plus rares : les tonalités avec 4 dièses à
l’armure (une Symphonie en do dièse mineur, et une en mi majeur), 4 dièse (Sol
dièse mineur, tonalité extrêmement rare à l’orchestre!), 4 bémols (deux
Symphonies en fa mineur), 5 bémols (deux en si bémol mineur, une en ré bémol
majeur) et 6 bémols (une en mi bémol mineur). Mais n’exagérons pas car trois
Symphonies sont en do majeur!
Cette
musique est peut-être celle qui, chez les Russes, fait le plus usage du
contrepoint. On y trouve nombre d’imitations, de canons, de fugatos. Outre une
inclination personnelle, ce trait rare pourrait aussi venir de l’influence du
compositeur Sergueï Taneïev qui dirigea le Conservatoire de Moscou jusqu’en
1905 (il est décédé en 1915) et qui, expert en contrepoint, avait écrit des
livres sur le sujet.
Voilà
donc en gros cette musique. Mais je vous invite à entrer un peu plus en cet
univers que j’ai divisé en six groupes de Symphonies (pour la commodité, mais
pas arbitrairement). L’exploration de chaque groupe nous permettra d’aborder
des aspects de la vie et de la musique en URSS en l’une des périodes les plus
agitées et cruelles de l’histoire humaine.
Presque
toutes les Symphonies de Miaskovsky peuvent être écoutées sur YouTube. Mais je
ne suis pas certain de la légalité de tous ces téléchargements. Certaines
interprétations me semblent très et trop lentes. Je vous recommande donc en
premier les interprétations d’Evgueni Svetlanov, d’Alexander Titov et du
Britannique Edward Downes, spécialiste de la musique soviétique. Je suggère ces
quatre belles interprétations :
Symphonie
#21 – l’une des plus accessibles et courtes. En concert, dirigée par Dimitri
Vasiliev :
Symphonie
#9, dirigée par Sir Edward Downes:
Symphonie
#24, en concert, dirigée par Vladimir Jurowsky :
Symphonie
#25, en concert, dirigée par Evgueni Svetlanov :
Groupe
1. Noirceur assumée! /
La vie secrète
Symphonie
#1, en do mineur (opus 3; 1908). En trois mouvements. 1. Lento ma non troppo -
Allegro / 2. Larghetto / 3. Allegro assai e molto risoluto / 4. Durée approximative : 41 minutes.
Symphonie
#2, en do dièse mineur (opus 11; 1910-11).
En trois mouvements. 1.
Allegro / 2. Molto sostenuto – Adagio serioso ma espressivo; attaca : / 3.
Allegro con fuoco. Durée approximative : 47 minutes.
Symphonie
#3, en la mineur (opus 15; 1914). En deux mouvements. 1. Non troppo vivo,
vigoroso / 2. Deciso e sdegnoso. Durée approximative : 46 minutes.
Symphonie
#4, en mi mineur (opus 17; 1917-18). En
trois mouvements. 1. Andante, mesto e con sentimento – Allegro appassionato ma
non troppo vivo / 2. Largo,
freddo e senza espressione / 3. Allegro energico e marcato. Durée approximative:
41 minutes.
Symphonie
#5, en ré majeur (opus 18; 1918-19). En quatre mouvements. 1. Allegro amabile /
2. Lento / 3. Allegro burlando /
4. Allegro risoluto e con brio. Durée approximative: 44 minutes.
Symphonie
#6, en mi bémol mineur (opus 23; 1921-23).
En quatre mouvements. 1. Poco largamente – Allegro feroce / 2. Presto tenebroso
/ 3. Andante appassionato / 4. Molto vivace Durée approximative : 65
minutes. Le Finale existe en deux versions, l’une avec chœur et l’autre sans
chœur.
Miaskovsky
reconnaissait que ses premières œuvres étaient «très pessimistes». Dans sa
jeunesse, il était un vrai romantique, un vrai artiste tourmenté! Il est
difficile de préciser la nature de ses tourments, car Miaskovsky était un homme
secret et discret auquel on ne connait aucun amour partagé et qui a détruit
presque tous les carnets de son journal personnel.
L'autre grande série de Miaskovsky: les Quatuors. |
La
Symphonie #1 date des années de sa formation au Conservatoire de Moscou.
Miaskovsky dira : «La composition de ma Première Symphonie a déterminé mon
existence. Je compris que cette forme musicale serait celle où je chercherais
toujours à m’exprimer. Le théâtre ne m’a jamais attiré, pas plus que l’opéra ou
le ballet». Souvent, la Symphonie passe pour un genre «grand public»,
contrairement au Quatuor à cordes qui est vu comme le refuge des inspirations
les plus personnelles d’un compositeur. Cette différence ne vaut pas pour
Miaskovsky qui, paradoxalement, confie l’entièreté de son âme à l’orchestre. En
général, ses Quatuors sont intimistes, lyriques et d’un accès plus immédiat que
ses Symphonies.
Cette
Symphonie #1 inaugure en do mineur le cycle des Symphonies qui se terminera
aussi en do mineur avec la 27e : Se sachant atteint d’un cancer
incurable, il bouclera la boucle, et il posera le même geste dans ses 13
Quatuors à cordes : le dernier sera en la mineur comme le premier. La
Symphonie #1 débute de manière déjà typique avec les seuls violoncelles et
contrebasses à l’unisson, des sonorités graves en tempo lent. Les autres cordes
s’ajoutent peu à peu dans un fugato, autre aspect typique de sa musique (le
contrepoint). Signature encore : ce début est un très long crescendo de
trois minutes, qui mène à Allegro. Le mouvement le plus réussi de cette œuvre
me semble toutefois le dernier, avec son thème piquant qui s’accroche dans
l’oreille! Un Finale qui fait grand usage du contrepoint, à nouveau.
La
Symphonie #2 est plus mature : tout Miaskovsky y est déjà, mais comme «en
négatif». Elle commence directement sur un Allegro, mais quelques secondes sont
à peine écoulées que des forces introspectives viennent freiner l’élan initial,
et longuement. Toute l’œuvre semble ainsi faite : des élans constamment
rompus. Pour cette raison, c’est peut-être la moins accessible de ses
Symphonies, ni l’une des meilleures, à mon avis.
À
ces deux œuvres, on peut préférer deux autres pages orchestrales de la même
époque : le poème symphonique Silence (opus 9; 1909-10), d’une noirceur
absolue mais d’une forme parfaite : les amateurs de musiques angoissées
seront ravis -, et la jolie Sinfonietta en la majeur (opus 10; 1910-11), eh
oui, une pièce heureuse et légère du jeune Miaskovsky!
En
dépit de quelques inégalités, la Symphonie #3 est une grande réussite. Le
second de ses deux vastes mouvements contient des pages dignes d’une
anthologie : le premier thème, abrupt unisson de tout l’orchestre, haché
et brisé de courts silences, est impressionnant. Après des développements
tumultueux, les dernières minutes forment une immense marche funèbre qui
s’amplifie sans cesse, avant de plonger dans les abysses les plus sombres. En
comparaison, le Metal est de la musiquette d’ascenseur!
Nicolas II, dernier Tsar, par Koustodiev. |
Miaskovsky
avait vécu des deuils précoces : il a perdu sa mère à 9 ans, puis son
frère aîné est décédé de tuberculose à l’adolescence. Son père, Yakov, était
général de l’armée russe et le jeune Nikolaï a reçu une éducation assez
stricte. Son père tenait à ce qu’il joigne l’armée et Miaskovsky devint en
effet ingénieur militaire. Par contre, il a pu mener de front des études
musicales avec ses études militaires. De 1906 à 1911, il s’est consacré
exclusivement à ses études au Conservatoire de Moscou. Mais la Première Guerre
mondiale éclate en 1914 et Miaskovsky est rappelé par l’armée. Il ira sur le
front, en Autriche, donc il sera aux premières loges de l’horreur… et du danger.
Il est victime d’une sévère commotion cérébrale suite à l’explosion d’un obus. Rétabli,
Miaskovsky est envoyé à Tallinn en Estonie pour travailler sur des
fortifications maritimes. En 1917, l’armée russe change d’allégeance avec la
chute du dernier Tsar et la victoire de la Révolution bolchévique. Miaskovsky
se retrouve alors dans l’Armée rouge. En 1918, il assiste à l’assassinat de son
père, sur le quai d’une gare, tué par un fanatique communiste. Démobilisé de
l’armée en 1921, il est nommé professeur de composition au Conservatoire de
Moscou, poste qu’il occupera jusqu’à la fin de sa vie. Il a été apprécié au
point qu’on disait de lui qu’il représentait la «conscience musicale de
Moscou». En cette ville, il partagera un logement avec sa sœur Valentina (dont
le mari s’était suicidé à cause de difficultés financières) et la fille de
cette dernière.
Les
Symphonies #4 et #5 ont été écrites en parallèle au cours des années
dramatiques 1917-19.
La
Symphonie #3 se terminait par une mise au tombeau; la Symphonie #4 commence par
un retour progressif à la vie. Une flûte complètement seule joue de courts
motifs de deux notes ascendantes entourés de silence. Les clarinettes viennent
discrètement harmoniser. Cette extraordinaire musique, solennelle et
dépouillée, dure quelques 70 secondes avant que ne s’ajoutent les cordes. En
une immense progression sonore, la vie revient. Mais ce retour arrive dans les
combats avec un puissant Allegro, l’un des mouvements les plus forts de
Miaskovsky. Cette lutte se poursuit dans les deux mouvements suivants, aussi
inspirés : le mouvement lent fait se collisionner des blocs harmoniques
massifs comme des montagnes; une mélodie aérienne à la flûte, sur des trémolos
légers des cordes, allège le climat. La lutte reprend mais ce mouvement central
se terminera sur une note apaisée… juste avant un Finale belliqueux! Dans les
derniers instants, le mode majeur parvient à s’imposer : une première dans
une Symphonie de Miaskovsky! Celui-ci considérait que la Quatrième était l’une
de ses meilleures Symphonies et il en était particulièrement fier, avec raison.
Le
mode majeur conquis, la Symphonie #5 est en ré majeur. Elle commence par de
doux balancements des cordes, sur lesquels la clarinette joue un thème d’allure
un peu orientale. Ce premier mouvement apporte des moments lumineux, presque
dansants, mais son autre thème est imposant et hiératique, comme une statue
monumentale. C’est bien beau le mode majeur, mais on ne renonce pas pour autant
à l’introspection! Le mouvement lent qui suit se déroule en un climat
fantasmagorique, avec des passages rappelant des moments de la Symphonie #4.
Une mélodie éplorée du hautbois donnera lieu à ces puissantes gradations
sonores progressives typiques de Miaskovsky. Les deux mouvements qui suivent
durent ensemble autant que le seul premier mouvement ou que le seul second
mouvement. Le brillant Allegro burlando est le premier mouvement de type
«scherzo» dans une Symphonie de Miaskovsky. Le Finale s’ouvre avec un thème vif
et chaleureux, un peu à la manière de Borodine; un second thème est plus
martial. Dans la conclusion, le «thème statue» du premier mouvement revient,
immense et intimidant.
Avec
ses 65 minutes, la Symphonie #6 est la plus longue de Miaskovsky. Mais en même
temps, elle est spectaculaire : c’est l’une des plus immédiates et
accessibles. Elle s’écoute comme se lit un bon gros et grand roman russe! Son
énergie est soutenue : cette fois, le «scherzo» vient en deuxième place,
ce qui prolonge l’élan du premier mouvement. Le Finale existe en deux
versions : avec chœurs (et alors cette Symphonie est la seule des 27 à
intégrer les voix humaines avec un très grand orchestre – option de Neeme Jarvi
pour son disque) ou sans chœur (option retenue par Svetlanov). Ce Finale est un
kaléidoscope de chansons révolutionnaires (notamment de la Révolution
française); mais la mélodie médiévale du Dies Irae assombrit le climat – Dies
Irae : Jour de colère, cette séquence du XIIe siècle s’ouvre sur
l’évocation théâtrale du Jugement dernier de la fin des temps, mais elle évolue
ensuite vers le repos éternel. Après des affrontements, une nouvelle mélodie
émerge, plus posée : c’est une mélodie liturgique traditionnelle utilisée
dans la liturgie orthodoxe des défunts. C’est elle qui va dominer tout le reste
du mouvement, en faisant basculer une musique colorée et animée dans un grand
recueillement. Vers la fin, les premiers violons grimpent dans l’extrême-aigu
pour doubler la ligne mélodique : l’effet est saisissant, de toute beauté.
Il ne faut pas être devin pour comprendre qu’il s’agit d’une prière de
Miaskovsky à la mémoire de son père assassiné par un révolutionnaire. Peut-être aussi un adieu à la grande Russie balayée par le délire communiste… Je
signale aussi la poétique section centrale du deuxième mouvement, comme un
paysage hivernal paisible, avec les accords cristallins du célesta.
Cette
Symphonie n’était pas la plus longue à avoir été composée en Russie. En
1909-11, Reinhold Glière avait écrit son extraordinaire Symphonie #3 : en
80 minutes (!), elle narre les exploits du héros mythique Ilya Mouromets. Cette
œuvre s’est fait connaître en Occident dans la version écourtée du chef Leopold
Stokowski mais, depuis, des chefs ont rétabli l’original dans toute sa
démesure, avec mille fois raison.
Groupe 2. Blocs solitaires /
Le cavalier de bronze
Symphonie
#7, en si mineur (opus 24 ; 1922). En deux mouvements enchaînés. 1. Andante
sostenuto calmo – Allegro minaccioso, poco stravagante / 2. Andante – Allegro
scherzando e tenebroso. Durée approximative : 24 minutes.
Symphonie
#10, en fa mineur (opus 30 ; 1926-27). En un seul mouvement : Un poco
sostenuto – Allegro tumultuoso. Durée approximative : 17 minutes.
Symphonie
#13, en si bémol mineur (opus 36; 1933). En un seul mouvement : Andante
moderato – Agitato molto e tenebroso – Andante nostalgico. Durée approximative : 20 minutes.
Symphonie
#21, en fa dièse mineur (opus 51; 1940). En un seul mouvement : Andante
sostenuto – Allegro non troppo ma con impeto - Andante. Durée approximative : 18 minutes.
Que
faire après la grandiose Symphonie #6? Miaskovsky a aussitôt trouvé une
première piste de renouvellement : composer des Symphonies brèves en un
seul mouvement de forme libre. Il en composera quatre, à intervalle irrégulier,
qui constituent toutes de parfaites réussites. Des Symphonies courtes mais
denses : les trois premières de ce groupe (#7, 10 et 13) sont des «noix
dures à craquer», proches d’un idiome atonal, et je ne les conseillerais pas
comme première approche à l’art de Miaskovsky…, à moins que l’on apprécie les
musiques tourmentées!
Le Cavalier de bronze |
Techniquement
parlant, la Symphonie #7 est en deux mouvements, mais ils sont enchaînés l’un à
l’autre sans interruption, et le deuxième mouvement commence comme avait
commencé le premier, par une harmonie tenue profonde semblant venir du bout du
monde. Au début, des bribes mélodiques de vents s’y superposent – flûte,
trombone… Tout au long de l’œuvre, les tempos sont fluctuants, les atmosphères
diversifiées, mais il y a ici un constant raffinement des timbres et des
textures – chose rare, car Miaskovsky ne mise habituellement pas sur les
recherches de sonorités. La harpe joue un rôle important qui semble rejoindre
la musique impressionniste – mais cet «impressionnisme» est ici très tourmenté!
La seconde partie de l’œuvre est plus apaisée, avec un contrepoint riche et une
conclusion surprenante.
La
Symphonie #10 est la plus courte des 27, la plus rébarbative aussi! Elle a été
inspirée par une gravure représentant le Cavalier de bronze. Il s’agit d’une
sculpture monumentale représentant le Tsar Pierre le Grand à cheval sur un
rocher. Située à Saint-Pétersbourg, elle est l’œuvre du sculpteur français
Falconet qui y a travaillé pendant deuze ans. Son inauguration eut lieu en
1782. En 1833, cette sculpture avait inspiré un grand poème à Alexandre
Pouchkine, poème dans lequel un homme est frappé de stupeur par les inondations
causées par le débordement de la Neva dont les eaux colériques ont englouti sa
fiancée. L’homme se retrouve près de la grande sculpture et, dans une
hallucination, il voit le Tsar prendre vie et le poursuivre fiévreusement à
travers les rues de la ville. C’est ce délire que Miaskovsky a mis en musique
dans sa Symphonie : musique féroce, haletante, dense comme du bronze,
complexe au possible (avec une triple fugue), avec de rares et courts moments
de répit.
La
Symphonie #13 est, elle, la plus austère des 27 – j’avoue que c’est l’une de
mes préférées : cette musique décape et purifie l’âme! Quelques notes
isolées des timbales introduisent des harmonies âpres des bois. Une mélodie
fantomatique progresse jusqu’à un sommet sonore sur des blocs harmoniques
semblant porter le poids des malheurs du monde. La section centrale est rapide,
mais en demi-teintes et plus inquiétante qu’entraînante. La musique du début
revient, variée, et mène à une conclusion sublime et énigmatique : cette
œuvre est comme une grande question sans réponse. Autre énigme : en 1970,
Chostakovitch compose son 13e Quatuor à cordes. Même chiffre 13,
même tonalité de si bémol mineur, même durée, même forme en un seul mouvement
lent avec section centrale rapide, même atmosphère déconcertante. C’est trop
pour n’être qu’une coïncidence…
La
Symphonie #21 est complètement différente : c’est l’une des plus lyriques
et les plus accessibles du compositeur! Elle constitue une excellente porte
d’entrée, sans douleur, à son univers, et certains la considèrent comme sa plus
belle. Un tempo lent domine, posé au départ par la clarinette toute seule, mais
trois sections rapides sont y intercalées au cours de l’œuvre.
Groupe
3. Une manière de prolongement / Associations rivales
Joseph Staline en 1902 |
Après
la Symphonie #6 et à côté des Symphonies en un mouvement, Miaskovsky a exploré
une piste mitoyenne : poursuivre dans la voie des premières Symphonies,
mais en allégeant (un peu) sonorités et atmosphères. Certains affirment que la
doctrine du «réalisme socialiste» a influencé Miaskovsky dans cette recherche
d’allègement et qu’elle se manifeste à partir de la Symphonie #11. Je ne sais
pas. Je pense plutôt qu’il s’agissait d’une évolution personnelle dictée par un
souci intérieur de renouvellement. En fait, cet allègement se trouve déjà dans
la Symphonie #8, composée en 1924-25. Allègement, cela peut sembler simple, mais
une difficulté s’est posée : celle du mouvement final. Ce défi se posait
aussi à Chostakovitch, de son aveu même.
Sous-groupe
3A
Symphonie
#8, en la majeur (opus 26; 1924-25). En quatre mouvements. 1. Andante - Allegro
/ 2. Allegro risoluto e
con spirito / 3. Adagio / 4. Allegro deciso. Durée approximative : 52
minutes.
Symphonie
#9, en mi mineur (opus 28; 1926-27). En quatre mouvements. 1. Andante sostenuto
/ 2. Presto / 3. Lento molto / 4. Allegro con grazia. Durée
approximative : 42 minutes.
Symphonie
#11, en si bémol mineur (opus 34; 1931-32). En trois mouvements. 1. Lento –
Allegro agitato / 2. Andante – Adagio ma non troppo / 3. Precipitato :
Allegro. Durée approximative : 35 minutes.
La
Symphonie #8 s’ouvre sur un Andante aux bois; des fanfares distordues (et assez
géniales) introduisent ensuite l’Allegro, plus brillant que celui de la
précédente Symphonie en mode majeur (la Cinquième) : vif et varié,
majestueux et dansant. Suit un Scherzo fantasque sur un thème piquant et comme
déhanché rythmiquement. Le mouvement lent commence par une oscillation des
cordes et de la harpe, sur laquelle le cor anglais joue une magnifique mélodie
pastorale et ornementée. La suite fait alterner passion et sérénité. Trois
mouvements remarquables…, mais le Finale semble lourd et manquer d’élan pour
être au même niveau.
La
Symphonie #11 se termine avec un mouvement de forme fantaisie, suite de
variations libres sur quelques thèmes. Mais il a beau être marqué Precipitato,
son manque d’élan convainc difficilement. Mais il y a une merveille dans cette
Symphonie : dans son mouvement central, lent, les flûtes jouent une
mélodie délicieusement étrange, qui tourne sur elle-même, sur un ostinato
rythmique des cordes.
La
Symphonie #9 revient à la tonalité de mi mineur de la Quatrième. Mais son ton
est nettement moins belliqueux. Cette Symphonie baigne dans un climat onirique,
mi-rêve mi-cauchemar, porté par un motif saccadé, avec silences et échos, qui
apparait dans le premier mouvement et revient dans les troisième et quatrième,
plus inquiétant et dramatique. La Symphonie débute par un magnifique Andante
dont le thème initial est fait de chutes mélodiques. Le Presto est aérien,
kaléidoscope de sonorités toujours renouvelées, et maintient son tempo vif d’un
bout à l’autre. Une section forte avec glockenspiel sonne comme un carillon. Le
Lento débute comme le mouvement lent de la Huitième avec une oscillation, mais
celle-ci est plus inquiète; une clarinette s’y joint avec une mélodie sublime;
un choral de cuivre instaure une atmosphère spirituelle, presque liturgique. Et
le Finale?! Miaskovsky a pris un risque énorme : son premier thème, «con
grazia» (avec grâce), est tellement désinvolte qu’il en est dandy! Jamais notre
compositeur n’avait osé mettre un tel thème dans l’une de ses Symphonies! Mais
cette fois, le pari est tenu : Miaskovsky tire des développements variés
de ce thème, et le mouvement est parcouru de sections dramatiques. Une des plus
belles Symphonies du compositeur : une œuvre séduisante et un peu
surréaliste en fait.
Nikolaï Roslavets, adepte du futurisme |
À
la fin des années 1920 et durant les années 1930, Miaskovsky a cherché à
arbitrer les querelles entre compositeurs. En 1923, deux associations de
musiciens sont fondées qui deviendront aussitôt des rivales. D’un côté,
l’Association russe des musiciens prolétaires prône une musique directement
accessible aux masses du peuple, une musique surtout vocale qui puise dans les
folklores et autres musiques populaires. De l’autre côté, l’Association pour la
musique contemporaine, animée par Nikolaï Roslavets et Alexandre Mossolov.
Cette association prônait une musique résolument avant-gardiste et en lien avec
les musiques avant-gardistes d’Europe de l’Ouest. Plus modéré, Miaskovsky sera
membre de cette dernière. Mais adepte du futurisme, Roslavets est un prophète enflammé
qui écrit des articles contre l’association rivale et qui en critique fermement
l’orientation populiste. Lassé par ces querelles, Miaskovsky et d’autres
signent un article suggérant la fusion des associations en une seule ouverte à
toutes les tendances. En avril 1932, Staline fait adopter une résolution
entérinant cette fusion et en créant l’Union des compositeurs soviétiques. Mais
qui dit Staline dit mainmise de fer : l’Union devra rapidement se plier au
«réalisme socialiste»! Car les années 1930 sont celles des purges de Staline et
aucun domaine de la société n’échappe à la «chasse aux ennemis du peuple», pas
même la musique.
Reinhold Glière |
Néanmoins, Miaskovsky et Reinhold Glière animent cet
organisme. J’ai ici un texte qui affirme que Roslavets fut alors «réduit au
silence» par l’Union, mais c’est faux. Dès la fin des années 1920, Roslavets
fut accusé par les autorités d’être un «saboteur» et un «trotskiste» -
accusations passibles de mort. Malgré une «confession publique de ses erreurs»,
il a dû s’exiler en Asie centrale. Il reviendra à Moscou quelques années plus
tard, mais toutes les portes lui étaient dorénavant fermées. Le pauvre homme
végéta jusqu’à son décès en 1944. Quant à Mossolov, il fut effectivement exclu
de l’Union en 1936, mais il était en fait tombé en disgrâce depuis quelques
années : en 1932, il avait écrit à Staline pour plaider sa cause, sans
succès. Miaskovsky tenta d’intercéder en faveur de Mossolov en 1936 et en 1937,
plaidant pour son «talent exceptionnel» et ne trouvant aucun élément
«antisoviétique» dans sa musique, mais en vain aussi. Mossolov reçu une peine
de quelques années d’exil. Il continua néanmoins à composer jusqu’à son décès
en 1973.
En novembre 1937, le compositeur et musicologue Nikolaï Zhilyaev est arrêté.
Miaskovsky écrit alors à l’État une lettre prenant sa défense, bien qu’il
n’aimait guère sa musique. C’était un geste très dangereux en ce temps, car
Zhilyaev sera emprisonné sous l’accusation d’avoir créé «une organisation
terroriste dans le but de tuer le camarade Staline»! En prenant sa défense,
Miaskovsky encourrait le risque d’être arrêté à son tour pour avoir sympathisé
avec un «terroriste». Sa lettre demeura sans réponse, mais Zhilyaev fut exécuté
l’année suivante. Miaskovsky démissionna alors (ou «fut démissionné») de
l’Union des compositeurs pour s’impliquer autrement, notamment comme membre du
comité de rédaction de la revue Musique soviétique. Cette revue savante atteindra
un tirage de plus de 20 000 copies et sera renommée Études musicales après la chute du communisme.
Une
«vie idéale» pas évidente du tout sous le communisme!
Sous-groupe
3B
Symphonie
#15, en ré mineur (opus 38; 1935). En quatre mouvements. 1. Andante – Allegro
appassionato / 2. Moderato assai / 3. Allegro molto ma con garbo / 4. Poco
pesante – Allegro ma non troppo. Durée approximative : 36 minutes.
Symphonie
#17, en sol dièse mineur (opus 41; 1936-37). En quatre mouvements. 1. Lento –
Allegro molto agitato / 2. Lento assai – Andantino, ma non troppo / 3. Allegro
poco vivace / 4. Andante – Allegro molto animato. Durée approximative : 48
minutes.
La
Symphonie #15 inverse le défi du Finale. Ici, le Finale est le mouvement le
plus riche, et chacun des trois mouvements précédents représente une montée vers
lui. Après une introduction Andante, l’Allegro du premier mouvement s’ouvre
avec un thème bien caractérisé. Malgré l’indication Appassionato, ce mouvement
semble un peu placide et il faut attendre ses derniers moments pour que la
passion s’installe. Le second thème est cependant magnifique. Le second
mouvement est davantage modéré que vraiment lent. Il commence par une mélodie
étrange aux bassons, accompagnés de cordes pincées. Le hautbois chante un thème
lyrique, et les cuivres entonnent une fanfare lointaine et mystérieuse. Cette
sonnerie se fait extatique, puis elle prendra des dimensions cosmiques plus
loin. Le troisième mouvement s’amorce à la manière d’un Intermezzo de Brahms,
avec une superbe mélodie au rythme irrégulier. La musique évolue ensuite en des
tourbillons d’une valse inquiète et surréaliste, vers une conclusion
apaisée : une pièce remarquable. Le Finale est basé sur un thème-frère de
celui du premier mouvement. Mais l’énergie est plus élevée et le contrepoint
beaucoup plus affirmé. La coda est rayonnante qui clôt une Symphonie bien
séduisante.
La
Symphonie #17 renoue avec le dramatisme de la Symphonie #4, et elle commence
avec le premier mouvement le plus intense et grandiose depuis cette dernière.
Avant la conclusion, la musique parvient à un immense sommet sonore au pic
duquel les cors bouchés lancent un cri étouffé qui glace le sang, cri suivi
d’une rafale de timbales avec une note grave soutenue et forte. Mais aussitôt
la lutte reprend pour conclure le mouvement. Son second thème est d’une grande
noblesse. Je soupçonne qu’il soit un hommage rendu par Miaskovsky au
compositeur britannique Edward Elgar décédé en 1934. La musique d’Elgar s’était
frayé un chemin jusque dans la Russie bolchévique.
Edward Elgar |
À
SUIVRE EN MAI.
Sources des illustrations: Wikipédia (Domaine public, PD-US), sites commerciaux pour les livres, disques et partitions suggérés.