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samedi 27 août 2022

AUTISME. L'AUTISME N'EST QU'UN SYMPTÔME...

Autisme.

L’autisme n’est qu’un symptôme.

 

Cet article reprend une partie d’un article déjà publié, mais en approfondissant les idées. L’article est agrémenté de figures d’illusion optique : l’autisme ne serait-il qu’une «illusion d’optique»?

 

1. Retour à la case départ

2. Identifier

3. Causes différentes d’un même ensemble

4. Constats et conclusions

5. Attracteur étrange

 

 

Retour à la case départ

Avec une Comptonie voyageuse!

En ce qui concerne l’autisme, je me sens presque revenu à la case départ. 
Me revoici donc en novembre 2007. Je viens de fêter mes 47 ans et je rencontre le docteur Bourque à l’Hôpital Douglas. Le docteur est aimable et prévenant. Il commence par me dire : «Antoine, tu as fait beaucoup de choses dans la vie». Puis il me communique son verdict : les tests que j’ai suivis indiquent que je suis autiste de type Asperger. Ah bon, connais pas. Ce verdict, je ne l’avais pas cherché : il est venu à moi par un concours de circonstances qui aurait fort bien pu ne jamais survenir. Très doux dans sa manière de me présenter la chose, le docteur m’a tout de même dit que cette condition était «un handicap sévère et permanent». Ouille. 
Je me revois ensuite me rendre dans les locaux d’Autisme Montréal afin de trouver un peu de documentation sur l’autisme. On m’accueille gentiment là aussi, et on m’offre une pochette d’information. De retour chez moi, je lis ces documents et je suis soufflé! L’autisme y est présenté en des termes terribles, terrifiants. Je me demande comment j’ai pu survivre à ça! Je me suis vite rendu compte que ce discours tout noir était la norme en autisme. Ce constat m’a inspiré d’écrire un livre sur le sujet, histoire d’apport un peu d’équilibre au portrait. Ce fut Musique autiste, publié en 2011 puis réédité en 2018. 
Depuis, j’ai rencontré nombre de personnes autistes, de parents, d’experts et d’intervenants. J’ai constaté une sorte de marasme même quant à la définition de l’autisme. 

 

Retour à la case départ. Dans la pochette d’Autisme Montréal, il y avait une revue avec un éditorial de Carmen Lahaie, présidente de l’organisme. Elle y affirmait avec passion que l’autisme n’est pas une maladie en soi, mais plutôt un symptôme : un symptôme de troubles génétiques mais surtout un symptôme d’une intoxication; une intoxication aux pesticides, aux métaux lourds, à certains produits alimentaires, etc. À l’époque, cela m’avait semblé farfelu dans la mesure où les experts semblaient convenir que l’autisme est une «chose en soi». Certains avançaient même l’idée qu’il s’agisse d’une «autre intelligence».

Mais quinze ans après avoir reçu mon diagnostic, je ne sais toujours pas. Je me demande si cela a de l’importance et je n’en suis pas certain… Par contre, des informations, apparemment fiables, que j’ai colligées semblent indiquer qu’effectivement l’autisme n’est qu’un symptôme.

 

Identifier

 

Le triangle impossible

Avec la définition du DSM, l'autisme n'est pas une réalité dure: l’autisme se définit par un ensemble de traits comportementaux. Une personne n’a pas à montrer tous ces traits : un certain nombre suffit. Sur cette base, le diagnostic d’autisme est donné à un ensemble très et trop hétérogène de personnes. Aucun de ces traits n’est spécifique à l’autisme : plein de gens à qui l’on ne donnerait jamais ce diagnostic montrent un ou même quelques-uns de ces traits.

Je l’ai écrit ailleurs, mais je le redis ici tant c’est important. Le diagnostic d’autisme est une pure description. Le mot autisme ne fait que résumer la description de traits comportementaux d’une personne. Le diagnostic d’autisme est complètement muet quant aux causes. En conséquence, «L’AUTISME» DÉCRIT MAIS N’EXPLIQUE RIEN ET NE PEUT EXPLIQUER QUOI QUE CE SOIT.

Voir : https://antoine-ouellette.blogspot.com/2022/02/autisme-les-descriptions-ne-suffisent.html

 

Mais je ne suis pas tout-à-fait revenu à la case départ. J’ai appris des choses, tout de même. Par exemple, j’ai appris que la recherche a identifié pas moins d’une cinquantaine de «causes avérées possibles» de l’autisme, De ces causes, cet «ensemble comportemental» est effectivement un symptôme – un symptôme, c’est-à-dire un signe, un signal. Et pour de nombreux cas, la science sait de quoi l’autisme peut être un symptôme. Autrement dit, l’«ensemble comportemental qu’est l’autisme» peut être induit par plusieurs causes différentes QU’IL EST POSSIBLE D’IDENTIFIER ET QU’IL FAUDRAIT IDENTIFIER. Si l’on n’identifie pas, comment accompagner adéquatement la personne? On ne pourra tout simplement pas le faire ou, alors, on commettra des erreurs qui peuvent avoir de sérieuses conséquences sur cette personne.

 

Causes différentes d’un même ensemble

 

Je prends par exemple le syndrome d’Angelman. Ce syndrome est l’un des nombreux syndromes qui, dans un premier temps, peut donner lieu à un diagnostic d’autisme, parce que de nombreuses personnes touchées montrent des comportements qui correspondent à ceux de l’autisme. Comme il en va pour l’autisme, les signes du syndrome d’Angelman apparaissent très tôt chez l’enfant. Souvent, les choses s’arrêteront au diagnostic d’autisme, parce que l’on croit que l’autisme est une «chose en soi» et parce qu’un diagnostic d’autisme ouvre la porte à des services spécialisés. Mais si l’on prend la peine de pousser la démarche comme il se devrait, les tests, des tests qui existent déjà et sont disponibles, montreront qu’il s’agit du syndrome d’Angelman. 

 

Les deux points orangés sont de même grandeur.

La cause principale du syndrome d’Angelman est très bien connue depuis la fin des années 1980, à savoir
«quatre anomalies moléculaires […], dont le dénominateur commun est l’absence de contribution des gènes de la région 15q11-q12 du chromosome 15 d’origine maternelle». Pour être précis, c’est précis! Mieux : des causes plus fines encore ont été mises à jour concernant ce mauvais fonctionnement de ce gène du chromosome 15. Néanmoins, «il reste un certain nombre de patients pour lesquels aucune anomalie n’est décelable (environ 10% des cas)» : selon toute vraisemblance, ce 10% représente des personnes qui ont un syndrome autre et dont les effets comportementaux sont assez semblables (voir ci-dessous).
https://www.angelman-afsa.org/le-syndrome/description/definition/definition-du-syndrome-dangelman


Alors en fait, l’autisme n’est ici qu’un symptôme du syndrome d’Angelman. Il en va de même pour quelques dizaines d’autres bris génétiques causant de l’autisme souvent doublée de déficience intellectuelle. Par exemple :

- Syndrome du X fragile

- Syndrome de Cowden

- Syndrome de Rett

- Syndrome de Timothy

- Syndrome de Pitt-Hopkins

- Syndrome de Phelan McDermid

Etc.

Tous ces syndromes peuvent être précisément identifiés grâce aux tests appropriés qui, je le redis, existent et sont disponibles. À noter aussi que tous ces syndromes sont causés par une mutation nouvelle, «de novo», et non par des gènes stables.

 

Ces syndromes génétiques ne sont pas seuls à pouvoir induire les comportements de l’«ensemble autistique». À ce jour, d’autres conditions ont été identifiées qui peuvent aussi l’induire.

Deux maladies neurologiques :

Pierre Rayer (1793-1867), le premier
à avoir décrit des symptômes de la
sclérose tubéreuse.


- la sclérose tubéreuse
- la fibroneuromatose

Des intoxications :

- L’empoisonnement fœtal à l'acide valproïque (un médicament contre l’épilepsie)

- L’intoxication fœtale à l'alcool

- Des séquelles neurologiques d’un choc anaphylactique, et du traitement de celui-ci, subi par la mère durant la grossesse.

 

Ces informations sont principalement tirées de :

Linking neocortical, cognitive, and genetic variability in autism with alterations of brain plasticity: The Trigger-Threshold-Target model 

Laurent Mottron, Sylvie Belleville, Guy A. Rouleauf, Olivier Collignong

Neuroscience and Biobehavioral Reviews 47 (2014) 735–752

 

Mais une majorité de diagnostics d’autisme (environ 80%) correspondent… :

- À la condition Kanner, ou autisme classique – que l’on désigne aussi sous de longues périphrases, genre «autisme avec délai de parole à l’enfance et sans déficience intellectuelle avérée».

- À la condition Asperger (moins fréquente que la précédente) – que l’on désigne aujourd’hui sous la forme de longues périphrases, genre «autisme sans délai de parole à l’enfance et sans déficience intellectuelle avérée».

 

Ces deux conditions sont jumelles : au moins une centaine de gènes sont impliqués qui interagissent entre eux – certaines études parlent de 200 à 300 gènes, et une étude publiée en 2012 dans la revue Nature en comptait pas moins de 1034! Ces gènes sont anciens : ce ne sont pas des mutations nouvelles, et de nombreuses personnes non-autistes portent de ces mêmes gènes. Aussi, dans les deux cas, des zones surspécialisées ont été identifiées dans le cerveau.

https://blogs.mediapart.fr/jean-vincot/blog/110419/les-tests-genetiques-de-depistage-de-lautisme-expliques

https://www.futura-sciences.com/sante/dossiers/medecine-autisme-ce-trouble-neuro-developpemental-1578/page/4/

https://www.pasteur.fr/fr/journal-recherche/dossiers/autisme-piste-genetique

https://theconversation.com/dans-lautisme-le-role-de-lheredite-est-preponderant-7838

 

La génétique de ces deux conditions est donc très complexe qui implique de nombreux gènes. Autrement dit et pour ces deux conditions, «le» gène de l’autisme n’existe pas. C’est plutôt un ensemble complexe de gènes qui les favorise. Mais ces deux conditions semblent autant épigénétiques que génétiques : divers facteurs non génétiques doivent intervenir pour que cet ensemble s’exprime… ou non, ou en partie seulement.

Comme pour toutes les conditions où compte l’épigénétique, les facteurs sont aussi environnementaux, culturels et / ou encore inconnus. Il en va de même pour plusieurs autres conditions : la schizophrénie, la dépression, la douance, entre autres, mais encore la taille, le poids, etc. L’homosexualité se trouve dans le même groupe. En 2019, une étude a identifié un petit nombre de gènes (cinq) qui favorisent l’homosexualité; mais ces gènes sont loin de tout expliquer : comme pour l’autisme, les facteurs épigénétiques joueraient un rôle important.

Je pense plausible que les nombreux contaminants entrant dans notre environnement et notre alimentation puissent contribuer à cet épigénétisme, notamment les perturbateurs endocriniens. Nous en absorbons tellement à notre insu! En fait, il est démontré qu’ils ont des impacts sur nous et sur plusieurs espèces, encore que ces impacts soient loin d’avoir tous été recensés.

https://www.greenfacts.org/fr/risques-perturbateurs-endocriniens/index.htm

 

La grande question est de mieux cerner ce que sont ces deux conditions qui représentent environ 80% des diagnostics d'autisme, ce qui les caractérise en tant que telles au-delà de leur ensemble comportemental. J’avais proposé l’idée que les personnes concernées sont des personnes montrant une sorte d’inversion perceptive : des personnes percevant tout d’abord les détails d’une situation avant de percevoir l’ensemble de cette situation. La perception majoritaire va au contraire de l’ensemble vers les détails, du général vers le particulier. Je proposais de nommer ces gens comme «personne Pi» : Pi, p pour perception et i pour inversée, donc «perception inversée, en référence au nombre irrationnel Pi. Les personnes qui reçoivent un diagnostic d’autisme sont les personnes Pi chez lesquelles cette perception a une force telle qu’elle excède ce qui est habituel, une force telle qu’elle engendre un ensemble inhabituel de comportements «étranges», une force telle qu’elle interfère dans le fonctionnement quotidien, quelques fois au point de poser des défis dans la vie courante. C’est dire que le nombre de personnes Pi est plus grand que le nombre de personnes ayant un diagnostic d’autisme : pour plusieurs personnes Pi, cette inversion perceptive n’est pas forte au point d’apporter de défis de fonctionnement au quotidien. 
https://antoine-ouellette.blogspot.com/2022/08/autisme-des-personnes-pi.html

 

Constats et conclusions

 

Pour l’autisme, il n'est pas impossible que plus d'une seule cause soit en jeu chez une personne. Par exemple, il peut arriver qu'une personne de condition Asperger ait aussi subie une intoxication à l'acide valproïque, un médicament, pris par la mère lors de la grossesse. 

L’ensemble comportemental nommé autisme est un symptôme commun à plusieurs conditions complètement distinctes les unes des autres, dans leur nature et leurs causes. Exactement comme la toux est un symptôme de plusieurs affections ou maladies complètement différentes les unes des autres.

C'est la principale raison pour laquelle l'autisme demeure aussi insaisissable: d'une part, le mot autisme désigne un diagnostic final et, d'autre part, ce même mot désigne des conditions de causes différentes. Évidemment, cela ne peut pas fonctionner.

 

Face à cet état de la question, quelques conclusions s’imposent.

1) L’ensemble comportemental autistique devrait n’être considéré que comme un signe d'autre chose. En ce sens, l’autisme ne devrait pas, en lui-même, être considéré comme une «chose en soi» : ni trouble neurodéveloppemental, ni «neurodiversité», ni «autre intelligence», ni rien d’autre qu’un symptôme. 

 

2) Il est absurde de donner le même et unique diagnostic d'autisme à toutes les personnes présentant des causes et des réalités de natures différentes. 

 

3) Le diagnostic d’autisme est un diagnostic incomplet. En tant que tel, il devrait être supprimé. La démarche de diagnostic doit être menée jusqu'au bout. Si elle ne l'est pas, le diagnostic d'autisme n'est qu'un «diagnostic par défaut», voire un diagnostic défectueux.  Cela n’aide personne.

 

4) Il y a tout intérêt à bien identifier de quoi l’ensemble comportemental autistique est un signe et un symptôme.  

 

Dans l’état actuel des choses, il faudrait donc parler de «personne ayant un diagnostic d’autisme» plutôt que de «personne autiste».

 

*          *          *

 

Attracteur étrange

 

Ce serait exagéré de dire que l’autisme est comme une illusion d’optique. L’autisme est un ensemble comportemental, donc un objet. Mais cet objet existe-t-il réellement? Il me semble que la physique du chaos apporte une réponse plausible : l’autisme est un attracteur étrange. Alors amusons-nous un peu et découvrons! Pour se faire, j’emprunte les mots de Bruno Marion.

https://brunomarion.com/fr/attracteur-etrange/

 

L'attracteur étrange de Konrad Lorenz

«On peut dire qu’un système (un ensemble de choses qui interagissent entre elles comme un corps humain, une entreprise, une collectivité, une nation, l’humanité) peuvent être dans un de ces états : l’ordre, le désordre et le chaos. 
Le désordre. Dans la nature, dans la vie, il y a ce qu’on appelle le désordre ou encore le hasard. Dans ce cas on ne peut rien prévoir ni contrôler. Il peut y avoir des règles statistiques qui s’appliquent mais on ne peut rien prévoir de précis.

L’ordre. Un deuxième état possible dans la vie, dans la nature, c’est l’ordre : une fois qu’on a compris, on peut prévoir et on peut également contrôler».

Mais il existe un troisième état qui, pour surprenant qu’il puisse sembler être, est en fait fréquent. Ce troisième est celui «où, à la fois, comme avec le désordre, on ne peut pas prévoir et en même temps comme avec l’ordre, il ne se passe pas n’importe quoi». À défaut de mieux, on nomme cet état chaos. 

 

Depuis le début du XXe siècle s’est développée une branche de la physique qui étudie cet état : la physique du chaos. C’est un monde fascinant qui a apporté les notions d’effet papillon et de fractales, termes que vous avez peut-être déjà vus ici ou là. La physique du chaos a aussi apporté la notion d’attracteur étrange.

Imaginez-vous observant un point lumineux qui se déplace dans votre salon. Ce point semble se déplacer au hasard. Vous n’arrivez pas à prévoir sa trajectoire. Pourtant, au bout d’un certain temps, vous remarquez que la trajectoire du point finit par former un schéma, un «pattern». La trajectoire a beau être imprévisible, «le point ne fait pas n’importe quoi». Ce pattern, cet «objet» étrange est justement nommé «attracteur étrange». 

«Si l’on est face à un système chaotique, inutile donc de chercher à prévoir précisément ou à contrôler l’évolution du système. Cela est voué à l’échec. Ce que l’on peut faire c’est chercher à identifier (ou créer) un ordre caché : l’attracteur étrange. On pourra aussi chercher à utiliser les phénomènes d’auto-amplification propre à un système chaotique (effet papillon) : comment changer des petites choses pour avoir de grands effets : par exemple mettre en place des routines ou des rituels dans sa vie».

Mettre en place des routines dans sa vie! Voilà une spécialité autistique! L’ensemble comportemental autistique est un attracteur étrange : un ordre caché qu’une personne ne peut s’empêcher de mettre en place. Pour apprendre à sa manière, pour se protéger, pour peut-être compenser, ou encore parce qu’elle ne peut faire autrement.  

Quoiqu’il en soit, une fois repéré l’attracteur étrange qu’est l’ensemble comportemental autistique, il faut aller voir ce qui le cause. Ne pas le faire est comme se faire hypnotiser par un point lumineux qui bouge. Ce qui importe n’est pas le point ni sa trajectoire, mais ce qui émet ce point de lumière. Ce qui importe n’est pas les comportements, mais ce qui les cause. C’est le but que devrait avoir la démarche diagnostique. 

 

Sources des illustrations: 
Collection personnelle et Wikipédia (Domaine public, PD-US).