MUSIQUE (Composition et histoire), AUTISME, NATURE VS CULTURE: Bienvenue dans mon monde et mon porte-folio numérique!



mardi 2 septembre 2025

LE TERRAIN MINÉ DE LA FAUSSE HUMILITÉ

LE TERRAIN MINÉ 

DE LA FAUSSE HUMILITÉ

1. En terrain miné
2. Humilité?
3. Je suis un vase d’argile – tout comme vous…
4. Avec un trésor à l’intérieur – tout comme vous.
5. Les perversions de l’humilité
6. Tant à apprendre!
 
Cette année, j’ai eu maille à partir avec quelques personnes qui non seulement cultivent la fausse humilité avec grand art, mais ont tenté de m’imposer de faire comme eux. Dans leur «humilité», elles se posaient en modèle pour tout le monde! L'une de ces personnes pousse l'humilité jusqu'à juger au nom de Dieu. J'ai pensé au compositeur Alexandre Scriabine (1871-1915) qui disait de lui-même: «Je ne suis rien. Je suis Dieu». Était-il humble?!
Alors je vais vous parler les yeux dans les yeux, et nous allons réfléchir ensemble sur ce sujet malaisant qu'est l'humilité…

 
En terrain miné

Humilité vient de humus, terre.
La première humilité est de se savoir
lié à la Terre. Par sa relation qu'elle a avec
la Terre, notre société peut-elle être
considérée comme humble? 
Photo par Christine Yelle.


Il y a longtemps que je n'ai parlé d'autisme. Mais le sujet de l'humilité s'aborde bien à partir de l'autisme. Voici. Dans les
«Critères de découverte des autistes Asperger», Tony Attwood liste nos qualités potentielles. Parmi celles-ci, nous lisons : «La relation avec les pairs est caractérisée par une loyauté absolue et le fait d’être totalement digne de confiance (…). La personne Asperger dit ce qu’elle pense vraiment quel que soit le contexte social». C’est positif. Hum. Est-ce si positif en société? Pas toujours, je vous l’assure!
 

Voici un exemple des pièges auxquels nous sommes confrontés.
J’ai souvent pensé que Jésus était autiste de type Asperger –tout comme Siddhartha Gautama, le Bouddha historique. Dans l’Évangile, le Seigneur enseigne : «Que votre parole soit “oui”, si c’est “oui”, “non”, si c’est “non”. Ce qui est en plus vient du Mauvais» (Saint Matthieu. Chapitre 5, verset 37).  Contrairement à ce que j’ai déjà entendu, Jésus n’enseigne pas qu’il est mal de dire non. Au contraire : que ton oui soit un oui, et ton non un non, c’est tout le reste qui est mauvais. Le reste, c’est-à-dire le noui, le mouin, le ouais, le oui sans suite. Or, nous vivons dans un monde où, souvent, oui signifie son contraire, où les non-dits et les implicites sont légion même dans les conversations quotidiennes. Pour les personnes autistes, tout cela forme un terrain miné dans les relations.

Il en va de même en ce qui concerne l’humilité. Combien d’hypocrisie entoure ce concept!!! 
À de nombreuses reprises, j’ai entendu des gens jouer à se déprécier et louer autrui tout en pensant le contraire! Un joueur de hockey prétend : «Ce n’est pas moi, c’est l’équipe», tout en exigeant un salaire en millions de dollars par saison, ou être prêt à quitter sa chère équipe pour un salaire encore plus élevé ailleurs! Un chanteur d’opéra fait une belle carrière internationale et le voilà en entrevue qui déclare : «Oh, vous savez, mon petit talent…»! - autrement dit, les musiciens qui ne font pas une carrière internationale n'ont pas de talent. 

https://citation-celebre.leparisien.fr/citations/55948

Tout cela se nomme fausse modestie. Or, en société, il y a vraiment une prime à la fausse modestie. Nous attendons même des propos faussement modestes de la part de tous et de toutes. C'en est devenu comme un conditionnement social. Si quelqu’un ne s’y conforme pas, les accusations de vantardise, de narcissisme et de prétention fusent aussitôt. Réalise-t-on qu’on ne fait ainsi que cultiver l’hypocrisie, les apparences, la fausseté, les conventions truquées?

Oh que oui! C’est vraiment là un terrain miné pour les autistes. Nous ne sommes pas réputés pour notre «diplomatie» (j'ai un peu appris avec  le temps...), et notre «manque de filtre» est à risque d'être perçu comme de l'arrogance. Or, cette honnêteté hors des conventions constitue une des caractéristiques de la personnalité autistique. Quand vous discutez avec une personne autiste, soyez-en conscient et comprenez bien qu'il ne s'agit pas de méchanceté de notre part! 


Humilité?

Le moine bénédictin allemand
Anselm Grün, auteur de nombreux 
livres très appréciés.


«Le septième échelon de l’humilité consiste non seulement à se déclarer à voix haute inférieur à tous et le plus méprisable de tous, mais surtout à en être convaincu au plus profond de son cœur»
, Règle de saint Benoît, chapitre 7, 51.
Je ne suis pas certain que saint Benoît écrirait ces propos aujourd’hui. Je travaille en santé mentale, et je croise des gens qui se répètent être nul, stupide, raté, etc., qui se le disent à voix haute et qui en sont venus à y croire au plus profond de leur cœur. Le résultat est systématiquement désastreux. Non seulement cela inhibe toute initiative mais cela constitue un terreau fertile pour la dépression et les névroses. Ces pensées dépréciatives ne sont pas le résultat du trouble mental: ces pensées se sont imposées lentement et insidieusement dans l'esprit de la personne, à son insu. Avec le temps, elles en sont venues à constituer une part intégrante de leur discours intérieur, tellement que la personne a fini par y croire. 

Il y a pire encore. Si s’humilier ainsi, dans la voie spirituelle ou en tout autre domaine, est un idéal, humilier autrui peut devenir une technique pédagogique acceptable pour «élever» ou «éduquer» l’autre. Or, nulle part dans l’Évangile, Jésus n’a enseigné à ses apôtres, à ses disciples ou à des foules en les soumettant à des humiliations ou des traitements dégradants. Faire ainsi n’est tout simplement pas chrétien. Et c’est à haut risque de déraper vers des perversions effrayantes.
Lorsqu’il parle d’humilité dans l’un de ses livres, le moine bénédictin Anselm Grün omet donc soigneusement de citer ce septième échelon! Il a étudié la psychologie et sait à quoi s’en tenir…

J’ai des yeux compliqués qui nécessitent des soins particuliers. Les confierais-je à un ophtalmologue qui me dirait : «Tu sais, moi, je suis le moins bon ophtalmologue au monde»?!
 

Je suis un vase d'argile. 
Quelle belle et juste image venue 
de saint Paul!
Je suis un vase d’argile qui contient un trésor. Tout comme vous : chaque personne est un vase d’argile qui contient un trésor. Cette image géniale et parfaitement juste de l’être humain est de saint Paul (Deuxième Lettre aux Corinthiens. Chapitre 4, verset 7).
Je n’ai pas tous les talents du monde, loin de là et sans fausse modestie! Par exemple et entre autres… :
- Je suis nul en sports et je n’ai jamais su me tenir sur des patins.
- Mon talent de dessinateur se limite aux bonhommes-allumettes.
- J’ai le vertige à trois pieds du sol.
- Les situations sociales informelles qui se prolongent m’épuisent.
- Remplir un formulaire me donne des sueurs dès la première case.
- Je ne suis pas manuel. Je ne sais pas bricoler ou à peine : j’ai les mains pleines de pouces dès qu’il s’agit de clouer un simple clou.

Alors, qu’est-ce que je fais en cas de besoin? Je demande de l’aide à qui possède ce talent qui me manque. Je n’ai aucune réticence à demander de l’aide : je reconnais mon manque et je reconnais le talent d’autrui. Même en musique, il m’arrive de demander conseil. J’ai beau avoir tel niveau, je ne connais pas tout, loin de là encore une fois. Ainsi, pour la pièce que je compose au moment d’écrire ces lignes, j’ai consulté une flûtiste et un tromboniste. Dans le cas de la flûte, mon idée était jouable mais elle n'aurait pas très bien sonné, alors je l'ai éliminé sans m'y accrocher. Travailler avec des musiciens me permet d’apprendre, et j’adore apprendre depuis que je suis au monde. Je dirige du chant grégorien depuis plusieurs années, mais je sais que je ne connais pas tout ce répertoire.

Je suis nul en sports, et je n'ai
aucune réticence à le dire! Par contre,
je reconnais mes talents autant
que ceux des autres.


Je suis un vase d’argile, en effet. J’ai des fragilités auxquelles font écho les diagnostics que j’ai reçus en santé mentale, comme l’autisme, l’anxiété généralisée et le syndrome de stress post-traumatique. 
Mais il est une chose dont je suis fier - permettez-le-moi! J’ai subi une violente intimidation scolaire qui m’a provoqué plus de trente ans d’un sévère syndrome de stress post-traumatique. J’aurais facilement pu sombrer, comme Pierre qui s’est suicidé à la fin du Secondaire 5, ou trouver refuge dans la toxicomanie. J’aurais facilement pu devenir un drop-out et éviter mes semblables. Or, loin d’éviter, j’ai commencé à enseigner et à diriger un chœur dans ma vingtaine. Les autres m’avaient blessé? Soit. Les autres deviendront partenaires de guérison. J’ai demandé de l’aide à des médecins, des psychologues, puis à La Clé des champs. Mes symptômes se sont grandement apaisés. Mieux encore, je suis pair-aidant depuis plusieurs années. lacledeschamps.org
Je trouve cela pas pire. Si vous éprouvez des troubles mentaux, je peux vous inviter à consulter. Mais toi qui me juge, as-tu connu comme moi les cauchemars terrifiants et les états de choc durables du stress post-traumatique? N’étais-tu pas un agresseur à l’école? En tout cas, tu en reproduis les comportements à l’âge adulte.

Bref, je connais mes forces, je connais tout autant mes faiblesses. Je n’ai pas honte de partager ce que je fais dans mes «domaines forts», je n’ai pas davantage honte de demander et recevoir de l’aide ou de l’enseignement dans mes «domaines faibles».
Je n’ai pas d’opinion sur tout et je ne ferai pas semblant d’en avoir lorsque ce n’est pas le cas. Si je me trompe, je le reconnais - des fois avec délai, je le confesse car je ne suis pas parfait. Quand je ne sais pas la réponse à une question que l’on me pose, je réponds que je ne sais pas, tout simplement – je pourrai ensuite faire de petites recherches pour trouver une réponse. Par contre, si je connais la réponse, je suis heureux de la partager, sans monologuer ni jargonner pour épater.
Je guide mes choristes et, même si je suis chef (ce qu’ils savent bien), je ne me mets pas au-dessus d’eux : je suis avec eux et nous faisons de la musique ensemble (ça aussi, ils le savent). J'ai créé ce chœur pour faire de la musique avec d'autres. Je pourrais regarder des gens de haut, «moi, n’est-ce pas, ma culture et bla bla bla», mais jamais je ne fais ainsi – je ne suis même pas tenté de faire ainsi: cela ne m'intéresse pas et ce n'est pas mon genre. 

Dans une pièce que je composais
à l'été 2025, je me demandais si
le trombone basse peut donner
certaines notes. Mais je ne suis
pas tromboniste! Savez-vous ce 
que j'ai fait? J'ai contacté un
tromboniste qui a répondu à mes
questions grâce à ses compétences
que je n'ai pas. Grand merci Julien!


Je ne me compare pour ainsi dire jamais avec autrui : je ne joue pas au jeu des comparaisons, je n’envie pas ce que mes voisins ont, et je ne ressens pas de manque issu de comparaisons. Je laisse l’autre être qui il est avec ses dons.

La prétention, c’est faire croire que l’on peut quand on ne le peut pas.
Je ne prétends pas composer de la musique : j’en compose. On peut l’aimer ou non, mais c’est la mienne et je sais qu’en «vrais sons», elle ressemble pas mal à ce que j’avais en tête. Toutefois, je ne prétends pas être le plus grand compositeur au monde! Je fais juste ce que je sens devoir faire, j’exprime ma vision de la musique et du monde.
Je ne prétends pas diriger de la musique médiévale : j’en dirige. Je ne prétends pas être pair-aidant : je le suis. Et je sais très bien que tout cela est un apprentissage perpétuel pour moi. 

Par contre, je ne prétends pas être un instrumentiste de concert : je ne le suis pas. J’admire les gens qui le sont, et je suis très touché lorsqu'ils consacrent de leur temps à ma musique. Jamais non plus je ne vais prétendre être bon en sports : je ne le suis pas et cela ne me dérange pas de le dire. Je ne prétendrai pas davantage être capable de bâtir un cabanon : je n’en suis pas capable.
En cas de besoin, je ne fais pas semblant et je demande à qui possède ces compétences que je n’ai pas. Je suis alors heureux de reconnaître que cette personne les ait, et je suis dans la gratitude envers elle qui les utilise pour me rendre service.

Les gens savent que je tiens parole, que je suis fiable dans mes engagements. Pour moi, c’est même un point d’honneur. Je suis un «perfectionniste réaliste», je donne le meilleur de moi, tout en sachant aussi accueillir les inévitables imperfections, les miennes, celles d’autrui, celles provoquées par les impondérables.
Malgré ce trésor, je sais être mortel et ne pas être irremplaçable.
Si vous vous dites : «Mais il se vante!», vous vous trompez. La vantardise, ce n’est pas ça. Je parle d'ailleurs rarement de moi.
Car, la manière dont j’ai dit les choses, je l’attends de votre part tout autant.


Les perversions de l’humilité

Il y des formes perverses d'humilité. 
Ces perversions favorisent le fait d'humilier autrui.
Photo du U.S. Government.

L’humilité est une grande qualité. Certaines personnes la recherchent mais n’aboutissent qu’à la fausse modestie. Dans leur orgueil inavoué, elles prennent leur fausse modestie pour de l’humilité! Les faux modestes se fâcheront face à la fierté légitime d’autrui.
Or, j’avoue avoir en sainte horreur la fausse modestie. C’est l’une des choses qui m’exaspèrent le plus au monde, davantage encore que la prétention. Je ne supporte pas la fausse modestie, ni de ma part ni de celle d’autrui.

Je dois avouer que la foi chrétienne qui m’est si chère a pu favoriser des versions perverses de l’humilité. Un article d’Aleteia pose correctement le problème : «Ces attitudes, bien que se présentant comme de l'humilité, peuvent en réalité cacher de l'orgueil, de l'amertume ou de la manipulation. L'humilité authentique, quant à elle, est une vertu qui implique une juste connaissance de soi, une acceptation de ses limites et une attitude de service envers les autres, sans chercher à se rabaisser ou à attirer l'attention sur soi. ». L’article détaille ensuite les trois plus fréquentes perversions de l’humilité :

La fausse humilité cache souvent de l'orgueil.
Peinture de Serguei Solomko (1855-1928)


1. L'humiliation excessive:
C'est le fait de se rabaisser constamment, de se considérer comme "nul" ou "sans valeur", parfois même en utilisant des expressions fortes et négatives pour décrire son propre être. Cette attitude peut être une forme de masochisme spirituel, où l'on cherche à se punir ou à se nier, plutôt que de reconnaître sa dignité en tant qu'être créé par Dieu. 

2. La fausse modestie:
C'est le fait de minimiser ses propres réussites ou qualités, non pas par véritable humilité, mais pour obtenir l'approbation des autres ou pour paraître plus "spirituel". Cette attitude peut être une forme de manipulation, où l'on cherche à susciter la compassion ou l'admiration en se faisant passer pour plus humble qu'on ne l'est réellement. 

3. L'auto-dépréciation:
C'est le fait de se dénigrer constamment, de se voir uniquement sous un angle négatif, et de ne pas reconnaître ses forces ou ses qualités. Cette attitude peut être le signe d'une faible estime de soi, d'un manque de confiance en soi, ou même d'une forme de colère refoulée. 

 
Tant à apprendre!

Finalement, l’article décrit les composantes de la véritable humilité :
  • Une juste connaissance de soi: Savoir reconnaître ses forces et ses faiblesses, sans pour autant se rabaisser ou se surestimer. 
  • L'acceptation de ses limites: Reconnaître que l'on est imparfait et que l'on a besoin de l'aide de Dieu et des autres. 
  • Une attitude de service: Se mettre au service des autres, sans chercher à se mettre en avant ou à obtenir des récompenses. 

  • La gratitude: Être reconnaissant envers Dieu pour ses dons et ses bénédictions. 

https://fr.aleteia.org/cp1/2020/11/12/lhumilite-une-vertu-qui-consiste-au-contraire-a-rester-dans-lombre/

L'humilité, c'est aussi respecter les formes de la vie, 
et ne pas volontairement faire de mal
à plus petit que soi.
Photo par Christine Yelle.


Un site laïc va dans le même sens avec des mots très justes :
«La fausse modestie est une attitude hypocrite où quelqu'un, sous couvert d'humilité, cherche en réalité à attirer l'attention ou obtenir des compliments. C'est une manière affectée de minimiser ses propres qualités ou réalisations, souvent dans le but de susciter une réaction positive de la part des autres. En d'autres termes, la fausse modestie est une tentative de paraître humble, mais avec un agenda caché, souvent lié à la vanité. 
Il ressort que la modestie consiste en montrer de la retenue dans l'appréciation de soi-même et de ses qualités. L'humilité, elle, n'est ni dans la surenchère, ni dans la retenue. Elle est justesse, vertu "de celui qui mesure tout ce qui lui reste à apprendre et le chemin qu'il lui reste à parcourir".»
(Fleur d’avocat, lettre #29)
 
Je suis pèlerin et j’ai tant à apprendre encore! Et non, je ne serai jamais bon en sports!
 
Pour poursuivre la réflexion :
https://www.passeportsante.net/fr/psychologie/Fiche.aspx?doc=modestie-difference-humilite
https://www.psychologies.com/Moi/Se-connaitre/Comportement/Articles-et-Dossiers/Etre-humble-ce-n-est-pas-etre-modeste

Sources des illustrations: Collection personnelle, Wikipédia (Domaine public, PD-US)

mercredi 2 juillet 2025

CATALOGUE DE MES OEUVRES MUSICALES. UNE INTRODUCTION POÉTIQUE

Catalogue de mes œuvres musicales.

Une introduction poétique. 

Il me fait plaisir de vous introduire au Catalogue de mes œuvres musicales. J'ai conçu ce catalogue pour que votre recherche soit simple selon ce que vous recherchez: musique pour instrument solo, musique de chambre, musique orchestrale, musique vocale et chorale, etc. 

C'est ici: 

Je vous invite à l'explorer et à aller à la découverte! Vous y trouverez non seulement des listes d'œuvres, mais encore des liens: audios, articles, partitions, etc. Bienvenue à vous! 

Mais tout d'abord, je vous introduis dans mon monde sonore, un monde qui marie...:
Sciences de la vie (écologie, botanique), 
Nordicité, 
Spiritualité 
et Neurodiversité.

PS. Non, je ne suis pas un spécialiste de musique sacrée. Lisez les titres de mes œuvres et vous le verrez bien. 


Esclave de mon rêve, libre de mes pas.
D'après Paolo Coelho, Manuel du Guerrier de la Lumière (1998)

1. Des milliers de pages

2. Suivre son étoile et apprendre toujours
3. Un pays à la fois familier et neuf
4. Résilience
5. Fenêtres ouvertes

Photo par Isabelle Champagne.

C’était un après-midi de printemps. Dans mon salon aux fenêtres ouvertes, je jouais une de mes pièces au piano – le premier Prélude du cycle «Terres et ciels». Une pièce pointilliste, sans mélodie, sans pâmoison romantique, sans mesure ni rythme pulsé. Des motifs en échos, des cloches qui tintent dans l’aigu au loin, des résonances mariant les harmoniques de notes éparses. À mille lieux de la pop… Sur le trottoir, un jeune homme passe. Il s’arrête et écoute. Je n’ai pris conscience de sa présence que lorsqu’il a dit, doucement : «C’est très beau». J’ai tourné mon regard vers lui et il a fait signe du pouce en haut. Ce jeune homme fut le sourire de cette journée. Il ne savait pas de qui était cette musique venue par hasard à ses oreilles, et c'est peut-être l'idéal que d'écouter tout simplement, sans préconçus, sans projeter, sans ruminer, jauger ou tenter de classifier. Juste écouter... 


Des milliers de pages

Des fois, il m’arrive de m’étonner de la quantité de musique que j’ai composée car, plus souvent qu’autrement, ce fut dans le silence et la solitude, à la manière de l’art brut! Ce fut aussi à travers d’autres activités qui forment une triade science-art-spiritualité cohérente dans ma vie. Quelques milliers de pages de musique, pour orchestre, chœur, instruments solos, petits ensembles, etc. C’est encore à découvrir même pour moi, car certaines des œuvres que j’affectionne n’ont pas encore été jouées: Gravures, Trois Fleurs des chants, Sonate liturgique...

Vous noterez que je mets des numéros d’opus, et vous vous demandez peut-être pourquoi. Il y a une raison pratique : ces numéros me permettent de classer mes partitions de manière ordonnée. Mais il y a une autre raison, plus subtile. Depuis que je suis enfant, j’entends des rumeurs de fin du monde, de catastrophes planétaires, d’apocalypse! Je suis conscient que de sombres nuages s’accumulent sur l’humanité. Mais donner des numéros d’opus signifie que j’ai toujours cultivé de l’espérance. En cette époque trouble, je veux en semer des graines. Il y a assez de Bonhommes Sept-heures comme ça! 


Suivre son étoile et apprendre toujours

Les Pléïades. Photo de la NASA
Domaine public, PD-US


Depuis que je compose, soit depuis l’âge de douze ans, je prends guide sur mon étoile. Toujours. Tout simplement. Rien ne m’en détourne, ni louanges ni incompréhensions. Je ne compose qu’une seule musique, je ne suis capable que de composer une seule musique, celle que m’inspire mon étoile. Cette musique exprime ma vision de l’art, de la vie, du monde - elle exprime celle de mon étoile aussi. On pourra y trouver des références, mais ces références se trouvent davantage dans les oreilles de qui écoute que dans les miennes. Ce ne sont là que l’écume à la surface de l’eau et, donc, c’est de peu d’importance. J’ai bien peur que mon étoile ne soit singulière, tout comme je me dois d’admettre être une personne «un petit peu spéciale» - le seul fait d'être autiste me place déjà dans un groupe représentant moins de 2% de la population québécoise, et le profil Asperger qui est le mien ne représente à son tour que 15% de ce 2%: j'ai gagné à une curieuse loterie! Mais je ne cherche jamais à faire original ou audacieux ou accessible ou hermétique ou provocateur ou que sais-je. Je ne fais que garder cap sur mon étoile, et apporter une beauté peut-être étrange en ce monde qui a grand besoin de beauté.

Voir: https://antoine-ouellette.blogspot.com/p/qui-suis-je.html

Suivre son étoile ne dispense toutefois pas du travail. C'est curieux à dire mais j'ai beaucoup appris des sciences pour concevoir ma musique - venu des sciences, il arrive même que je sois perçu comme un «outsider». Mais j'ai autant appris de mes études en musique à l'université. Ce ne fut toutefois pas selon une linéarité académique. Ces études m'ont donné d'apprendre comment transcrire concrètement ma musique intérieure. J'apprends toujours. Vous ne pouvez pas savoir la joie que j’ai à travailler avec des musiciens, à discuter avec eux et, oui, à apprendre d’eux.


Un pays à la fois familier et neuf

J’offre de l’eau de source, non des cocktails colorés et «énergisés». Peut-être que cela me vient de ma passion pour la nature – je suis biologiste après tout. Plusieurs titres de mes œuvres font référence aux formes vivantes (notamment végétales) et aux forces de la Terre: Bourrasque, Perce-neige, Fougères, Joie des Grives, Rivages, Florale, Le Trille ondulé, Roseraie... Mon univers sonore puise dans l’environnement, et le thème de la spiritualité y est aussi bien présent (Missa feminina, le cycle Triduum, L'Amour de Joseph et MarieUne Messe pour le Vent qui souffle...). Mais je ne suis pas visuel du tout : je ne vois aucune image quand je compose – je vous laisse libres, vous, d’en voir. Au fond, ma matière première est musicale. Je raconte des «histoires musicales» dans lesquelles les principaux personnages sont la mélodie (un fil d’Ariane dans mes compositions) et le rythme (je sculpte le temps). 

Je tiens à cacher l’art par l’art. Je sais que la pièce sur laquelle je travaille est achevée lorsqu’elle sonne fluide à mes oreilles. De fait, on me dit souvent qu'à l'écoute, ma musique est «simple». Et pourtant! Il m’est souvent arrivé qu’un interprète s’attendant à rencontrer une partition aisée à jouer soit déstabilisé lorsqu’il l’examine de proche. À ce qu'on m'a dit: plein de détails, des rythmes «particuliers», des harmonies dont on sait si elles sont anciennes ou nouvelles, une armure avec un Sol dièse plutôt qu’un Fa dièse, des pièces entières sans un seul chromatisme, des signes de notation inhabituels qui suggèrent que cette musique «simple» est bel et bien «contemporaine», une musique «zen» qui exige un grand engagement physique, etc. C'est comme en ces mots de saint Augustin qui me représentent bien : 


«Rien de plus connu, rien de plus familier.
Et pourtant, cela même se dérobe :
un pays neuf à découvrir»
(Les confessions. Livre XI).

Un pays neuf ou, peut-être, l’air d’une autre planète – la Terre!  

Sur ma «manière»:

Résilience
En randonnée en Occitanie.

Autiste de type Asperger, j’ai traîné des symptômes troublants d’un syndrome de stress post-traumatique sévère causé par une longue période de violence physique et psychologiques subie à l’école. Après trente ans de souffrance silencieuse, une aide providentielle m’a permis de me débarrasser d’une grande partie de ce lourd bagage. Je ne me plains pas, car je possède une candeur qui me permet toujours de m’émerveiller facilement et de savoir rendre grâce. Cela fait tout simplement partie de mon expérience de vie. Depuis plusieurs années, j’aide à mon tour et humblement des gens éprouvant des troubles mentaux. J’imagine que cette expérience apporte une touche de couleur particulière à ma musique en général, et à certaines œuvres en particulier (L’Esprit envoûteur, Roseaux, Musica autistica…).

Pendant de nombreuses années, composer était pour moi un jardin secret. J'ai commencé à composer à l'âge de 12 ans alors que je subissais de l'intimidation scolaire. Ainsi, je me créais une oasis en marge de la violence. Peut-être était-ce une forme intuitive de musicothérapie. Ce n'est que vers la fin de ma vingtaine, et par un étrange concours de circonstances, qu'une de mes pièces a été jouée dans un concert public pour une première fois: Paysage, pour quatre pianos. Terminée en 1987, je considère cette œuvre comme la première où ma manière est aboutie. Je n'ai toutefois pas renié les pièces qui l'ont précédée, du moins j'en ai conservé une dizaine dans mon catalogue (après les avoir retouchées un peu ou beaucoup: Bonheurs, Suite celtique, Sonata Angelica, Solitudes...). Je connaissais déjà mon étoile, mais avec Paysage j'avais enfin acquis les moyens de la suivre en tout chemin. 

Je précise en passant que jamais on ne m’a fait de cadeau en raison de ma différence – bien au contraire, certains ne m’ont pas fait de quartiers! Je suis malheureusement loin d’être la seule personne autiste à avoir porté de tels traumatismes. Les programmes d’équité, diversité et inclusion (ÉDI) ne semblent pas considérer que l’autisme est une «bonne» diversité… De toute façon, je désire que ma musique soit écoutée pour ce qu’elle est en elle-même. 

Je suis plutôt pacifique mais néanmoins mon aventure créatrice, avec la part d’abnégation et de persévérance qu’elle a impliquée, me révèle qu’au fond j’ai l’âme d’un guerrier, un guerrier de Lumière (j'espère!).


Fenêtres ouvertes

En kayak près de Sainte-Anne-de-Sorel. 

Je ne sais pas quels échos a ma musique. Encore moins quels échos elle aura. Je ne vis pas en reclus. J’ai une vie sociale – à ma mesure, bien que je sois un «athée politique». De mon époque, je profite de certaines choses qu’elle offre, mais j’en délaisse tout autant. Sans regret, j’ai un pied dedans et un pied dehors. En vérité, je ne comprends pas qu’on puisse avoir les deux pieds dedans (ni d’ailleurs de les avoir complètement dehors). J’ai toujours eu une impossibilité d’adhérer totalement au monde, celui d’hier, celui d’aujourd’hui, celui de demain. Alors ne vous étonnez pas : tout comme moi, ma musique a un pied dedans et un pied dehors. Pour ce que j’observe autour de moi, j’ai la conviction que c’est un signe de santé.

Quelquefois, lorsque mes fenêtres sont ouvertes, il arrive que quelqu’un passe les oreilles ouvertes et dise «Que c’est beau!», et mon bonheur est fait. 



Photos: Collection personnelle et Wikipédia pour la photo de la NASA.